LES OUEDS D'ALGER |
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L'HARRRACH, parfois fleuves aux crues désastreuses, le plus souvent pestilentiel égoût | |
un impressionnant réseau souterrain de 165 km Ces voies obscures assurent l'hygiène de la Cité, les égoûts |
--Le massif de la
BOUZAREAH
qui domine ALGER dans le nord-ouest et se prolonge en descendant
en pente douce vers le plateau d'EL-BIAR
et les côteaux du SAHEL, constitue un important château d'eau
naturel, alimenté par les pluies abondantes de l'hiver, et quelquefois
la neige. C'est un massif de roches primaires qui culmine à 407 mètres,
et a, vu de la mer, des allures de petite montagne où dominent les
pins et les lentisques, formant la forêt de BAINEM
qui s'étend sur son versant est, du côté de la mer,
de GUYOTVILLE
à ST-EUGÈNE,
jusqu'à la route du littoral. Au printemps la bruyère en fleurs
roses et violettes se mélange aux genêts aux clochettes d'or.
A l'automne, les sous-bois sont remplis de champignons, cèpes et
sanguins (lactaires délicieux) et nombreux étaient les Algérois
qui, les dimanches soirs, revenaient avec des paniers pleins de champignons
et d'escargots, après une journée passée au grand air.
---------Il donne naissance à trois oueds, qui prennent leurs sources respectives, au point de partage des eaux, un peu au-dessus du lieu-dit "Châteauneuf". Là, se trouve sur le côté droit de la route qui va d'EL-BIAR à CHÉRAGAS, le restaurant du même nom, où se donnent peut-être encore aujourd'hui, s'il existe toujours, noces et banquets comme autrefois.En face, un grand hangar abritait les trams de la société appelée TMS, Tramways et Messageries du Sahel. En faillite depuis longtemps, ils avaient été rachetés par les CFRA, Chemins de Fer sur routes d'Algérie.
------1°/C'est au pied de ce hangar que l'oued Kniss prend sa source. Il longe sur sa gauche puis traverse la prairie du Bon Pasteur, où paissaient les vaches qui venaient boire à son cours. Sur la droite, s'élevait la briqueterie Douieb, avec ses bâtiments, sa haute cheminée et le grand trou formé par l'excavation d'où était extraite l'argile, matière première des briques. Au fond du trou rempli d'eau, un petit lac marécageux couvert de roseaux servait de refuge aux oiseaux aquatiques qui y faisaient halte lors des migrations saisonnières de printemps et d'automne. De là, l'oued Kniss coule vers le sud, on direction d'HYDRA, dans un ravin encaissé, toujours verdoyant et fleuri eu toutes saisons, où les touffes de roseaux se mélangent aux lauriers roses, aux hibiscus, aux bougainvillées aux fleurs jaunes, rouges ou violettes, aux dents claires aux fleurs bleues, et à une variété infinie de fleurs sauvages. -- ----------- ------- Après être passé sous le pont d'HYDRA, qui est un véritable viaduc, sa vallée s'élargit. Elle est bordée sur la rive gauche par le bois de pins appelé "BOIS DE BOULOGNE", sur la rive droite, par de nombreuses villas de style mauresque. Dans les flancs du coteau calcaire, il y a de nombreuses grottes naturelles, dans lesquelles on a trouvé des silex taillés par les hommes préhistoriques qui y vivaient il y a bien longtemps. -------- ------- D'après les spécialistes, ces silex remonteraient aux Paléolithiques moyen et supérieur, et sont identiques à ceux trouvés dans les sites archéologiques de France et d'Afrique pointes de flèches, grattoirs, bêches de différentes formes. Des galeries ont été creusées aussi, qui abritent des champignonnières où l'on cultive les champignons de couche, dits de Paris. ----2°/ Le second oued, l'oued M'Kacel, descend dans une vallée étroite et très escarpée, entre EL-BIAR et la BOUZAREAH, pour terminer son cours dans la mer, après avoir traversé le fameux quartier de BAB-EL-OUED auquel il a donné son nom et dont la célébrité a dépassé les frontières de l'Algérois. Je ne peux résister au plaisir de dire quelques mots de ce quartier si pittoresque et plein de charme et que j'ai bien connu. --------Une route en lacets serpente aux flanc de la BOUZAREAH. Nous prenions souvent cette route pour aller de BAB EL OUED à SIDI FERRUCH on passant par CHÉRAGAS et LA TRAPPE de STAOUELI. Elle était dangereuse et dans les années qui précédèrent l'Indépendance de l'Algérie, de nombreux attentats y furent commis, dont un, entre autres, sur la personne du général MASSU, qui à l'époque dont je parle, commandait la région d'ALGER. Il en sortit indemne ainsi que son chauffeur. La route longeait l'oued, qu'un pont de fer franchissait à mi chemin de son cours. De chaque côté s'étageaient des jardins maraîchers, en terrasses, retenues par des murets de pierres sèches. Plus haut, les chevriers Maltais du FRAIS VALLON, conduisaient paître leurs chèvres, dans une herbe rare, au milieu des broussailles. -------Au confluent se trouve une petite éminence, qui abritait une poudrière, gardée par une sentinelle. Là étaient le CLIMAT DE FRANCEet le BEAU FRAISIER. Ces noms évoquent bien la douceur du climat et la richesse de la végétation. --------Du côté d'EL KETTAR, il y avait une petite usine qui fabriquait des feux d'artifices, c'était la Maison Florence, qui prenait feu de temps on temps, malgré les précautions prises, et mettait le quartier on émoi, avec les explosions des pétards. --------Là aussi, était une écurie de la ville d'ALGER qui abritait des ânes préposés au ramassage des ordures dans les rues trop étroites de la CASBAH, où ne pouvaient passer les camions réservés à cet usage. --------Du côté opposé au-dessus de l'école de la rue Camille Douls, se dressait le petit mausolée de Sidi Ben Nour, lieu de pèlerinage fréquenté surtout par les Mozabites. --------Au CLIMAT DE FRANCE, un pont enjambait l'oued, et juste au-dessus, un barrage retenait ses eaux pour alimenter la chute qui se trouvait un peu plus bas, et qui faisait tourner la roue du moulin St-Louis, autrefois car il était en ruine depuis bien longtemps, et je n'ai connu que la carcasse de ses murs sans toit aux fenêtres, sans vitre ni persienne et complètement abandonné. A partir de là, il coule souterrain, lui aussi, transformé en égout collecteur et termine sa course dans la mer entre les BAINS MATARES et les BAINS PADOVANI, d'un côté, et de la plage de la SALPÊTRIERE de l'autre. -Les BAINS MATARES étaient gratuits et recevaient la foule des pauvres. Ceux dont on disait qu'ils savaient " nager et garder le linge ". C'est-à-dire être suffisamment malins pour se baigner tout on surveillant leurs vêtements posés sur la plage, car les vols étaient nombreux parmi les lascars dignes petits-fils de CAGAYOUS, de célèbre mémoire, qui fréquentaient ces lieux. --------Les BAINS PADOVANI étaient payants et recevaient une clientèle relativement aisée. Des cabines en planches permettaient le déshabillage. Malgré la surveillance du gardien, il y avait toujours quelques garnements qui regardaient à travers les fentes les filles se dévêtir avant de mettre leur maillot de bain. Un parquet légèrement surélevé, bordé du côté de la mer par une balustrade grossièrement sculptée, servait de piste de danse pendant les soirs d'été, à une jeunesse ivre de mer, de soleil et d'amour. Un orchestre de quelques musiciens où dominait l'accordéon, jouait les valses et les tangos à la mode. --------Plus loin, sur la droite, les BAINS MILITAIRES privés d'EL KETTANI recevaient les officiers, leurs familles et leurs invités. Sur la placette, devant l'entrée des bains, se tenaient de nombreux marchands ambulants de cacahuètes, de pommes de terre frites, de brochettes, de merguez, de sandwiches aux anchois, de citronnade, de glaces et de gaufrettes au chocolat, à la pistache et à la vanille. -------Le mur du rempart des anciennes fortifications édifiées peu après la prise d'ALGER en 1830, était toujours debout et abritait entre ses glacis de terre une batterie de quelques canons de marine, servis par des artilleurs. Ils faisaient quelquefois, quand la mer était belle, des tirs réels d'entraînement, sur un radeau servant de cible qu'un remorqueur poussif. crachant une fumée noire, traînait derrière lui. Au pied du mur on voyait encore les vestiges du tombeau de BARCHICHA. C'était un juif pieux et vénéré comme un Saint Marabout. Lors de certaines fêtes religieuses, des fidèles allumaient des bougies et des cierges sur la pierre où étaient lisibles quelques lettres de l'épitaphe, en remerciement d'une grâce obtenue ou pour solliciter son intervention.
-La caserne de LA SALPÊTRIÈRE est un bâtiment turc. Après avoir logé des janissaires aux siècles précédents, et servi de poudrière, d'où son nom, au temps ou les Deys d'ALGER et les pirates Barbaresques écumaient la Méditerranée, elle abritait depuis longtemps la 19e Section d'Infirmiers Militaires. Sur la plage devant, on avait construit le Stade MARCEL CERDAN, ainsi nommé on souvenir de l'ancien champion du monde de boxe. Le stade servait aussi de terrain d'atterrissage pour les hélicoptères amenant les blessés à l' HÔPITAL MILITAIRE MAILLOT, dont la façade donnant sur la mer, domine la Salpêtrière. - Durant toute l'année, de nombreux pêcheurs lancent leurs lignes, du haut du parapet du boulevard dans les eaux troubles, où les déchets charriés par l'oued attirent les poissons. Des marins pêcheurs professionnels montés sur des barques, pêchent la sardine à certaines époques de l'année, quand les bancs sont abondants, avec une grande senne, qu'ils tirent ensuite péniblement sur le sable, en rythmant leur effort, au chant d'une mélopée plaintive, comme les bateliers de la Volga. De nombreux poissons s'échappant du filet sont immédiatement ramassés par la foule des gamins qui se jettent dessus, en se bousculant, comme des mouches sur un gâteau de miel. La pêche est aussitôt vendue sur place aux amateurs de poissons frais, et aux cafés et restaurants des environs, où les sardines sont frites dans de grandes bassines sentant bon l'huile d'olive chaude. Elles font de délicieux casse-croûte, avec des petits pains, dont certains sont parfumés à l'anis. -- 3°/Le troisième oued, l'oued Béni Messous, descend vers l'ouest, donc du côté opposé aux deux autres, en direction de CHERAGAS, puis tourne à droite pour terminer sa course entre GUYOTVILLE et STAOUÈLI. Par sa longueur et son débit, c'est le moins important des trois. Il coule au milieu de petites collines et sur un plateau qui le borde, on a édifié un hôpital spécialement conçu pour les enfants malades c'est l'hôpital de BÉNI MESSOUS. Dans la partie haute de son cours, il traverse des vergers, des vignobles et des jardins maraîchers. Sur chaque propriété les riverains ont construit des barrages qui forment autant de petits étangs, dont l'eau est destinée à l'irrigation. Quelques belles villas mauresques sont cachées dans la verdure, échelonnées le long de ses rives.
Du haut de leurs terrasses, la vue s'étend
vers la presqu'île de SIDI FERRUCH, dont on voit pointer, vers
le ciel, le fin clocher de l'église
dédiée à St-Louis, et bien au-delà,
jusqu'au CHENOUA, derrière lequel le soleil se couche, dans une
féerie de lumière. Son embouchure traverse des marécages
et se termine au milieu des sables, dans une forêt de roseaux et
de lauriers roses. Il est fier d'avoir conservé sa liberté
jusqu'au bout, puisqu'il n'a pas été asservi ni pollué
par la civilisation des hommes. Son eau toujours claire peut abreuver
les troupeaux de chèvres et de moutons du voisinage, gardés
par de petits arabes aux burnous déchirés, le crâne
bien rasé sous le large chapeau kabyle. --------Je mentionne ces trois oueds dans mes souvenirs parce qu'ils ont une place dans mon cur. J'ai si souvent emprunté les routes qui longeaient les sinuosités de leurs cours et offraient dans le Sahel de magnifiques promenades, où les villas aux murs blancs disparaissaient, en partie noyées sous les fleurs et la verdure d'un éternel printemps, que je ne peux les oublier. --à
M. François MOLINÈS (instituteur - l'ARBA - SAINT FERDINAND
- ALGER) cette étude géographique et Docteur POUGET |