Petite histoire de la
Compagnie de Navigation Mixte
Troisième partie : 1938-1947
Bernard Bernadac
(déjanté: ????que s'est-il
passé de 1915(chapitre
2) à 1938(texte
ci-dessous)?
C' est donc avec une flotte entièrement renouvelée par des
navires très performants et neufs que la Compagnie de Navigation
Mixte allait enfin pouvoir faire une pause et envisager avec plus de sérénité
les dix années à venir. Mais, toujours prévoyante
et ambitieuse, la compagnie voulut faire étudier et construire
un superpaquebot capable de réduire sérieusement la durée
de la traversée entre la France et l'Afrique du Nord afin de multiplier
les voyages.
Un paquebot révolutionnaire entièrement caréné
devant assurer une vitesse commerciale de 30 noeuds fut alors étudié
et une maquette fut construite par Jacques Saugeron, le décorateur
de la Compagnie. Malheureusement, cette magnifique maquette a disparu
depuis, mais Jacques Saugeron avait conservé précieusement
les quelques photographies.
Collection B.Bernadac
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Ce paquebot n'était pas seulement
remarquable par sa grande vitesse, mais aussi par sa forme aéro
et hydrodynamique. Son avant en forme de bulbe, le dessin particulier
de sa coque, ses deux hélices et ses deux gouvernails devaient
lui assurer une vitesse et une maniabilité remarquables.
Par ses oeuvres mortes aérodynamiques, son brise-lames avant, tous
ses angles arrondis et par sa drome de sauvetage placée à
l'intérieur même des superstructures dans des loges rectangulaires
fermées par des panneaux à vérins supportant des
radeaux de sauvetage, ce navire devait offrir le moins de prise possible
aux éléments.
Un seul panneau de cales et deux grues situées entre le brise-lames
et la passerelle ainsi que de larges portières latérales
préfigurant les car-ferries actuels, devaient desservir les cales
et entreponts à marchandises et à voitures.
Malheureusement, pour des raisons de rentabilité, ce navire exceptionnel,
véritable précurseur de notre N.G.V. (navire à grande
vitesse) actuel ne vit jamais le jour. Il était évident
qu'à 30 noeuds, la consommation de carburant eut été
gigantesque et ruineuse... mais quel beau rêve tout de même.
Revenant à des projets plus raisonnables, la Compagnie de Navigation
Mixte fit alors étudier, en 1938, un navire plus modeste, mais
néanmoins très performant, qui fut baptisé "
Kairouan ".
La Compagnie Mixte avait dès 1933 misé sur la vitesse avec
" El Mansour " et " El Djezaïr ", le "
Kairouan " s'inscrivait dans cette tendance.
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l'image
El Mansour
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Les distances en Méditerranée
occidentale sont courtes entre les ports principaux: Marseille /Tunis
465 milles marins; Marseille/Alger 402 ou 410 milles
marins selon la route suivie; Marseille/Oran 537 milles marins; Port-Vendres/Alger
350 milles marins; Port- Vendres /Oran 457 milles marins.
Les horaires convenables étaient pour les passagers ceux qui permettaient
un embarquement dans la matinée sur les lignes les plus longues
et une traversée inférieure à 24 heures (deux repas
et une nuit à bord). Pour les lignes les plus courtes, l'horaire
idéal était un départ vers midi, ce qui permettait
de se présenter dans la matinée au port d'embarquement,
avec une arrivée à destination en début de matinée
le lendemain.
On voit tout de suite que les durées de traversée les meilleures
étaient: Marseille/Tunis inférieure à 23 heures;
Marseille/Alger inférieure à 20 heures; Marseille/Oran si
possible 24 heures; Port-Vendres/Alger inférieure à 20 heures;
Port-Vendres/Oran inférieure à 23 heures.
Il n'y avait donc que deux plages de vitesse convenables: 20-21 noeuds
réels ou 23 -24 noeuds réels.
Les navires mis en service sur l'Afrique du Nord dans les années
trente se situaient dans la première plage: " El Mansour ",
" EI-Djezaïr " de la Mixte, " Ville-d'Alger "
et " Ville-d'Oran de la Transat. Le " Kairouan " était
le premier dans la deuxième plage.
Cela nécessitait des puissances propulsives importantes, au moins
15000 ch dans la première et de l'ordre de 24000 ch dans la deuxième.
Le nouveau paquebot devait être livré en 1941, mais il en
advint autrement.
Le 31 août 1939, l'amiral préfet maritime de la 3e région
militaire mit en application les décrets du 1er octobre 1934 et
du 11 décembre 1936, relatifs à la navigation en temps de
guerre.
Le 2 septembre, la mobilisation générale fut décrétée.
Le mois suivant, tous les navires de la Compagnie furent, soit réquisitionnés
par la Marine nationale, soit affrétés par la marine marchande.
Paquebots et cargos firent de nombreux transports de troupes et de matériels
d'Afrique du Nord en France. Ils furent armés et naviguèrent
en convois.
La drôle de guerre commençait.
Le 20 septembre 1939 ceux que l'on appela les " trois EL " c'est-à-dire
l' "
El- Djezaïr ", " El-Mansour " et l' "
El-Kantara ", effectuèrent des transports de troupes
en convois d'Oran à Beyrouth où ils arrivèrent le
25. Trois jours plus tard, ils repartirent pour Marseille.
Le 15 octobre 1939,1' " El-Kantara " appareilla de Marseille
pour Bordeaux, via Casablanca. Il était réquisitionné
par la Marine nationale comme croiseur auxihaire avec le numéro
de coque X16 pour former la première D.C.X. (Première Division
de Croiseurs Auxiliaires), avec " El-Mansour " (X6), "
EI-Djezaïr " (X17), ce dernier étant promu au rang de
navire amiral, ainsi que le " Ville d'Oran " (X5) de la Compagnie
Générale Transatlantique. Cette division fut basée
à Toulon et l' " El-Djezaïr " et l' " El-Mansour
" furent transformés et armés en croiseurs auxiliaires
à La Seyne-sur- Mer tandis que I' El-Kantara " l'était
à Bordeaux.
La division fut appelée d'urgence à Brest car elle devait
participer au transport et au débarquement en Finlande (attaquée
par l'U.R.S.S.), d'un corps expéditionnaire français. Finalement,
le 10 mars, la Finlande ayant déposé les armes, ce fut l'annulation
des projets d'intervention en sa faveur. La l' D.C.X. quitta Brest ce
même jour pour effectuer des transports de troupes d'Algérie
vers la France. Les croiseurs auxiliaires furent rappelés à
Brest le 8 avril et se préparèrent en vue d'une intervention
en Norvège. Le 12 avril à 17h30, la lm D.C.X. quitta Brest
sous escorte ayant à son bord la 5 demi- brigade de Chasseurs alpins,
une compagnie du 53' bataillon de Chasseurs alpins et une compagnie du
67e. Ces troupes furent débarquées dans le petit port de
Namsos, situé au fond du fjord du même nom, malgré
les bombardements de la Luftwaffe. Les paquebots furent de retour sans
gros problèmes à Scapa-Flow le 23 avril.
Le 3 mai, les croiseurs auxiliaires étaient de nouveau à
Namsos pour rembarquer le corps expéditionnaire composé
de 6400 hommes. Malgré les attaques de l'aviation allemande ils
rentrèrent indemnes à Scapa-Flow le 5 mai. La campagne de
Norvège était terminée. Les " trois El "
furent cités deux fois à l'ordre de l'Armée.
À partir du 30 mai, la " Division de fer ", comme on
la surnommait, rapatria les troupes évacuées de Dunkerque
sur l'Angleterre. Du 2 au 10 juin, en une rotation infernale, les croiseurs
auxiliaires transportèrent 60000 hommes des ports du sud de l'Angleterre
vers la France.
Pendant tout ce temps, les autres navires de la compagnie assuraient vaillamment
des convois sous escorte.
Toujours en juin 1940, la 1e D.C.X. transporta une partie de l'encaisse-or
de la Banque de France, soit 2200 tonnes d'or, au Sénégal.
Embarqué à Brest sous les bombardements, l'or de la France
arriva à Dakar le 28 juin et fut mis en sûreté à
Kayes, à l'intérieur des terres...
Les " trois El " restèrent à Dakar jusqu'au 18
novembre 1940 puis ils furent rapatriés en France et démilitarisés.
lls seront rendus à la Compagnie Mixte au début de l'année
1941.
Après la signature de l'armistice de juin 1940, des services réduits
furent effectués sur l'Afrique du Nord avec les bâtiments
restant armés : les " Gouverneur-Général-Lépine
" et " Cambon " ainsi que l'" El-Biar " pour
les paquebots, (les " trois El " étaient désarmés
à Marseille ainsi que le " Djebel-Nador " à cause
du manque de mazout). Les trois cargos " Djebel- Aurès ",
"
Dira " et " Amour ", reconvertis à la
chauffe au charbon comme les " Gouverneur " et l'" EI-Biar
" naviguaient encore ainsi que les navires des filiales de la Compagnie.
Le 12 février 1942,1'" El-Djezaïr " était
remis en service, suivi le 9 avril par l'" El-Mansour ". Le
trafic réduit sur l'Afrique du Nord fut effectué avec les
marques de neutralité jusqu'au 8 novembre 1942, date à laquelle
les Alliés débarquèrent en A.F.N. Bien sûr,
dès l'annonce de ces événements, les voyages sur
l'Algérie et la Tunisie furent immédiatement supprimés.
Après l'invasion de la zone Sud, le 11 novembre 1942, les navires
de la Compagnie restant à Marseille furent désarmés
et pris, soit par les Allemands, soit par les Italiens.
Parmi les navires restés à Marseille:
- Le " Gouverneur-Général-Cambon ", saisi par
les Italiens le 24 décembre 1942 fut utilisé par eux sous
le nom d'" Urbino " jusqu'au 20 octobre 1943. Repris par les
Allemands, il fut transformé en navire- hôpital sous le nom
d'" Erlangen " et coula à Gênes le 19 septembre
1944 lors d'un bombardement allié;
- Le "
Djebel-Dira ", saisi par les Allemands le 11 décembre
1942 fut transformé en mouilleur de mines sous le nom de "
Westmark ". Sabordé par l'ennemi dans le port de Marseille
au môle J2 Sud, il ne fut pas récupéré;
- Le " Djebel-Amour ", saisi par les Allemands en 1943 fut sabordé
le 21 août au nord du bassin National à Marseille. Renfloué
après guerre, il reprit son service sur l'Algérie;
- L' " El-Kantara " saisi par les Allemands le 9 janvier 1943,
fut donné aux Italiens qui le rebaptisèrent " Aquino
". Il fut coulé par la R.A.F. le 23 avril 1943 au large de
Marettimo ;
- L'" El-Mansour " saisi par les Allemands le même jour
que l'" El- Kantara ", fut successivement utilisé par
la Kriegsmarine puis par les Italiens qui le rebaptisèrent "
Amagni ", puis à nouveau par la Kriegsmarine après
la reddition de l'Italie. Il fut sabordé à Marseille et
récupéré après guerre. Sa carrière
fut longue et bien remplie jusqu'à sa vente en 1963 à la
Marine nationale comme bâtiment-base;
- L'" El-Djezaïr ", saisi par les Allemands le 29 janvier
1943 fut donné aux Italiens qui le rebaptisèrent "
Cassino ". Repris par les Allemands le 20 octobre 1943, il fut désarmé
dans l'étang de Thau et coula lors d'un bombardement de la R.A.F.
Seules ses machines (et auxiliaires) furent récupérées
et réutilisées sur une autre coque: l'" El-Djezaïr
II "; - Le cargo " Djebel-Nador " fut saisi par les Allemands
le 8 décembre 1942 et confié aux Italiens qui le rebaptisèrent
" Noto ". Le mois suivant, le 30 janvier 1943, il fut détruit
par un bombardement de la R.A.F. à Bizerte. Lors du débarquement
allié en Afrique du Nord, trois navires de la Mixte se trouvaient
en Algérie: le " GouverneurGénéral-Lépine
", le " Djebel-Aurès " et " El-Biar ".
Tous trois furent utilisés par les Alliés et effectuèrent
de nombreux convois. Les deux premiers survécurent à la
guerre mais l'" El-Biar " coula le 20 avril 1944, lors d'une
attaque de la Luftwaffe alors qu'il naviguait en un convoi qui se dirigeait
sur Alger.
Après les débarquements du 6 juin 1944 en Normandie et du
15 août 1944 en Provence les Allemands, pressés par les Alliés,
évacuèrent progressivement les zones occupées du
Sud de la France à partir du mois d'août.
Avant de se retirer, ils sabordèrent presque tous les navires et
détruisirent les installations portuaires se trouvant dans les
ports méditerranéens.
1947 - 1945
Que restait-il alors des bâtiments
de la Mixte demeurés en France après l'armistice de 1940?
-Le " Kairouan " inachevé et sabordé par les Allemands
gisait par trente mètres de fond à l'entrée de la
rade de Toulon;
-L' " El-Mansour " sabordé le 21 août 1944 se trouvait
au quai de rive sud du môle H à Marseille, chaviré
sur bâbord;
-Le " Djebel-Dira ", sabordé à La Joliette était
chaviré sur bâbord au quai J2 Sud à Marseille;
-Le " Djebel-Amour " était coulé droit au nord
du Bassin National à Marseille; L'épave de l' " El-Djezaïr
" coulé par la Royal Air Force reposait toujours sur bâbord
dans la vase de l'étang de Thau à Balaruc.
Sur les onze navires que possédait la Compagnie en 1939 il ne restait
qu'un vieux paquebot, le " Gouverneur-Général Lépine
", un cargo âgé de quinze ans, le " Djebel-Aurès
" et un très vieux cargo, le " Mécanicien-Moutte
". En outre, le " Lépine " et l'" Aurès
" étaient dans un triste état car ils avaient navigué
intensément avec un minimum d'entretien. En récapitulant
depuis le début de la guerre, trois paquebots et un cargo avaient
été désarmés au quai Wilson à Marseille
après l'armistice de juin 1940: " El-Mansour ", "
El-Kantara ", " El- Djezaïr " et le " Djebel-Nador
".
Cinq navires avaient effectué des services réduits sur l'Algérie
: le " Gouverneur-Général-Lépine ", le
" Gouverneur-Général-Cambon " et les trois "
Djebel ".
- " Aurès ", " Amour " et " Dira ".
Lors de l'invasion de la zone Sud de la France et du débarquement
allié en Algérie, trois navires se trouvaient dans ce pays
et furent réquisitionnés par les Alliés: le "
Gouverneur-Général-Lépine ", le " Djebel-Aurès
" et l'" El-Biar ".
Tous les navires alors à quai à Marseille furent réquisitionnés
par l'ennemi:
L' " El-Mansour ", " El-Djezaïr ", " El-
Kantara ", le " Djebel-Amour ", le " Djebel- Dira
", le " Djebel-Nador ", le " Gouverneur-Général-Cambon
" et le " Mécanicien-Moutte ".
La situation de la flotte de la Compagnie à la fin de la guerre
se présentait comme suit:
- Quatre navires coulés par les Alliés: le " Gouverneur-Général-Cambon
", " El- Kantara ",1' " El-Djezaïr " et
le " Djebel- Nador ";
- Un paquebot coulé par l'ennemi: l' " ElBiar ";
- Trois navires sabordés par les Allemands dans le port de Marseille:"
El-Mansour ", le " Djebel-Dira " et le " Djebel-Amour
";
- Une coque sabordée par les Allemands à Toulon, celle du
" Kairouan ".
Comme les autres compagnies maritimes marseillaises, la Compagnie de Navigation
Mixte sortait grandement éprouvée par la guerre. Aussi sa
première occupation fut-elle de reconstituer sa flotte en essayant
tout d'abord de sauver ce qui pouvait l'être, c'est-à-dire
de renflouer et de remettre en état les navires qui le méritaient;
ensuite en acquérant des bâtiments neufs ou de seconde main
pour compléter sa flotte.
La Compagnie s'occupa d'abord de renflouer les navires sabordés:
À Balaruc, " El-Djezair ", comme nous l'avons dit, reposait
sur bâbord. Il avait brûlé et sa coque était
irréparable, il fut néanmoins relevé et on récupéra
ses machines principales et ses auxiliaires qui furent utilisées
ultérieurement sur une autre coque après leur remise en
état.
Le navire fut renfloué le 12 mars 1945 et la coque, longtemps amarrée
au môle Saint-Louis à Sète, fut vendue en 1950 en
Italie pour y être démolie.
L' " El-Mansour ", sabordé à Marseille au quai
de rive sud du môle H fut renfloué le 3 octobre 1946. L'"
El-Mansour " reprit son service le 5 septembre 1948 sur la ligne
Port-Vendres/Alger.
Le " Djebel-Amour ", sabordé par les Allemands à
Marseille dans la passe de la Pinède fut renfloué et reprit
son service le 15 août 1946 lors d'un premier voyage Marseille-Oran.
Le " Djebel-Dira " qui avait été sabordé
le 28 août 1944 par les Allemands était coulé dans
le bassin de la Joliette au môle Sud. Il fut jugé en trop
mauvais état pour être réparé et l'épave
fut condamnée et remorquée jusqu'à Port- de-Bouc
pour servir d'armature à la jetée à partir du 28
août 1947.
Le dernier navire à renflouer était le " Kairouan "
qui, jusque-là, n'avait jamais été terminé.
En juillet 1947, l'État louait à la Compagnie un grand cargo
de type " Empire ", le " Matelots-Pillien-et-Peyrat "
pour compenser les pertes subies. Mais ce navire de plus de 10 000 tonnes
de port en lourd était trop grand pour le service d'Afrique du
Nord où la Mixte voulait concentrer son activité. Aussi,
après deux voyages de blé sur le Canada, deux voyages sur
la côte d'Afrique et un voyage en Indochine, il fut rendu à
l'État en mai 1948.
En 1947, la Compagnie étudia un nouveau programme de construction
portant sur trois paquebots et un cargo. L'année suivante elle
gérait ou possédait dix navires d'un tonnage approximatif
de 51 200 tonneaux.
En 1947 la Compagnie commanda en Angleterre deux navires identiques du
type " El-Kantara II ": " El-Kantara II " et le "
Président-de-Cazalet ". Ceux-ci ressemblaient fort au premier
" El-Kantara " de 1932, tant par le tonnage que par les dimensions.
Ils furent attribués par l'État à la Compagnie dans
le cadre du programme de reconstruction de la Marine Marchande française.
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Président Cazalet
|
Peu après la mise en chantiers de
ces paquebots, la Mixte décida de n'en acquérir qu'un seul,
aussi l'" El-Kantara II " fut-il rebaptisé " Président-de-Cazalet
" en mai 1948, tandis que le " Président-de-Cazalet "
était transféré à la Société
Générale des Transports Maritimes qui le rebaptisèrent
" Sidi-BelAbbés " en mai 1948. Ces deux navires avaient
les mêmes caractéristiques. Le " Président-de-Cazalet
" pouvait transporter 899 passagers au total, à 20 noeuds.
Le paquebot effectua son premier départ sur Alger, le 1er juillet
1948.
Cette année-là, la Compagnie suivait pour le compte de l'État
les travaux de remise en état du cargo italien à moteur
" Pascoli ", de 3854 tonnes de port en lourd, qui avait été
sabordé par les Allemands à Marseille. Le cargo fut rebaptisé
" Djebel-Nador ". Il prit son service en 1949 à titre
de navire de remplacement.
Toujours en 1948, le programme de reconstruction de la Marine marchande
comprenait la construction de six paquebots mixtes moutonniers de 3400
tonnes de port en lourd. Ce furent les " Sidi-Okba ", "
Sidi-Mabrouk ", " Sidi- Ferruch ", " Azrou ",
" Azemmour " et " Djebel-Dira ".
" Azrou " et " Azemmour " étaient destinés
à la Compagnie Paquet, les trois " Sidi " à la
Société Générale des Transports Maritimes,
et le " Djebel- Dira " à la Mixte. Ce dernier pouvait
transporter 6700 moutons et 506 passagers à 16 noeuds.
Le 27 janvier 1949 le " Djebel-Dira " effectuait son premier
départ de Marseille. Le programme de reconstruction de la flotte
de commerce française comportait aussi onze cargos de 2600 tonnes
de port en lourd. Ces navires étaient les suivants : " Atlas
", " Aurès ", " Cap- Couronne ", "
Cap-Cepet ", " Cap-Camarat ", Charles-LeBorgne ",
" Kabyle ", " Kroumir ", et les " Tell ",
" Tafna " et " Touggourt " de la Compagnie de Navigation
Mixte.
Mais ce type de navire n'avait pas une très
bonne tenue à la mer, à cause du gouvernail suspendu n'arrivant
pas plus bas que le moyeu de l'hélice et, de ce fait, se gouvernait
très mal.
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Le Kairouan
|
" Kairouan
", le paquebot d'une nuit
Le commandant Roger Ayasse,
figure emblématique de la Compagnie de Navigation Mixte qui
oeuvra très activement pour la reconstruction du navire et
sa délicate mise au point dira de lui: " Les marins
l'adoptent d'emblée. Il a la race, il a la ligne, il a le
panache. Ceux qui y sont embarqués en sont fiers, ce jugement
ne trompe pas. Dès son premier voyage commercial, il connaît
auprès des passagers une vogue qui dépasse les limites
habituelles. Le navire des ennuis devient un bateau de charme. Ses
ponts vitrés créent une atmosphère à
bord qu'on ne connaissait pas. Sa splendide plage arrière
est un forum romain; tout le monde s'y rencontre. C'est un bateau
où l'on ne se sent pas enfermé. Son succès
est tout de suite très grand. Il est loué trois mois
à l'avance. Traverser sur le " Kairouan ", c'est
autre chose. On part d'Alger l'après-midi et on est à
Marseille le lendemain matin à l'aube. On dirait qu'une chaise
longue sur le " Kairouan " est préférable
à une couchette sur un autre paquebot. Tout a la même
note: salons, cuisine, tenue à la mer, tous les arguments
qu'invoquent les passagers. Sa vitesse commerciale de vingt-quatre
noeuds lui permet d'aller chercher l'abri sans gros retard à
l'arrivée et d'amener les passagers au port sans les faire
souffrir de cet horrible mal de mer... Il réalise le tour
de force qu'on aurait considéré comme insensé
quelques années avant lui: un voyage sur Tunis, un voyage
sur Bône, un voyage sur Alger, dans la même semaine.
Comme navire de croisière, c'est un triomphe. C'est mieux
qu'un paquebot, c'est un yacht... On le choisit pour les réceptions,
pour les cérémonies comme restaurant pour 300 couverts.
On y organise des congrès eucharistiques, des congrès
de notaires, des congrès de médecins. Ses entreponts
sont de splendides salles de conférence. Il fait bien tout
ce qu'il fait. Les éloges sont sans réserves. Comme
navire de charge, il permet un embarquement complet en primeurs
par douze équipes dans une demi-journée. On ne peut
guère espérer mieux. Pendant la guerre d'Algérie,
il fait des transports de troupes de 2000 hommes, à grande
vitesse avec un bon confort. Lors de l'évacuation de l'Algérie,
il accueille les rapatriés à pleins bords et les dégage
du cauchemar à un rythme accéléré. Que
de remerciements exprimés... La Compagnie Mixte est fière
de lui. C'est sa façade sur la mer. C'est le fleuron de sa
flotte. Il restera un modèle pour les lignes d'Afrique du
Nord, quels que soient les types de navires qui le suivront. C'est
une référence dont on s'inspirera toujours dans les
réalisations futures ".
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Le " Tell " fut inauguré
en janvier 1949, le " Tafna
" mis en service en mai de la même année et le "
Touggourt " le 8 juillet 1950.
Le 6 avril 1950,1'" El-Mansour " qui effectuait les lignes Port-Vendres/Alger
et Port-Vendres/Oran retourna sur la ligne de Marseille.
Le 18 août 1950 après de nombreuses vicissitudes, le "
Kairouan " était enfin mis en service. Ce luxueux navire de
8 800 tonneaux pouvait transporter au total 1 374 passagers à la
vitesse de croisière de 24 noeuds ce qui faisait de lui le navire
le plus rapide de tous les temps sur les lignes d'Afrique du Nord et,
à ce jour, aucun navire ne l'a encore battu. Il est rare qu'un
navire ait une histoire digne d'attention avant sa mise en service. Le
paquebot " Kairouan " sort à ce sujet de la banalité:
sa conception technique, les modalités du contrat, l'espace de
temps extraordinaire (douze ans) écoulé entre la commande
et sa mise en ligne, les péripéties incroyables de sa construction
troublée par la guerre, constituent un cas unique et un ensemble
qui touche parfois au roman.
En novembre 1950 le " Président-de-Cazalet " remplaçait
l'" El-Mansour " sur la ligne Port-Vendres /Oran, Port- Vendres
/ Alger, tandis que le " Gouverneur-Général-Lépine
" terminait sa carrière à la Compagnie et devenait
navire école dans le port de Sète sous le nom de "
Paul-Bousquet II ", il ne fut démoli qu'au mois de juin 1976
à l'âge très respectable de cinquante-trois ans.
(À suivre)
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