Éditorial: Ile
d'hommes et de valeurs
----------L'Armée
d'Afrique... Rarement expression n'aura autant évoqué
le décalage qui peut exister entre notre communauté
et la société métropolitaine.
----------Symbole de courage, d'honneur,
d'héroïsme et de fidélité, l'Armée
d'Afrique est pour nous une expression magique qui force l'admiration
et le respect non seulement pour les provinciaux que nous sommes
mais aussi pour cette France que nous avons aimée, à
laquelle nous étions fiers d'appartenir et que nous voyons
s'écrouler de jour en jour.
----------Pour beaucoup de nos concitoyens
hexagonaux, par contre, l'Armée d'Afrique est soit une
inconnue (dans le meilleur des cas) soit le symbole haï des
" ismes " à la mode : colonialisme (rétro
et néo), militarisme (forcené), nationalisme (exacerbé)
et même fascisme (prononcé fâchisme, bien entendu).
----------Si le Zouave et le Spahi
sont relégués au rayon d'un folklore vieillot qui
prête à sourire, le para et le légionnaire
sont devenus évocateurs de brutes analphabètes,
de mercenaires sanglants et aveugles, de machines à tuer
dépourvues de sentiments humains.
----------Si un crime est commis
dans quelque coin perdu de province, les titres des journaux locaux
accuseront dès le lendemain, sans même attendre la
preuve, " un parachutiste en permission " ou, mieux
encore, " un ancien légionnaire ".
----------Il y a à la fois
une mode et une volonté de monter en épingle les
occasions de mettre en cause la Légion étrangère.
----------Quel défoulement
de haine et d'accusations des bonnes consciences indignées
- qui ont désormais leurs bons et leurs mauvais morts -
et étrangement silencieuses, il n'y a guère, pour
les deux légionnaires froidement abattus en Corse.
----------Ce double assassinat apparaît
d'ailleurs comme la suite logique de cette campagne " pousse-au-crime
" menée avec la complicité d'une certaine presse
contre les plus prestigieux de nos soldats.
----------La Légion n'a d'ailleurs
pas besoin de mal se comporter pour être salie. Allumez
la radio et écoutez le mutant Renaud vous décrire
son Beauf... : " Cet espèce de Trouduc qui a fait
huit ans de Légion " !
----------De beaux esprits, pacifistes
en paroles, vous diront qu'il y a péril pour la France
et que " l'exhibition de ces militaires risque de donner
à nos enfants des pulsions fascistes ". Ne riez pas,
cela a été dit à la radio aux alentours du
14-Juillet !
----------Petit-fils de légionnaire,
imprégné de l'exemple d'un grand-père d'origine
humble dont les épreuves avaient fait un homme courageux
et lucide sans pour autant lui ôter, bien au contraire,
sentiments et qualités de cur, je ne pense pas avoir
été traumatisé par ce modèle, et j'affirme
sans aucune hésitation qu'il a été pour moi
une chance, une heureuse rencontre et une influence bien plus
utile à mon éducation que celle que m'ont infligée
quelques pseudo-éducateurs vicieux et fanatiques qui cherchent
à préparer à leur façon l'homme de
demain.
Ayant eu la chance de naître et de vivre en Algérie,
j'ai aussi pu apprendre ce que fut l'ouvre de la Légion,
dont l'histoire demeurera étroitement liée à
celle de notre terre, et comprendre que sans elle je ne serais
peut-être plus en vie.
----------Il y a quelques mois, au
lendemain de la publication dans la grande presse d'une série
d'articles sans scrupules laissant croire que de nombreux Pieds-Noirs
disparus en 1962 seraient encore en vie, l'Algérie Nouvelle
répondait en faisant état de la découverte
d'un charnier à Kenchela et en laissant entendre que la
Légion pouvait être à l'origine du massacre.
C'était là bien connaître la psychologie et
les goûts de la France nouvelle. En effet, l'information
allait être largement reprise et commentée jusqu'au
moment où la thèse officielle de l'origine du charnier
commença à être ébranlée par
des témoignages contradictoires et par l'allusion à
un dossier constitué en 1963 par une commission d'enquête
de la Croix-Rouge, précipitamment évincée
par le gouvernement algérien. Dès lors, l'affaire
était enterrée et avec elle les malheureuses victimes
de Kenchela.
----------J'ai souvent pensé
et dit qu'il appartenait davantage aux associations d'anciens
combattants, voire à l'Armée, qu'aux Pieds-Noirs
d'intervenir à propos d'événements mettant
en cause les militaires français en Algérie. Après
tout, on pourrait penser que la F.N.A.C.A. elle-même est
là pour ça... Je pense par contre qu'il est de notre
devoir de contribuer à faire connaître ce que fut
l'Armée d'Afrique et à lui rendre justice.
----------Et cela parce qu'elle est
partie intégrante de notre histoire, parce qu'elle fut
notre gloire, parce que nos pères y ont combattu.
----------Peut-on parler de Cassino
et du débarquement en Provence sans parler des Pieds-Noirs
et des Français musulmans ?
----------Doit-on taire que Juin
était des nôtres alors que nous nous enorgueillissons
de uvre et du succès de Camus ?
----------Faire connaître notre
histoire, c'est aussi rendre hommage à l'Armée d'Afrique.
----------Certains d'entre nous y
travaillent depuis longtemps et parmi les plus jeunes. Je pense
à notre ami Jean-Pax Méfret, qui vient de consacrer
deux nouveaux disques à la Légion ; et il chante,
outre l'Algérie, Camerone, Dien Biên Phu et Kolwezi.
----------D'autres ont écrit
des livres, bâti des musées et des monuments.
----------Nous avons fait appel à
quelques-uns d'entre eux pour vous présenter dans ce numéro
de L'Algérianiste un dossier sur l'Armée d'Afrique.
----------A l'heure où tout
ce qui fit la grandeur de la France est décrié et
sali, nous tenons, nous autres algérianistes, à
rendre cet hommage à nos héros. Et si la France
refuse cette vision des choses ; eh bien ! nous le ferons pour
notre Algérie, dussions-nous nous sentir un peu plus insulaires
sur notre île d'hommes et de valeurs, perdue dans la tempête.
Maurice CALMEIN.
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