C / LES VILLAGES DE
COLONISATION
On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959,
Djelfa et Tablat
avaient été d'abord de simples villages de colonisation.
Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas,
et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été
créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages
européens entre 1848 et 1924.
Leur répartition régionale est éloquente : aucun
dans l'Atlas saharien des monts Ouled-Naïl
3
sur les hautes plaines
21
dans l'Atlas tellien, plutôt au nord qu'au sud
Sur ces 21 villages telliens, 7 sont proches de Médéa
5
sont dans la plaine des Aribs
3
sont alignés sur la RN 1 dans la vallée de l'oued Akoum
6
sont plus isolés, à l'écart des axes majeurs des
RN 1 et RN 8
2 / Sous le second
empire : BERROUAGHIA
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C'est un centre romain disparu et recréé
par les Français |
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Ce n'est pas une vraie ville, mais c'est
plus qu'un village de colonisation |
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C'est le siège d'une
CPE , commune de plein exercice, et d'une CM |
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Dans cette commune mixte il y eut 4 villages
de colonisation |
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En 1948 la population agglomérée
au chef-lieu était de 3 673 habitants |
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En 1954 la CPE avait 10 464 habitants
dont 953 européens |
L'origine du nom
Berrouaghia est le nom arabe désignant l'asphodèle (berrouagh)
augmenté de la désinence "a" si fréquente
dans les toponymes algériens. Berrouaghia est donc la cité
des asphodèles.
Il est clair que ce nom a été utilisé
bien avant l'arrivée des Français ; et sûrement avant
l'arrivée des Turcs au XVIè siècle. Mais dans l'antiquité
pré-islamique le nom utilisé par les Romains paraît
avoir été Tirinadi. J'ignore s'il s'agit d'un nom latin
ou berbère. Notons que sur les premières cartes (1851) Berrouaghia
est orthographié Bérouaguia.
L'origine du centre actuel
Elle est française sans aucun doute, même si ce n'est pas
une création tout à fait ex nihilo. En effet il y avait
en 1830 une petite garnison turque. Mais il ne semble pas qu'une cité
ait existé auprès de ce camp militaire. De toute façon
quand les Français sont passés là pour la première
fois en 1840 ou 1841 les Turcs avaient levé le camp depuis longtemps.
Le site était habité par des tribus semi-nomades makhzen
non agglomérées dans un centre urbanisé. La création
décidée par Napoléon III a succédé
à un village romain dont il ne restait que quelques pierres éparses
et à un camp turc dont il ne restait rien de solide.
Berrouaghia avant les Français
Sur Berrouaghia avant les Romains je ne sais rien. Et je n'en dirai pas
davantage.
Sur Berrouaghia sous les Romains je ne sais pas grand-chose, mais je dirai
tout.
Il est certain qu'une voie romaine fut tracée entre
Caesarea, capitale de la Maurétanie césarienne et la villa
d'Auzia (Aumale)
dès le premier siècle après Jésus-Christ.
Cette voie qui était l'axe majeur de déplacement des légions
entre l'est et l'ouest, passait par Auzia (Aumale), Rapidum (Masqueray)
et le futur Berrouaghia.
Il est vraisemblable qu'une petite cité romaine ait été
établie en ce lieu puisqu'on a trouvé dans le village français
quelques grosses pierres bien taillées et gravées. Cette
cité était modeste car on n'aperçoit à Berrouaghia
aucune ruine grandiose : ni thermes, ni théâtre, ni temple,
ni forum
Il est seulement probable que le nom de cette cité
ait été Tirinadi.
Il est tout à fait certain que les Romains ont installé
au IIè siècle, sans doute sous Hadrien (117-133), un camp
militaire auquel fut associée une colonie de vétérans.
Ce camp était situé un peu à l'est du Berrouaghia
actuel : son nom était Thanaramusa castra.
Tirinadi et Thanaramusa sont donc deux centres proches, mais distincts.
Sur les vicissitudes de ces deux centres à partir
des troubles du IVè siècle, je ne sais rien. Il est probable
que le site fut pillé et abandonné à cause de l'insécurité
due aux révoltes des Donatistes ou des circoncellions. Les Vandales
sont sûrement passés par là en suivant la voie romaine
qui les conduisit en 10 ans (429-439) de Gibraltar à Carthage.
Je doute que les Byzantins y soient venus.
A l'époque des invasions hilaliennes ils avaient disparu. Les annales
permettent d'affirmer que la région a été intégrée
aux royaumes ziride jusqu'en 1014, puis hammadide jusqu'à sa conquête
par les Almoravides vers 1080. Mais aucun nom correspondant à Berrouaghia
n'y figure. Ensuite la région vit passer tous les conquérants
venus de l'est ou, surtout, de l'ouest.
Berrouaghia refait surface après la conquête
ottomane. En 1548 le site est intégré au nouveau beylik
du Titteri. Le bey réside à Médéa
à une trentaine de kilomètres à peine de Berrouaghia
où vivent des tribus classées par les Turcs dans le Makhzen
supérieur et chargées de surveiller les tribus raïas
soumises à tous les impôts. Ces tribus sont dévouées
à proportion des privilèges obtenus et de la crainte des
troupes régulières. Les Turcs ont aussi créé
une smala de soldats indigènes " professionnels " payés
par l'octroi de terres à l'endroit où la France créa
un pénitencier agricole. Le bey y avait aussi un vaste domaine
avec terres azel (cultures) et azib (pâtures) pour les bivouacs
des troupes en campagne, placé sous la responsabilité d'un
ou plusieurs caïds.
Berrouaghia sous les Français 1841-1860-1962
Avant de s'installer durablement les Français sont passés
et repassés par ce site de nombreuses fois entre 1841 et 1860.
Il s'agissait de Français en uniforme le plus souvent accompagnés
de troupes auxiliaires indigènes indispensables pour le renseignement
et les entretiens en arabe.
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1841, en mai,
c'est Baraguay d'Hilliers qui était à la poursuite
du khalifa El Berkani et qui trouva en ruines l'arsenal qu'Abd el-kader
avait fait aménager à Boghar.
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1843,
en mai, c'est le duc d'Aumale qui avait appris que l'émir et
sa smala se déplaçaient sur les hautes plaines au sud
de Boghar. Il a d'ailleurs trouvé la smala à Taguine,
mais pas l'émir. |
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1844,
en mai encore, c'est Marey-Monge, polytechnicien, agha des Arabes
depuis 1836 et bientôt commandant à Médéa,
qui partait pour Laghouat. Marey-Monge n'était encore que colonel.
Il obtint sans combattre la soumission du cheikh de cette oasis saharienne. |
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1852,
en novembre, c'est le général à titre indigène
Yusuf, qui s'en allait,
avec d'autres généraux, conquérir l'oasis de
Laghouat révoltée. Au passage Yusuf avait créé
le camp de Djelfa. Il est très probable qu'un relais militaire
du même genre avait été créé aussi
à Berrouaghia ; et confié peut-être déjà
à la garde d'un escadron du 1er spahi car Berrouaghia fut la
garnison habituelle de cet escadron dépendant de Médéa.
Et de 1852 à 1860 ce fut une noria de soldats et de rouliers
qui transitèrent par Berrouaghia pour aller ravitailler ou
relever les soldats et les civils qui tenaient les caravansérails
échelonnés tous les 25 à 35 km tout au long de
la piste jusqu'à Laghouat. Il est presque sûr que des
civils aventureux vinrent s'établir près du camp pour
profiter de la clientèle des soldats, comme auprès de
tous les camps militaires ; et qu'ils sollicitèrent la création
d'un centre officiel de colonisation. Leur situation sur l'axe principal
d'accès au Sahara fut un argument décisif pour obtenir
l'accord de l'empereur Napoléon III. |
Notule sur l'extraordinaire destin
de Yusuf
1808 |
Giuseppe Ventini naît dans
une famille chrétienne de l'île d'Elbe française
depuis 1802. |
1815 |
Il a 7ans lorsqu'il est vendu
au Bey de Tunis par des corsaires arabes.
Il devient musulman sous le nom de Yusuf et se fait remarquer
à la cour du Bey qui le choisit pour sa garde de mamelouks.
On lui apprend l'équitation le maniement des armes,
l'arabe, le turc et le Coran. Le médecin français
du Bey l'initie aussi au Français. Mais à la
cour une intrigue fâcheuse se noue avec Karouba, une
des filles du Bey. Yusuf aurait dû avoir le choix entre
la strangulation et la décapitation. Heureusement il
était devenu l'ami des enfants du consul de France
De Lesseps. |
1830 |
Le consul lui sauva la vie en
le mettant sur un bateau qui le débarqua le 31 juillet
à Sidi-Ferruch ! Il est aussitôt engagé
comme interprète à l'Etat- Major français.
Mais il s'y ennuie et s'engage comme spahi. |
1832 |
Il est promu capitaine à
titre indigène. Il continua ensuite à gravir
tous les échelons militaires, toujours à titre
indigène. Pourtant il était devenu français
en 1839 et redevenu chrétien
en 1844 pour se marier.
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1852 |
Il est à Laghouat qui
est conquise le 4 décembre. |
1854 |
Il est en Crimée à
la tête de 3 000 authentiques Bachi-Bouzouk |
1856 |
Il est nommé général
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1865 |
Il est en semi disgrâce
pour sa brutalité et " exilé " en
France comme chef de la Xè région militaire.
Il meurt à Cannes en 1866 |
|
Il est inhumé à
Alger ainsi qu'il l'avait souhaité. |
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1860, le 3 mars,
signature du décret de création du centre de colonisation
de Berrouaghia. La surface concédée a été
d'abord modeste car elle était prévue pour seulement
29 ou 34 concessionnaires sur près de 700ha. Ces concessions
furent gratuites. Cinq ans plus tard elles auraient été
vendues à prix fixe et à bureau ouvert, après
publicité, la gratuité ayant été supprimée
par le décret de décembre 1864. Certains colons seraient
venus de Damiette village créé 12 ans plus tôt
à une trentaine de kilomètres plus au nord.
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1869 Berrouaghia
est promu CPE, commune de plein exercice |
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1871
Inauguration d'une gendarmerie |
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1877 Berrouaghia
devient le chef-lieu d'une commune mixte à laquelle furent
rattachés quatre villages de colonisation : Ben-Chicao, Loverdo,
Champlain et Nelsonbourg. Il est possible que quelques lots nouveaux
aient été attribués vers cette date pour élargir
le domaine cultivé par des colons de 400 ha environ. |
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1879
Création du pénitencier agricole à la place d'une
ancienne smala de spahis français. |
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1892
Inauguration de la gare qui resta, jusqu'en 1912, la gare terminus
de la ligne à voie étroite montant de Blida
par Médéa,
Lodi, Damiette et Loverdo. |
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1941
Ouverture d'une école ouvroir pour les fillettes musulmanes |
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1942 Arrivée
de prisonniers de guerre italiens et allemands capturés en
Libye. Grâce aux souvenirs d'une mienne cousine par alliance
qui a quitté Berrouaghia en 1948, je puis apporter les précisions
que voici : " Ils avaient amené une telle ambiance
dans ce village qu'il serait difficile de les oublier. Ils logeaient
dans des sortes de grands chalets à l'entrée du village
à gauche, en allant vers la gare. Libres comme le vent, ils
allaient et venaient
Il y avait dans l'enceinte du camp un bâtiment
bar-réception réservé au personnel français
qui se réunissait là le soir ; les messieurs jouaient
aux boules, les dames brodaient, les enfants jouaient. De temps en
temps il y avait fête. Après le repas ça dansait
aux sons d'un orchestre (accordéon, violon, batterie avec un
chanteur ténor prénommé Vieti).Il y avait aussi
un comique Scander qui amusait beaucoup l'assemblée. Les murs
de la salle avaient été décorés par l'un
d'entre eux qui avait représenté Blanche neige et les
sept nains auxquels il avait prêté le visage de l'un
des membres du personnel. Ils ont laissé un grand vide quand
ils sont partis." Bien sûr ces prisonniers étaient
occupés à divers travaux. Beaucoup coupaient du bois
en forêt sous la surveillance de réservistes français.
D'autres exerçaient dans leur spécialité : notamment
un couturier, un médecin et des cuisiniers qui livraient des
repas au domicile de cadres français travaillant avec l'armée. |
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1962,
le 26 mars, c'est de Berrouaghia que partit, pour empêcher des
manifestants européens de porter secours à Bab el-Oued,
un détachement du 4è régiment de tirailleurs
algériens. C'est ce détachement de soldats musulmans
aux ordres d'un lieutenant musulman, Daoud Ouchène, qui, devant
la grande poste d'Alger, mitrailla les manifestants, tuant officiellement
61 personnes et en blessant 102 autres. En juillet Daoud Ouchène
choisit de demeurer français et de rester dans l'armée
française jusqu'à sa retraite qu'il prit avec le grade
de capitaine sous le nom de Michel Duchesne. Les autres soldats choisirent
la nationalité algérienne. Quant au gouvernement français
et au chef de l'Etat ils se félicitèrent, discrètement,
que ce drame ait mis un terme aux espoirs des partisans du maintien
de la souveraineté française sur l'Algérie. Le
18 mars les rebelles avaient été amnistiés, puis
libérés ; le 26 mars les opposants français étaient
matés : tout allait pour le mieux. |
Le cadre naturel et ses aptitudes
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( 142 ko)
Le cadre naturel
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Berrouaghia se trouve dans une cuvette à fond plat, à plus
de 900 m d'altitude. Cette cuvette est entourée de moyennes montagnes
sur trois côtés : c'est au nord que les altitudes sont les
plus élevées avec les 1327 m du djebel Serane. Au sud et à
l'ouest elles ne dépassent guère les 1000 m. En 1954 il restait
pas mal de versants et de sommets boisés, surtout vers l'extrémité
du massif de l'Ouarsenis qui se termine à peu de distance de Berrouaghia.
Et vers l'est s'ouvre le sillon synclinal qui, par les plaines des Beni-Slimane,
des Aribs et de la vallée de la Soummam, atteint la Méditerranée
du côté de Bougie. Quand on aborde Berrouaghia en venant de
Bir-Rabalou ou d'Aumale on n'a pas vraiment l'impression d'être dans
une montagne. Il en va un peu différemment quant on arrive de Médéa
car, après le passage du col de Ben-Chicao à 1230 m, la descente
sur Berrouaghia est rapide. Ce col est le plus haut de la RN 1 qui va d'Alger
au Sahara. L'hiver il lui arrive d'être bloqué par la neige
durant quelques heures aussi longtemps que le chasse-neige n'a pas dégagé
la route. La RN 1 est une route bien aménagée et accessible
à tous les véhicules, gros camions compris. Elle n'a rien
de commun avec la route de Sakamody à l'autre bout du département.
Le climat est nettement méditerranéen,
nuancé par l'altitude et un début de continentalité
pour le régime des températures. La moyenne de
janvier est basse (5°) et il neige tous les ans. Les moyennes de juillet
et août plafonnent à 25° bien qu'il y ait quelques journées
où souffle le vent de sirocco. La pluviométrie est moyenne,
un peu supérieure à 600mm, et son régime est méditerranéen
classique, avec un net maximum de novembre à mars, et deux mois
presque sans pluie en juillet-août. Dans la cuvette de Berrouaghia
les sols, convenables, et le climat sont favorables aux cultures de céréales
et au vignoble. La rigueur de l'hiver exclut les agrumes ; l'humidité
favorise les pâturages là où la forêt a été
détruite.
Berrouaghia fut d'abord et surtout
un centre agricole
C'était sa première vocation. Elle n'avait pas été
oubliée en 1962. Les colons qui, au début semaient du blé
ou de l'orge se sont mis à planter de la vigne, comme partout dans
le Titteri, à partir des années 1880. Et ici comme ailleurs
dans la région les vins produits furent classés VDQS et
rapportaient davantage que les céréales, ou que l'élevage
des moutons. Ce vignoble est le dernier que l'on rencontrait quand on
se dirigeait vers le sud : c'était le plus méridional de
l'Algérie centrale. Il n'a pas survécu à l'indépendance.
Les terres incultes ou en jachère offraient de
belles pâtures à moutons. Deux marchés se tenaient
chaque mercredi ; en lisière de la cité pour le bétail
et au centre pour le reste.
Berrouaghia fut un centre administratif
modeste en tant que chef-lieu de commune mixte
Son rôle administratif fut important pour les Européens de
la région car quatre villages de colonisation lui restèrent
attachés jusqu'à leur émancipation en 1947.
Il y eut successivement Ben-Chicao créé en 1872
Loverdo
créé en 1874
Champlain
créé avant 1904
Nelsonbourg
créé en 1910
Ces créations ont donc été décidées
sous la IIIè République. Elles ont été toutes
associées à Berrouaghia quand la commune mixte y fut domiciliée
en 1877.
Berrouaghia fut un carrefour routier bien desservi par les services
d'autobus
Le village s'est retrouvé, avant 1914, au centre d'une étoile
routière à 5 branches avec notamment les
- routes nationales N 1 vers Alger au nord
; et vers le Sahara au sud
18
vers Ain-Bessem et Bouira, par Bir-Rabalou
- routes départementales
N 20 vers Aumale par Masqueray
144
vers Boghari. Cette difficile route de montagne doublait la RN 1
22
vers Nelsonbourg
Toutes ces routes, sauf celle de Nelsonbourg, étaient
parcourues par les services réguliers de deux sociétés
d'autobus : les autocars blidéens et l'Auto-Traction de l'Afrique
du nord.
La première permettait aux gens de Berrouaghia d'aller à
Alger, Boghari, Aïn-Boucif, Djelfa et Champlain. La seconde desservait
la ligne Berrouaghia-Masqueray-Aumale.
Certains services d'Autobus pouvaient être en correspondance avec
le train venu de Blida ou de Djelfa.
Berrouaghia fut une centre militaire
très secondaire bien que cet aspect dût jouer
un rôle non négligeable dans la décision de création
du centre et pour le choix de son emplacement, à l'écart
des terres de l'ancienne smala turque, juste sur le tracé de la
route du sud. Il y eut tout de même toujours quelques soldats cantonnés
dans la cité ; et notamment le troisième escadron du premier
régiment de spahis dépendant de la subdivision militaire
de Médéa. Le colonel était à Médéa,
et l'escadron de Berrouaghia obéissait à un capitaine.
Deux établissements publics étaient
situés hors du village
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Le pénitencier
agricole. Créé en 1879,
il a pris la place de l'ancienne grande ferme du bey que nous avions
transformée en smala de spahis qui fut dissoute après
1870. Il était à 2km de Berrouaghia, un peu au sud de
la route de Bouira. Je ne crois pas que le choix du mot pénitencier
ait été motivé par le souci d'amener ses résidents
contraints, à faire pénitence avec la ferme intention
de ne pas récidiver. Ces résidents étaient des
condamnés aux travaux forcés pour je ne sais quels délits.
Mais cet établissement de Berrouaghia n'était pas un
bagne malgré l'allure moyenâgeuse des tours d'angle du
bâtiment principal.
Les pénitenciers de ce genre (il y en avait en Corse) poursuivaient
officiellement trois buts :
- fournir un minimum de formation agricole
pour une réinsertion future
- faire des essais de culture ou de
pratiques culturales
- subvenir aux besoins du pénitencier
Les responsables du pénitencier de Berrouaghia semblent avoir
accordé une sorte de priorité à la viticulture
si l'on en juge par la taille des caves de l'établissement.
Etrange spécialité si l'on considère que les
détenus étaient en majorité musulmans et buveurs
d'eau.
Le personnel de surveillance et d'encadrement,
avec femme et enfants, était logé sur place.
En 1945, pour les enfants de 6 ans et plus, existait déjà
une forme de ramassage scolaire assuré par " une
grosse calèche tirée par un cheval, très haute,
noire et aussi lugubre qu'un corbillard ".
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Les sources thermales
d'Hammam Essalihine. Elles sont situées à 6 ou
7 km à l'est de Berrouaghia en bordure des collines boisées
du " Draa Ach el Agab ". Elles sont connues depuis
l'antiquité. Si l'on en croit les textes, ses eaux chaudes
(38° à 44°) guériraient toutes sortes de maladies.
Le plus probable est qu'elles n'aient pas guéri grand monde
car le site n'a jamais été vraiment mis en valeur et
équipé pour recevoir des curistes européens.
Et après l'indépendance les rares équipements
qui existaient ont été négligés et finalement
abandonnés. Il y a bien des sources chaudes mais il n'y a jamais
eu de station thermale. |
L'aspect du village
Il est des plus classiques. Berrouaghia a gardé jusqu'au bout le
plan en damier des villages de colonisation, à peine perturbé
par une longue rue de la gare tracée pour l'arrivée du train
en 1892. Les maisons les plus hautes ont un étage ; la plupart
sont très basses. Les trottoirs sont plantés d'arbres.
Grâce à une cousine déjà citée je peux
compléter un plan de Berrouaghia du début du XXè
siècle avec l'indication de l'emplacement de quelques bâtiments.
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sur l'image pour l'agrandir (
90ko)
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1 Mairie
2 Synagogue
3 Eglise
4 Mosquée
5 Tribunal indigène
6 Marché couvert
7 Place du marché
8 Etude du notaire Farès
10 Maison du cadi
11 Magasin Korteby
12 Presbytère
13 Ecole ouvroir
14 Ecole et cours compl.
15 Ecole coranique
16 Marché aux bestiaux
17 Commune mixte
18 Monument aux morts
19 Gendarmerie
20 ferme Garnier
21 Hôpital
22 Génie civil et caserne
NB 9 domicile familial
NB Au-dessous j'ajoute un plan de la place centrale
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L'église Saint Maurice et la mosquée en plein centre du
village
Le minaret carré est de style maghrébin. Le marché
se tenait le mercredi.
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Je n'ai pas trouvé de photo de la synagogue. C'est
dommage car cela aurait fourni une bonne image de la présence des
trois religions monothéistes et d'une probable tolérance
réciproque. Sur les listes d'électeurs vers 1922 accessibles
par Internet, les noms à consonance israélite sont très
nombreux. Cette minorité est postérieure à l'arrivée
de la France en ce lieu. Elle provient peut-être de Médéa.
Ne serait-ce qu'en raison de l'existence de ces trois bâtiments
de culte, il est clair que le Berrouaghia des Français était
mieux qu'un village, sans être vraiment une ville.
Un simple village n'aurait pas possédé :
- un hôpital, dont j'ignore le rang dans la hiérarchie à
6 niveaux des hôpitaux algériens
- un tribunal avec cadi
- un médecin ; en 1948 il s'appelait Ceccaldi
- un marché couvert
- deux hôtels
- deux écoles dont une avec un CCEG annexé (cours complémentaires
de la 6è à la 3è).
En 1948 ce CCEG n'avait que 2 classes : une pour les
6è/5è une pour les 4 /3è
- un cinéma, curieusement situé au rez-de-chaussée
de la mairie
- un notaire qui était en 1945 un musulman, kabyle, Abderhamane
Farès
Une ville aurait possédé aussi: un lycée, ou à
défaut un vrai collège
un
théâtre, ou à défaut une salle de spectacle
polyvalente
quelques
immeubles à plusieurs étages
et
un dentiste. En 1948 Il en montait un d'Alger un jour par semaine !
Les photos ci-dessus montrent l'aspect des maisons ; le
plus souvent, un simple rez-de-chaussée : les plus hautes n'ont
qu'un étage. C'est une architecture de village. Korteby est le
nom d'un commerçant qui tenait avec ses fils un magasin d'alimentation.
Deux personnalités musulmanes
liées à Berrouaghia
Abderahmane Farès
Il fut le notaire de Berrouaghia dans les années 1940. Il est le
symbole d'un musulman bien intégré à l'Algérie
française, mais qui, par pragmatisme et par prudence fut amené
à choisir, pas trop tardivement, le parti nationaliste.
·
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1911 Naissance
à Akbou en Kabylie. Il a peu connu son père qui est
" mort au champ d'honneur " dans une tranchée
française en 1917. C'est un oncle, notaire à Akbou,
qui prend en charge son éducation. Abderhamane réussit
des études de Droit à l'université d'Alger.
Après l'obtention de son diplôme il s'établit
comme huissier à Alger, puis comme clerc de notaire à
Sétif, puis comme notaire à Collo en 1936. Il achète
la charge notariale de Berrouaghia, sans doute pendant la guerre.
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·
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1945 Il
se lance dans la vie politique en se faisant élire au Conseil
Général du département d'Alger dans le deuxième
collège électoral, celui des musulmans. Il récidive
l'année suivante en devenant député de la première
Assemblée Constituante à Paris. Il était inscrit
dans le groupe " Union et progrès " proche
de la SFIO. |
· |
1953
Il est élu Président de l'Assemblée Algérienne
prévue par le statut de 1947. Il y mène une politique
jugée modérée et pragmatique. |
· |
Après
1955 il se rapproche des nationalistes et finit par se
rallier au FLN. Cela lui vaudra quelques mois de séjour à
la prison de Fresnes à Paris de novembre 1961 au 19 mars 1962.
Cet intermède carcéral lui vaut l'estime de quelques
dirigeants du FLN ; mais pas de tous. |
· |
Le 19 mars 1962
il est libéré et nommé dans la foulée
" Président de l'Exécutif Provisoire "
mis en place par de Gaulle au Rocher Noir. Un Français Jacques
Roth y faisait de la figuration comme vice-président. C'est
à ce titre que Farès eut à discuter, fin mai
et début juin, avec jacques Susini qui représentait
l'OAS. Le 5 juillet il céda la place au premier Président
de la République Algérienne et se retira de la vie politique. |
Benyoucef Ben Khedda
Il est natif de Berrouaghia où il a vu le jour le 23 février
1920 dans une famille sans doute porteuse de l'idéologie nationaliste.
Son père était le cadi de Berrouaghia. C'était une
famille aisée et instruite.
Benyoucef fréquenta l'école indigène de Berrouaghia,
puis le collège de Blida, puis l'université d'Alger où
il obtint son diplôme de pharmacien. Il s'établit à
Alger.
Son père l'avait inscrit aux SMA " Scouts
Musulmans d'Algérie " dès leur création
en 1935, car il avait compris que ces scouts dispenseraient la bonne parole
nationaliste qu'il souhaitait sans doute.
Notule sur les SMA : scouts musulmans
algériens
Les premiers ont été
réunis à Alger en 1935
par Mohamed Bouras né en 1908 à Miliana, mais vivant
alors à Alger. M. Bouras désapprouvait l'adhésion
de jeunes musulmans à l'organisation laïque des Eclaireurs
de France. Dans les statuts qu'il déposa alors à
la Préfecture figurait l'expression "Education para-militaire"
qui déplut aux autorités. Il l'effaça et
obtint l'agrément de gouvernement du Front populaire le
5 juin 1936, comme association
régie par la loi de 1901.D'autres villes imitèrent
Alger et en juillet 1939 fut créée une ligue des
SMA pour toute l'Algérie.
Ses dirigeants étaient proches
des oulémas et M. Bouras, qui admirait l'imam Ben Badis,
orienta les activités des SMA vers la propagation des idéaux
nationalistes et musulmans. Il arrivait aux scouts de distribuer
des publications du PPA ou de lui prêter ses locaux.
Dans les années 1950
les SMA devinrent une pépinière pour le recrutement
du FLN.
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Dès qu'il fut adulte Ben Khedda milita dans des
organisations anti-françaises, non par pragmatisme ou par prudence
pour son avenir comme Farès, mais par conviction.
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1942 Il adhère
au PPA (parti populaire algérien) et s'y distingue suffisamment
pour attirer l'attention des autorités qui l'arrêtent
le 6 mai 1943.
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1955
Il rejoint le FLN. Il est arrêté, mais est vite libéré
sur intervention de Jacques Chevalier, maire d'Alger (de 1953 à
1958). Craignant d'être à nouveau arrêté
il réussit à se mettre à l'abri, pour la bonne
cause, comme chargé de mission à l'étranger,
de 1957 à 1960. |
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1958 le
19 septembre, le GPRA (gouvernement provisoire de la république
algérienne), est créé avec Ferhat Abbas pour
Président. Ben Khedda en fait partie. |
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1961
le 27 avril, il remplace Ferhat Abbas à la tête du GPRA. |
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1962
le 5 juillet, il s'installe à Alger et proclame l'indépendance
de l'Algérie. Mais en août-septembre il est destitué
par Ben Bella et Boumediene. Il se retire dans sa pharmacie et s'y
tient tranquille. |
NB Ben Bella fut à son tour destitué et
interné par Boumediene le 19 juin 1965.
Il est temps de quitter Berrouaghia : il y fait vraiment
trop froid. Pourvu que le col de Ben Chicao ne soit pas fermé ;
si c'est le cas nous prendrons le train plutôt que le bus des autocars
blidéens.
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