Le développement
et les constructions de la ville d'Alger jusqu'en 1960
(deuxième partie)
par Georges Mercier
La métamorphose
La France avait donc pris pied sur El Djezaïr
" la barbaresque " depuis une décade et demie. A n'en
pas douter les aménagements du port et du quartier de La Marine
en basse Casbah formaient l'embryon d'un développement qui allait
s'accélérer par nécessité tant vers l'est
que vers l'ouest.
En effet, accrochée à la colline et emmurée depuis
des siècles, la Casbah ne pouvait s'adapter à une société
moderne à l'européenne.
La ville indigène n'était qu'un labyrinthe de ruelles tortueuses
et étroites toutes en pentes et en escaliers que seuls les piétons
et les petits ânes " de service " pouvaient emprunter.
D'ailleurs deux siècles après, elle demeure toujours dans
son état typiquement pittoresque.
Si le règne de Louis-Philippe fut relativement court, un "
plan général d'alignement " avait été
partiellement adopté le 10 décembre 1846.
Ce plan manquera toutefois d'ambition car il se limitait aux tracés
des " nouveaux remparts " prévus par le général
Charras. Une première extension vers l'est à partir de la
" place Royale " devait ouvrir des rues commerçantes
et des places de marchés comme la place de Chartres et la place
du Soudan.
La Djenina avait été partiellement ravagée par un
incendie en 1844. Aussi décida-t-on d'y faire une trouée
pour y créer une rue commerçante sous arcades qui reçut
le nom devenu célèbre de " rue
Bab-Azoun ".
Les chantiers ne cessaient de s'activer. Le baron Baude écrira
que les travaux s'effectuaient " dans une poussière suffocante
qui obscurcissait les rues ".
Rien ne pouvait être laissé en attente, et il fallait bien
nettoyer ou remplacer les anciennes canalisations d'eau en terre par de
la fonte. On en profitera pour implanter un sérieux réseau
d'égouts. M. Guiauchain architecte des bâtiments civils et
le baron Voirol vont décider d'imposer une unité architecturale
par une rédaction précise des règlements de voirie
édictés par l'Intendant civil (Les
premiers maires n'exerçaient que des fonctions d'état civil.
C'était l'intendant civil qui administrait, et ce n'est que le
28 juillet 1847 que toutes prérogatives furent dévolues
aux maires.). Et c'est ainsi que les nouveaux immeubles allaient
être pourvus au rez-de-chaussée de galeries " à
couvert " avec arcades en façade sur chaussées. Directives
destinées à abriter le public et permettre l'installation
de commerces pour faire vivre la ville, tout en assurant le brassage de
la population. Les premiers éclairages publics par lampadaires
à huile apparurent en 1846 sur la place Royale (
Du temps des Ottomans il n'existait aucun éclairage public. Les
habitants se déplaçaient la nuit à l'aide de "
ballons vénitiens " teintés attachés au bout
de bâtons. Un arrêté administratif du 11 juillet 1830
obligea chaque demeure à être pourvue d'une de ces lanternes..)
système Bardet et Marcet. Ils seront remplacés six ans plus
tard par les fameux " bec de gaz " et en février 1852
la rue de La Marine en fut la première pourvue. On allait très
vite !
La grosse activité de la construction avait remis en exploitation
une ancienne carrière turque qui entamait au nord-ouest la colline
de la Bouzaréah. Prenant le nom de son propriétaire la "
carrière Jaubert " fournissait une pierre dure appelée
" pierre bleue " en raison de sa teinte. Aux yeux du public
elle était une garantie de solidité et de sécurité.
Tout immigrant y trouvait un travail immédiat. Ces derniers, en
majorité espagnole de la région de Valence ou de l'île
de Mahon devaient donner lieu à un nouveau quartier cosmopolite
de Bab-el-Oued
auquel on prêtera le nom de " La Cantera " (la carrière)
ou encore " la Basseta " (la partie basse de la ville). Les
hommes travaillaient à la carrière ou au port, et les femmes
trouvaient facilement à se faire embaucher chez " Bastos "
ou " Job " comme cigarières. Ce quartier allait plus
tard au xxe siècle donner une dimension méditerranéenne
vivante et colorée d'Alger avec ses odeurs de cuisine, de café,
de kémia, d'anisette et de " brochettes à toute heure
". Tout un petit monde dur à la besogne et fier, composé
d'un mélange de Français au patois provençal, de
Valenciens, d'Italiens, de Maltais et d'Arabes. Chacun ayant apporté
ses expressions, les us et coutumes de ses origines, ses règles
de l'honneur, et tout cela dans une joie de vivre ensemble dans ce quartier.
Ce petit monde donnera lieu à un langage imagé et truculent
" le pataouète " qui inspirera plus tard Gabriel Robinet
alias " Musette " pour son personnage "
Cagayous ", ainsi qu'Edmond Brua qui écrira "
La parodie du Cid ", et enfin la " Famille Hernandez "
de Geneviève Baylac dans les dernières années de
l'Algérie Française.
Ce quartier devait aussi inspirer les croquis de Charles Brouty et de
l'humoriste-dessinateur Assus, et d'autres peintres ou romanciers. Le
n° 82 de l'algérianiste a publié un texte de Marcel
Laffont sur " Musette et ses héros ". Babel-Oued qui
s'étendait donc au nord-ouest du boulevard de Verdun (anciens remparts)
était desservi par les rampes Valée, l'avenue de la Bouzaréah
et l'avenue Malakoff, puis le boulevard de Champagne qui allait desservir
l'hôpital Maillot (militaire). Encore plus loin c'était les
cimetières et en continuant la commune de
Saint-Eugène.
En métropole cependant, les évènements se précipitaient
avec la révolution de 1848 et l'abdication de Louis-Philippe. Ces
événements devaient entraîner une émigration
de peuplement vers l'Algérie, " terre promise " pour
de nombreux miséreux et révoltés ( L'épopée
des misères de ces colons a été racontée par
Alain Lardiller sur la revue l'algérianiste n° 65 de mars 1994,
par Marie-Jeanne Groud sur le récit du Premier convoi de 1848 au
n° 86 de juin 1999, et par Eugène Grand au n° 102 de juin
2003, ainsi que sur l'extrait du Prix algérianiste sur le n°
106 de juin 2004.).
Louis-Napoléon Bonaparte élu à la présidence
de la République le 10 décembre 1848 proclamera l'Empire
le 2 décembre 1852.
Tout devait s'accélérer à Alger. Le Second Empire
allait insuffler un nouvel essor à la ville, bien que le pays fût
encore loin d'être pacifié.
Toutefois le patrimoine berbéro-ottoman de la ville n'avait pas
du tout échappé aux autorités. De sorte que sera
créée une " Inspection générale des monuments
historiques " sous la houlette du maréchal Randon. (
À quarante ans de là, ce service deviendra le Corps des
monuments historiques comme en métropole. S'y illustreront des
architectes tels que Boeswillwad, Edmond Duthoit, Albert Ballu et Pierre
Guiauchain.)
L'ère économique et industrielle qui se développait
en Europe devait franchir la Méditerranée. La ville de Dakar
avait été fondée en 1854 et dans le cadre de l'ère
coloniale anglo-française on parlait de plus en plus du percement
du canal de Suez aux perspectives économiques prometteuses. Le
maréchal Randon se rendit en 1856 à Paris auprès
de Napoléon III afin d'accélérer l'essor du pays,
d'autant plus que les ambitions et les volontés d'entreprendre
ne manquaient pas. Par exemple, et déjà à cette époque,
une société de lettres et des Beaux Arts créée
en 1848 avait l'ambition de devenir une " académie ".
Côté médecine et chirurgie l'hôpital civil de
Mustapha avait tout juste un an et l'on y préparait la création
officielle de " l'Ecole supérieure de médecine "
dont la rentrée solennelle aura lieu le 10 novembre 1859.
En économie et commerce le trafic portuaire était en pleine
croissance ( La première ligne
maritime Alger-Marseille date de 1841. Par son trafic le port d'Alger
allait atteindre le troisième rang des ports français en
1924, juste après Rouen et Marseille. L'extension de l'arrière-port
de l'Agha se fera en 1892 et son complet achèvement interviendra
en 1912. Les aménagements les plus modernes ne cesseront jusqu'en
1950. Revues n° 34 et 35 de 1986 (articles de M. Nocchi) et n°
51, 52, et 53, 73, 86 et 99 (articles de MM. Scotti et Poutensan).).
Il fallait encore d'autre part la développer pour assurer la liaison
avec les autres ports de la côte algérienne et constituer
les débouchés de l'arrière-pays. La construction
d'une gare sur les quais du port s'imposait et les premiers travaux de
terrassement de la voie de chemin de fer Alger-Blida débutaient
en 1858. La ligne sera inaugurée dans un climat enthousiaste le
15 août 1862 par le maréchal Pelissier, duc de Malakoff et
ministre de l'Algérie. Ce qui permit à Théophile
Gautier une belle description de ces réjouissances.
La gare
du port d'Alger sera presque achevée en 1865. Ces travaux devront
se poursuivre après la chute du Second Empire de 1870 à
1914. Interrompus pendant la Grande Guerre, ils reprirent en 1922 avec
la construction de l'avant-port et des deux bassins du Hamma et de Mustapha.
Mais revenons aux projets de 1858.
On parlait beaucoup à Alger d'une prochaine visite de Napoléon
III. Aussi deux études d'un développement du port et de
la ville furent élaborées en 1858. L'une par les architectes
Vigouroux et Caillot, et l'autre par un cousin germain du peintre orientaliste
Théodore, Charles-Henri-Frédéric Chasseriau. Ce dernier
nommera respectueusement son projet "Napoléon-Ville"
qu'il signera toutefois sous sa qualité d'ex-directeur des travaux
publics de la ville de Marseille. La ville ancienne étant respectée.
Le projet était ambitieux car il ouvrait de larges voies et boulevards
bordés d'immeubles d'inspiration et de style très haussmannien.
Chasseriau écrira " Pour nous il nous faut de l'air et du
soleil, des boulevards plantés d'arbres et des rues à galeries
couvertes "...On croit à une description d'une rue de Paris
comme la rue de Rivoli.
Le décret du 12 mai 1860 devait ordonner l'exécution du
projet.
La ville fut autorisée à traiter " l'assiette "
des boulevards et ses soutènements à arcades avec une entreprise
anglaise dirigée par Sir Morton Peto après adjudication.
Les travaux seront exécutés sous la direction du Génie
et sous contrôle des Ponts et Chaussées.
La " première pierre " bénie par Mgr Pavy, évêque
d'Alger, sera posée par l'Impératrice Eugénie le
19 septembre 1860, et le boulevard
du front de mer prit le nom officiel de Boulevard de l'Impératrice.
Après la chute du Second Empire il sera débaptisé
pour devenir le " boulevard de la République " et sera
prolongé par le boulevard Carnot. Napoléon III devait revenir
en 1865 et aura l'occasion de voir l'achèvement des travaux sur
plus d'un kilomètre et demi. Le boulevard était relié
au port et à la gare par des rampes et escaliers. Les emplacements
de deux ascenseurs
étaient prévus.
Depuis la mer, " Alger la Blanche " avait désormais son
aspect définitif.
Ces travaux furent une totale réussite compte tenu d'une dénivellation
de plus de 20 m ( En 1830 les falaises
de bord de mer tombaient à pic d'un dénivelé d'une
vingtaine de mètres.) par rapport aux quais. Le boulevard
était non seulement une voie majeure de front de mer, mais l'architecte
l'avait bâtie en créant sous cette voie d'immenses entrepôts
et magasins pour les compagnies maritimes et les commerces divers qui
s'ouvraient face au port et sur le large. De plus les liaisons étaient
directes avec les voies de chemin de fer. Les rampes
(Chasseloup- Laubat et Magenta) construites en liaison avec le port n'avaient
qu'une faible pente à 3% propre à être empruntées
par les véhicules hippomobiles. Elles seront achevées en
1864 et 1866.
Le " front de mer " restera dans bien des mémoires comme
un superbe balcon face au Levant, la mer et au permanent spectacle du
port.
Si le projet de Chasseriau était passé à exécution
en 1860, on n'en retint pas moins les idées des projets concurrents
de Mac Carthy-Genevey et de Vigiuroux-Caillot.
Ces projets tenaient compte de l'accroissement de la population européenne.
Cette dernière allait d'ailleurs prendre de l'ampleur avec la crise
du phylloxéra en métropole qui poussait de nombreux viticulteurs
vers l'Algérie où les vignobles étaient composés
de " plans américains ". Cette émigration devait
encore s'intensifier après la chute du Second Empire en 1871 et
la naissance de la Hie République, avec les Alsaciens-Lorrains
désireux de venir en Algérie se refaire une vie en restant
Français ( Il y eut même
des villages entiers de familles d'Alsaciens-Lorrains regroupés.
Revues l'algérianiste n° 52, 53 et 73 (texte de M. Scotti).).
Tout allait très vite. Le premier tramway était inauguré
en 1876 et le plan Freyssinet devait accroître le réseau
ferré alors que la Chambre de commerce prenait en main l'équipement
du port.
Vers 1875 la ville comptait déjà 75000 habitants et il était
urgent de réserver des emplacements privilégiés pour
les édifices de premier ordre, qu'ils soient administratifs, civils,
commerciaux ou universitaires. L'emballement de la construction sous le
Second Empire avait grandement été inspiré par le
style haussmannien qui transformait Paris à cette époque,
au point que dans certains quartiers on aurait pu se croire à Paris.
Cet élan sera encore accéléré avec la révolution
industrielle et économique de l'Europe, mais aussi par les perspectives
commerciales qu'allait offrir la récente ouverture du canal de
Suez, inauguré en 1869. En effet la mer Méditerranée
n'allait plus être une mer fermée. Alger, Philippeville et
autres villes allaient être des étapes de mi-parcours pour
tous trafics commerciaux et militaires. De sorte que sur la fin du XIXe
siècle, l'Algérie recevait une immigration de plus en plus
qualifiée et motivée.
Un engouement " d'orientalisme " était même observé
chez certaines personnalités du monde littéraire, musical
et journalistique. Et Victor Hugo en avait déjà produit
un avant-goût avec ses " Orientales " en 1829. Le peintre
et écrivain Fromentin qui avait séjourné en Algérie
de 1852 à 1853 en produisant quelques oeuvres. Même Jules
Verne visitera le pays en 1878 et 1884. D'autres écrivains de renom
furent aussi séduits par le charme du pays comme Flaubert, A. Daudet,
Maupassant etc, et plus tard (M. Georges-Pierre
Hourant illustrera les revues n° 40 sur A. Daudet, n° 69 sur P.
Lotti, n° 100 sur V. Hugo) Pierre Loti. Cette séduction
orientaliste devait également gagner des musiciens de talent tel
que Camille Saint- Saëns qui s'attacha au pays et mourut à
l'hôtel de l'Oasis (square Bresson) en 1921. Le boulevard "
Bon accueil " prit son nom après sa mort (La
vie de C. Saint-Saëns nous est relatée sur la revue n°
37 de mars 1987 par Jeanne Guion de Méritens.).
D'autre part la luminosité et l'atmosphère limpide des paysages
devaient séduire beaucoup d'artistes peintres, lithographes et
dessinateurs comme Delacroix, Fromentin, Th.
Chassériau, E. Guillaumet, E. Deshayes, E. Dinet, P.
Lazerges, Horace Vernet, Etienne Billet et bien d'autres. Ces artistes
nous laisseront des témoignages merveilleux de cette époque
qu'il est toujours doux de parcourir en feuilletant de beaux albums ".
(Les merveilleux albums de Marion Vidal-Bué et de Georges Hirtz
à consulter.)
Certaines familles illustres s'installèrent à Alger, telle
la famille Lung, dans un immeuble du square
Bresson près de l'Opéra et du grand café
le Tontonville.
De l'autre côté de l'entrée et sur l'axe du square
se trouvait la place de la République et surtout l'Opéra
municipal d'Alger inauguré en 1853, incendié vingt ans après,
reconstruit à l'identique pour l'extérieur.
A citer également M. Laperlier, célèbre collectionneur
qui livra au Louvre une grande partie de sa collection et qui prit sa
retraite à Alger en laissant son nom à
une voie montant d'Alger à El-Biar.
Le courant " orientaliste " avait été grandement
influencé par les précieux relevés d'architecture
et éléments décoratifs de l'art berbéro-turc
exécutés par le " corps des monuments historiques "
dont les chefs de file furent Bonnaventure
Amable Ravoisié et son confrère architecte et successeur
Pierre Auguste Guiauchain, ainsi qu'Edmond Duthoit qui organisa de nombreuses
expositions tant à Paris qu'à Alger, et enfin Albert Ballu
architecte qui poursuivra cette mission en 1889 aux " monuments historiques
".
Le patrimoine de l'Algérie allait être en grande partie sauvegardé.
Certains particuliers avaient même pris des initiatives de construire
en adoptant un style oriental comme la famille Tabet-Cohen qui avait fait
bâtir le " Palais
Oriental " de 1857 à 1864 dans un style néo-mauresque
au 46 de la rue Marengo ou au 16 de la Rampe Valée.
Dans le cadre de la politique coloniale de la France de cette époque
l'art mauresque ou musulman sera exprimé lors des " expos
" de 1885 et 1886 à Paris au " Grand Palais ", puis
en 1900 et 1906 à Marseille.
Reconnaissons toutefois que ces louables efforts de représentation
de l'art mauresque resteront sans grand effet dans une métropole
et une Europe qui s'ouvraient à de nouveaux matériaux (verre,
métal) entraînant des formes nouvelles d'expressions architecturales
et industrielles animées par de nouvelles énergies (vapeur,
électricité) le béton n'apparaîtra qu'à
l'exposition de 1900. Toutefois en cette fin du xixe siècle un
engouement local du style " mauresque " devait gagner une petite
communauté britannique que l'on nomma vite les " hiverneurs
" ( La présence de cette
petite colonie britannique à Alger coïncidait toutefois avec
les rivalités coloniales entre l'Angleterre et la France à
la charnière des deux siècles.). Installés
à Alger pour la douceur de son climat propre à soigner quelques
tuberculoses pulmonaires, terrible maladie de cette époque, ces
familles anglaises de condition aisée s'y étaient fermement
établies. Elles avaient même leur clinique le " British
Cottage hospital " et leur cimetière au
boulevard Bru ainsi que leur lieu de culte aux abords du Palais
d'Eté. Cette communauté avait aussi un hebdomadaire: The
Algerian Avertiser. Le bon goût anglais de l'habitat devait conduire
à la révélation d'un style qui allait incontestablement
marquer Alger et ses environs. Installée à Mustapha Supérieur,
entre le Palais d'Eté et les hauteurs de la ville, cette communauté
avait été séduite non seulement par le site mais
aussi par l'architecture néo-mauresque que l'architecte Georges-Adrien
Auguste Guiauchain avait créée sur les côteaux
de Mustapha et à El-Biar pour certains hiverneurs, comme la belle
demeure de John Bell, le Palais de Mustapha Raïs qu'il avait restauré
de belle façon. Guiauchain réalisera aussi de 1887 à
1889 un orphelinat pour jeunes filles sur les restes d'une résidence
turque que son fils Jacques devait d'ailleurs transformer plus tard en
1927 en "
hôtel Saint-George "...
Les Britanniques devaient alors faire venir d'Angleterre un architecte
de talent, Sir Bucknall qui, effectivement, fut séduit par ce style
qu'il adapta au mode de vie de ses commanditaires fortunés. Aussi
en cette fin xixe siècle Mustapha Supérieur était
devenu un immense jardin parsemé de somptueuses villas telles que
les villas Arthur, Marèse, celle du riche américain Macklay,
celle de Savorgnan de Brazza ou encore la superbe villa Montfield au dessus
de la villa des Glycines au chemin Beaurepaire à El-Biar.
A citer aussi à El-Biar la " Villa des Oliviers " où
résidèrent les plus grandes personnalités pendant
la seconde guerre mondiale.
Sir Bucknall joua si bien de ce style qu'il y laissa sa marque pour de
nombreuses réalisations, et un charmant chemin ombragé à
El-Bi a r qui portera son nom. Bien des couples d'amoureux s'en souviendront.
L'entreprise Vidal et ses descendants pratiqueront ce style avec bonheur,
ainsi que quelques architectes algérois.
En cette fin du xixe siècle l'urbanisation de la ville devenait
préoccupante au plus haut point. Les municipalités successives
n'avaient cessé de réclamer la cession de terrains du domaine
militaire sans grand résultat. Aussi las d'attendre le député
Paul Bert, s'appuyant sur la loi du 20 décembre 1879 concernant
l'enseignement supérieur réussit à faire adopter
le choix du " champ de navets " pour construire l'Université
que l'on projetait depuis des années. Il s'agissait d'un terrain
très en pente sous le " chemin
" du Télemly (ancien aqueduc qui servait au maraîchage).
Plans et chantier furent ordonnés. Il en sortit un énorme
bâtiment de style néo-classique de 120 m de long par 12 m
de large avec quatre ailes perpendiculaires de 32 sur 9. Inauguré
le 13 avril 1887 par le gouverneur Tirman, il regroupait médecine
et recherches, le droit, sciences et lettres, et bien d'autres services
s'y rattacheront au long des années.
Sa reconnaissance arrivera plus tard en 1909, et dans le langage courant
il reçut le nom de " Facs
". Son destin restera attaché aux événements
de la fin de l'Algérie française (
Les " Facs " seront le théâtre de la " journée
des dupes " du 13 mai 1958, puis des " barricades " du
24 janvier 1960, l'algérianiste n° 38 de juin 1987, n°
105 de mars 2004, n° 106 de juin 2004, n° 107 de septembre 2004.
D'autre part M. J. P Fillard a écrit l'histoire des Facs dans la
collection Mémoire d'autrefois.).
Toujours par nécessité d'équipements indispensables
à une population dont le niveau d'évolution ne cessait de
croître, il était décidé en 1889 de bâtir
un Palais Consulaire. Son emplacement fut choisi entre les deux mosquées
de la place du Gouvernement. Un choix malheureux car de style néo-classique
d'aspect massif et même disgracieux, il s'interposait entre les
deux mosquées en cassant l'harmonie de l'ensemble.
En 1891 une convention avec l'autorité militaire était enfin
passée pour la cession d'environ 35 ha ce qui allait permettre
la création de deux quartiers, celui de Bab-el-Oued et celui de
la nouvelle préfecture ainsi que l'achèvement du quartier
d'Isly.
Restait encore en négociation la cession d'une soixantaine d'hectares
au Champ-de-Manoeuvre, dont cinq seulement furent cédés.
La totalité des cessions ne devaient intervenir que trente cinq
ans plus tard.
Entre temps dans le quartier du Hamma on édifiait l'institut Pasteur
dans l'alignement du Jardin
d'Essai. Créé en 1894 par les docteurs Trolard
et Soulié, et les docteurs Roux et Calmette, élèves
de Pasteur, cet institut devait faire autorité dans la pathologie
de l'Algérie et des maladies tropicales.
Après l'édification des " Facs ", les fossés
et remparts du général Charras ne servaient plus à
rien. Ils devenaient même un obstacle à l'extension de la
ville. Aussi décida-t-on en 1897 de les démolir ainsi que
la
Porte d'Isly qui ne le sera qu'en 1905.
Le XIXe siècle s'achevait pour " Alger la Blanche " sur
de solides perspectives.
(A suivre)
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