Géographie
de l'Afrique du nord
|
335 Ko |
C / LES VILLAGES DE COLONISATION On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959,
Djelfa et Tablat
avaient été d'abord de simples villages de colonisation.
Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas,
et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été
créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages
européens entre 1848 et 1924.
2 / Sous le second empire : Bir-Rabalou (ou Bir-Ghabalou) et Sidi-Aïssa Napoléon III
est à mon avis le seul responsable politique français à
avoir bien anticipé les problèmes à venir si l'on
continuait à fonder des villages de colonisation trop éloignés
de la côte et trop isolés en zones musulmanes. Lors du premier voyage il avait déclaré " Notre premier devoir est de nous occuper des trois millions d'Arabes que le sort des armes a fait passer sous notre domination ". Avant son second séjour en Algérie, il adressa au Maréchal Pélissier, gouverneur général, une lettre rendue publique où il affirmait ceci : " L'Algérie n'est pas une colonie proprement dite, mais un Royaume arabe. Les indigènes ont comme les colons, droit égal à ma protection, et je suis aussi bien l'Empereur des Arabes que l'Empereur des Français ". Le 20 juin 1865, à peine rentré de son second voyage, il écrivit au nouveau gouverneur général, le Maréchal de Mac Mahon " Le pays est à la fois un Royaume arabe, une colonie européenne et un camp français. Il est essentiel de considérer l'Algérie sous ces trois aspects : au point de vue indigène, colonial et militaire ". On ne saurait mieux dire. Inutile de préciser que ces idées ne l'ont guère rendu populaire auprès des colons : ça ne prouve pas qu'il avait tort. Le Royaume arabe avait sa logique ; encore aurait-il fallu trouver le roi ou le vice-roi nécessaire. Peut-être a-t-il un moment pensé pour tenir ce rôle à Abd el-Kader. Il est venu en personne à Amboise annoncer à l'Emir sa libération en octobre 1852. Les deux hommes se sont revus trois fois, le 3 octobre, le 9 novembre et le 2 décembre, aux Tuileries. Il décida que la France lui servirait, là où il irait s'établir, une rente annuelle de 100 000francs qui fut ensuite portée à 150 000. Il y a plus étonnant encore : de Bursa (Brousse) puis de Damas où il s'était finalement installé, l'Emir vint quatre fois à Paris, en 1855,1860,1865 et 1867. J'ai peine à croire qu'il venait en touriste. En 1869 il accepta l'invitation à assister à l'inauguration du canal de Suez en présence de l'impératrice Eugénie. Et en 1871 il condamna la révolte d'El Mokrani. Continuons à rêver ! Un Royaume arabe sous tutelle française, mais géré par des chefs indigènes alliés, protégés et surveillés, aurait sûrement évité de fourvoyer des colons dans des bleds trop isolés et trop arides, tout en consolidant les premières implantations. Malheureusement Napoléon III trop occupé à gérer les suites dramatiques de son équipée mexicaine engagée en 1864, eut , après 1865, d'autres dromadaires à fouetter. En ce qui concerne l'implantation de nouveaux villages de colonisation Napoléon III privilégia l'aspect " camp français " de l'Algérie. Il ne cachait pas son hostilité à la fondation de villages trop loin du littoral et des zones déjà européanisées. Mais il a accepté des exceptions pour mieux sécuriser des axes de communication majeurs. Dans le Titteri ces axes étaient ceux de la RN 1 après la prise de Laghouat en 1852, et de la RN 8 après la conquête du site d'Aumale en 1846 et l'occupation de Bou-Saâda en 1849. C'est la préoccupation sécuritaire qui avait emporté la décision impériale de créer des caravansérails plus ou moins fortifiés sur ces deux routes ; par exemple ceux qui ont donné naissance aux centres d'Aïn-Oussera et de Djelfa déjà étudiés en tant que chefs-lieux d'arrondissement C'est le Comte Alexandre Randon, gouverneur général de 1851 à 1858 qui fut chargé de mettre en route cette stratégie. Le Titteri français lui doit trois villages et un hameau : sur la RN 1 Berrouaghia, et sur la RN 8 Les Trembles, Bir-Rabalou et Sidi-Aïssa.
L'origine du nom est arabo-berbère ; c'est une sorte de pléonasme polyglotte affublé d'une orthographe française simplificatrice. Bir signifie puits en arabe, et Aghbalou désigne une source ou une fontaine en kabyle. On suppose qu'avec un tel nom le village n'a pas dû manquer d'eau. La date de naissance officielle du village est le 21 juillet 1858. Mais il est plus que probable qu'un point d'appui militaire situé à un carrefour de pistes l'avait précédé. Bir-Rabalou a été implanté sur la route d'Alger à Aumale. Aumale est à 21 km au sud et Tablat à 39 km au nord. Le cadre naturel est celui de la plaine des Aribs à l'endroit où elle se raccorde à la plaine des Beni-Slimane, par de légers vallonnements. Le village est établi tout près d'un affluent de l'Isser, l'oued Kararifs. La commune s'étale à la fois sur la plaine et sur le rebord du koudiat el Hamar (plateau rouge) ; le village est à 640 m d'altitude et le plateau à 760 m. Au sud la commune est dominée par des djebels boisés culminant à 1361 et qui ont l'avantage d'arrêter les nuages. Il en descend quelques oueds qui gardent un peu d'eau au cur de l'été. On m'a assuré que vers 1920-1930 on y trouvait des écrevisses en abondance.
Le paysage de la plaine est dénudé, mais
la pluviométrie est suffisante pour que les récoltes de
blé et d'orge soient assurées tous les ans. Les aptitudes
agricoles d'un tel terroir sont donc bonnes ou au moins correctes,
dès le début. Vers 1880 la crise du phylloxera en France
fut une bénédiction pour toute la région entre Bouira
et Bir-Rabalou, car elle a ouvert le marché métropolitain
aux vins d'Algérie. Et les vins des Aribs furent des vins de qualité
protégés contre les risques de mévente. Bir-Rabalou est un carrefour
entre l'axe nord-sud, celui qui relie Alger à Aumale
et au Sahara de Bou-Saâda, et l'axe ouest-est qui suit la gouttière
synclinale de Berrouaghia à Bouira, et au-delà, à
la côte près de Bougie. Alger est à 102 km, Bouira
à 35 km et Berrouaghia à 77 km. A cette particularité
on peut rattacher son souk et-Tnine (marché du lundi) et son hôtel
des Colons. Après 1945 on aménagea tout près du village un terrain d'aviation pour de petit appareils. Il n'y eut jamais de service aérien commercial.
Cette photo des années 1930 (voir les voitures garées près de l'église) donne l'impression d'un centre plutôt prospère. Dans le recensement de 1954 la commune a 2 777 habitants dont 159 européens. Encore faut-il savoir que dans ces 159 européens figurent les colons du hameau des Trembles situé à 7km au sud-est, sur la route d'Aumale. Le hameau des Trembles (ou Raouraoua)
est presque aussi ancien que son chef-lieu de commune car il est signalé
dans un dictionnaire des communes d'Algérie édité
en 1878. Cet ouvrage crédite le hameau de 10 familles. Sidi-Aïssa
C'est en tous cas l'origine quasi officielle de ce toponyme que les Français ont conservé. Le centre de Sidi-Aïssa est situé entre Aumale
qui est à 33 km au nord, et l'oasis de Bou-Saâda qui est
à 94 km au sud. Le Sidi-Aïssa des Français fut donc d'abord un relais plus ou moins fortifié sur l'une des routes du sud. Je ne sais pas à quelle date au juste ce poste devint un centre de peuplement européen. Je sais seulement que ce fut avant 1870 car à cette date il y avait un bureau arabe dont le bâtiment, assez imposant fut récupéré après 1870 pour héberger les bureaux de la nouvelle commune mixte dont la création remonte sans doute à 1906 car en 2005, des Aïssaouis se disputaient sur Internet pour savoir s'il était décent ou honteux de commémorer son centenaire en 2006. Sidi-Aïssa fut donc un centre administratif à la limite du djebel Dirah et des hautes plaines steppiques. Le climat y est bien trop sec pour que des colons stricto sensu puissent y prospérer. Les Européens qui ont tenu s'étaient reconvertis dans des professions tournées vers le transport ou le commerce, à moins qu'ils ne soient devenus fonctionnaires. Ce fut un village de colonisation aventuré trop loin en zone trop aride pour que les récoltes soient assurées tous les ans. Avec une pluviométrie de 310 mm, Sidi-Aïssa est dans la zone où il y a plus de mauvaises années que de bonnes ; et cela en liaison avec l'abondance ou la rareté des pluies de printemps essentiellement. Sidi-Aïssa était
un marché, à moutons surtout. Même les
Aïssaouis qui ensemençaient les fonds de dayas ne pouvaient
se contenter de leurs maigres récoltes. Traditionnellement ils
élevaient des moutons qu'ils déplaçaient l'hiver
vers les parties centrales de la steppe. Sidi-Aïssa leur doit son
marché du lundi (Souk et Tnine).
Je ne puis rien dire de sûr quant à l'aspect
que pouvait avoir ce village. Je n'en ai gardé aucun souvenir.
Je suppose qu'il ressemblait, en plus poussiéreux, à tous
les villages français du bled, avec une rue principale confondue
avec la route nationale. Sur ces 137 résidents il devait y avoir beaucoup d'employés de la SPA (Société des pétroles d'Aumale) qui exploitait, dans la commune, les gisements tout proches et tout récents de l'oued Guétérini. Ces employés résidaient au lieu-dit Oued Djenane Oued Guétérini et Oued Djenane Ce ne sont pas des communes, mais des noms d'oued qui
ont été étendus à des chantiers. Ces deux oueds descendent du djebel Dirah et convergent vers Sidi-Aïssa. Ensuite ils vont se perdre dans la dépression du chott el Hodna que leurs crues n'atteignent que très exceptionnellement. A l'origine d'un suintement huileux, connu depuis des temps immémoriaux, on retrouve le saint marabout. C'est lui encore qui, pour guérir de la gale des dromadaires insensibles aux traitements habituels, fit apparaître cette source noire qui permit aux chameliers désespérés de soigner leurs bêtes. L'endroit s'appelle soit l'oued au goudron, soit la source du marabout. Pour rédiger ce petit chapitre pétrolier j'utiliserai une carte et 2 photos personnelles prises en avril 1953. Mais pour les informations j'ai choisi une source plus sûre que celle du marabout, celle d'André Rossfelder qui fut l'un des principaux artisans de la remise en exploitation de ce modeste gisement après la guerre. Il y consacre de nombreuses pages dans son " onzième commandement ".
L'extraction monta jusqu'en 1954 avec 75 000 tonnes, puis diminua car les réserves s'épuisaient alors que tous les forages voisins du Titteri étaient restés secs. Sans oublier la montée de l'insécurité.
|