Géographie
de l'Afrique du nord
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C / LES VILLAGES DE COLONISATION On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959,
Djelfa
et Tablat
avaient été d'abord de simples villages de colonisation.
Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas,
et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été
créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages
européens entre 1848 et 1924.
Ce fut la période la plus favorable à la création de villages de colonisation : une quinzaine pour le seul Titteri et plus de 300 pour toute l'Algérie. Cette brutale accélération succéda au net ralentissement impérial de 1851 à 1864 ; puis à un arrêt volontaire à partir de 1864. Qu'est-ce qui a donc changé,
de ce point de vue, avec l'installation de la République ? Ensuite la nomination de gouverneurs généraux
désireux d'implanter des colons français sur l'ensemble
du territoire. Trois gouverneurs généraux ont mis la colonisation
rurale au premier rang de leurs préoccupations : Pour trouver les terres indispensables à la création de villages trois méthodes furent utilisées, le séquestre de terres prises aux tribus insurgées en 1871 (le Titteri fut très peu ou pas du tout concerné par ces séquestres), l'achat de gré à gré (la meilleure ; mais pas facile de trouver des vendeurs) et l'expropriation pour cause d'utilité publique. Et enfin pour la colonisation privée, c'est-à-dire pour les achats de terre par des particuliers, la nouvelle loi Warnier du 26 mars 1873 institua une nouvelle législation sur les licitations (ventes aux enchères d'un bien indivis comme celui de la plupart des tribus) très favorable aux acheteurs et aux spéculateurs, européens ou pas, cultivateurs ou pas. Cette loi entraîna de tels abus que son emploi fut freiné dès 1887 et qu'elle fut volontairement oubliée en 1891. Et en février 1897 une nouvelle loi empêcha qu'un seul copropriétaire puisse obtenir une licitation.
Les conditions d'attribution des concessions ont fait l'objet de trois décrets entre 1871 et 1904 ; les modifications allant dans le sens du durcissement.
Le problème du coût avait
d'ailleurs fait échouer en 1882 le projet du G.G. Tirman dit des
50 millions. Ce projet prévoyait de créer avec ces 50 millions,
300 villages de 50 feux sur 600 000ha. Mais à Paris les députés
l'ont rejeté par 249 voix contre 211 au motif qu'il coûtait
trop cher et qu'il entraînerait trop d'expropriations et de mécontentements
dans les tribus concernées. Caractères généraux Ces quatre centres sont ceux de la plaine des Aribs, entendue au sens large. Ce sont Aïn-Bessem, Aboutville, Bertville et Hoche. J'ai choisi de faire figurer sur cet extrait de la
carte au 1/200 000, comme points de repère, quatre centres qui
ne sont pas dans la commune mixte d'Aïn-Bessem. Ce sont Bouira qui
est un chef-lieu d'arrondissement du département de Tizi-Ouzou,
Bir-Rabalou et son annexe des Trembles qui fut créé sous
le second Empire en 1858, et La Baraque, un ancien caravansérail
sur la route directe Bouira-Aumale devenu chef-lieu de commune en 1956. Cette plaine des Aribs
porterait le nom d'une tribu saharienne qui s'y serait fixée à
une date antérieure à l'arrivée des Turcs. Ces Aribs,
sans doute belliqueux de nature auraient rendu beaucoup de services aux
Turcs en leur fournissant d'efficaces troupes auxiliaires en cas de besoin. De Bir-Rabalou à Bouira elle s'étire sur une trentaine kilomètres dont une vingtaine dans la commune mixte d'Ain-Bessem. Ce couloir ne s'élargit en véritable plaine qu'entre Bir-Rabalou, Les Trembles et Aïn-Bessem. Il est drainé vers l'est par l'oued Lekhal qui descend d'Aumale. Vers l'aval, l'oued change plusieurs fois de nom pour s'appeler oued ed Dous, puis oued Sahel, puis Soummam. Cette façon de changer les noms des cours d'eau d'amont en aval est de tradition en Algérie. Ce couloir est dominé au sud, mais à plus de 14km à vol d'oiseau, par les collines boisées de la forêt du Ksenna qui constitue la limite du massif de l'Ouennougha. Au nord il est séparé de la vallée de l'oued Soufflat par les hauteurs du djebel Hellala (1042m). Son altitude baisse lentement de l'ouest (650m) vers l'est (550m). Il est cependant 100m plus bas que le petit plateau où se trouve le village d'Hoche. Quand on remonte en voiture (ou autrement, mais c'est plus long) la RN 18, l'impression qui s'impose est celle d'une plaine bordée par la ligne bleue d'un djebel pas très élevé. C'est tout à fait le cas sur la photo ci-dessous qui a été prise du côté d'Aboutville en direction du djebel Hellala. Le champ de blé (ou d'orge ?) récemment moissonné a été porteur d'une belle récolte. C'est que la pluviométrie est suffisante pour que les rendements céréaliers soient corrects. Ils ne sont pourtant pas toujours semblables, car ils dépendent surtout, non du total annuel, mais du total printanier qui est le plus important. Un printemps anormalement sec est ce que les colons et les fellahs craignaient le plus. Mais les colons avaient, pour compenser une moisson médiocre les revenus du vignoble. L'économie était basée sur la culture des céréales pour tous avec en plus la vigne pour les colons et un peu d'arboriculture pour les fellahs des douars kabyles.
En effet, comme partout sur la bande des terres colonisées entre Borély-la-Sapie et Bouira, c'est le vignoble qui assurait les meilleurs revenus. Comme la création de ces quatre centres fut tardive, les colons ont bénéficié dès le début, de la crise du phylloxera qui leur a ouvert le marché français ; d'autant mieux que leurs vins acquirent rapidement une bonne réputation qu'ils n'ont jamais perdue. Lorsque l'office du vin décida en 1947 de classer les vignobles d'Algérie, ils furent placés, comme ceux de Médéa et de Berrouaghia, dans la catégorie " vignobles de montagne " produisant des vins VDQS. Bien évidemment il y avait des conditions à respecter concernant notamment :
Pour bien mesurer l'intérêt économique de ce vignoble je cède la parole à un journaliste du quotidien El Watan qui, dans un article du premier août 2004 ne cache pas ses regrets. " La viticulture, par les nombreux soins qu'elle réclame créait beaucoup d'emplois et de richesses. C'était une époque pleine de faste. L'arrachage de la vigne nous a porté un coup sévère. Aujourd'hui il ne reste que les céréales et les pommes de terre. Mais les céréales sont guettées par les sécheresses de printemps et les maladies ". Et le journaliste rapporte que le responsable de la commune conclut en disant " Ain-Bessem ne sourit plus ". Pour comprendre cette boutade il faut savoir qu'Aïn-Bessem signifie : source du sourire ! Cette région, proche de la Kabylie, aurait supporté comme elle, des plantations d'oliviers. Mais l'oléiculture qui semble avoir existé à l'époque romaine, ne faisait pas partie des traditions des tribus Aribs de la plaine. On trouvait cependant des oliviers sur les contreforts habités par des Kabyles. Ces quatre villages sont presque du même âge.
Ils ont tous été créés dans un laps de temps
de 14 ans entre 1876 et 1890. Leur fondation a donc respecté le
système de la concession gratuite sans la condition de possession
du capital de 5 000 francs ajoutée en 1892.
Commentaires. Seul Aïn-Bessem a vu sa population européenne augmenter entre sa création et 1954. C'est assez rare pour être souligné. Les trois autres centres ont connu une baisse du nombre des colons dès le début. Il n'est pas exclu que la hausse d'Aïn-Bessem ait été nourrie en partie par le départ de colons quittant les villages voisins moins bien pourvus en services de toutes sortes scolaires, médicaux et bancaires notamment. Le déclin le plus profond est celui du village le plus isolé : Hoche, le seul à l'écart de la RN 18. Ce village est aussi le seul pour lequel je n'ai trouvé
aucune trace d'un service de transport public. Les trois autres, tous
situés sur la RN 18 étaient desservis, au départ
d'Alger et entre eux ainsi qu'à Bir-Rabalou, par les autocars de
la société Auto-Traction d'Afrique du nord. Particularités de la commune
d'Aïn-Bessem
J'aurais pu commencer cette liste chronologique par 375 après Jésus-Christ car, on s'en souvient, les Romains y avaient établi un fort " Castellum Auziense " dans lequel le général rebelle Firmus fut emprisonné. Et 375 est la date de son suicide par pendaison, pour ne pas être livré à son adversaire romain Théodose. Mais sans doute aurais-je eu tort car il n'y eut à l'époque romaine ni municipe, ni colonie. Et pas davantage par la suite. A l'époque ottomane les places fortes turques étaient à Hamza (Bouira) et Sour el-Ghozlane (Aumale). Le centre d'Aïn-Bessem, malgré son nom arabe conservé, est une pure création française. La particularité d'Aïn-Bessem quant aux activités et aux services est d'en posséder un certain nombre qui sont absents des villages voisins ; ce qui a fait d'Aïn-Bessem une sorte de petite capitale locale. Le village est un centre administratif, puisqu'il héberge les bureaux de la commune mixte. Il est aussi un centre commercial
polyvalent avec son marché du vendredi, Il serait abusif d'évoquer un rôle industriel ; mais il faut tout de même ne pas négliger les 4 moulins qui ont un temps tourné sur l'oued Lekhal, ainsi qu'une fabrique de chaux hydraulique et une briqueterie. L'aspect architectural est d'un grand classicisme colonial, mais en version améliorée. On y retrouve le plan en damier, les larges trottoirs ombragés et la place centrale avec son kiosque. Mais il y en plus des immeubles à arcades qui donnent à une ou deux rues centrales un cachet urbain. Les bâtiments officiels de style Jonnart, pseudo-musulman, n'y sont pas rares ; tel le hammam alors appelé bain maure, qui est un équipement inconnu dans les villages. Seul le style de la mairie de 1932 dénote véritablement dans cet ensemble traditionnel. L'église était banale et la mosquée conforme au modèle maghrébin avec son minaret carré. Il y avait aussi au centre un square non clôturé et très bien tenu, dans les années 1950, avec des bancs et des portiques à colonnes.
Deux personnes ont un nom qui peut être associé à la cité d'Aïn-Bessem pour des raisons très différentes, voire opposées. Jean Brune
y est né en 1912. Mais il n'y est guère resté car
sa famille a souvent déménagé. Il a vécu une
enfance errante, plutôt dans le bled, en Algérie et au Maroc. Madame Miralès Angèle est née à Miliana. Mais c'est à Ain-Bessem qu'elle s'installa bien avant 1954. Elle y a tenu successivement, avec succès, une pension de famille, puis un restaurant bar appelé " La chaumière " et réputé, paraît-il, pour ses plats de gibier, sanglier compris. Mais ce ne sont pas ses talents de cordon bleu qui expliquent sa présence ici : c'est son engagement déterminé en faveur des fellaghas qu'elle a parfois aidés, notamment en les cachant. Cet engagement est rarissime chez les Français natifs d'Algérie. Et elle lui est restée fidèle jusqu'à sa mort : ce qui est plus rare encore. On lui a laissé son restaurant qui ne fut pas nationalisé, et elle a continué à cuisiner. Elle est morte à Aïn-Bessem où elle a été enterrée au cimetière musulman. Elle n'a pas comme la plupart des pro-fellaghas, fini par chercher refuge en France. Je désapprouve son engagement mais le fait qu'elle soit restée en Algérie jusqu'au bout mérite le respect. Particularités de la commune
d'Aboutville ( ou Aïn el-Hadjar) Il portait le nom d'un écrivain français de second rang pour une étrange raison que le dictionnaire Joanne de 1908 résume ainsi " le village a pris le nom d'un écrivain qui a consacré, ou plutôt qui avait manifesté l'intention de consacrer un livre à l'Algérie sous le titre : l'Autre France ". Cet écrivain est Edmond About qui n'a peut-être pas eu le temps de rédiger l'ouvrage promis car il est mort trop tôt, à 57 ans, en 1885, quatre ans avant la fondation d'Aboutville. Ses deux ouvrages les plus appréciés sont le Roi des montagnes et l'Homme à l'oreille cassée qui lui ont valu d'être élu à l'Académie française. Il avait l'aspect d'un village rue, de part et d'autre de la RN 18.
Tout comme Aïn-Bessem, Aboutville eut sa française
complice du FLN. C'était une institutrice ou une instructrice communiste
nommée à l'école du village en 1952, et qui en 1955
s'engagea dans le soutien à la lutte armée contre la France.
Cela lui valut en 1962 une promotion hors norme à l'école
normale d'El-Biar. Mais contrairement à sa concitoyenne Angèle
Miralès d'Aïn-Bessem, elle n'assuma pas ce choix jusqu'au
bout. En 1964 elle suivit le même chemin que celui emprunté
par ses compatriotes qu'elle avait contribué à chasser de
leur pays natal, et se réfugia en France. Son nom ne mérite
pas d'être connu. Paul Bert était
déjà docteur en médecine, depuis 1864.
Particularités de la commune d'Hoche (ou de Khabbouzia) Ce centre porte le nom du général Louis
Lazare Hoche, qui serait sans doute resté sous-officier
s'il n'y avait eu la révolution de 1789. C'est un roturier qui
s'est engagé en 1784, à 16 ans dans les gardes françaises.
Son ascension dans la hiérarchie militaire qui ne commence qu'en
1789 est ultra rapide : il est promu sergent en septembre 1789, adjudant
en janvier 1792, capitaine à l'automne et général
de division en 1793. On lui confie le commandement en chef de l'armée
de la Moselle. Il y bat les Autrichiens et reconquiert l'Alsace. Mais
sous la Convention montagnarde les situations les plus hautes ne sont
pas stables : en 1794 il est emprisonné en avril en vertu de la
loi des suspects, et libéré en août grâce à
la chute de Robespierre. Il échappe ainsi à la guillotine
pour se retrouver chargé d'une mission de guerre civile : la pacification
de la Vendée qu'il réussit en signant avec Charrette la
paix de La Jaunaye en février 1795. En juin-juillet de la même
année il repousse la tentative royaliste de débarquement
à Quiberon. Ce sont ses derniers succès militaires car,
retourné dans son armée de la Moselle, il y meurt de tuberculose
en septembre 1797 à 29 ans. Sa carrière fut courte et son
engagement contre la Vendée ne lui valut pas l'estime de tous les
Français. Des 4 villages et des 4 communes de la CM d'Ain-Bessem Hoche fut le moins bien loti, tant pour son terroir que pour l'emplacement de son village centre. Il n'est pas dans la plaine des Aribs, mais au-dessus à la lisière des contreforts montagneux. Le village est desservi par une route en cul-de-sac. Au-delà il n'y a que des douars arabes ou kabyles. Pour les Français c'est un bout du monde ; pas trop éloigné d'Alger (120 km) mais un bout tout de même : on n'y voyait jamais passer d'européens en balade ; ou alors c'était des chasseurs car le territoire était très giboyeux. C'est dans cette commune que le 5 mai 1871 le bachaga El Mokrani révolté fut tué d'une balle française en plein front auprès de l'oued Soufflat. Selon la tradition familiale il était facile de pêcher des écrevisses dans cet oued. Et s'il n'y avait plus de lion, ni de gazelles en 1900, il y vivait encore des panthères. La dernière aurait été tuée, vers 1902, par une lointaine parente née Elise Muller dont les parents tenaient en gérance une grande ferme sur la route montant à Hoche. La ferme appartenait à des Français résidant en métropole ! En 1954 (voir tableau plus haut) le nom Hoche aurait pu être ajouté à la liste des 51 villages de colonisation en voie de dépérissement publiée par le gouvernement général en 1932. Réfléchissons : il restait 24 européens, enlevons 2 instituteurs, un postier, leurs femmes et leurs enfants ; au moins 6 ou 8 personnes de passage. Reste 16 ou 18 vrais résidents ; soit au maximum 8 ou 9 familles dans une commune de 2014 habitants. Ce n'est pas assez pour croire à la pérennité d'un tel peuplement européen, quelle qu'ait été l'évolution politique de l'Algérie. Le village était au bout de la route depuis le début, sa survie en tant que village de colons était devenue une illusion. Il n'y avait même pas assez de clients pour quelque commerce que ce soit. Au mieux on pouvait imaginer que les fermes françaises soient cultivées par des colons habitant à Aïn-Bessem et montant en voiture aussi souvent que nécessaire pour vérifier le travail accompli par un arabe de confiance laissé sur place. L'énigme de La Baraque La Baraque est un village qui figure sur les cartes, à mi distance très exactement entre Aumale et Bouira (18km de chaque côté) sur la piste la plus directe entre ces deux villes, par le petit col de Becouche (933m) et les vallonnements qui se trouvent au nord de l'Ouennougha. La Baraque figure parmi les communes de plein exercice dans les résultats du recensement de 1954. Auparavant elle était une annexe de la commune mixte d'Aumale. Mais La Baraque ne figure dans aucune des listes de création de village (fiables ou pas) que j'ai pu consulter. C'est comme si ce centre n'avait jamais reçu de consécration officielle. Il y vivait pourtant en 1954 60 européens sur 9368 habitants ; c'est trois fois plus d'européens et quatre fois plus de musulmans qu'à Hoche. Je sais seulement qu'un caravansérail y avait été établi, à une date inconnue, après la fondation de la place d'Aumale, pour sécuriser les déplacements sur cette piste qui, au-delà de Bouira, desservait aussi Beni-Mansour. Je crois savoir aussi qu'en 1871, lors de la révolte d'El Mokrani, les gens qui tenaient ce poste ont été menacés avant que la garnison d'Aumale ait pu, soit les protéger, soit les évacuer vers la ville. Il n'est pas exclu qu'après la mort d'El Mokrani et la capture de son frère qui avait repris le flambeau de la révolte, des terres de cette région aient été mises sous séquestre pour être, soit revendues aux tribus punies (à 20% de leur valeur), soit consacrées à l'installation de colons. J'imagine qu'après le retour de la sécurité, lorsque le caravansérail a été abandonné sur cette piste qui ne devint jamais la route principale entre Aumale et Bouira, des terres ont été cédées par l'Etat ou vendues par des tribus, à des colons qui ont construit des fermes sans qu'un vrai village ait été préalablement tracé et aménagé par l'administration. Si l'un de mes lecteurs pouvait compléter ou corriger cet exposé, qu'il n'hésite pas à adresser à B.Venis tout ce qu'il sait sur La Baraque. Les centres de colonisation de la vallée de l'oued Akoum Caractères généraux
La pluviométrie se dégrade du nord au sud, de 600 à 500 mm ou 400 mm les mauvaises années. Elle ne permet guère que la céréaliculture associée à un élevage de moutons sur les terres en jachère. Cette vallée a bénéficié dès l'occupation de Laghouat (1852) d'une excellente organisation des transports basée sur des caravansérails échelonnés tous les 30/35km. La piste des origines est devenue la RN 1. Et entre 1892 et 1912 c'est le chemin de fer qui est arrivé, bien avant la fondation du dernier village. La France a créé dans cette vallée trois villages dont un entre 1905 et 1921. Ces villages sont éloignés d'Alger (131 à 149km) mais peu isolés car ils sont proches les uns des autres et surtout ont toujours été desservis chaque jour par des diligences, puis par des autobus et enfin par des trains En 1956 ils eurent tous leur SAS. Les particularités de la commune de Brazza (ou Zoubiria) L'origine du nom est des plus faciles à expliquer. C'est un hommage rendu quelques mois après sa mort à Pietro Paolo Savorgnan de Brazza que nos dictionnaires qualifient de grand explorateur français et de colonisateur pacifique. Son nom est attaché au Congo et à l'Algérie, très directement.(note du site : voir, aussi, ici.) Il était né dans une famille noble de Brazzaco (Frioul) établie à Castel Gandolfo près de Rome. C'était le septième de 12 enfants. Sa chance fut que son père était ami avec l'amiral français Louis de Montagnac alors en poste à Rome lorsque Pietro Paolo avait 15 ou 16 ans. Montagnac remarqua les qualités du jeune homme : il lui conseilla et lui permit de présenter, à titre étranger, le concours d'entrée à l'Ecole Navale de Brest. Savorgnan fut reçu en 1868, 53è sur 73. Six ans plus tard il est naturalisé français et sept ans plus tard, en 1875, le même Montagnac le fait choisir pour mener une mission d'exploration vers le Congo, par l'Ogooué, à partir de notre base navale du Gabon. Voilà notre officier de marine reconverti dans
l'exploration, et bientôt dans l'administration coloniale. Il fit
au Congo 7 séjours. Son nom est aussi étroitement associé à l'Algérie où il débarqua en 1870 pour une mission en Kabylie en tant qu'aspirant. Après sa " mise en disponibilité " en 1898, à 46 ans, il s'établit à Alger. C'est là, au cimetière du boulevard Bru qu'il fut inhumé, ainsi que plus tard sa femme et ses 4 enfants, dans un tombeau monumental surmonté d'un buste en bronze. Mais son histoire africaine ne s'arrête pas là, car en 2005, pour le centième anniversaire de sa mort, le chef du Congo, Denis Sassou-Nguesso, jusqu'alors marxiste et anticolonialiste virulent, annonça son intention de faire bâtir à Brazzaville un mémorial monumental où seraient accueillies solennellement les 6 dépouilles de de Brazza, de son épouse et de leurs enfants. Je passe sur les détails : ce qui avait été souhaité fut réalisé le 3 octobre 2006. Les 6 cercueils avaient quitté Alger à bord d'un avion d'Air Algérie pour l'aéroport de Maya-Maya (Brazzaville). Le mausolée luxueux se trouve près de la mairie de la capitale congolaise. Sassou-Nguessou avait assuré à ses concitoyens " ce retour est l'occasion d'une rencontre pathétique entre le devoir de mémoire et l'hommage d'un peuple à un homme exceptionnel, un grand humaniste, dont le rôle et le caractère marquent à jamais notre histoire ". Qui dit mieux ?
Brazza était à 11 km de Berrouaghia et à 7 km du village le plus proche, Arthur, créé dans les années 1920. Il était très bien desservi par les autocars blidéens ayant leur terminus à Boghari, Aïn-Boucif et Djelfa ; ainsi que par les trains de la ligne de Blida à Boghari à partir de 1912 Brazza est devenu commune de plein exercice sans doute
dans les années 1930. Dans le recensement de 1948 il est qualifié
de CPE. Particularités du centre de Moudjebeur Moudjebeur est un centre de peuplement européen tout à fait à part, et pas seulement parce qu'on lui a conservé son nom indigène, et qu'il ne fut jamais le nom d'une commune. Le lieu-dit Moudjebeur est entré dans l'histoire de France en mai 1841 quand Baraguay d'Hilliers est passé par là en pourchassant le khalifa d'Abd el-Kader, El Berkani, jusqu'à Boghar. Moudjebeur fut ensuite le nom du dernier caravansérail établi sur la piste du sud entre Berrouaghia et Boghar. Ce caravansérail perdit de son intérêt en 1856, lorsque fut créé, et doté d'une troupe de tirailleurs, le village de Boghari à l'endroit où le Chélif quitte les hautes plaines steppiques et s'enfonce dans l'Atlas tellien. Sous le second Empire Moudjebeur hébergea l'une des seize smalas (ou mieux zmoul) d'Algérie ; dont trois dans le Titteri (Moudjebeur, Berrouaghia et oued Mamoura près de Sidi-Aïssa). Je rappelle que les smalas de spahis réunissaient des cavaliers-colons indigènes auxquels on avait distribué des terres comme rémunération ; 10 à 18ha selon les régions. Ces spahis devaient les cultiver et rester à la disposition des autorités françaises pour mener des enquêtes de police dans les douars voisins et sécuriser le trafic sur la grande route près de laquelle ils avaient été systématiquement établis. Ils vivaient en famille sous des tentes qu'ils montaient pas trop loin du bordj construit en dur où logeaient les cadres français et où se trouvaient les écuries. En cas de danger tout le monde aurait pu s'y réfugier. Le bordj de Moudjebeur avait été construit logiquement à la jonction des deux vallées du Chélif et de l'oued Akoum.
La smala de Moudjebeur eut une bien triste fin. En janvier 1871 Paris demanda le transfert en France d'un régiment de spahis pour desserrer le siège de Paris par les Prussiens. C'est celui de Moudjebeur qui fut choisi. Or cette mission lointaine, et périlleuse, n'était pas conforme au statut particulier de ces soldats-colons. Le 23 janvier ils se mutinèrent, tuèrent un sous-officier et désertèrent avec leurs armes. Après cet épisode on ne rétablit pas la smala de Moudjebeur. La troisième République récupéra les bâtiments et les terres pour installer une bergerie nationale destinée, sinon à expérimenter, du moins à montrer aux indigènes, peu intéressés, comment améliorer leurs élevages de moutons. Ce ne fut pas un succès. En 1880 la bergerie
fut fermée et ses terres furent destinées à être
distribuées à des colons, en concession gratuite, conformément
au décret de 1878. Le nouveau centre fut rattaché à
la commune mixte de Boghari.
Quant au bordj, je suppose qu'il a été vendu et non offert. Il est à l'origine de la vaste ferme appelée Maison Blanche mentionnée sur la carte au 1/50 000. Elle est assez éloignée du village car les colons ont préféré bâtir leurs maisons en bordure de la route nationale. En 1912 est inaugurée
la gare de la ligne de Blida à Boghari, prolongée en 1921
jusqu'à Djelfa. Le cas de ce centre ne devrait pas être évoqué ici puisqu'il ne fut fondé qu'après la guerre, en 1921. mais je crois raisonnable de donner la primauté à la logique géographique plutôt qu'à la chronologie. C'est l'un des derniers centres de colonisation créés en Algérie. Il n'y a pas, dans l'histoire de France, de général, de savant ou d'écrivain ayant porté ce nom. Mais il y avait vers 1900/1920 une madame Arthur. Le village lui doit son nom. Il ne s'agit pas de la dame de la chanson "qui fit parler d'elle longtemps ", mais d'une riche anglaise qui vivait à Alger et qui a légué sa somptueuse villa au gouvernement général qui en fit la résidence de fonction de son secrétaire général. Cette dame Arthur aurait souhaité qu'on donnât son nom à un futur village de colonisation. Si c'est exact, son vu fut exaucé, mais à minima car Arthur ne devint jamais un vrai village avec plan carré, rues tracées, place centrale et kiosque à musique. Ce ne fut qu'un groupe de fermes au bord de la RN 1 près du confluent des oueds Akoum et Serhouane, à proximité de la voie ferrée dont la pose est antérieure de 9 ans à l'arrivée des colons
Ce ne fut pas, comme l'écrit joliment un natif du lieu, sur le site " Les enfants du Titteri " " un trou au fond d'un trou, le plus perdu des bled perdus ".Ce fut un centre tardif, modeste certes, mais admirablement situé sur l'un des axes les mieux desservis d'Algérie, et pourvu d'une école, d'une poste et même d'une mairie car Arthur fut chef-lieu de commune ; et près du carrefour avec la route d'Aïn-Boucif et de Sidi-Aïssa. Ceux qui regarderont la carte de près noteront que la gare ne s'appelait pas Arthur, mais Tléta-des-Douairs : c'est parce qu'elle avait été bâtie bien avant Arthur. Elle desservait un hameau indigène établi sur le site d'un ancien marché du mardi (Et Tleta) à 6km plus à l'est dans la vallée de l'oued Serhouane. Douairs est, avant 1830, le nom d'une tribu makhzen. En 1954 vivaient dans la CPE d'Arthur 51 européens sur 5218 habitants. Cette commune englobait les centres d'Arthur et de Tléta des Douairs qui n'était pas un centre de colonisation.
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