Géographie de l'Algérie
Une tache dans le grand Alger,
L'HARRRACH
parfois fleuves aux crues désastreuses, le plus souvent pestilentiel égoût
Alger-Revue, automne 1960 - collection B.Venis

Questionnez un Algérois moyen, ou un bon élève de cours complémentaire sur les cours d'eau de son pays. Il parlera d'abondance, de la Seine au Chélif et du Rhône à la Seybouse... Sur le fleuve d'Alger, l'Harrach, il " séchera " ou à peu près.
C'est que l'Harrach, chose curieuse, n'est guère connu même dans la région. Sinon par une fort ingrate réputation. Pourtant, conséquence de sa situation qui rend de plus en plus catastrophiques les in-vraisemblables irrégularités de son débit, l'Harrach pose pour le nouvel Alger un problème majeur. Voici, (ci-après) émanant des services de l'Hydraulique un résumé de ce problème et des solutions à y apporter.
Note du déjanté:« Personnellement, je peux en parler, l'odeur, oui, je connaissais. Nous passions sur l'Harrach, assez souvent, pour rejoindre Réghaïa".


mise sur site le 11-9-2007

94 Ko
retour
 
Le vieux pont de l'Harrach
Le vieux pont de l'Harrach

L'oued, dénommé Harrach, prend naissance à " La Passerelle "à 3 kilomètres en amont d'Hammam-Mélouane. Il est formé par a réunion de plusieurs oueds qui prennent leurs sources dans l'Atlas Blidéen, entre autre sur le versant sud de la crête qui porte Chréa.

Cliquer sur l'image pour agrandir (120 ko)
Carte au 1/2000 000è, fleuve d'Alger et de ses affluents.
Carte au 1/2000 000è, fleuve d'Alger et de ses affluents. En points-trats, limite du bassin versant; en traits espacés(couleur) : courbes altimétriques; en grisé : zones d'irrigation des cultures.

Il sort de la montagne près de Rovigo et coule du Sud au Nord jusqu'au niveau de Baba-Ali où son cours s'infléchit vers le Nord-Est, via Gué-de-Constantine, jusqu'à Maison-Carrée qu'il traverse et où il a son embouchure.

II a pour principaux affluents : sur la rive droite:
- l'oued Djemaa, qui prend sa source dans la région du col des Deux Bassins et passe à l'Arba et Sidi-Moussa ;
- l'oued Smar, qui draine la zone située ou Sud de Maison-Blanche et rejoint l'Harrach à Maison-Carrée. sur la rive gauche:
- l'oued Terra, qui draine par plusieurs affluents la région de Birtouta-Chebli-Bouïnan ;
- l'oued Kerma, qui débute à Chàteauneuf et traverse les communes de Birkadem et Saoula.

A l'embouchure, le bassin versant total est de 1.223 km2, soit le tiers environ de la superficie du département d'Alger.

Ce bassin versant est bien arrosé; il y tombe des hauteurs d'eau annuelles de 700 à 1.200 mm, avec une moyenne de 900 environ.

Un débit qui passe de zéro, à deux fois le débit du Rhône.

En période de sécheresse, l'Harrach est à peine un fossé serpentant parmi les taillis et les herbes aquatiques.
C'est pourtant le même cours d'eau

Cliquer sur l'image pour agrandir (80 ko)
inondation

900 mm est une quantité presque double de celle qui tombe annuellement à Paris. Malheureusement la mauvaise répartition des pluies donne au fleuve un régime aussi irrégulier qu'aux autres oueds algériens.

II passe à Maison-Carrée 140 millions de mètres cubes par an, ce qui ferait un débit moyen de 4 à 5 m3/seconde.

En fait, le débit est pratiquement nul pendant l'été et la plus grande partie de l'eau est écoulée par quelques crues torrentielles, atteignant 3.000 m3/sec, soit 2 fois le débit moyen du Rhône en aval de Lyon.

L'eau de l'Harrach est actuellement assez mal utilisée car il n'existe aucun ouvrage de retenue ou de régularisation des eaux.

II ne semble pas que les conditions géographiques et géologiques soient favorables à l'établissement d'un barrage-réservoir dans l'Atlas. Néanmoins, des études sont en cours à la D.H.E.R.

Utilisation actuelle : une irrigation peu régulière, quelques ballastières.

Des prises d'eau dans l'Harrach et l'oued Djemaa permettent d'irriguer environ 9.500 ha en Mitidja. Ces irrigations sont effectuées dans le cadre d'associations syndicales.

Sur les berges de l'Harrach ces modernes installations de la Société ballastière de Baba-Ali s
Sur les berges de l'Harrach ces modernes installations de la Société ballastière de Baba-Ali sont en fonction depuis plus de 2 ans. Ces! l'une des deux grandes usines qui traite le gravier tout venant du lit de l'oued par le procédé "Balitless" pour le convertir à travers élévateurs, trémies et concasseurs en produits criblés, lavés et graviers concassés de différents calibres, de très bonne qualité vu leur faible teneur en schiste. Cette ballastière a une production journalière de 6 à 700 m3, et utilise un personnel de 30 employés.

Le prix de revient de l'eau d'irrigation est très réduit (0,01 NF/m3 environ, en moyenne). Cela est dû à la faible importance des ouvrages de prise ; la contrepartie est une grande irrégularité dans la ressource en eau.
Des améliorations sont en cours, surtout à Rovigo.
Comme utilisation de l'Harrach, il ne faut pas oublier les cailloux et graviers, qui sont charriés par l'oued depuis l'Atlas. Plusieurs ballastières sont en exploitation, les extractions étant dirigées par le Service de l'Hydraulique ; cela permet de fournir une grande partie des agrégats dont a besoin l'agglomération algéroise et d'améliorer les conditions d'écoulement des crues en creusant le lit,

Les Algérois n'ont en général remarqué l'Harrach que par les désagréments qu'il leur procure.
Ces désagréments sont de deux sortes. Ils se produisent à des époques différentes; nous allons examiner les remèdes à y apporter.

En hiver, les crues de l'Harrach produisent des dégâts de toutes sortes. Le centre de Maison-Carrée n'est inondé qu'exceptionnellement (crues de 1904 - 1911 - 1916 - 1931 - 1935) mais le remous provoqué dans les affluents (oued Smar et oued Terra) provoque des inondations constantes à l'amont, dans les zones de Baba-Ali d'une part, et d'oued Smar-Maison-Blanche, d'autre part.

Contre les crues dévastatrices: un vaste projet de rectification du lit.

Chantier de la société ballastière de Baba-Ali. C
Chantier de la société ballastière de Baba-Ali. Cette pelle mécanique creuse en plein coeur du lit asséché de l'oued dont on voit (par les arbres) la considérable largeur.

D'autre part, le lit amont des oueds, bien tracé dans l'Atlas, se réduit et s'engrave jusqu'à disparaître complètement à certains endroits, surtout dans la région de Chebli. Les eaux de crues de ces oueds divaguent dans la campagne et il faut des travaux d'entretien annuels pour améliorer un peu la situation.
Une solution définitive ne peut être apportée que par une amélioration des conditions d'écoulement à l'aval.
C'est pourquoi le Service de la D.H.E.R. a mis au point un projet de calibrage du lit de l'Harrach sur 4.300 mètres dans la traversée de Maison-Carrée : ce lit serait ainsi porté à 120 mètres de large et rectifié de l'embouchure jusqu'à 500 m environ en amont du Pont du Chemin de Fer. Le projet, estimé actuellement à 43.000.000 NF, serait exécuté en une dizaine d'années, conjointement avec l'amélioration de la traversée routière de Maison-Carrée. La question financière n'est pas résolue actuellement et les seules opérations faites sont des acquisitions de terrains.

En été, l'Harrach est bien connu des Algérois par son odeur.

Cela tient au déversement des eaux résiduaires de toute la région dans un oued dont le débit propre est nul en été. L'épuration naturelle par dilution ne se produit plus et l'on peut dire qu'à la saison chaude, l'Harrach roule de l'eau d'égout, ce que confirme l'analyse chimique et bactériologique.
La situation, qui n'a jamais été brillante, s'est beaucoup aggravée dans les dix dernières années à la suite du développement de Maison-Carrée et de l'installation d'industries dans la zone de Baba-Ali ; l'une d'elles en particulier, qui traite l'Alfa, rejette un grand volume d'eaux de traitement de cellulose particulièrement putrescibles.
Divers moyens de traitement ont été essayés; la chloration, produits désodorisants; ils se sont montrés coûteux et peu efficaces.

Contre l'Harrach-égout, un collecteur souterrain.

Cliquer sur l'image pour agrandir (130 ko)
Vue aérienne de l'Harrach (traversée de Maison-Carrée) et de son embouchure.
Vue aérienne de l'Harrach (traversée de Maison-Carrée) et de son embouchure. Les deux traits blancs figurent le futur lit du fleuve rectifié suivant le projet des services de l'Hydraulique. En haut : le projet de franchissement de l'autoroute "D", de la place Sarrail à l'aéroport, dont les deux chaussées auront chacune 10, 50 m de largeur. En 1 : l'hippodrome du Caroubier.
Cliquer sur l'image pour agrandir (140 ko). L'image apparaîtra sur cette page.

Embouchure prise au décollage de Maison Blanche lors de mon voyage à Alger début Mai 2005.(Jean Campardon).
Le site : Il est possible de faire la comparaison avec le projet de 1961 et la réalité en 2005.
Cliquer sur l'image pour agrandir (140 ko). L'image apparaîtra seule.
Embouchure prise au décollage de Maison Blanche

La véritable solution, qui est la construction d'un égout d'eaux usées suivant la rive gauche de l'Harrach de Baba-Ali à la mer, a aussi fait l'objet d'un avant-projet de l'Hydraulique.
Les travaux sont estimés à 7.700.000 NF. Il s'agit d'un collecteur souterrain de 12.700 m de long. Sa section est un ovoïde d'une hauteur intérieure de 1 m 80, d'une largeur de 1 m 20 dans la partie amont, jusqu'àSainte-Corinne. En aval, les dimensions sont 2 m 20 x 2 m 20.
Il part des usines de Baba-Ali, aboutit à peu près en ligne droite à la gare du Gué-de-Constantine, suit la voie ferrée, puis la R.N. 38 et le canal Desolliers et traverse Maison-Carrée, le long de la future berge de l'Harrach jusqu'à la mer.
Là aussi, la solution n'a pas été trouvée définitivement au point de vue financier, et seules, les acquisitions de terrain sont faites.
Les deux aménagements ci-dessus sont très coûteux et c'est ce qui a fait reculer jusqu'à maintenant les services financiers intéressés. Ils sont cependant seuls capables d'apporter une solution définitive au problème de l'Harrach; leur exécution n'offre d'ailleurs aucune difficulté technique particulière.
Nous souhaiterions que les travaux puissent être commencés en 1961, car le coût de l'opération ne se réduira pas, (au contraire), si l'on attend l'encombrement du sol de Maison-Carrée par des terrains industriels de grande valeur et une voirie assez compliquée, et du sous-sol par des ouvrages de tous genres. Il ne peut qu'augmenter.

DE DINECHIN,
Ingénieur d'arrondissement au Service de l'Hydraulique.