Géographie de l'Afrique du nord
Le Titteri des Français
1830-1962
DEUXIEME PARTIE : LES LOCALITES
C / LES VILLAGES DE COLONISATION
3 / Sous la troisième république avant 1914
La commune mixte d'Aïn-Bessem et ses trois villages annexes
Documents et textes : Georges Bouchet

mise sur site le 17-4-2009

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C / LES VILLAGES DE COLONISATION

On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959, Djelfa et Tablat avaient été d'abord de simples villages de colonisation. Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas, et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages européens entre 1848 et 1924.

Leur répartition régionale est éloquente : aucun dans l'Atlas saharien des monts Ouled-Naïl
                                                            3 sur les hautes plaines
                                                            21 dans l'Atlas tellien, plutôt au nord qu'au sud

Sur ces 21 villages telliens, 7 sont proches de Médéa
                                         5 sont dans la plaine des Aribs
                                         3 sont alignés sur la RN 1 dans la vallée de l'oued Akoum
                                         6 sont plus isolés, à l'écart des axes majeurs des RN 1 et RN 8

 Ces localisations seront rappelées aussi souvent que nécessaire mais ne seront pas utilisées pour structurer mon étude. Pour mon exposé je préfère choisir un plan chronologique appuyé sur les 4 périodes que voici :
       IIè République Lodi (ou Draa Esmar) et  Damiette (ou Aïn Dhab)
        Second Empire
Bir-Rabalou (ou Bir-Ghabalou) et Sidi-Aïssa
  Berrouaghia
        IIIè République avant 1914 Les quatre villages de colonisation de la commune mixte de Berrouaghia ( Ben Chicao, Loverdo,  Nelsonbourg, Champlain)
  La commune mixte d'Aïn-Bessem et ses trois villages annexes.
  villages dispersés
       IIIè République après 1918 Maginot, De Foucauld, Aïn-Boucif,
       Trois cas particuliers Taguine, El-Hamel, Tadmit


3 / Sous la troisième république avant 1914

Ce fut la période la plus favorable à la création de villages de colonisation : une quinzaine pour le seul Titteri et plus de 300 pour toute l'Algérie. Cette brutale accélération succéda au net ralentissement impérial de 1851 à 1864 ; puis à un arrêt volontaire à partir de 1864.

Qu'est-ce qui a donc changé, de ce point de vue, avec l'installation de la République ?
D'abord la mise à l'écart progressive des officiers des bureaux arabes qui avaient eu le souci de protéger les indigènes contre d'éventuels abus et spoliations. Ils sont vite remplacés par des administrateurs civils de commune mixte dans toutes les régions telliennes, les seules vraiment propices à l'installation d'agriculteurs européens. La formule des communes mixtes avait été imaginée en 1868, mais réservée aux territoires sous administration militaire. C'est l'arrêté du 24 novembre 1871 qui rendit son extension possible aux territoires civils, avec pour chef-lieu, toujours, un village européen : Berrouaghia, Aumale, Aïn-Bessem ou Reibell par exemple dans le Titteri.

Ensuite la nomination de gouverneurs généraux désireux d'implanter des colons français sur l'ensemble du territoire. Trois gouverneurs généraux ont mis la colonisation rurale au premier rang de leurs préoccupations :
               le vice-amiral comte Louis de Gueydon 1871-1873
               le général de division Antoine Chanzy 1873-1879
               le conseiller d'Etat Louis Tirman 1881-1891

Pour trouver les terres indispensables à la création de villages trois méthodes furent utilisées, le séquestre de terres prises aux tribus insurgées en 1871 (le Titteri fut très peu ou pas du tout concerné par ces séquestres), l'achat de gré à gré (la meilleure ; mais pas facile de trouver des vendeurs) et l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Et enfin pour la colonisation privée, c'est-à-dire pour les achats de terre par des particuliers, la nouvelle loi Warnier du 26 mars 1873 institua une nouvelle législation sur les licitations (ventes aux enchères d'un bien indivis comme celui de la plupart des tribus) très favorable aux acheteurs et aux spéculateurs, européens ou pas, cultivateurs ou pas. Cette loi entraîna de tels abus que son emploi fut freiné dès 1887 et qu'elle fut volontairement oubliée en 1891. Et en février 1897 une nouvelle loi empêcha qu'un seul copropriétaire puisse obtenir une licitation.

     NB

Le lecteur désireux d'en savoir plus doit s'intéresser à la loi Warnier, au droit de chefâa et à sa réforme par la loi du 16 février 1897, ainsi qu'aux articles 815 et 827 du code civil français. Entre 1873 et 1897 il suffisait de soudoyer un fellah copropriétaire pour qu'il demande à un juge complaisant d'autoriser ou d'ordonner une vente par licitation. Ces ventes par licitation se firent au profit d'acheteurs européens et musulmans. Un site Internet algérien précisait en 2006 : 55% aux colons et 45% à de riches familles musulmanes.

Les conditions d'attribution des concessions ont fait l'objet de trois décrets entre 1871 et 1904 ; les modifications allant dans le sens du durcissement.

   ·      

Décret du 10 octobre sous le G.G. Gueydon
- Il faut être français, mais pas forcément " immigrant ", c'est-à-dire métropolitain. Les colons
et les fils de colons peuvent solliciter une concession. Gueydon pensait que la présence de
colons ou de fils de colon était souhaitable car " cultivateurs laborieux et entendus, ils sont
un excellent exemple pour les nouveaux venus ".
- la concession est gratuite comme avant 1864
- l'obligation de résidence est de 5 ans pour recevoir le titre de propriété

   ·     Décret du 30 septembre 1878 sous le G.G Chanzy.
C'est le principal car il fut appliqué durant 25 ans. La concession reste gratuite , mais l'obligation de résidence est ramenée à 3 ans sous condition d'avoir investi au moins 100 francs par hectare. Les concessions seront agrandies : 40 ha au maximum. En 1892, le G.G Cambon garda la gratuité de la concession, mais exigea que le demandeur possède un capital de 5 000 Francs. On ne voulait pas attirer de pauvres gens, mais des cultivateurs capables d'investir.
   ·       
Décret du 13 septembre 1904 sous le G.G Célestin Jonnart.
Il prévoit quatre modes d'attribution.
Un " normal " : vente à prix fixe à bureau ouvert (à Alger pour le Titteri).
Un " secondaire " pour les fermes isolées : vente aux enchères par adjudication publique.
Et deux exceptionnels : vente de gré à gré ou concession gratuite. La gratuité n'est donc pas abandonnée, mais elle coûte trop cher et on souhaite s'en passer. Par ailleurs l'obligation de résidence est allongée à 10 ans et il est interdit de vendre, avant 20 ans, à un indigène ou à un non-cultivateur. Il y avait eu trop d'exemples de colons qui revendaient leurs terres et quittaient le village aussitôt que possible.

Comme on commence à aborder les hautes plaines steppiques la concession peut atteindre 200 ha. Les 2/3 des lots sont réservés à des immigrants, car le but n'est pas de déplacer des colons, mais d'en attirer de nouveaux.

Le problème du coût avait d'ailleurs fait échouer en 1882 le projet du G.G. Tirman dit des 50 millions. Ce projet prévoyait de créer avec ces 50 millions, 300 villages de 50 feux sur 600 000ha. Mais à Paris les députés l'ont rejeté par 249 voix contre 211 au motif qu'il coûtait trop cher et qu'il entraînerait trop d'expropriations et de mécontentements dans les tribus concernées.

La commune mixte d'Aïn-Bessem et ses trois villages annexes

Caractères généraux

Ces quatre centres sont ceux de la plaine des Aribs, entendue au sens large. Ce sont Aïn-Bessem, Aboutville, Bertville et Hoche.

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quatre centres sont ceux de la plaine des Aribs

J'ai choisi de faire figurer sur cet extrait de la carte au 1/200 000, comme points de repère, quatre centres qui ne sont pas dans la commune mixte d'Aïn-Bessem. Ce sont Bouira qui est un chef-lieu d'arrondissement du département de Tizi-Ouzou, Bir-Rabalou et son annexe des Trembles qui fut créé sous le second Empire en 1858, et La Baraque, un ancien caravansérail sur la route directe Bouira-Aumale devenu chef-lieu de commune en 1956.

Le trait noir épais localise le tracé de la voie ferrée inaugurée en 1927
.

Cette plaine des Aribs porterait le nom d'une tribu saharienne qui s'y serait fixée à une date antérieure à l'arrivée des Turcs. Ces Aribs, sans doute belliqueux de nature auraient rendu beaucoup de services aux Turcs en leur fournissant d'efficaces troupes auxiliaires en cas de besoin.
Cette plaine ressemble davantage à un large couloir plat qu'à une plaine proprement dite, car elle ne constitue que le tronçon central du synclinal qui relie la cuvette de Berrouaghia à la mer.

De Bir-Rabalou à Bouira elle s'étire sur une trentaine kilomètres dont une vingtaine dans la commune mixte d'Ain-Bessem. Ce couloir ne s'élargit en véritable plaine qu'entre Bir-Rabalou, Les Trembles et Aïn-Bessem. Il est drainé vers l'est par l'oued Lekhal qui descend d'Aumale. Vers l'aval, l'oued change plusieurs fois de nom pour s'appeler oued ed Dous, puis oued Sahel, puis Soummam. Cette façon de changer les noms des cours d'eau d'amont en aval est de tradition en Algérie.

Ce couloir est dominé au sud, mais à plus de 14km à vol d'oiseau, par les collines boisées de la forêt du Ksenna qui constitue la limite du massif de l'Ouennougha. Au nord il est séparé de la vallée de l'oued Soufflat par les hauteurs du djebel Hellala (1042m). Son altitude baisse lentement de l'ouest (650m) vers l'est (550m). Il est cependant 100m plus bas que le petit plateau où se trouve le village d'Hoche. Quand on remonte en voiture (ou autrement, mais c'est plus long) la RN 18, l'impression qui s'impose est celle d'une plaine bordée par la ligne bleue d'un djebel pas très élevé. C'est tout à fait le cas sur la photo ci-dessous qui a été prise du côté d'Aboutville en direction du djebel Hellala. Le champ de blé (ou d'orge ?) récemment moissonné a été porteur d'une belle récolte. C'est que la pluviométrie est suffisante pour que les rendements céréaliers soient corrects. Ils ne sont pourtant pas toujours semblables, car ils dépendent surtout, non du total annuel, mais du total printanier qui est le plus important. Un printemps anormalement sec est ce que les colons et les fellahs craignaient le plus. Mais les colons avaient, pour compenser une moisson médiocre les revenus du vignoble. L'économie était basée sur la culture des céréales pour tous avec en plus la vigne pour les colons et un peu d'arboriculture pour les fellahs des douars kabyles.

céreales
L'économie était basée sur la culture des céréales pour tous avec en plus la vigne pour les colons et un peu d'arboriculture pour les fellahs des douars kabyles.

En effet, comme partout sur la bande des terres colonisées entre Borély-la-Sapie et Bouira, c'est le vignoble qui assurait les meilleurs revenus. Comme la création de ces quatre centres fut tardive, les colons ont bénéficié dès le début, de la crise du phylloxera qui leur a ouvert le marché français ; d'autant mieux que leurs vins acquirent rapidement une bonne réputation qu'ils n'ont jamais perdue. Lorsque l'office du vin décida en 1947 de classer les vignobles d'Algérie, ils furent placés, comme ceux de Médéa et de Berrouaghia, dans la catégorie " vignobles de montagne " produisant des vins VDQS. Bien évidemment il y avait des conditions à respecter concernant notamment :

   ·        

le choix des cépages : pour les rouges Carignan, Cabernet, Pinot et Cinsault
                                  pour les blancs Faranah, Clairette, Ugni, Aligoté

   ·      un rendement maximum de 40 hectolitres par hectare
   ·     un degré d'alcool de 12° au minimum ; en fait de 12° à 15°.

Pour bien mesurer l'intérêt économique de ce vignoble je cède la parole à un journaliste du quotidien El Watan qui, dans un article du premier août 2004 ne cache pas ses regrets. " La viticulture, par les nombreux soins qu'elle réclame créait beaucoup d'emplois et de richesses. C'était une époque pleine de faste. L'arrachage de la vigne nous a porté un coup sévère. Aujourd'hui il ne reste que les céréales et les pommes de terre. Mais les céréales sont guettées par les sécheresses de printemps et les maladies ". Et le journaliste rapporte que le responsable de la commune conclut en disant " Ain-Bessem ne sourit plus ". Pour comprendre cette boutade il faut savoir qu'Aïn-Bessem signifie : source du sourire !

Cette région, proche de la Kabylie, aurait supporté comme elle, des plantations d'oliviers. Mais l'oléiculture qui semble avoir existé à l'époque romaine, ne faisait pas partie des traditions des tribus Aribs de la plaine. On trouvait cependant des oliviers sur les contreforts habités par des Kabyles.

Ces quatre villages sont presque du même âge. Ils ont tous été créés dans un laps de temps de 14 ans entre 1876 et 1890. Leur fondation a donc respecté le système de la concession gratuite sans la condition de possession du capital de 5 000 francs ajoutée en 1892.

Ils n'ont cependant pas connu le même essor. Grâce à un long article publié en 1898 dans les Annales de Géographie, par le professeur de Géographie du lycée Bugeaud, Henri Busson, j'ai pu dresser le tableau ci-joint.

Village et fermes
Européens au début
Européens en 1897
Europ. et total en 1954
Aïn-Bessem
1876
365
493
504 sur 6810
Bertville
1880
116
95
46 sur 2208
Aboutville
1889
80
72
52 sur 3876
Hoche
1890
162
127
24 sur 2014


Explications. Le chiffre de la troisième colonne est celui du début ou celui du premier recensement postérieur à la création du centre dont la date est précisée à droite du nom du village.
Celui de la quatrième colonne est celui du recensement de 1897.
Celui de la cinquième colonne est celui du recensement de 1954. Le second chiffre indique la population totale additionnant européens et musulmans.

Commentaires. Seul Aïn-Bessem a vu sa population européenne augmenter entre sa création et 1954. C'est assez rare pour être souligné. Les trois autres centres ont connu une baisse du nombre des colons dès le début. Il n'est pas exclu que la hausse d'Aïn-Bessem ait été nourrie en partie par le départ de colons quittant les villages voisins moins bien pourvus en services de toutes sortes scolaires, médicaux et bancaires notamment. Le déclin le plus profond est celui du village le plus isolé : Hoche, le seul à l'écart de la RN 18.

Ce village est aussi le seul pour lequel je n'ai trouvé aucune trace d'un service de transport public. Les trois autres, tous situés sur la RN 18 étaient desservis, au départ d'Alger et entre eux ainsi qu'à Bir-Rabalou, par les autocars de la société Auto-Traction d'Afrique du nord.

Ils avaient même bénéficié d'une desserte ferroviaire, de courte durée il est vrai, à partir de 1927. Ces trains partaient de Bouira où ils étaient en correspondance avec les trains d'Alger à Constantine, et montaient à Aumale. En réalité cette ligne à voie étroite de 1,055 m, bien que prévue dans le plan de 1879 et reprise dans le plan de 1907, a été posée trop tard, après l'apparition de l'automobile.

Particularités de la commune d'Aïn-Bessem
Ce paragraphe ne concerne que la commune de plein exercice qui s'étendait sur la majeure partie de la plaine des Aribs proprement dite, et non la commune mixte du même nom qui englobait les contreforts montagneux où les Européens étaient rares ou absents.

   1876     

Création du centre de colonisation près de la " source du sourire " ; puis de la CPE

    1879 Création de la vaste commune mixte du même nom
   1880 Création et rattachement à la CM du hameau de Bertville, 8 km plus à l'est
   1889 Création et rattachement à la CM du hameau d'Aboutville, 15 km plus à l'est
   1890 Création et rattachement à la CM du village d'Hoche à 8 km vers l'O.N.O
   1905 DUP (déclaration d'utilité publique) de la voie ferrée Bouira-Aumale par Aïn-Bessem
   1909 Installation du téléphone avec Alger, Aumale et Bou-Saâda
   1912 Naissance de Jean Brune
   1927 Inauguration de la gare. Cette gare avait une belle apparence, avec sa large terrasse offrant un abri aux voyageurs attendant leur train. Le même soin avait été apporté à la maison du garde-barrière (étage et terrasse) du seul passage à niveau coupant la RN 18 tout près du village. Le chef de gare et le garde-barrière n'ont pas habité longtemps leurs beaux logements car les trains n'ont circulé qu'une dizaine d'années.
la gare d'Ain-Bessem
   1932 Construction d'une nouvelle mairie.

J'aurais pu commencer cette liste chronologique par 375 après Jésus-Christ car, on s'en souvient, les Romains y avaient établi un fort " Castellum Auziense " dans lequel le général rebelle Firmus fut emprisonné. Et 375 est la date de son suicide par pendaison, pour ne pas être livré à son adversaire romain Théodose.

Mais sans doute aurais-je eu tort car il n'y eut à l'époque romaine ni municipe, ni colonie. Et pas davantage par la suite. A l'époque ottomane les places fortes turques étaient à Hamza (Bouira) et Sour el-Ghozlane (Aumale). Le centre d'Aïn-Bessem, malgré son nom arabe conservé, est une pure création française.

La particularité d'Aïn-Bessem quant aux activités et aux services est d'en posséder un certain nombre qui sont absents des villages voisins ; ce qui a fait d'Aïn-Bessem une sorte de petite capitale locale.

Le village est un centre administratif, puisqu'il héberge les bureaux de la commune mixte.

Il est aussi un centre commercial polyvalent avec son marché du vendredi,
                                                                         son marché central couvert
                                                                         ses succursales bancaires
                                                                         ses deux hôtels
                                                                         ses docks près de l'ancienne gare.

Il serait abusif d'évoquer un rôle industriel ; mais il faut tout de même ne pas négliger les 4 moulins qui ont un temps tourné sur l'oued Lekhal, ainsi qu'une fabrique de chaux hydraulique et une briqueterie.

L'aspect architectural est d'un grand classicisme colonial, mais en version améliorée. On y retrouve le plan en damier, les larges trottoirs ombragés et la place centrale avec son kiosque. Mais il y en plus des immeubles à arcades qui donnent à une ou deux rues centrales un cachet urbain. Les bâtiments officiels de style Jonnart, pseudo-musulman, n'y sont pas rares ; tel le hammam alors appelé bain maure, qui est un équipement inconnu dans les villages. Seul le style de la mairie de 1932 dénote véritablement dans cet ensemble traditionnel. L'église était banale et la mosquée conforme au modèle maghrébin avec son minaret carré. Il y avait aussi au centre un square non clôturé et très bien tenu, dans les années 1950, avec des bancs et des portiques à colonnes.

hotel central
rue centrale
hotel du commerce

epicerie centrale
détail épicerie centrale

Cette épicerie centrale était une petite supérette si l'on en juge par les inscriptions de droite que voici :

Mercerie Bonneterie
Chapellerie
??? Chaussures
Tissu Confection
Articles de Paris


le marché couvert
docks coopératifs

Deux personnes ont un nom qui peut être associé à la cité d'Aïn-Bessem pour des raisons très différentes, voire opposées.

Jean Brune y est né en 1912. Mais il n'y est guère resté car sa famille a souvent déménagé. Il a vécu une enfance errante, plutôt dans le bled, en Algérie et au Maroc.
Après des études normales au lycée Bugeaud, où il se lie d'amitié avec Albert Camus, il se lance dans le journalisme. En 1943-1945 il est soldat et participe aux campagnes d'Italie et de France. Après sa démobilisation il essaie de rester à Paris et obtient un engagement au quotidien communiste " Le soir ". Mais son passé de camelot du roi le rattrape, et il se fait virer.
Revenu en Algérie il collabore surtout à la " Dépêche de Constantine ", à laquelle il fait rajouter des pages régionales, dont une pour le Titteri. Il est hostile à l'idée de l'indépendance et en 1962 quitte l'Algérie pour Paris où il écrit dans des revues classées à droite.
Il fut donc un journaliste " Algérie française " et un écrivain qui en 1961 et 1963 publia deux livres de réflexions sur l'Algérie, la colonisation et la décolonisation :
         En 1961 ce fut " Cette haine qui ressemble à l'amour "
         En 1963 ce fut " Journal d'exil ".
Finalement il partit se fixer en Nouvelle-Calédonie et mourut à Nouméa en 1973.

Madame Miralès Angèle est née à Miliana. Mais c'est à Ain-Bessem qu'elle s'installa bien avant 1954. Elle y a tenu successivement, avec succès, une pension de famille, puis un restaurant bar appelé " La chaumière " et réputé, paraît-il, pour ses plats de gibier, sanglier compris. Mais ce ne sont pas ses talents de cordon bleu qui expliquent sa présence ici : c'est son engagement déterminé en faveur des fellaghas qu'elle a parfois aidés, notamment en les cachant. Cet engagement est rarissime chez les Français natifs d'Algérie. Et elle lui est restée fidèle jusqu'à sa mort : ce qui est plus rare encore. On lui a laissé son restaurant qui ne fut pas nationalisé, et elle a continué à cuisiner. Elle est morte à Aïn-Bessem où elle a été enterrée au cimetière musulman. Elle n'a pas comme la plupart des pro-fellaghas, fini par chercher refuge en France. Je désapprouve son engagement mais le fait qu'elle soit restée en Algérie jusqu'au bout mérite le respect.

Particularités de la commune d'Aboutville ( ou Aïn el-Hadjar)
Aboutville a été créé en tant que centre dépendant de la commune mixte d'Aïn-Bessem, en 1889. Il n'est devenu chef-lieu d'une commune de plein exercice que très tardivement, entre 1947 et 1956.

Il portait le nom d'un écrivain français de second rang pour une étrange raison que le dictionnaire Joanne de 1908 résume ainsi " le village a pris le nom d'un écrivain qui a consacré, ou plutôt qui avait manifesté l'intention de consacrer un livre à l'Algérie sous le titre : l'Autre France ". Cet écrivain est Edmond About qui n'a peut-être pas eu le temps de rédiger l'ouvrage promis car il est mort trop tôt, à 57 ans, en 1885, quatre ans avant la fondation d'Aboutville. Ses deux ouvrages les plus appréciés sont le Roi des montagnes et l'Homme à l'oreille cassée qui lui ont valu d'être élu à l'Académie française.

Il avait l'aspect d'un village rue, de part et d'autre de la RN 18.

la poste

Tout comme Aïn-Bessem, Aboutville eut sa française complice du FLN. C'était une institutrice ou une instructrice communiste nommée à l'école du village en 1952, et qui en 1955 s'engagea dans le soutien à la lutte armée contre la France. Cela lui valut en 1962 une promotion hors norme à l'école normale d'El-Biar. Mais contrairement à sa concitoyenne Angèle Miralès d'Aïn-Bessem, elle n'assuma pas ce choix jusqu'au bout. En 1964 elle suivit le même chemin que celui emprunté par ses compatriotes qu'elle avait contribué à chasser de leur pays natal, et se réfugia en France. Son nom ne mérite pas d'être connu.

Particularités de la commune de Bertville (ou Aïn-Laloui)
Ce centre a été créé quatre ans à peine après Aïn-Bessem dont il fut une annexe jusqu'aux années 1950. Je ne sais pas à quelle date il a été baptisé Bertville car en 1880 Paul Bert n'avait pas encore tenu les postes ou pris les décisions qui ont pu lui valoir cet insigne honneur. En 1880 le lieu où a été bâti le village s'appelait Aïn-Bou-Dib et non Aïn-Laloui comme après 1962.

Paul Bert était déjà docteur en médecine, depuis 1864.
Il était aussi professeur de physiologie à la Sorbonne, depuis 1869.
Mais il n'était pas le seul docteur à enseigner en ce lieu prestigieux. Les mérites éminents qui peuvent expliquer la décision de donner son nom à un village de colonisation, sont postérieurs à 1880.

   ·        

En 1881 il est nommé par Gambetta, ministre de l'Instruction publique et des Cultes. Proche de Jules Ferry il est favorable à la gratuité et à la généralisation de l'enseignement primaire ; mais n'est pas partisan de trop éduquer les peuples colonisés qu'il juge inférieurs. Il avait rédigé des manuels scolaires où ses propos sur les " races inférieures " lui vaudraient aujourd'hui de gros ennuis judiciaires. Je ne crois pas que ce soit la bonne raison.

   ·      En 1883 il est nommé Président d'honneur d'un comité pour la protection des colons et l'avenir de l'Algérie. Ce fut en effet un théoricien de la colonisation qu'il défendait avec des arguments semblables, une fois encore, à ceux de Jules Ferry : à savoir intérêt économique (les débouchés pour nos industries), bases et escales navales pour nos navires, prestige nationale et diffusion du progrès. Il est d'ailleurs venu en Algérie, notamment en 1885. Cette présidence sans pouvoirs réels, pourrait constituer une raison symbolique.
   ·     En 1886 il est nommé Résident Général pour le Tonkin et l'Annam. L'année précédente il avait beaucoup bataillé, à l'Assemblée nationale, pour garder le Tonkin malgré les dépenses et les difficultés que cela entraînait dans nos relations avec les empereurs de Chine et d'Annam. Il fut le premier civil nommé à ce poste. Il n'y resta, malheureusement pour lui, qu'à peine 6 mois. Il embarqua à Marseille le 12 février, arriva à Hanoï le 8 avril et y mourut du choléra le 11 novembre (jour pas encore férié). En si peu de temps il avait réussi à donner forme au second traité de Tien-Tsin en négociant avec l'empereur d'Annam résidant à Hué, un arrangement qui faisait de l'Annam un protectorat et du Tonkin une vice-royauté annamite également sous protection française. En France il était anti-clérical ; au Tonkin il a favorisé les missionnaires catholiques.

Paul Bert n'a pas eu le bonheur de connaître l'achèvement de son œuvre, c'est-à-dire en 1887 la création de l'Union Indochinoise et la prise de Hué. La somme de ses propos favorables à la colonisation et son action au Tonkin justifient sans conteste la décision de donner son nom au village ; si toutefois cette décision est postérieure à 1886 ; ce que je ne puis prouver.

Particularités de la commune d'Hoche (ou de Khabbouzia)

Ce centre porte le nom du général Louis Lazare Hoche, qui serait sans doute resté sous-officier s'il n'y avait eu la révolution de 1789. C'est un roturier qui s'est engagé en 1784, à 16 ans dans les gardes françaises. Son ascension dans la hiérarchie militaire qui ne commence qu'en 1789 est ultra rapide : il est promu sergent en septembre 1789, adjudant en janvier 1792, capitaine à l'automne et général de division en 1793. On lui confie le commandement en chef de l'armée de la Moselle. Il y bat les Autrichiens et reconquiert l'Alsace. Mais sous la Convention montagnarde les situations les plus hautes ne sont pas stables : en 1794 il est emprisonné en avril en vertu de la loi des suspects, et libéré en août grâce à la chute de Robespierre. Il échappe ainsi à la guillotine pour se retrouver chargé d'une mission de guerre civile : la pacification de la Vendée qu'il réussit en signant avec Charrette la paix de La Jaunaye en février 1795. En juin-juillet de la même année il repousse la tentative royaliste de débarquement à Quiberon. Ce sont ses derniers succès militaires car, retourné dans son armée de la Moselle, il y meurt de tuberculose en septembre 1797 à 29 ans. Sa carrière fut courte et son engagement contre la Vendée ne lui valut pas l'estime de tous les Français.
Quel rapport avec l'Algérie ? Vraiment aucun. Pourquoi ce général plutôt qu'un autre ? Je n'en sais rien. Quand il s'agissait d'un général ayant participé à la conquête ou à d'autres opérations militaires en Algérie (Loverdo, Yusuf, Aumale, Munier, Bugeaud…) le choix était facile à justifier. Mais pour Hoche il faudrait que quelqu'un m'explique.

Des 4 villages et des 4 communes de la CM d'Ain-Bessem Hoche fut le moins bien loti, tant pour son terroir que pour l'emplacement de son village centre. Il n'est pas dans la plaine des Aribs, mais au-dessus à la lisière des contreforts montagneux. Le village est desservi par une route en cul-de-sac. Au-delà il n'y a que des douars arabes ou kabyles. Pour les Français c'est un bout du monde ; pas trop éloigné d'Alger (120 km) mais un bout tout de même : on n'y voyait jamais passer d'européens en balade ; ou alors c'était des chasseurs car le territoire était très giboyeux.

C'est dans cette commune que le 5 mai 1871 le bachaga El Mokrani révolté fut tué d'une balle française en plein front auprès de l'oued Soufflat.

Selon la tradition familiale il était facile de pêcher des écrevisses dans cet oued. Et s'il n'y avait plus de lion, ni de gazelles en 1900, il y vivait encore des panthères. La dernière aurait été tuée, vers 1902, par une lointaine parente née Elise Muller dont les parents tenaient en gérance une grande ferme sur la route montant à Hoche. La ferme appartenait à des Français résidant en métropole !

En 1954 (voir tableau plus haut) le nom Hoche aurait pu être ajouté à la liste des 51 villages de colonisation en voie de dépérissement publiée par le gouvernement général en 1932. Réfléchissons : il restait 24 européens, enlevons 2 instituteurs, un postier, leurs femmes et leurs enfants ; au moins 6 ou 8 personnes de passage. Reste 16 ou 18 vrais résidents ; soit au maximum 8 ou 9 familles dans une commune de 2014 habitants. Ce n'est pas assez pour croire à la pérennité d'un tel peuplement européen, quelle qu'ait été l'évolution politique de l'Algérie. Le village était au bout de la route depuis le début, sa survie en tant que village de colons était devenue une illusion. Il n'y avait même pas assez de clients pour quelque commerce que ce soit. Au mieux on pouvait imaginer que les fermes françaises soient cultivées par des colons habitant à Aïn-Bessem et montant en voiture aussi souvent que nécessaire pour vérifier le travail accompli par un arabe de confiance laissé sur place.

L'énigme de La Baraque

La Baraque est un village qui figure sur les cartes, à mi distance très exactement entre Aumale et Bouira (18km de chaque côté) sur la piste la plus directe entre ces deux villes, par le petit col de Becouche (933m) et les vallonnements qui se trouvent au nord de l'Ouennougha.

La Baraque figure parmi les communes de plein exercice dans les résultats du recensement de 1954. Auparavant elle était une annexe de la commune mixte d'Aumale.

Mais La Baraque ne figure dans aucune des listes de création de village (fiables ou pas) que j'ai pu consulter. C'est comme si ce centre n'avait jamais reçu de consécration officielle. Il y vivait pourtant en 1954 60 européens sur 9368 habitants ; c'est trois fois plus d'européens et quatre fois plus de musulmans qu'à Hoche.

Je sais seulement qu'un caravansérail y avait été établi, à une date inconnue, après la fondation de la place d'Aumale, pour sécuriser les déplacements sur cette piste qui, au-delà de Bouira, desservait aussi Beni-Mansour. Je crois savoir aussi qu'en 1871, lors de la révolte d'El Mokrani, les gens qui tenaient ce poste ont été menacés avant que la garnison d'Aumale ait pu, soit les protéger, soit les évacuer vers la ville.

Il n'est pas exclu qu'après la mort d'El Mokrani et la capture de son frère qui avait repris le flambeau de la révolte, des terres de cette région aient été mises sous séquestre pour être, soit revendues aux tribus punies (à 20% de leur valeur), soit consacrées à l'installation de colons.

J'imagine qu'après le retour de la sécurité, lorsque le caravansérail a été abandonné sur cette piste qui ne devint jamais la route principale entre Aumale et Bouira, des terres ont été cédées par l'Etat ou vendues par des tribus, à des colons qui ont construit des fermes sans qu'un vrai village ait été préalablement tracé et aménagé par l'administration. Si l'un de mes lecteurs pouvait compléter ou corriger cet exposé, qu'il n'hésite pas à adresser à B.Venis tout ce qu'il sait sur La Baraque.

Les centres de colonisation de la vallée de l'oued Akoum

Caractères généraux

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carte

L'oued Akoum est un affluent de rive droite du Chélif, qui prend naissance dans les collines qui ferment, au sud, la cuvette de Berrouaghia, à 3 ou 4 km de la ville. Sa vallée s'étire sur environ 30 km, de ses sources jusqu'à sa rencontre avec la vallée du Chélif.

L'oued a de l'eau en toutes saisons. Il coule du nord au sud jusqu'à Arthur, puis oblique vers le sud-ouest jusqu'à Maison Blanche, où il conflue avec le Chélif qui coule du sud au nord.

La vallée commence à s'élargir un peu en amont de Brazza : près d'Arthur après la confluence avec l'oued Serhouane, elle atteint 500 m de large, assez pour y installer des fermes ou des villages. Son altitude s'abaisse de 850 à 600 m.

Les tribus qui vivaient là avant 1830 étaient des tribus makhzen proches des Turcs : les Douairs et les Abids. La France a attendu longtemps avant d'oser acquérir une partie de leurs terres pour y implanter trois villages, dont un après 1918.

La pluviométrie se dégrade du nord au sud, de 600 à 500 mm ou 400 mm les mauvaises années. Elle ne permet guère que la céréaliculture associée à un élevage de moutons sur les terres en jachère.

Cette vallée a bénéficié dès l'occupation de Laghouat (1852) d'une excellente organisation des transports basée sur des caravansérails échelonnés tous les 30/35km. La piste des origines est devenue la RN 1. Et entre 1892 et 1912 c'est le chemin de fer qui est arrivé, bien avant la fondation du dernier village.

La France a créé dans cette vallée trois villages dont un entre 1905 et 1921. Ces villages sont éloignés d'Alger (131 à 149km) mais peu isolés car ils sont proches les uns des autres et surtout ont toujours été desservis chaque jour par des diligences, puis par des autobus et enfin par des trains

En 1956 ils eurent tous leur SAS.

Les particularités de la commune de Brazza (ou Zoubiria)

L'origine du nom est des plus faciles à expliquer. C'est un hommage rendu quelques mois après sa mort à Pietro Paolo Savorgnan de Brazza que nos dictionnaires qualifient de grand explorateur français et de colonisateur pacifique. Son nom est attaché au Congo et à l'Algérie, très directement.(note du site : voir, aussi, ici.)

Il était né dans une famille noble de Brazzaco (Frioul) établie à Castel Gandolfo près de Rome. C'était le septième de 12 enfants. Sa chance fut que son père était ami avec l'amiral français Louis de Montagnac alors en poste à Rome lorsque Pietro Paolo avait 15 ou 16 ans. Montagnac remarqua les qualités du jeune homme : il lui conseilla et lui permit de présenter, à titre étranger, le concours d'entrée à l'Ecole Navale de Brest. Savorgnan fut reçu en 1868, 53è sur 73. Six ans plus tard il est naturalisé français et sept ans plus tard, en 1875, le même Montagnac le fait choisir pour mener une mission d'exploration vers le Congo, par l'Ogooué, à partir de notre base navale du Gabon.

Voilà notre officier de marine reconverti dans l'exploration, et bientôt dans l'administration coloniale. Il fit au Congo 7 séjours.

Lors du second voyage (1879/1880) il planta le drapeau français au bord du fleuve Congo dans le village de Mfoa. C'est l'origine de Brazzaville. Il signa avec le souverain local, Makoko, roi des Batékés, le 9 octobre 1880, le traité de protection qui donna naissance à notre colonie du Congo, et plus tard, après la mort de Savorgnan, à la fédération de l'A.E.F.

De 1883 à 1898 il est " Commissaire Général du Congo français " avec autorité sur le Congo et le Gabon. Son nom n'est alors associé à aucune bataille, à aucun massacre, seulement à des palabres que ses adversaires (Marchand notamment ; celui de Fachoda) jugent trop longues et à des traités.

Il meurt le 14 septembre 1905 à Dakar lors du voyage de retour de son septième séjour qui était en fait une tournée d'inspection. Son épouse restée à Alger affirmait qu'il avait été empoisonné.

Son nom est aussi étroitement associé à l'Algérie où il débarqua en 1870 pour une mission en Kabylie en tant qu'aspirant. Après sa " mise en disponibilité " en 1898, à 46 ans, il s'établit à Alger. C'est là, au cimetière du boulevard Bru qu'il fut inhumé, ainsi que plus tard sa femme et ses 4 enfants, dans un tombeau monumental surmonté d'un buste en bronze.

Mais son histoire africaine ne s'arrête pas là, car en 2005, pour le centième anniversaire de sa mort, le chef du Congo, Denis Sassou-Nguesso, jusqu'alors marxiste et anticolonialiste virulent, annonça son intention de faire bâtir à Brazzaville un mémorial monumental où seraient accueillies solennellement les 6 dépouilles de de Brazza, de son épouse et de leurs enfants. Je passe sur les détails : ce qui avait été souhaité fut réalisé le 3 octobre 2006. Les 6 cercueils avaient quitté Alger à bord d'un avion d'Air Algérie pour l'aéroport de Maya-Maya (Brazzaville). Le mausolée luxueux se trouve près de la mairie de la capitale congolaise. Sassou-Nguessou avait assuré à ses concitoyens " ce retour est l'occasion d'une rencontre pathétique entre le devoir de mémoire et l'hommage d'un peuple à un homme exceptionnel, un grand humaniste, dont le rôle et le caractère marquent à jamais notre histoire ". Qui dit mieux ?


brazza

L'inauguration du village de Brazza a eu lieu en 1905 ou 1906 en présence madame de Brazza, née Pineton de Chambrun.
L'aspect du village se devine, en l'absence de photos, grâce à l'extrait de carte au 1/50 000. Ce n'est ni un village classique en damier, ni un village rue. Il n'a pas vraiment l'air d'un village, mais plutôt d'un grand hameau avec des maisons regroupées sans ordre dans la fourche en Y d'un carrefour formé par deux routes venant de Berrouaghia, la principale, la RN 1, étant à l'ouest. L'autre rejoint la route de Berrouaghia à Aumale par Masqueray. Entre 1910 et 1912 la voie ferrée est venue s'interposer entre les deux routes et isoler le hameau de la RN 1.


photo prise à Pâques 1939 depuis la RN 1


Le paysage rural à l'aval du centre est celui d'une plaine à blé et orge, sans arbre, dominée par des collines tout aussi pelées.
Quelques fermes avaient été bâties à l'écart du hameau ;
en petit nombre.

Sur cette photo prise à Pâques 1939 depuis la RN 1 on aperçoit les champs, les collines pelées, une ferme et le remblai du chemin de fer.

Brazza était à 11 km de Berrouaghia et à 7 km du village le plus proche, Arthur, créé dans les années 1920. Il était très bien desservi par les autocars blidéens ayant leur terminus à Boghari, Aïn-Boucif et Djelfa ; ainsi que par les trains de la ligne de Blida à Boghari à partir de 1912

Brazza est devenu commune de plein exercice sans doute dans les années 1930. Dans le recensement de 1948 il est qualifié de CPE.

En 1954 il restait encore 59 européens sur 1309 habitants.

Particularités du centre de Moudjebeur

Moudjebeur est un centre de peuplement européen tout à fait à part, et pas seulement parce qu'on lui a conservé son nom indigène, et qu'il ne fut jamais le nom d'une commune. Le lieu-dit Moudjebeur est entré dans l'histoire de France en mai 1841 quand Baraguay d'Hilliers est passé par là en pourchassant le khalifa d'Abd el-Kader, El Berkani, jusqu'à Boghar.

Moudjebeur fut ensuite le nom du dernier caravansérail établi sur la piste du sud entre Berrouaghia et Boghar. Ce caravansérail perdit de son intérêt en 1856, lorsque fut créé, et doté d'une troupe de tirailleurs, le village de Boghari à l'endroit où le Chélif quitte les hautes plaines steppiques et s'enfonce dans l'Atlas tellien.

Sous le second Empire Moudjebeur hébergea l'une des seize smalas (ou mieux zmoul) d'Algérie ; dont trois dans le Titteri (Moudjebeur, Berrouaghia et oued Mamoura près de Sidi-Aïssa). Je rappelle que les smalas de spahis réunissaient des cavaliers-colons indigènes auxquels on avait distribué des terres comme rémunération ; 10 à 18ha selon les régions. Ces spahis devaient les cultiver et rester à la disposition des autorités françaises pour mener des enquêtes de police dans les douars voisins et sécuriser le trafic sur la grande route près de laquelle ils avaient été systématiquement établis. Ils vivaient en famille sous des tentes qu'ils montaient pas trop loin du bordj construit en dur où logeaient les cadres français et où se trouvaient les écuries. En cas de danger tout le monde aurait pu s'y réfugier. Le bordj de Moudjebeur avait été construit logiquement à la jonction des deux vallées du Chélif et de l'oued Akoum.

oued akoum

La smala de Moudjebeur eut une bien triste fin. En janvier 1871 Paris demanda le transfert en France d'un régiment de spahis pour desserrer le siège de Paris par les Prussiens. C'est celui de Moudjebeur qui fut choisi. Or cette mission lointaine, et périlleuse, n'était pas conforme au statut particulier de ces soldats-colons. Le 23 janvier ils se mutinèrent, tuèrent un sous-officier et désertèrent avec leurs armes. Après cet épisode on ne rétablit pas la smala de Moudjebeur.

La troisième République récupéra les bâtiments et les terres pour installer une bergerie nationale destinée, sinon à expérimenter, du moins à montrer aux indigènes, peu intéressés, comment améliorer leurs élevages de moutons. Ce ne fut pas un succès.

En 1880 la bergerie fut fermée et ses terres furent destinées à être distribuées à des colons, en concession gratuite, conformément au décret de 1878. Le nouveau centre fut rattaché à la commune mixte de Boghari.

Les actes d'Etat civil numérisés du CAOM d'Aix-en-Provence signalent 16 naissances européennes entre 1880 et 1890. Le nouveau centre paraissait promis à un bel essor. Pourtant aucune commune ne s'appelait Moudjebeur en 1954. Mais il est probable que Moudjebeur était alors le chef-lieu de la commune dite de M'Fatah où, en 1954, vivaient encore 66 européens. Le bled M'Fatah est juste au sud-ouest de Moudjebeur et près du lieu-dit Maison Blanche.

gare de moudjebeur

Quant au bordj, je suppose qu'il a été vendu et non offert. Il est à l'origine de la vaste ferme appelée Maison Blanche mentionnée sur la carte au 1/50 000. Elle est assez éloignée du village car les colons ont préféré bâtir leurs maisons en bordure de la route nationale.

En 1912 est inaugurée la gare de la ligne de Blida à Boghari, prolongée en 1921 jusqu'à Djelfa.


Les particularités de la commune d'Arthur ( ou Seghouane)

Le cas de ce centre ne devrait pas être évoqué ici puisqu'il ne fut fondé qu'après la guerre, en 1921. mais je crois raisonnable de donner la primauté à la logique géographique plutôt qu'à la chronologie. C'est l'un des derniers centres de colonisation créés en Algérie.

Il n'y a pas, dans l'histoire de France, de général, de savant ou d'écrivain ayant porté ce nom. Mais il y avait vers 1900/1920 une madame Arthur. Le village lui doit son nom. Il ne s'agit pas de la dame de la chanson "qui fit parler d'elle longtemps ", mais d'une riche anglaise qui vivait à Alger et qui a légué sa somptueuse villa au gouvernement général qui en fit la résidence de fonction de son secrétaire général. Cette dame Arthur aurait souhaité qu'on donnât son nom à un futur village de colonisation. Si c'est exact, son vœu fut exaucé, mais à minima car Arthur ne devint jamais un vrai village avec plan carré, rues tracées, place centrale et kiosque à musique.

Ce ne fut qu'un groupe de fermes au bord de la RN 1 près du confluent des oueds Akoum et Serhouane, à proximité de la voie ferrée dont la pose est antérieure de 9 ans à l'arrivée des colons

arthur, seghouane

Ce ne fut pas, comme l'écrit joliment un natif du lieu, sur le site " Les enfants du Titteri " " un trou au fond d'un trou, le plus perdu des bled perdus ".Ce fut un centre tardif, modeste certes, mais admirablement situé sur l'un des axes les mieux desservis d'Algérie, et pourvu d'une école, d'une poste et même d'une mairie car Arthur fut chef-lieu de commune ; et près du carrefour avec la route d'Aïn-Boucif et de Sidi-Aïssa. Ceux qui regarderont la carte de près noteront que la gare ne s'appelait pas Arthur, mais Tléta-des-Douairs : c'est parce qu'elle avait été bâtie bien avant Arthur. Elle desservait un hameau indigène établi sur le site d'un ancien marché du mardi (Et Tleta) à 6km plus à l'est dans la vallée de l'oued Serhouane. Douairs est, avant 1830, le nom d'une tribu makhzen.

En 1954 vivaient dans la CPE d'Arthur 51 européens sur 5218 habitants. Cette commune englobait les centres d'Arthur et de Tléta des Douairs qui n'était pas un centre de colonisation.


La gare de Tléta-des-Douairs


La gare de Tléta-des-Douairs est celle qui desservait Arthur aujourd'hui nommé Seghouane