C / LES VILLAGES DE
COLONISATION
On sait que parmi les 7 sous-préfectures de 1959,
Djelfa et Tablat
avaient été d'abord de simples villages de colonisation.
Sans compter ces deux cas particuliers sur lesquels je ne reviendrai pas,
et sans compter non plus les hameaux jamais promus communes, il a été
créé dans tout le Titteri, sauf erreur de ma part, 24 villages
européens entre 1848 et 1924.
Leur répartition régionale est éloquente : aucun
dans l'Atlas saharien des monts Ouled-Naïl
3
sur les hautes plaines
21
dans l'Atlas tellien, plutôt au nord qu'au sud
Sur ces 21 villages telliens, 7 sont proches de Médéa
5
sont dans la plaine des Aribs
3
sont alignés sur la RN 1 dans la vallée de l'oued Akoum
6
sont plus isolés, à l'écart des axes majeurs des
RN 1 et RN 8
1 / Sous la Seconde
République : Lodi (ou Draa Esmar) et
Damiette
(ou Aïn Dhab)
Durant les deux premières années de sa courte
existence la Seconde République a créé 54 villages
de colonisation dans les trois provinces, dans des circonstances il est
vrai exceptionnelles. Lodi et Damiette appartiennent au premier ensemble
de 42 villages dits " colonies agricoles
de 1848 ".
Ces créations de villages décidées dans l'urgence
pour de mauvaises raisons avec des colons mal choisis ont été
largement improvisées. Les premiers colons y ont connu des débuts
très difficiles.
Lodi et Damiette ont été inaugurés
le même jour, 2 décembre 1848, par des colons acheminés
depuis Paris-Bercy par le même 8è convoi (sur 17 au total)
parti le 5 novembre, arrivé à Marseille le 21 et à
Alger le 29. Ces colons ont dû remonter la route toute neuve des
gorges de La Chiffa et traverser Médéa avant de se séparer,
les uns vers l'ouest pour Lodi (4 km) les autres vers l'est pour Damiette
(3 km).
Avant d'envisager d'exposer les particularités de ces deux villages
quasi jumeaux il n'est sans doute pas inutile d'expliquer ce que furent
ces colonies de 1848, pourquoi elles ont été décidées
à Paris et comment elles ont été réalisées
en Algérie.
Généralités
sur les colonies agricoles de 1848
Une origine accidentelle. Durant l'hiver
1848 il y eut beaucoup de misère et de chômeurs, non indemnisés
en ce temps-là, à Paris. Le Gouvernement Provisoire né
de la révolution de février 1848 crut trouver une solution
en finançant l'ouverture de chantiers publics. Comme ils étaient
financés par le budget de l'Etat, on les appela " Ateliers
Nationaux ".
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26 février.
Décret de création des Ateliers Nationaux (à
Paris seulement). Le ministre des Travaux Publics, Trélat,
est chargé de la mise en application. Il ouvrit aussitôt
des registres d'inscription des volontaires dans les mairies des
12 arrondissements du Paris d'alors.
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17 mai.
Arrêt des inscriptions. Il y en avait trop ; et les impôts
directs, augmentés de 45%, rentraient fort mal. Toutes les
régions payaient ces impôts ; seuls les Parisiens pouvaient
en profiter. De surcroît on ne savait pas à quoi d'utile
employer tous ces ouvriers. |
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23 juin.
Annonce de la suppression des Ateliers Nationaux et du salaire de
2fr par jour. La fermeture effective eut lieu le 3 juillet après
la répression des émeutes de juin. |
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23-26 juin.
Emeutes à Paris, réprimées par le Ministre de
la guerre Cavaignac. A l'Assemblée Législative un projet
de deux députés, Leroux de Paris et Barrot d'Alger,
refait surface. Ils avaient trouvé une solution susceptible
de résoudre la question sociale à Paris et de relancer
la colonisation en Algérie : éloigner de Paris quelques
milliers d'ouvriers en leur proposant des terres en Algérie. |
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19 septembre.
Arrêté de création de 42 villages en Algérie. |
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23 septembre.
Ouverture des registres d'inscription des volontaires. Il y eut 12
000 places, puis finalement 13 903. Le nouveau Ministre de la guerre,
Lamoricière, décida de confier l'organisation des transports
et l'installation des villages, à l'armée. |
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De Paris à Chalon/Saône les colons
étaient entassés sur des péniches de récupération
non pontées, mais recouvertes d'une toile goudronnée
en guise de toit. Le convoi de 5 à 6 péniches avançait
nuit et jour et ne s'arrêtait, forcé, qu'au passage
des écluses ou pour se ravitailler.
De Chalon à Arles ce furent des bateaux
à vapeur qui restaient à quai la nuit. On pouvait
descendre se dégourdir les jambes. A Lyon les colons reçurent
pour la nuit des billets de logement chez des habitants pas ravis
car ils étaient pris pour des émeutiers parisiens.
D'Arles à Marseille ce fut le train. La
voie était neuve ; pas les wagons. Il ne fallait que 4 heures.
De Marseille à Alger la traversée
se faisait sur une frégate mixte (voile et vapeur) en 48
à 60 heures.
Les bagages voyageaient à part
et n'étaient restitués que dans le village de destination
s'ils ne s'étaient pas perdus en route.
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Règlement du 28 septembre
1848 sur l'organisation des colonies agricoles
La désignation des colons était
assurée par une commission de 13 membres dont 2 médecins.
Seuls les dossiers des Parisiens ayant moins de 60 ans d'âge étaient
recevables (il n'y eut que 200 exceptions, des Lyonnais qui vinrent compléter
le dernier convoi). Le candidat avait dû présenter beaucoup
de papiers à sa mairie d'arrondissement et notamment :
numéro d'inscription
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- des certificats
médicaux pour le demandeur, sa femme et ses enfants
- les raisons des décès
éventuels de ses parents et beaux-parents
- un certificat de bonne vie et
murs
- un extrait de mariage et des
extraits de naissance
- un certificat de libération
du service militaire pour les moins de 35 ans
- et tout document établissant
sa profession
On délivre aux candidats retenus un carton
d'inscription avec un numéro d'ordre.
Tous ces renseignements et ceux qui suivent sont extraits
de la revue " Carnets de Généalogie Algérie,
Maroc, Tunisie " édition d'avril 1998. Je résume
les 17 articles du règlement signé par le Ministre de la
Guerre De La Moricière.
- le transport est gratuit d'un
bout à l'autre du voyage, pour les personnes et leurs bagages
- 50 kg par adulte et 25 kg par
enfant
- gratuité de la nourriture
avec ½ ration pour les enfants
- hébergement provisoire
à l'arrivée sous des tentes militaires ou dans des baraques
- fourniture le plus vite possible
de la maison définitive : 2 pièces en rez-de-chaussée
- fourniture d'un lot, déjà
délimité, de 2 à 10 ha de terres à défricher
- fourniture gratuite des outils
aratoires et du cheptel indispensables
- allocation gratuite de vivres
jusqu'à la mise en production de la terre
- emploi salarié possible
en morte-saison sur des chantiers de travaux publics
Au bout de trois ans une commission de vérification
comprenant un géomètre et un inspecteur de la colonisation
viendra s'assurer de la mise en culture des lots de terrain. En cas de
procès-verbal favorable le colon reçoit un titre de propriété
définitif et incommutable pour sa terre et sa maison. Dans le cas
contraire la déchéance et l'expulsion sont possibles, mais
pas automatiques : un délai supplémentaire n'est pas exclu.
Ce fut souvent le cas.
Conseils distribués aux futurs colons
dans un petit guide édité en 1848
- laisser en France les jeunes
enfants, voire les autres et la femme, provisoirement
- se débarrasser d'un mobilier
trop coûteux à transporter
- prendre une légère
purgation pour éviter d'être constipé sur le bateau
- tamiser les eaux en Algérie
à cause des sangsues minuscules
- ne pas boire les eaux qui ne
dissolvent pas le savon
- suspendre le travail quand il
fait très chaud et se reposer à l'ombre
- porter une flanelle pour réguler
les fonctions digestives
- porter un chapeau de paille ou
de feutre blanc ou gris, vendu à Marseille et Toulon
- se méfier des figues de
Barbarie à cause de leurs propriétés astringentes
- se méfier des abus d'alcool,
mais mettre du vin dans son eau
- ne pas entasser les immondices
et le fumier trop près de la maison
- et enfin se méfier des
Arabes " par ses murs, ses habitudes, sa religion, l'Arabe
est l'ennemi des chrétiens
Rusé, sobre, laborieux
seulement lorsque la nécessité l'y contraint, il apporte
dans ses relations avec nous toute la défiance et la finesse du
Normand
et la pensée secrètement entretenue par ses
marabouts, qu'un jour le sol foulé par nous, sera rendu à
ses premiers maîtres ".
Installation des colons
Chaque colonie est dirigée par un officier assisté d'un
adjoint pour l'agriculture. Ils sont nommés avant l'arrivée
des colons qu'ils doivent accueillir à leur débarquement
dans le port le plus proche du village. Ils devront avoir prévu
les voitures nécessaires à l'acheminement des bagages et
des personnes.
Les colons sont installés dans des baraques en bois ou, à
défaut, sous des tentes militaires. Deux cuisines provisoires auront
été construites : une pour les familles et une pour les
célibataires.
Chaque directeur veillera à ce que tous les outils promis soient
disponibles, ainsi que les vivres nécessaires à la survie
avant la première récolte. Il fera délimiter les
lots afin de les attribuer dès l'arrivée des colons. Il
fera bâtir les maisons définitives conformément au
plan proposé par l'administration ; ainsi que des fours banaux
et un lavoir. Par contre, pour le bétail, chaque colon construira
un gourbi en branchage pour servir d'étable provisoire.
Maison d'un colon
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Plan de la maison
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Les maisons auront 2 pièces,
avec une seule porte d'entrée. Dans la pièce à
l'entrée il y aura une cheminée, un emplacement pour
un fourneau, une fenêtre et une lucarne. Dans la chambre (6m
de long sur 3,3m de large) il y aura une fenêtre. Le sol est
en terre battue.
La coupe montre l'absence de plafond sous le toit. Ce ne devait pas
être d'un grand confort, ni en période de canicule, ni
en hiver, ni en cas de vent violent. |
Les fournitures promises sont
les suivantes :
1 joug |
1câble |
4 courroies |
1 herse pour 2 familles |
1 houe plate |
1 pioche |
1 fourche en fer |
1 pelle en fer |
1 sarcloir |
1 serpe |
1couverture |
1bidon |
1 gamelle |
1 marmite |
1 sac de couchage |
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Il sera en outre fourni 1 charrue Lombasle légère
pour 3 familles
1
chariot pour 5 familles
Ce matériel collectif suppose une entente entre familles d'une
qualité improbable. En son absence c'est un conseiller militaire
chargé de l'agriculture, plus ou moins compétent et motivé,
qui prendra les décisions.
Chaque famille recevra un buf, indispensable pour les défrichements,
puis pour les labours ; ainsi qu'une truie. Chaque village recevra un
nombre convenable à déterminer sur place par l'officier
directeur, de vaches et de verrats.
Un arrêté du 27 novembre fixe, au gramme
près, les vivres distribués chaque jour à chaque
adulte (1/2 ration pour les enfants) : 750 gr de pain + 250 gr de pain
de soupe
72
gr de café et 72 gr de sucre
3/4
de litre de vin
Il conviendra d'ouvrir une école le plus vite possible.
Quant au service de santé, il sera assuré par un médecin
militaire détaché.
Histoire des débuts de
Lodi et de Damiette
Le 5 novembre 1848, juste avant leur
départ de Paris, les colons réunis sur un quai de la Seine
près du pont d'Austerlitz, ont dû écouter deux discours
: celui du Président de la commission, Trélat, et celui
du grand vicaire de la Bouillerie assisté du clergé de saint
Séverin.
Du discours de Trélat, je ne retiendrai que la confusion étonnante
qu'il fit entre les 8° et 9° convoi, en souhaitant aux colons
de Lodi, une bonne arrivée au village de Montenotte.
Le discours du grand vicaire a plus d'intérêt car il permet
de mesurer l'ampleur des illusions de l'époque. J'en extrais seulement
quelques phrases " Qu'allez vous faire sur cette terre d'Afrique
? Vous allez porter la civilisation française et chrétienne
Vous allez jeter sur ce terrain barbare les précieuses semences
de la liberté, de l'égalité, de la fraternité
! Vous allez implanter sur le sol d'Afrique les murs françaises,
les habitudes françaises, les arts français
Et moi
j'ajoute : n'oubliez pas d'y implanter également la religion de
la France
à côté du drapeau à trois couleurs
ne dédaignez pas d'arborer la croix
la croix qui surmonte
tous les clochers de ses villages et toutes les tours de ses vieilles
basiliques ".
Le 2 décembre 1848, à
leur arrivée dans leurs villages les colons ont trouvé des
baraques sans porte et sans fenêtres. En décembre il fait
froid sur le plateau de Médéa : ils furent hébergés
pour le temps des finitions de leurs baraques sommaires, dans les casernes
de Médéa. Il semble que certaines des fournitures promises
n'étaient pas au rendez-vous. Il est sûr que les professions
de ces Parisiens fourvoyés en Algérie, horlogers, ébénistes
ou commis de magasin, ne constituaient pas une garantie de compétence
agricole. Les défrichements d'une brousse à palmier et à
jujubiers, furent très lents : il fallut que les fantassins du
8è régiment d'infanterie légère viennent donner
un coup de main.
La récolte de 1849 fut mauvaise, et quelques colons firent défection.
Une commission d'enquête dirigée par Louis Reybaud passa
juillet et août dans les villages de 1848 et rédigea un rapport
sur les causes de cet échec partiel en proposant quelques précautions
pour l'avenir et quelques remèdes pour le présent.
·
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Les causes :
rien n'était tout à fait prêt car le gouverneur
général Charon avait été prévenu
trop tard. Il n'avait pas eu le temps d'aménager correctement
les 42 villages.
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·
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Les colons sont incompétents et
parfois peu motivés. Ils ne supportent pas les travaux organisés
de façon collective et sous une surveillance de l'officier
directeur du centre. |
· |
Les moniteurs militaires, un par village,
ne sont pas plus compétents que les colons et encore moins
motivés. On les renvoya dans leur régiment au bout de
18 mois. |
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Les lots sont trop petits ; moins de
5ha |
· |
Les remèdes
: compenser les défections avec des agriculteurs mariés
ou des soldats ayant servi en Algérie ; ce qui fut fait. |
· |
Accélérer la construction
des maisons familiales et les carreler pour éviter la boue. |
· |
Verser aux colons un viatique en attendant
les revenus espérés des récoltes : il fut de
10 centimes. |
Et à l'avenir n'accorder de concession qu'à
des agriculteurs de profession possédant des ressources suffisantes
pour exploiter 8 à 10ha. Et aménager le village avant l'arrivée
des colons. Ce qui fut fait pour les 12 villages dits de 1849 et peuplés
en fait en 1850 ou 1851.
La situation de Lodi et de Damiette ne s'améliora
pas assez vite, et il fallut prolonger la période provisoire des
secours jusqu'en janvier 1853, au lieu de 1851.
En 1850 les villages
changent de nom et prennent les noms de Lodi (au lieu de Draa Esmar; la
colline des joncs) et de Damiette (au lieu d'Aïn Dhab ; la source
d'or).
Si l'origine du nom de Lodi est claire, pour l'origine du nom de Damiette
on a l'embarras du choix.
Lodi est le nom d'un village, de son
pont et d'une victoire française sur les Autrichiens. Le village
est près de Milan, son pont permet de franchir l'Adda et la victoire
du général Beaulieu le 10 mai 1796 a permis à Bonaparte
d'entrer à Milan le 15 mai.
Damiette est le nom
francisé d'un petit port égyptien sur la rive droite de
la branche orientale du Nil, à 6km de la Méditerranée.
Mais je ne sais pas quel événement est censé glorifier
ce toponyme. En effet des Français y ont livré au moins
4 batailles : en subissant un lourde défaite et en remportant 3
victoires sans lendemain.
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en 1169 la flotte
franque du royaume de Jérusalem est détruite à
Damiette par Saladin
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en 1219
la ville est conquise au cours de la 5è croisade ; et évacuée
en 1221 |
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en 1249
Saint-Louis prend la ville ; mais échoue devant Mansourah,
et est fait prisonnier en mai 1250. Pour recouvrer sa liberté,
il doit payer une grosse rançon et évacuer Damiette.
Il aurait pris modèle sur les murailles de Damiette, pour améliorer
celles d'Aigues-Mortes ; port où il s'embarqua pour aller mourir
devant Tunis en 1270. |
· |
En 1798 le
général Kléber remporte une victoire ; mais il
est assassiné en 1800 et l'Egypte doit être évacuée
par les Français en 1801. |
A vous de choisir la date qui vous paraît la moins
fâcheuse.
En 1853 les deux territoires
deviennent civils et les colons échappent à la tutelle militaire.
En 1887 Lodi et Damiette
sont promus CPE, commune de plein exercice
En 1891 et
1892 les gares des 2 villages sont ouvertes au trafic de
la voie ferrée Blida-Berrouaghia.
En 1955 ouverture
à Lodi (dans le cadre de la
loi d'urgence du 3/4/1955) d'un centre de détention pour syndicalistes
européens et musulmans communistes et suspects de sympathies ou
de complicité avec les rebelles. Ce centre fut le plus petit des
centres de même nature ouverts en Algérie à cette
époque. Il n'y eut que 118 internés. Le centre de Lodi fut
fermé début novembre 1960.
En 1956 création des SAS dans
chacun des villages.
Le cadre naturel et ses aptitudes
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Le cadre naturel
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C'est strictement le même que celui de Médéa
: même altitude de l'ordre de 870 m pour les villages, même
climat méditerranéen de montagne humide à hivers
froids et neigeux, même situation sur un plateau bordé au
sud par la vallée encaissée de plus de 200m de l'oued el
Harch et dominé au nord par une ride montagneuse, plus élevée
au-dessus de Lodi avec le djebel Nador (1108 m) qu'au-dessus de Damiette.
Le paysage naturel est très verdoyant, sans palmier et sans oranger.
Les sols y sont corrects, mais le climat n'est guère
favorable à la céréaliculture que les premiers colons
choisirent comme activité principale. Il est meilleur pour l'élevage
bovin et pour l'arboriculture ; mais ces activités demeurèrent
marginales pour les colons. La prospérité n'est venue que
grâce à la crise du phylloxera qui ouvrit le marché
français aux vins d'Algérie dans les années 1880-1890.
On s'aperçut alors que, non seulement la vigne poussait bien (on
le savait déjà) mais que les vins produits étaient
de qualité supérieure titrant au moins 12°. Ces vins
VDQS étaient très appréciés : leur réputation
venait juste derrière celle des vins de Mascara. Lodi et Damiette
furent d'abord des villages de viticulteurs.
Chaque village se dota d'une cave coopérative.
Le climat avait la réputation d'être bien
plus salubre que celui de la plaine et à peu près à
l'abri des fièvres paludéennes. C'est sans doute la raison
qui explique l'existence d'un camp de colonie
de vacances à Lodi. C'est ce camp qui fut reconverti
en 1955 en camp de détention.
Ces villages n'ont pas eu de peine à se fournir
en eau de qualité et même, du moins à Damiette, à
s'équiper très tôt d'un moulin pour moudre le blé.
La très grande proximité de la ville de
Médéa a aussi permis à ces deux villages de devenir,
non pas de vraies banlieues de Médéa, mais des sortes de
cités dortoir pour quelques fonctionnaires de la préfecture
après 1956.
Il est difficile de trouver des chiffres fiables concernant
le nombre de familles installées en 1848. On peut essayer d'extrapoler
à partir des 853 personnes inscrites dans le 8è convoi,
sans savoir si elles sont toutes allées jusqu'au bout du voyage.
Dans chaque village ont dû s'établir quelques 400 personnes
ou un peu plus, soit une centaine de familles : c'est beaucoup, car cent
familles c'est cent lots à distribuer. Je propose ces chiffres
; mais je ne puis affirmer qu'ils sont sûrs.
Sont sûrs, par contre ceux du recensement de 1954 qui donnent pour
Damiette
274 européens (sur 945 hab)
Lodi
153 européens (sur 3 394 hab)
Les différences concernant les populations musulmanes reflètent
les différences de superficie des deux communes Lodi étant
beaucoup plus vaste. Il s'agit bien sûr des chiffres des populations
communales et non des populations agglomérées. Il existait
quelques fermes de colons extérieures aux villages ; mais en petit
nombre.
Pour plaire aux mânes du vicaire de la Bouillerie
et du clergé de Saint-Séverin, je glisse les photos des
deux églises. Ils ont été entendus : la croix a été
arborée comme ils le souhaitaient
mais pas pour toujours
!
L'église
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L'église
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Outre la croix arborée tout
en haut du clocher, ces photos montrent le souci des fondateurs de
prévoir des trottoirs avec des arbres et, à Damiette,
le très modeste monument dédié aux morts de la
guerre 1914-1918 : une stèle toute simple. |
Quelques particularités
de Damiette
Le relief de la commune de Damiette est moins élevé que
celui de Lodi et plus régulier. Toutes les terres proches du village
ont été défrichées : il ne restait aucun bois
à proximité. Mais le petit plateau sur lequel a été
bâti le village est limité au sud par un ravin encaissé
de 200m. Un petit oued y coule, l'oued Aboucha en travers duquel avait
été construit le bâtiment assez impressionnant d'un
moulin. Il y avait aussi, à l'entrée du village une maison
pas du tout représentative des maisons de colon des débuts,
maison si grande qu'elle fut appelée " le château ",
par abus de langage sans doute. Mais il est vrai que ce type de construction
surprend en ces lieux.
Damiette était mieux desservi que Lodi par les transports en commun,
car les habitants avaient le choix entre le train (la gare est au nord
un peu au-dessous du village, mais tout près) et les nombreux cars
blidéens qui poursuivaient jusqu'à Boghari, ou Aïn-Boucif,
ou Djelfa.
Le château de Damiette
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La grande rue, Damiette
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L'immeuble du moulin
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Avec son étage avec terrasse,
et ses combles aménagés ce " château "
a une allure qui contraste fort avec les petites maisons de colon
tout à fait traditionnelles. C'est la largeur de la rue qui
surprend.
Les dimensions du moulin sont également
impressionnantes. C'est un véritable immeuble dont l'emplacement
est indiqué sur certaines cartes.
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Quelques particularités de la
commune de Lodi
La plus importante c'est sa dimension car elle englobait, sauf les dernières
années françaises, à la fois le monastère
de Thibharine, installé dans une ancienne ferme un peu isolée
de l'autre côté du djebel Nador, et, tout en bas, le hameau
de Mouzaïa-les-mines.
La seconde est son relief avec la présence de ce djebel Nador sur
lequel Duvivier, en 1840, avait fait installer le premier élément
du télégraphe optique à 1119m d'altitude sur le kef
el Azri.
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( 100 ko)
Lodi - Médea -
Damiette
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Cette carte a le mérite de montrer, outre
les emplacements du télégraphe optique de 1840 et
du moulin de Damiette sur l'oued Aboucha, les tracés de la
RN 1 et du chemin de fer.
Ils se séparent à la sortie des
gorges de la Chiffa. La route grimpe tout droit tandis que le chemin
de fer fait un détour en remontant d'abord la vallée
de l'oued Mouzaïa. Les sinuosités de son tracé
après Mouzaïa laissent imaginer les difficultés
techniques de la montée du col du Nador (ou de Mouzaïa),
celui-là même que les troupes françaises durent
franchir en 1830, 1831, 1836 et 1840.
Lodi est sur la RN 18 et n'est pas desservi par
les cars qui par Médéa, allaient vers le sud. Je n'ai
trouvé aucune trace de ligne d'autobus après 1945.
Restait le train pour Blida.
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Mouzaïa-les-Mines (ou Tamesguida)
Ce nom est plus un programme qu'une réalité. Mais ce fut
aussi une réalité à éclipses. Je suis bien
incapable de fournir une histoire continue de l'exploitation des mines
de cuivre. qui ont été découvertes dès les
années 1840. Ces mines ne furent guère exploitables avant
l'arrivée du chemin de fer peu avant 1891. La construction de la
ligne partant de Blida a été engagée en 1886 et a
atteint Lodi en 1891. Il se peut que le tronçon Blida-Mouzaïa
ait été utilisé avant 1891. J'ai trouvé la
trace mal datée d'une autorisation d'exploitation minière
accordée à une " Société de Mouzaïa
" pour une extraction de 4 000 tonnes de cuivre étalée
sur trois ans et destinée, pour partie, à une usine de Caronte,
près de Marseille.
Après 1900 je doute que l'exploitation ait continué, car
les teneurs étaient trop faibles.
Par contre le gisement de gypse a dû être exploité,
pour la fourniture de plâtre aussi longtemps que la sécurité
a pu être assurée. En 1954 Mouzaïa-les-Mines était
devenue une commune et 12 Européens y résidaient encore
(sur 2332 hab) : c'était beaucoup pour les seuls cheminots, c'était
peu pour des mineurs.
La seule bonne route était celle qui descendait de Lodi (en jaune
sur la carte) mais il y avait aussi une piste qui suivait l'oued jusqu'à
son confluent avec la Chiffa.
Le monastère de Tibharine (ou tiberine)
Le couvent
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Le couvent vu du djebel Nador.
En face le djebel Mouzaïa 1603m
Et en bas à droite la ligne noire est un train qui monte
vers Lodi.
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La mention " couvent de Tibharine " qui figure
sur la carte est une petite erreur car, comme ce sont des moines qui y
vivaient, c'était à l'évidence un monastère.
Ce monastère a hébergé, à partir de 1938 des
moines " cisterciens de la stricte observance
" dits trappistes.
Un minimum d'explication me paraît s'imposer.
C'est en 1892 que cet ordre est né
de la scission de l'ordre cistercien décidée lors d'un chapitre
de l'ordre convoqué à Rome par Léon XIII. Ont alors
adopté ce règlement de stricte observance les moines cisterciens
de l'abbaye d'Aiguebelle (fondée en 1137 dans la future Drôme)
et les trappistes que la sus-dite abbaye avait installés à
Staouéli en 1843 avec l'appui de la reine Marie-Amélie.
Ces trappistes première manière étaient mus par un
esprit colonisateur semblable à celui des cisterciens qui défrichèrent
les forêts françaises aux XII et XIIIè siècle.
En 1904 ces moines
de La
Trappe de Staouéli, craignant une expulsion permise
par la loi de 1901 sur les associations, ont pris les devants en vendant
aux trois frères Borgeaud d'origine suisse le domaine devenu viticole,
et sont partis se réfugier en Italie, près du lac de Garde.
Mais après 1918, eux, ou leurs successeurs, ont souhaité,
après la mise en veilleuse des lois anti-cléricales, retourner
en Algérie.
En 1935, grâce
une fois encore à l'aide de l'abbaye d'Aiguebelle, un petit groupe
de moines est établi, provisoirement, à Ben-Chicao.
En 1938 ce groupe
déménage vers une grande ferme isolée que l'abbaye
d'Aiguebelle a pu acheter dans la commune de Lodi. Cette ferme de Tibharine
a 374 ha. Mais les trappistes qui s'y installent ne viennent pas là
avec l'intention de coloniser, et moins encore avec un esprit missionnaire.
Ces trappistes nouvelle manière sont des contemplatifs soumis au
silence en dehors des offices et des nécessités de service.
Ils ne cultivent pas (il y pour cela des ouvriers) ; ils prient. Les bâtiments
et les terres de cette grande ferme sont situés sur le versant
nord du djebel Nador. La vue sur ce versant, et au-delà de l'oued,
sur le djebel Mouzaïa, est magnifique. Le hasard d'une promenade
familiale d'une journée de marche, aller et retour, à partir
de Médéa, m'a permis de rapporter le souvenir d'un repas
pris au monastère et servi dans le plus total silence par un frère
interdit de parole ; et la photo ci-dessus avec la trace, malheureusement,
peu visible, du train remontant vers Lodi.
En 1962 les moines
sont restés en Algérie.
En 1976 Boumediene
a nationalisé le domaine, sauf 14 ha. Les moines sont restés.
En 1996 7 des 9 frères
présents sont enlevés, puis séquestrés par
le GIA (groupe islamique armé). Ils sont enlevés dans la
nuit du 26 au 27 mars. On a retrouvé leurs têtes le 30 mai
suivant. On n'a jamais retrouvé leurs corps. La responsabilité
du GIA dans ce massacre n'est guère douteuse, sauf pour des journalistes
qui, influencés par le caractère religieux du sujet peut-être,
ont fait vu d'incrédulité.
Avant de quitter la commune de Lodi, jetons un dernier regard sur les
bâtiments d'exploitation et sur le monastère.
Le monastère
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