Les chemins de fer
LE RÉSEAU DES CHEMINS DE FER SUR ROUTE D'ALGÉRIE(C. F. R. A.)
Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 67, avril 2011, "A.F.N. Collections" . Les illustrations dut exte ne figurent pas ici. Consulter la revue.
http://afn.collections.free.fr/pages/bulletin.html
H. LARTILLEUX.
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Inspecteur Principal de la S.N.C.F. Chef du Service Voyageurs de la S.C.E.T.A.
Transmis par Joël DARMAGNAC
Mis en page et illustration Raphaël PASTOR

sur site le 19-4-2011

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LE RÉSEAU DES CHEMINS DE FER SUR ROUTE D'ALGÉRIE(C. F. R. A.)

L'agglomération algéroise, qui se place maintenant au 5e rang des grandes villes françaises avec une population urbaine et suburbaine dépassant 400.000 habitants, possède un réseau de transports en commun modèle à citer en exemple à bien des villes de IN métropole.Ce réseau est exploité par deux entreprises :
1° La Société des Tramways algériens (T.A.).(note du Déjanté : voir les T.A sur ce site.)
2° La Société des Chemins de fer sur routes d'Algérie (C.F.R.A.).(note du Déjanté : voir CFRA sur ce site)
Dans le présent article, nous décrirons le réseau de cette dernière.

LE SITE D'ALGER

Le site d'Alger est extrêmement tourmenté : l'ancienne ville d'Alger ou Casbah autrefois entourée de remparts, percée d'un fouillis inextricable de rues étroites, parfois couvertes, et d'impasses, encadrées de hauts murs percés d'étroites ouvertures grillagées s'élève rapidement en amphithéâtre autour de la darse de l'Amirauté, l'antique poport barbaresque, origine de la ville, très modeste embryon du gigantesque port moderne

La cité européenne s'est développée autour de la ville indigène : son centre géographique et actif est la place du Gouvernement, véritable coeur de toute l'agglomération à proximité immédiate de la Casbah, des quais, du port moderne, de la vieille darse et de la gare avec la mosquée de la Pêcherie, la grande mosquée, le palais consulaire et la cathédrale.

Le front de mer d'Alger est un long boulevard en corniche posé sur une série d'arcades, qui donne aux voyageurs venant du large l'impression que l'agglomération est construite sur un piédestal ; cet aspect si caractéristique de la cité est popularisé par les photographies.

La bande littorale, peuplée de bout en bout, s'étend donc maintenant sur une trentaine de km de Guyotville à Maison-Carrée.

CREATION DU RESEAU DES C.F.R.A.

L'extension de la ville, l'importance croissante du port qui s'allonge maintenant sur 6 km et la dispersion des quartiers d'habitation, des quartiers commerçants et des quartiers industriels ont imposé rapidement à Alger la nécessité d'un système coordonné de transports en commun et dès 1900, un réseau de tramways électriques déjà important et s'étendant loin dans la banlieue desservait les quartiers côtiers suivant deux axes principaux :
         -l'un sur le boulevard front de mer exploité par les C.F.R.A. ;
         -l'autre un peu en retrait exploité par les T.A.;
l'un et l'autre lançant quelques embranchements vers l'intérieur, embranchements peu développés du fait de la nature montagneuse de l'arrière-pays.

Laissant de côté le réseau des T.A., qui se superpose sans le doubler au réseau des C.F.R.A., nous décrirons les lignes de ce dernier.

La Société des C.F.R.A., comme son nom l'indique, a été créée à son origine en 1892 pour la construction et l'exploitation d'un réseau de tramways à vapeur sur routes à voie étroite ; ce réseau devait s'étendre sur toute la zone nord du département d'Alger, c'est- à-dire le long de la côte dans la Mitidja et en Kabylie, mais une partie seulement du réseau projeté fut construit et mis en exploitation.

Au moment de son développement maximum, le réseau à vapeur des C.F.R.A. comprenait :

1° Trois lignes au départ d'Alger :
         - le long de la côte ouest : Alger-Koléa (50 km) avec un embranchement sur Castiglione (11 km);
         - le long de la côte est : Alger-Aïn-Taya (32 km) ;
         - vers le Sud, dans la Mitidja : Alger-Rovigo (34 km d'Alger), en tronçon commun avec la ligne précédente sur 12 km d'Alger à Maison-Carrée;

2° A l'ouest du département, la ligne El-Affroun-Marengo-Cherchell (49 km) reliant la grande artère à voie normale : Alger-Oran à la côte par l'ouest de la Mitidja, riche région viticole;

3° En Kabylie, la ligne Dellys-Boghni (68 km) coupant à Camp du Maréchal et à Mirabeau la ligne à voie normale Alger-Tizi-Ouzou et reliant la côte à l'intérieur de cette montagneuse et pittoresque province.

Toutes ces lignes à écartement de 1,05m.

La traversée d'Alger par ce réseau à voie étroite posa rapidement de sérieux problèmes de circulation : la contexture même de la ville d'Alger fait que les deux axes de circulation parallèles à la côte sont extrêmement chargés et la présence des trains à vapeur des C.F.R.A., qui rendaient par ailleurs de grands services pour les transports dans la banlieue immédiate, était une gène considérable.

Les C.F.R.A. furent alors amenés à poser une voie parallèle à la grande ligne P.-L.-M. Alger-Maison-Carrée, amorce des lignes vers Oran et Constantine, sur le terre-plein même du port : c'est là que se trouvait la gare d'échange avec la voie normale et les amorces des voies étroites desservant les môles; cette voie se raccordait avec la ligne de Koléa par un tunnel percé sous les quartiers côtiers du vieil Alger, entre la darse et le l'au bourg de Bab-el-Oued.

Simultanément, vers 1898, les C.F.R.A. voyant grossir le trafic de banlieue le long de la côte, tant vers le nord-ouest que vers le sud-est, décidèrent, de substituer des tramways électriques aux trains à vapeur dans la zone urbaine et suburbaine c'était à l'origine du développement des tramways électriques en France et bien des cités métropolitaines ne possédaient encore que des tramways à chevaux.

La ligne des C.F.R.A. fut électrifiée vers le sud-est jusqu'à Maison-Carrée (12 km du centre d'Alger) et vers le nord-ouest jusqu'aux Deux-Moulins (5 km). Dans la traversée d'Alger les tramways électriques suivaient l'ancienne ligne des tramways à vapeur, tandis que les trains de grande banlieue vers Koléa et Aïn-Taya utilisaient la nouvelle voie construite pour leur circulation sur le terre-plein du port ; les deux lignes se raccordaient au nord à Saint-Eugène et au sud à Mustapha.

En 1905, les C.F.R.A. construisirent un embranchement de tramways électriques long de 6 km pour relier le Champ de manoeuvres sur leur grande ligne côtière de Maison- Carrée, au Ruisseau et à Kouba à travers les quartiers de Mustapha et de Belcourt, ce qui portait à 22 km au total la longueur des lignes C.F.R.A. exploitées par tramways électriques : la nouvelle ligne desservait entre autres le Jardin d'Essais, magnifique parc de 80 hectares.

Vers la même époque, une entreprise privée, indépendante des C.F.R.A. et des T.A., la Société de Transports et Messageries du Sahel (T.M.S.) construisait et mettait en exploitation une ligne de tramway électriques reliant la place du Gouvernement à ElBiar Châteauneuf et Ben-Aknoun ; cette ligne avait presque les caractéristiques d'un chemin de fer de montagne puisque, partant du niveau de la mer, elle aboutissait à près de 300 m d'altitude, après un parcours d'une douzaine de kilomètres ; son tracé était extrêmement sinueux ; au départ d'Alger, elle était posée dans des rues étroites et très en pente du quartier indigène ; cette ligne a été incorporée au réseau des C.F.R.A. le 19 janvier 1937 par une décision départementale. (cf. AFN-Collections n°62, 2010)

PROJETS D'EXTENSION DU RESEAU VAPEUR

Avant 1914 les C.F.R.A. avaient obtenu la concession d'un deuxième réseau complémentaire des lignes qu'ils exploitaient et dont le but était tout à la fois de desservir de nouvelles zones de la Mitidja et de Kabylie et de réunir en un seul réseau départemental homogène l'ensemble des lignes déjà construites et des lignes nouvelles.

Ce deuxième réseau projeté s'étendait sur les itinéraires suivants : Castiglione-Bérard (prolongement vers l'ouest de la ligne côtière), Les Tuileries-Oued-el-Alleug, Les Tuileries-Marengo (raccordement de la ligne d'Alger et de celle de Cherchell), RovigoBouïnam, Eucalyptus-Rivet, Azazga-Mirabeau (desserte de la Haute Kabylie).

Les travaux sur ces lignes, arrêtés par la guerre 1914-1918, furent menés jusqu'à la terminaison à peu près complète de l'infrastructure, mais elles ne furent jamais ouvertes à l'exploitation.

Enfin en 1927, alors que le réseau vapeur des C.F.R.A. venait d'être racheté par le département, les Assemblées algériennes décidèrent de mettre au programme des grands travaux, par utilisation du plan Dawes, pour le département d'Alger, les lignes suivantes de tramways à vapeur : Cherchell-Novi, Aïn-Taya-Dra-el-Mizan (jonction de la ligne côtière et du réseau de Kabylie), Dra-el-Mizan-Bouïra, Alger-Blida (ligne tracée plus au sud que la voie normale pour desservir une riche zone de la Mitidja).

Aucune de ces lignes ne fut sérieusement entreprise.

DEVELOPPEMMENT DU RESEAU ELECTRIQUE. DISPARITION DU RESEAU A VAPEUR

Le réseau à vapeur a rendu jusque vers 1930 de très grands services au département et au port d'Alger qu'il reliait avec l'arrière-pays ; il connut un trafic très intéressant en voyageurs comme en marchandises. Au moment de sa plus grande vitalité, des trains de voyageurs circulaient en un mouvement intense sur les lignes à vapeur des C.F.R.A., une dizaine de trains entre Alger et Guyotville et quatre trains au minimum sur les autres lignes. Mais avec le développement de l'automobile, le trafic voyageurs à grande distance et le trafic marchandises baissèrent rapidement, tandis qu'au contraire le trafic des voyageurs à faible et moyenne distance, non seulement se maintenait, mais continuait à augmenter sur le réseau électrique desservant Alger et sa proche banlieue.

Dès 1926, le département s'était décidé dans le plan d'unification du réseau ferré algérien à couper l'exploitation en deux : le réseau électrique restait aux C.F.R.A., tandis que l'exploitation des trois tronçons du réseau vapeur était répartie entre les deux grandes entreprises exploitant, à cette époque, en Algérie, le réseau d'intérêt général, c'est-à-dire :
         - au P.-L.-M. algérien, la ligne El-Affroun-Cherchell, qui avait son origine à une gare de cette Compagnie;
         - aux Chemins de Fer Algériens de l'Etat (C.F.A.E.), l'ensemble des lignes de l'étoile d'Alger et de Kabylie.

Avec la croissance rapide de la concurrence automobile, les C.F.A.E. furent amenés, vers 1935, à supprimer les trains de voyageurs, puis l'exploitation complète du réseau d'Alger qui est maintenant définitivement déclassé.

Quant au réseau de Kabylie, desservant des régions montagneuses où les transports routiers sont plus difficiles, il subsiste partiellement ; si la section de ligne de Mirabeau à Dellys a été fermée à tout trafic, par contre, celle de Mirabeau à Boghni est toujours en service pour les voyageurs comme pour les marchandises.

Enfin, le P.-L.-M. algérien, de son côté, et les Chemins de Fer Algériens (C.F.A.) qui lui ont succédé ensuite, ont transformé la ligne de Cherchell : la section d'El-Affroun-Marengo, longue de 20 km a été mise à voie normale ; elle est maintenant coordonnée, mais toujours exploitée pour les marchandises, par contre, la section terminale Marengo- Cherchell a été abandonnée.

MODERNISATION DU RESEAU ELECTRIQUE

Tandis que disparaissait ainsi le réseau à vapeur, le réseau électrique continuait à prendre une importance accrue ; d'année en année son trafic augmentait : le nombre de voyageurs transportés, qui était de 10 millions en 1910, atteignait 20 millions vers 1920, plus de 30 millions vers 1930 et tendait vers les 40 millions au moment de la guerre, chiffre qu'il doit avoir largement dépassé maintenant avec l'augmentation massive de la population de la ville. Cependant, il connaissait, lui aussi, la concurrence acharnée des services automobiles qui se développèrent au début, en Algérie, sans le contrôle des pouvoirs publics, offrant à la clientèle des conditions de transport économiques mais malheureusement inconfortables pour ne pas dire peu sûres : les autobus assurant vers 1930 le service de la boucle d'Alger étaient d'inénarrables guimbardes, rappelant un peu les omnibus que " Tartarin " y avait vu cinquante ans plus tôt (Alphonse Daudet :Tartarin de Tarascon), et surchargés à refus d'une foule hétéroclite.

Depuis, comme en France, des décrets de coordination sont venus mettre de l'ordre dans l'anarchie des transports routiers et réglementer le partage du trafic entre le rail et la route : la route algérienne, nous le verrons dans un article ultérieur, est maintenant sérieusement exploitée en accord avec le rail.

Pour protéger leurs lignes contre la concurrence et garder leur trafic, les C.F.R.A., après avoir créé eux-mêmes des services automobiles ont été amenés à moderniser complètement leur réseau dans le but d'offrir à la clientèle un mode de transports techniquement supérieur aux autobus et en même temps plus économique : quatre schémas montrent les transformations successives du réseau des C.F.R.A.

Le programme de ces transformations est le suivant :
         1° Seule restera exploitée par tramways électriques l'artère la plus fréquentée suivant les bords de la mer et desservant la partie la plus peuplée de l'agglomération algéroise ainsi que ses faubourgs de l'Agha et de Mustapha, entre la Place du Gouvernement et le Ruisseau; sur cette ligne circulent déjà des rames réversibles de deux ou trois voitures modernes : deux motrices seules ou deux motrices encadrant une remorque;

         2° La plus ancienne ligne électrique, qui relie les Deux-Moulins à Maison-Carrée sur une distance de 20 km, sera remplacée par une ligne de trolleybus à forte densité de circulation : les tramways circulent toujours sur Alger-Maison-Carrée, longue ligne doublée d'ailleurs par des autobus plus rapides, mais la section Place du GouvernementDeux-Moulins est déjà, à l'heure actuelle, exploitée par trolleybus ; ultérieurement, elle sera prolongée à l'ouest des Deux-Moulins jusqu'à La Pointe Pescade et Baïnem en direction de Guyotville ;

         3° De même, la ligne de tramways de Kouba, abandonnée maintenant au delà du Ruisseau, a été remplacée sur sa section terminale accidentée Ruisseau-Kouba par une ligne de trolleybus prolongée sur 2 km jusqu'au Vieux-Kouba;

         4° Les C.F.R.A., comme nous l'avons vu précédemment ont été chargés de reprendre l'exploitation de l'ancienne ligne des " T.M.S. " qui relie, sur un parcours sinueux et au profil difficile, la place du Gouvernement à El-Biar, Châteauneuf et Ben-Aknoun ; après avoir été supprimée et exploitée pendant quelques temps en autobus, cette ligne vient d'être reconstruite en trolleybus : elle a été prolongée par un important embranchement de 4 km au départ de Châteauneuf jusqu'à La Bouzaréa, une des communes suburbaines les plus élevées de la banlieue d'Alger, à près de 400 m d'altitude et à 12 km du centre de la ville.

Lorsque les transformations, actuellement en cours, seront entièrement terminées, le réseau des C.F.R.A. sera tout à fait en mesure d'assurer régulièrement la desserte de la zone qui lui est confiée.

Le réseau des T.A. superposé au réseau des C.F.R.A. sur des itinéraires différents assure, avec ce dernier, à l'agglomération algéroise une desserte parfaitement homogène et rationnelle permettant aux citadins de s'installer sans crainte dans les zones suburbaines les plus salubres et les plus aérées, en leur donnant l'assurance d'être reliés par un moyen de transport rapide au centre des affaires ou aux lieux de travail.

A côté de cette fonction pratique, le réseau des C.F.R.A. a aussi un certain caractère touristique puisque sa ligne principale longe, sur près de 40 km, le bord de la Méditerranée desservant toute une série de plages pittoresques de part et d'autre de la Pointe-Pescade.

En attendant qu'un trolleybus soit établi sur le parcours entier de cette ligne, des services d'autobus prolongent au delà des Deux-Moulins la ligne existante, par Baïnem, Guyotville, Staouéli et Sidi-Ferruch, le site historique du débarquement de 1830.

H. LARTILLEUX.
Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, Inspecteur Principal de la S.N.C.F. Chef du Service Voyageurs de la S.C.E.T.A.
Transmis par Joël DARMAGNAC
Mis en page et illustration Raphaël PASTOR