A/ LES CHEFS-LIEUXD'ARRONDISSEMENT DE
LA RN 1
MEDEA
(ou Lambdia) |
Siège d'un commissariat civil
de 1840 à 1859
Siège d'une sous-préfecture de 1859 à1956
Siège d'une préfecture de 1956 à 1962
Commune de 25 035 hab. en 1954 (dont 1918 Européens) |
Cette petite ville a joué un rôle éminent
bien avant la conquête française en tant que résidence
de l'un des trois beys dépendant du dey d'Alger, dès 1548
et jusqu'en 1830. Après 10 années de troubles et de dépendances
diverses elle devint française et retrouva un rôle administratif
important dans la province, puis dans le département d'Alger. Elle
fut une sorte de capitale informelle de tout le Titteri français,
comme elle l'avait été du temps des Turcs.
Elle connut pourtant une croissance fort lente et modeste, avec en 1948,
à peine 5 124 habitants " agglomérés "
; sans doute pas beaucoup plus qu'un siècle plus tôt.
Les origines des
noms de la ville sont incertaines
Le pluriel est rendu nécessaire par la multiplicité
des noms proposés et notamment Ad Medias, Lambdia (ou Lemdia, voire
Lemmdiya), et enfin Médéa. Le toponyme Médéa
s'est imposé avant l'arrivée des Turcs au XVIè siècle.
Ad Medias (à
mi-chemin en latin) serait le nom d'un gîte d'étape romain
sur la voie de Maurétanie Césarienne reliant la capitale
Caesarea (Cherchell) à la colonia d'Auzia (Aumale). De cet Ad Medias
déformé au cours des siècles serait sorti le nom
de Médéa. Cette hypothèse n'est pas absurde : elle
est d'ailleurs plus crédible avec la graphie arabe qui n'utilise
que les 4 lettres M D I A qu'avec la graphie latine postérieure.
Lambdia serait le nom d'une tribu sanhadja locale. Ce nom,
latinisé en Lambdienses (les gens de Lambdia) apparaît sur
une borne milliaire (milliaire ; pas militaire) trouvée près
de Mouzaïa-les-mines et indiquant la direction du plateau de Médéa.
En ce cas Lambdia serait un toponyme de l'époque numide, antérieur
à l'arrivée des Romains. Ce nom se retrouve sous le calame
d'Ibn Khaldoun, au XIVè siècle. Il s'est perpétué
jusqu'à nos jours pour désigner les habitants de la ville
et de sa région. Il n'y a jamais eu des Médéens,
mais toujours des Lembdani ou Lemdani. Il est d'usage courant tant en
français qu'en arabe ; à tel point que, vers 1975, Lambdia
est réapparu dans des documents officiels algériens pour
désigner Médéa. Mais cette tentative de résurrection
fut éphémère et elle a échoué.
L'apparition du
ce centre est mal connue et non datable.
L'existence d'un village en ce lieu est sûrement
très ancienne ; mais il est impossible d'avancer une date, même
approximative. Pour leur gîte d'étape, les Romains ont peut-être
utilisé un village ancien ; mais pas avant le IIè siècle.
Même sous les Sévères et les Antonins il n'est question
ni de municipe, ni de colonia, ni de ville de quelque statut que ce soit.
Donc pas de cité romaine classique avec cardo, decumanus, arc de
triomphe et théâtre. Les modestes fouilles entreprises n'ont
mis au jour que des pièces de monnaie. Seules les ruines d'un aqueduc
appelé par nous " portes de Lodi " posent problème.
Un tel aqueduc, s'il était romain, serait disproportionné
en l'absence d'une vraie ville. Une autre hypothèse, plus vraisemblable,
attribue sa construction aux Almoravides qui installèrent là
une vraie place forte au XIè siècle.
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Quatre timbres au service de l'histoire. Ils représentent
tous l'aqueduc de portes de Lodi.
Le Ier , sans mention Algérie, est l'une des derniers timbres
valables tant en Algérie qu'en métropole, émis
après 1958.
Les 3 autres sont postérieurs au 5 juillet 1962. Une
barre noire cache la mention République Française
sur les timbres où les lettres EA,
plus ou moins hâtivement surchargées, signifient Etat
Algérien. Sur le dernier, en bas à droite la mention
République Algérienne est bilingue ; et les mots Portes
de Lodi sont remplacés par le mot arabe El
Barid qui signifie " la poste "
|
Cet aqueduc présente un coude presque à
angle droit vraiment étonnant. Il aurait conduit vers le plateau
où se trouvaient les forteresses almoravide, puis mérinide
(et plus tard les casernes françaises) des eaux collectées
sur les flancs du djebel Nador qui se trouve au nord de la ville.
Médéa
avant les Français
Pour les généralités sur l'histoire
du Titteri, je n'ai rien à ajouter aux informations contenues dans
la première partie (voir).
Je ne m'intéresse ici qu'à la ville. Or elle n'a laissé
que très peu de souvenirs d'événements marquants
et précisément datés : les voici.
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Vers 950/960.
Restauration de la ville par Bologhine ibn Ziride, fils du fondateur
de la dynastie ziride dont la capitale était Achir près
de l'actuel Aïn Boucif. |
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Vers 1055/1059.
Construction ou reconstruction de l'aqueduc par Yusuf ben Tachfin,
fondateur de l'Empire almoravide à partir de Marrakech au Maroc |
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Vers 1303.
Conquête par les Mérinides de Fès. Ces derniers
renforcent les murailles et construisent une nouvelle citadelle. |
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En 1548
Hassan Pacha, Beylerbey (ou Dey) d'Alger fait de Médéa
le chef-lieu d'un beylik destiné à surveiller les tribus
montagnardes susceptibles de descendre piller la Mitidja ou de menacer
les communications dans la plaine. |
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Lorsque le 17è bey fit semblant de se soumettre
à la France en juillet 1830, Médéa était
une toute petite ville où cohabitaient 4 populations : des
Turcs, des Koulouglis, des Juifs et des Berbères en voie
d'arabisation. Les Turcs étaient
soldats ou fonctionnaires : c'était les maîtres. Ils
ont été " rapatriés " vers Istanbul
ou Smyrne. Les Koulouglis,
nés d'un père turc et d'une mère indigène,
n'ont pas été jugés dignes d'être rapatriés
et sont donc restés. Peu à peu leurs descendants ont
dû se mêler aux indigènes, mais le terme Koulougli
a survécu très longtemps. Les
juifs étaient nombreux. La présence de
cette forte minorité s'explique par la proximité du
pouvoir turc dont la protection était espérée.
De surcroît cette population a fourni aux beys ou à
leur entourage, des conseillers écoutés. On se souvient
que, par tradition, le comptable qui accompagnait les caïds
chargés de la collecte des impôts personnels dans les
tribus, était un juif qui avait le titre de Saïdji.
L'origine de cette population est sans doute double. On pouvait
y trouver des descendants de Berbères judaïsés
de longue date. Certains auteurs croient trouver dans le patronyme
Darmon, fréquent à Médéa, comme un écho
du Djebel Darmoun (au sud de Tébessa) où auraient
vécu des tribus juives avant les invasions arabes.
Une autre vague est celle
des juifs espagnols expulsés après la reconquête
du royaume de Grenade. L'édit d'expulsion est du 31 mars
1492 ; il a donc été signé deux mois à
peine après l'achèvement de la Reconquista.
En 1525 un nouveau décret de Charles-Quint
expulse tous les " non-baptisés ". Cette population
a justifié la construction des trois synagogues (la Grande,
El Kaïm et Darmon) en fonction en 1830.
L'héritage architectural turc concerne aussi
le palais du Dey et deux mosquées au minaret octogonal (et
non carré comme c'est la règle au Maghreb). Ces mosquées
sont les djemmas Ahmar (rouge) et Lakhdar (verte). Cette dernière
(voir photo de 1880) a été édifiée à
la demande du bey Mourad en 1583 pour le rite hanéfite qui
est celui des turcs, et non pour le rite malékite qui est
en usage au Maghreb. Cette mosquée verte fut transformée
en église en 1840 et son minaret servit d'observatoire militaire.
Elle fut rendue au culte musulman en 1883.
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Notule sur les 4 obédiences
sunnites
Depuis la chute des Rostémides en 911 et
l'abandon d'Achir par les Zirides en 1007 il n'y a plus que des
Sunnites dans tout le Titteri. Les Sunnites reconnaissent la Sunna
(ensemble des paroles et des actes du prophète consignés
très tôt sur ordre du deuxième calife Omar)
comme fondement du Droit et des usages, à côté
du Coran qui demeure l'essentiel. Ces 4 obédiences ou écoles
juridico-théologiques sont toutes apparues très vite,
à la fin du VIIIè siècle.
La Malékite
est assez rigoureuse quant au respect
des 5 " piliers de l'Islam " : profession de foi, 5 prières,
aumône, ramadan et pèlerinage à la Mecque. Mais
elle est souple quant au respect des coutumes locales, tel le maraboutisme.
La Hanéfite
est très proche de la Malékite, un chouïa moins
rigoureuse. Elle tolère l'ignorance de la langue arabe, ce
qui explique son extension parmi les peuples non arabophones, comme
les Turcs. Et surtout elle permet à un non arabe de devenir
calife. Ainsi les Turcs Ottomans, conquérants de Constantinople
en 1453, ont pu détenir le califat de 1517 jusqu'à
sa suppression par Ataturk en 1924. Ils ont aussi construit quelques
mosquées hanéfites à leur usage : j'en citerai
2, la mosquée verte de Médéa et la mosquée
neuve (Djema el-Djedid ou mosquée de la pêcherie à
Alger).
La Chaféite
est une sorte de compromis entre les deux précédentes.
Elle n'a jamais été présente, ni à Médéa,
ni ailleurs en Algérie.
La Hanbalite
est de loin la plus rigoureuse, la plus fermée, la plus vindicative.
C'est celle de l'Arabie qui a de surcroît adopté la
tendance Wahabite la plus sévère : celle qui interdit
l'accès de la Mecque aux chrétiens, la construction
d'églises dans le royaume et la conduite automobile aux femmes
! Jusqu'en 1962 il n'y avait pas de Hanbalites à Médéa
ou à Alger. Depuis les années de guerre civile après
1990, il y en a, sous l'étiquette rétrograde des Salafistes
qui, comme le nom l'indique souhaitent le retour (fantasmé)
au pur Islam des origines. Il y en eut beaucoup autour de Médéa
après 1990.
Pour être complet il faut ne pas oublier les quelques épiciers
Mozabites de Médéa (et d'ailleurs) adeptes du Kharédjisme
et qui perpétuent ainsi la foi hérétique des
Rostémides chassés de la région depuis plus
de mille ans.
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Médéa
de 1830 à 1840 : la décennie chaotique
Durant ces dix années nombreux sont les chefs qui
ont dormi dans le palais du bey : 3 beys, 1 représentant du sultan
du Maroc, 1 marabout illuminé, 2 représentants d'Abd el-Kader
et quelques généraux français de passage.
La photo ci-contre est celle de ce palais beylical dit
de Djenane el Bey qui, en 1840, fut affecté à la Direction
de la subdivision militaire française.
Les trois beys sont, par ordre d'arrivée, et de départ
prématuré, les suivants :
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Mustapha bou
Mezrag de juillet à novembre 1830. En vérité
ce dernier des 17 beys turcs était en poste depuis 1819. En
juin 1830 il avait vaillamment combattu contre les Français
débarqués à Sidi Ferruch ; à tel point
qu'on lui avait confié le commandement de toutes les troupes
à la place du titulaire, l'Agha Ibrahim. Les 25, 26, 27 et
28 juin il avait beaucoup gêné la progression des Français.
Mais, de façon étonnante le 15 juillet il apposa son
sceau sur un acte de soumission volontaire rédigé en
arabe et qu'il envoya à de Bourmont. Il assurait "
reconnaître le roi de France comme son souverain et seigneur,
de lui être fidèle et de le servir contre tous ses ennemis
". En conséquence, rassuré malgré l'avertissement
que lui avait donné le dey Hussein avant de s'embarquer pour
Naples sur un bateau français " dans le Titteri, Bou
Mezrag est turbulent et peu sûr ", de Bourmont l'investit
comme bey au nom de la France. A la mi-août Bou Mezrag retourna
son burnous et menaça de Bourmont de le chasser d'Alger ! C'est
Clauzel, successeur de de Bourmont, qui prit la tête d'une colonne
qui, par le col (tenia) de Mouzaïa vint chasser son bey et occuper
Médéa. Bou Mezrag offrit au vainqueur, comme c'était
l'usage, son cheval préféré. Clauzel garda le
cheval et expédia Bou Mezrag en France où on le libéra
avec interdiction de retourner en Algérie. Il se retira finalement
à Smyrne. Mais ses fils, restés à Médéa,
ne manquèrent de poursuivre la lutte quand ils le purent. |
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El Hadj Omar,
dit aussi Ben Mourad de novembre 1830 à juin 1831.
Il a été choisi par Clauzel pour remplacer Bou Mezrag.
C'était un commerçant d'Alger prospère ; mais
son savoir-faire de bonnes affaires ne lui fut d'aucune utilité
dans sa nouvelle fonction. Malgré une petite garnison française,
il était quasi prisonnier dans sa ville, car les tribus voisines,
soulevées par les fils de Bou Mezrag, profitèrent de
l'occasion pour refuser toute obéissance et tout paiement d'impôt.
C'est le successeur de Clauzel, Berthezène, qui, fin juin 1831,
monta une deuxième expédition par le tenia de Mouzaïa
pour ramener à Alger la garnison française et Ben Mourad.
Les tribus s'accommodèrent fort bien de ce retour à
l'anarchie. Mais ce vide politique suscita des désirs de conquête,
comme on le verra ci-dessous. |
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Mohammed ben Hussein
durant une semaine en avril 1836. Clauzel,
revenu à Alger pour un second séjour, alors que le Titteri
était dirigé par un fidèle d'Abd el-Kader remonta
à Médéa (c'est la troisième expédition)
pour l'en déloger. Il partit de Boufarik le 30 mars, arriva
à Médéa sans trop de mal, et en repartit le 4
avril en laissant le nouveau bey et quelques soldats. Mais, ayant
trouvé à Alger, une instruction de Paris lui interdisant
d'occuper tout nouveau centre dans l'intérieur, il rappela
la garnison française le 7 avril. Une fois les Français
repartis Ben Hussein se laissa voler (à moins d'un arrangement
discret avec quelque envoyé d'Abd el-Kader) les 600 fusils,
les 50 000 cartouches et les 6000 francs reçus de la France
pour asseoir son pouvoir. Ben Hussein fut conduit à Mascara,
auprès d'Abd el-Kader et libéré plus tard. |
Les deux conquérants déçus
sont le sultan du Maroc et le bey de Constantine.
|
Durant l'été 1831 c'est
le sultan du Maroc Abd er-Rahman qui
s'efforce de profiter de l'anarchie en envoyant ses cavaliers occuper,
et Miliana, et Médéa où s'installent des représentants
du pouvoir chérifien. Mais ils avaient du mal à se maintenir
si loin de leur base. Une démonstration navale française
devant Tanger (novembre 1831) et l'envoi d'une ambassade à
Meknès en 1832 persuadèrent Abd er-Rahman de rappeler
ses troupes. |
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Le bey de Constantine
Ahmed est plus proche car, à cette époque
il domine tout l'est algérien jusqu'au Hodna. Il aurait songé
à s'étendre un peu plus vers l'ouest, en commençant
par le Titteri. Il y eut quelques mouvements de troupes en 1833 ;
mais elles ne parvinrent pas à occuper Médéa. |
Le marabout " illuminé
" est El Hadj Moussa ben Hassan. Il prend Médéa au
début de 1835.
|
C'est un Egyptien qui s'est installé
à Laghouat en 1829 et qui s'est affilié à la
confrérie des
Derkaoua (de là son surnom El Derkaoui).
Il a bonne réputation car il aurait fait des miracles et son
âne lui est tombé du ciel, offert, assure-t-il, par des
Saints. Cet âne qu'il fait admirer devant sa tente, recouvert
d'un riche tissu, lui vaut son deuxième surnom de Bou
Hammar (l'homme à l'âne).
Sûr de détenir la vérité et de bénéficier
de l'aide d'Allah, il prêche la guerre sainte, à la fois
contre les chrétiens et contre Abd el-Kader accusé d'impiété
pour avoir signé des accords avec les Français (avec
Desmichels le 26 février 1834). Il finit par inquiéter
les Lemdani qui ne souhaitaient rien de semblable et finissent par
solliciter l'aide du Gouverneur Français Drouet d'Erlon : en
vain. C'est Abd el-Kader qui rapplique, qui bat les partisans de Bou
Hammar et qui coupe 200 têtes pour l'exemple. Ce dernier réussit
à quitter Médéa et se réfugia à
Messaad d'où il sera chassé, en 1847, par le Général
Marey-Monge. Il continuera la lutte contre les Français et
mourra au siège de Zaâtcha en 1849 |
Les représentants d'Abd
el-Kader sont les maîtres de Médéa du printemps 1835
au 17 mai 1840, à l'exception de la semaine d'avril
1836 marquée par l'épisode Mohamed ben Hussein. D'ailleurs
durant cette semaine le Khalifa d'Abd el-Kader avait quitté la
ville, mais tenait la campagne.
|
Le premier, qui avait accompagné
Abd el-Kader, lors de sa lutte contre Bou Hammar, n'est resté
que quelques mois. Je ne suis même pas sûr de son identité
: sans doute un parent de l'Emir. |
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Le second, investi du titre et du burnous
de Khalifa en août 1835, s'appelle
El Berkani. D'août 1835 à mai 1837 El Berkani
est, pour la France, un ennemi. Avec la signature par Bugeaud, alors
commandant des troupes françaises à Oran, et Abd el-Kader,
des accords de La Tafna (20 mai1837)
El Berkani n'est plus un ennemi car l'article 3 de ces accords stipule
" l'émir administrera la province d'Oran, celle du
Titteri et une partie de celle d'Alger
". S'installe
ainsi une fausse paix mise à profit par Abd el-Kader pour organiser
un véritable état divisé en 8 khalifaliks et
y organiser quelques points forts. El Berkani à Médéa
est le chef de l'un des trois 3 khalifaliks qui, avec Miliana et Hamza
(Bouira), encerclent la Mitidja et pourraient menacer Alger. El Berkani
fortifie Boghar, au sud de Médéa et y établit
un arsenal. Cette fausse paix prit fin en novembre 1839 lorsqu' Abd
el-Kader, ayant prévenu par lettre le nouveau Gouverneur Général
Valée le 20 novembre, relance la guerre sainte et envoie ses
troupes soutenir les Hadjoutes qui avaient commencé à
ravager la Mitidja depuis une semaine déjà. Paris réagit
en envoyant des renforts pour assurer la pérennité de
la présence française. La prise de Médéa
est la première victoire de cette guerre contre l'émir
qui devait durer 8 ans. |
Eléments
de chronologie pour l'époque française : 1840/1962.
|
17 mai 1840
: conquête " définitive ". Cette
fois-ci c'est Valée qui
décide d'envoyer ses soldats grimper, pour la quatrième
et dernière fois, les 1 043m du tenia de Mouzaïa. Valée
a scindé l'armée en 3 colonnes ; El Berkani et Abd el-Kader
avertis par leurs espions de Blida, étaient au rendez-vous
derrière les multiples fortins et barricades qu'ils avaient
érigés. Le col ne fut pas aisé à franchir
; mais ensuite la ville fut occupée sans opposition, Abd el-Kader
s'étant replié en bon ordre vers l'ouest. Par contre
El Berkani, resté dans les parages, continua à rendre
la contrée dangereuse pour les petites patrouilles. C'est le
Général Duvivier
que Valée laissa à Médéa avec 1 500 hommes.
Il y termina, avec honneur, dans le palais de Djenane el bey déjà
cité, une longue carrière " algérienne "
commencée en juin 1830 à Sidi Ferruch. L'une de ses
premières décisions fut de faire installer un télégraphe
optique dont El Berkani ne pouvait interrompre les messages. |
Franciade Fleurus Duvivier
: un destin de conquérant de l'Algérie 1830/1841
Juin
1830 |
ll participe au débarquement avec le
grade de capitaine |
Janvier 1831
|
Il est le chef, à Birkhadem, de l'un
des 16 camps protégeant Alger |
Juin 1831
|
Il participe à la deuxième expédition
de Médéa |
1832/1833
|
Il est commandant en chef à Bougie |
1834
|
Il est à Bône où il reçoit
ses barrettes de colonel |
1836
|
Il participe à la tentative, ratée,
de conquête de Constantine |
1837
|
Il organise, près de Guelma, le camp
d'où partit la 2è expédition de Constantine |
1838/1839
|
Il est commandant de la place de Blida où
il reçoit ses étoiles de général |
1840
|
Il dort dans le palais de beylical du Titteri
|
1841
|
Il quitte l'Algérie, semi volontairement,
pour incompatibilité d'humeur et de
conviction avec son nouveau chef : Bugeaud. Ce texte, publié
en 1841 à son
retour est sans ambiguïté " la Mitidja
est infecte ; il faut la laisser aux chacals et aux bandits
arabes
C'est le domaine de la mort sans gloire L'assainir
? On n'y parviendra jamais ". Bugeaud pensait juste
le contraire. |
|
1841
|
Ordonnance royale créant la province
d'Alger |
1842/1843
|
Construction de la route directe par
les gorges de La Chiffa |
1848
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Création du département
d'Alger avec projet de sous-préfecture à Médéa |
1849
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Naissance du poète jean Richepin |
1854
|
Création de la CPE ; commune de
plein exercice |
1859
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L'arrêté du 5 octobre met
en place l'administration sous- préfectorale dans un immeuble
de la rue Gambetta. Une nouvelle sous-préfecture est installée
dans une grande villa sans doute entre1920 et 1930 |
1869
|
Naissance de Ben Cheneb, dont le nom
a été donné au collège. Ce collège,
où il a été élève, a donc été
créé peu avant 1880, mais pas dans les locaux de l'actuel
lycée qui pourraient avoir été bâtis dans
les années 1900 ou 1920 |
1883
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Consécration de l'église
Saint Henri |
1886
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Le chemin de fer de Blida à Djelfa
par Médéa est déclaré d'utilité
publique |
1892
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Inauguration de la gare ; les rails
étant alors posés jusqu'à Berrouaghia |
1908
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Inauguration du marché couvert |
1925
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Inauguration d'un nouveau groupe scolaire
au sud de la route d'Alger ; il y en fait trois écoles accolées,
une maternelle, une pour les garçons et une pour les filles |
1942
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Arrivée de soldats américains
qui ne sont pas restés longtemps |
1956
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Création du département
et de la Préfecture de Médéa |
1956
|
Création d'une SAS Section administrative
spécialisée |
1958
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Dissolution du Conseil Municipal, et
son remplacement par une Délégation spéciale
nommée, comme partout en Algérie. |
Le groupe scolaire
" français " de 1925
|
|
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La
nouvelle sous-préfecture des années 1920
|
|
|
Le cadre géographique
et ses aptitudes
Pour représenter Médéa et ses environs,
j'ai choisi la carte de Service géographique de l'armée
de 1932 et non celle plus récente de 1950, car les couleurs de
l'édition de 1932 font beaucoup mieux ressortir :
le plan, en rouge, des agglomérations ;
Les deux routes principales, RN 1 et RN 18 ;
La voie de chemin de fer.
La ville Médéa y est encadrée par
les deux villages " jumeaux " de Lodi et de Damiette qui ont
été créés en même temps, fin 1848, par
des ouvriers parisiens ayant quitté Paris le même jour sur
le même huitième convoi. En 1932 Médéa n'est
entourée d'aucune banlieue ; mais en 1962 Lodi et Damiette étaient
quasiment devenus des villages dortoirs pour les fonctionnaires des bureaux
de Médéa.
Le découpage que j'ai choisi incorpore au nord, et le djebel Nador
qui domine la ville, et les taches rouges du couvent de Thibarine dont
j'aurai à reparler.
Carte
de Service géographique de l'armée de 1932
Cliquer sur l'image pour une meilleure
lecture (130 ko)
|
La région de Médéa est parfois qualifiée
de plateau, et parfois de bassin. Ces deux termes sont à la fois
acceptables et approximatifs. Le plateau, à 900m d'altitude, est
entaillé de nombreux petits ravins, et le bassin n'est en fait
que la gouttière élargie par endroits de la vallée
de l'oued el Arch creusée dans le plateau, 3km plus au sud. L'oued
el Arch se dirige vers l'ouest et se prolonge par l'oued el Harbil qui
se jette dans le Chéliff un peu en aval du barrage du Ghrib.
Les altitudes qui oscillent entre 850 et 950m confèrent
au climat méditerranéen de Médéa, un caractère
montagnard qui est marqué par
|
des chutes de neige tous les hivers ;
parfois abondantes et toujours suffisantes pour justifier la présence
d'un chasse-neige dans le parc des Ponts et Chaussées |
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assez de journées froides et de
gelées pour exclure du paysage les palmiers, et des cultures
comme les agrumes |
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une pluviométrie assez forte,
égale ou supérieure à 800mm,qui rend les paysages
végétaux si verdoyants qu'il est fréquent de
lire qu'on se croirait en Europe plutôt qu'en Afrique. Encore
faudrait-il préciser dans quelle Europe : celle des moyennes
montagnes aux printemps et aux étés assez chauds pour
que les fruits et les raisins mûrissent parfaitement. Médéa
est entourée de vergers et de vignes. Les premiers ont sûrement
été plantés dès les années 1840,
et pas seulement pour le vin de messe. Mais l'essor du vignoble commercial
des vins VDQS a dû attendre la fin du siècle. |
La ville n'a pas de banlieue, mais est entourée,
au sud, par un grand nombre de mechtas desservies par des petits chemins
disposés en étoile. Il serait abusif de parler de paysage
de bocage ; mais il est permis d'y songer.
Même si des colons ont résidé à
Médéa, même s'il y avait une cave coopérative,
l'agriculture n'a pas été, ni au début, ni à
la fin, la vocation principale de ce centre urbain. J'ai commencé
par l'accessoire : voici l'essentiel. Médéa, c'est d'abord
des casernes et des
bureaux ; ensuite quelques services,
quelques commerces et un soupçon
d'artisanat. Une ville sans industrie
donc, ce qui explique sans doute sa modeste croissance : 5128 habitants
agglomérés en 1948. Le guide bleu qui donne le chiffre de
23 529 se trompe, confondant population municipale et population urbaine.
Médéa est une ville
de garnison
Ce rôle est très ancien. Il est lié à la position
stratégique de la région qui, à l'abri de la crête
du Nador, permet de contrôler, et les pistes montant de la plaine,
et celle conduisant à la vallée du Chélif. Médéa
est l'une des trois villes que tout conquérant d'Alger doit posséder
pour assurer sa tranquillité. La ville, sans être à
l'emplacement d'un grand carrefour, est bien située sur la voie
la plus courte d'Alger vers le sud. Ce centre est une place fortifiée
depuis le Moyen-Age. La France n'a pas ajouté de nouvelles murailles
à celles héritées des Mérinides et des Turcs
(même si elles les a consolidées avant de les démolir,
sauf au sud), mais elle a multiplié les bâtiments et les
espaces militaires. La carte ci-dessous permet de mesurer l'étonnante
extension de ces terrains avec sur l'oppidum fortifié tourné
vers Lodi le quartier Camou et l'hôpital, et ailleurs le quartier
Yusuf et le parc à fourrages.
Médéa était le siège d'une
subdivision militaire et abrita jusqu'en 1958 le PC du premier
régiment de spahis algériens. Ce corps, qui prit
la suite des cavaliers turcs, fut créé par l'ordonnance
royale du 7/12/1841 et scindé
en trois régiments en 1845.
Le Titteri hérita du premier régiment avec son colonel à
Médéa et des escadrons dans d'autres villes. A l'origine
le recrutement était purement indigène, sauf les officiers.
Après 1875 les Français résidant en Algérie,
jusque là dispensés du service militaire, purent y être
incorporés pour un service d'un an seulement (contre un ou cinq
ans pour les métropolitains selon le numéro tiré
au sort). Le service ne devint obligatoire et égal pour tous les
Français qu'à partir du 23/3/1905 pour une durée
de deux ans, portée à trois ans en 1913.
Les spahis algériens avaient un burnous rouge ; les spahis marocains,
créés plus tard, un burnous bleu.(voir)
Plan
de Médéa
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Médéa est une ville
de fonctionnaires et assimilés
Il y avait ceux de la sous-préfecture à partir de 1859,
puis de la préfecture fin 1956
Il y avait ceux de la justice avec juges, huissiers
Il y avait ceux de la sécurité ; policiers civils et gendarmes
au statut militaire
Il y avait ceux des recettes des contributions et des domaines
Il y avait ceux de la trésorerie générale
Il y avait ceux des PTT
Il y avait ceux de l'hôpital
Si l'on ajoute quelques métiers non fonctionnaires mais tout de
même très officiels et très contrôlés,
comme les notaires, les clercs, les avoués et les banquiers, cela
fait beaucoup de monde.
Sans oublier bien sûr les nombreux enseignants du
primaire et du secondaire des écoles françaises et indigènes
qui furent distinctes jusqu'à la " fusion " de leurs
instituteurs en 1949. Comme j'en ai connu quatre, j'en profite pour apporter
quelques informations valables pour les années 1940/1950.
J'ai habité l'école des garçons indigènes,
j'ai été élève à l'école française,
j'ai passé l'examen de sixième au collège et mes
parents étaient amis avec la Directrice de l'école de filles
indigènes.
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L'école
des garçons indigènes (on ne mélangeait
alors filles et garçons, ni chez les musulmans, ni chez
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les autres) était située rue Charpenay,
juste en face du collège. La longue façade donnant sur
la rue Charpenay avait deux niveaux avec salles de classe en bas et
appartements de fonction à l'étage. En 1945 chaque logement
avait son WC, mais pas de salle de bains. Pour se chauffer il y avait
des cheminées où l'on pouvait brancher le tuyau d'un
poêle Mirrus : donc pas de chauffage central, mais des bouillottes
pour les plus frileux. Les classes s'alignaient sur trois côtés
d'une cour centrale agrémentée d'un petit jardin entouré
d'une clôture en bois. Le quatrième côté
était occupé par un long préau bien utile pour
les récréations des jours de pluie. En 1945 le Directeur
était Monsieur Coutens qui venait de perdre une fille emportée
par une épidémie de typhoïde : les antibiotiques
n'étaient pas encore en usage. Parmi les instituteurs citons
les Malleus, les Bouchet, les Lavallée, les frères Medjadji
et Monsieur Verdier. Je dois beaucoup à cet instituteur car,
bon violoniste (mariée à une pianiste) il dispensait
des leçons de violon aux enfants des collègues désireux
de parfaire l'éducation de leur progéniture. Sur la
photo ci-contre vous reconnaîtrez aisément un des Medjadi
à sa chéchia ; mais on ne peut voir son sarouel. On
devine par contre un bout de la clôture du jardinet. Cette école
était appelée indigène, non pas parce qu'elle
n'accueillait que des élèves musulmans (ce qui était
le cas) mais parce que tous ses maîtres appartenaient au
cadre B. |
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L'école
française est celle dont je fus l'élève.
Cette école, inaugurée en 1925, était sur la
route de la gare, un peu à l'écart du centre. Elle était
dite française parce que tous les instituteurs appartenaient
au cadre A.
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Les élèves
étaient européens et musulmans ; les musulmans
appartenant sans doute à des familles qui utilisaient
suffisamment le français chez elles pour que leur fils
n'ait pas de difficulté à suivre un enseignement
conçu dès le cours préparatoire pour des
francophones. Le Directeur était Monsieur Viard en 1945
; et parmi les instituteurs figuraient les Pioggi, Monsieur
Causse et Monsieur Brocard qui tenait le CM 1.
C'est le seul dont je possède une photo. La voici. |
Pour parvenir à l'école de garçons
il fallait longer l'école maternelle, puis l'école des
filles. Les trois écoles étaient contiguës, mais
les cours de récréation étaient séparées
par un mur.Les bâtiments de l'école des garçons
étaient en L. Ils dominaient la cour de quelques marches placées
dans l'angle du L. Cette cour était en légère
pente et ouvrait, en bas, sur un espace boisé sans aucune construction.Une
haute grille en fer empêchait les évasions des "
voleurs " poursuivis par les " gendarmes ", notre jeu
préféré. Les autres jeux étaient surtout
des jeux de lancer ; lancers de noyaux d'abricots en saison, de billes
ou d'osselets n'importe quand. Les gagnants repartaient les poches
pleines. Avec les noyaux et les billes les lancers étaient
horizontaux, pour les osselets ils étaient verticaux. Devant
les écoles poussaient d'immenses micocouliers dont les fruits,
petits et noirs jonchaient le sol. C'était un vrai plaisir
de les écraser car en s'aplatissant ils faisaient un petit
bruit qui nous amusait. |
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L'école
de filles indigènes était une école-ouvroir.
Le bâtiment que j'ai connu, rue Combassive, était récent,
inauguré, je crois en 1932. En 1945 sa Directrice était
une bretonne, Mademoiselle Panaget. J'emprunte le texte qui suit à
l'une de ses adjointes, mademoiselle Vignau, qui y a enseigné
de 1932 à 1945. |
A Médéa j'ai eu
la joie d'inaugurer une école neuve. C'est dire que tout
y était prévu pour un enseignement aussi efficace
qu'agréable. La fréquentation scolaire, minime au
départ, une vingtaine d'enfants, s'est améliorée
pour devenir très bonne- plus de 50...
Nos élèves, en fin de scolarité primaire, étaient
nanties d'un petit bagage intellectuel, mais aussi de connaissances
leur permettant de tenir correctement un intérieur, ce que
j'ai pu constater maintes fois, et d'élever leurs enfants
dans de bonnes conditions
De plus, les grandes filles recevaient un enseignement professionnel
: tapis, broderie, dentelle arabe, leur permettant de gagner quelque
argent en travaillant chez elles après leur scolarité.
Nos maïtresses-ouvrières allaient à domicile
leur porter ouvrages, conseils et rémunération
nos élèves se mariaient jeunes et ne travaillaient
guère à l'extérieur.
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A la fin de chaque année scolaire on exposait
quelques ouvrages d'élèves qui étaient mis
en vente. Les sommes recueillies servaient à acheter de
la laine qui était tricotée pour vêtir gratuitement,
par temps froid, les élèves les plus démunies.
La photo ci-dessous a été prise en juin 1958. Elle
représente des broderies des élèves de première
année sur fond de tapis tissés par leurs aînées.
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Le collège, puis
lycée Ben Cheneb a été créé
assez tôt puisqu'il est signalé dans le dictionnaire
des communes de Fillias qui est paru en 1878. Il porte d'ailleurs
le nom de l'un de ses premiers élèves, Ben Cheneb,
né en 1869. Depuis sa création il a sûrement
changé d'adresse car le bâtiment à trois niveaux
en face duquel se trouvait ma chambre est à l'évidence
beaucoup plus récent. D'abord limité à la classe
de troisième, le collège devint lycée en ajoutant
une classe de seconde vers 1940 et les classes de première,
puis de terminale après 1950. Cet établissement était
mixte pour les externes ; mais l'internat n'était accessible
qu'aux garçons. On y enseignait le latin, l'anglais, l'arabe
dialectal (celui parlé en Algérie) et l'arabe littéraire.
Quelques noms de professeurs des années 1945/1950 sont parvenus
jusqu'à moi :Margaillan en math, Cheikh Abdi en arabe, Me
Prudhomme en anglais, Laville en physique et Me Faye en sciences
naturelles dont la salle de classe était en amphithéâtre.
Les salles de classe donnaient sur une cour fermée qui ne
possédait que deux accès : un grand portail à
deux battants pour les élèves et à l'opposé
une porte discrète pour le personnel. Le logement du principal
(on disait du directeur) était au-dessus de cet accès
dont on évitait de s'approcher sans nécessité
à cause des aboiements hargneux des deux dobermans du locataire.
Je note que ce lycée semble être resté le seul
du Titteri jusqu'au bout. Bien sûr il y avait ailleurs des
CCEG (Cours complémentaires d'enseignement général)
où les meilleurs élèves pouvaient préparer
les épreuves du Brevet Elémentaire, et même
celles du concours des Ecoles Normales ; mais sans internat. Dans
les CCEG on n'enseignait ni le latin, ni aucune langue vivante.
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Notule sur la
raison d'être des cadres A et B
En 1865
lors de la création de l'Ecole Normale d'Alger (transférée
à Bouzaréa
en 1887) il était admis que la formation serait la
même pour tous les instituteurs. Mais très
vite la question de l'adaptation des programmes et de la
formation des maîtres destinés à l'enseignement
des enfants musulmans, fut posée.
La réponse tient dans les deux décrets
que voici :
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En 1883
ajout au cursus commun d'un " cours
normal indigène " destiné
à parfaire la formation des maîtres d'origine
indigène |
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En 1891 ajout
d'une " section spéciale
" dite d'adaptation destinée aux Européens
appelés à enseigner à des élèves
musulmans non francophones. Ces futurs instituteurs
devaient être initiés aux langues arabe
et berbère, ainsi qu' à l'agriculture,
au travail du bois et du fer, et à des rudiments
de médecine (prévention du typhus et du
trachome). Vaste (trop vaste)programme : l'enseignement
le plus inefficace fut celui des langues arabe et berbère.
La faute à qui ? Je ne dénoncerai personne. |
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En 1924
le cours normal et la section spéciale furent
fusionnés sous le nom maintenu de section spéciale,
ou de quatrième année. |
Les instituteurs du cadre
A sont ceux qui n'ont suivi que le cursus commun.
Ils sont affectés dans des villes ou des villages
de colonisation où résident de nombreux Européens.
L'école est dite française.
Les instituteurs du cadre B
sont ceux qui ont suivi les cours d'adaptation de la quatrième
année. Leur premier poste est dans le bled ; dans
des mechtas que l'on n'atteint, jusqu'aux années
1930, qu'à dos de mulet, sans commerçant,
sans médecin, sans électricité le plus
souvent. L'école est dite
indigène.
Dès le début il fut clair que
le statut de l'instituteur ne s'opposait pas au libre choix
des familles pour l'inscription de leurs enfants. S'il est
vrai que la présence d'élèves européens
dans les écoles indigènes fut exceptionnelle,
la présence d'élèves indigènes
dans une école française fut la règle
: en 1946 25,5% des élèves des écoles
françaises étaient indigènes
Lorsque le décret du 19
février 1949 fusionna les cadres A et
B, et donc aussi les écoles française et indigène,
il ne faisait que généraliser une évolution
entamée de longue date. On ajouta, pour les élèves
non francophones une classe dite
d'initiation (au français) qui leur permettait
de combler leur handicap linguistique. En fin d'années
les meilleurs entraient au cours élémentaire,
les autres au cours préparatoire.
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Résumé
de la vie d'une couple d'instituteurs du cadre B
Ce couple est celui de mes parents. Leur exemple
a le mérite de montrer :
-
et les 2 voies d'accès au
statut d'instituteur titulaire
-
et le tropisme vers Alger dans la
suite des affectations
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Mon père fut élève
à Bouzaréa dans la section spéciale
1er poste Beni Ferah dans l'Aurès à
2 ou 3 heures de mulet d'une gare
2è poste à Taourirt-Mimoun en Kabylie
des Beni Yenni, à 1 h de l'arrêt du bus
3è poste à Médéa, à
portée du collège (pour les enfants)
4è poste à Birkhadem (Alger) à
portée de l'université et du conservatoire |
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Ma mère n'est pas normalienne.
Elle avait le Brevet Elémentaire ; cela suffisait
à condition qu'un normalien lui serve de tuteur
pendant 1 ou 2 ans dans un poste du bled. Le tuteur
fut son frère ; le poste fut Agouni Gueghane
en Kabylie du Djurdjura. Après son mariage
elle fut nommée à Taourirt-Mimoun. |
Tous les collègues et amis de mes parents que j'ai
connus à Médéa et à Alger ont
suivi le même chemin : début dans un bled très
isolé, fin dans le Grand Alger.
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Pour accroître encore les mérites
de l'Ecole Normale de Bouzaréa et de ses élèves,
voici la photo d'une brochette d'élèves volontaires
pour bénéficier, vers 1925, d'une initiation à
la pratique d'un instrument de musique. L'efficacité de
cet enseignement fut meilleure que celui de l'apprentissage de
l'arabe ou du kabyle. Le violon est monté à Médéa,
puis redescendu à Alger en 1945. Mais il n'a pas traversé
la mer en 1962 : ce n'était pas un Stradivarius. Je ne
sais pas qui étaient les professeurs : ce ne pouvait pas
être le même qui pouvait maîtriser et transmettre
la pratique de 5 instruments
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Notule sur les écoles-ouvroirs
pour les filles indigènes
A la fin du XIXè siècle la scolarisation
des fillettes musulmanes ne progresse pas, les parents méfiants
voyant plus d'inconvénients que d'avantages à instruire
leurs filles. En 1892, pour 100 garçons indigènes
scolarisés, il n'y avait pas même une fille.
Le décret du 18
octobre 1892 trouva, sinon la solution, du moins un
moyen d'atténuer la méfiance des pères de
famille. Il stipulait que dans les écoles de filles indigènes
la moitié du temps scolaire serait consacré à
des travaux pratiques, couture, broderie, dentelle, tissage de
tissus et surtout de tapis. Les anciennes écoles de filles
furent converties en " ouvroir " en 1900 et les nouvelles
eurent toute leur ouvroir jusqu'en 1945. Le personne était
formé d'institutrices et de maîtresses-ouvrières.
Ces écoles des filles furent considérées
par les parents, d'abord comme des centres d'apprentissage, des
écoles ménagères et artisanales avec, en
complément, une formation scolaire classique élémentaire
en français, lecture, écriture et calcul.
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