Commémorations
urbaines et extra-urbaines
Statue du Duc d'Orléans
LE duc d'Orléans mourut à
la suite d'un accident de voiture survenu à Neuilly. La nouvelle
de cet événement causa une vive émotion dans la
Colonie où le duc était très populaire.
Sur une décision du ministre, que publia le 20 juillet 1842,
le Moniteur de l'Algérie, l'Armée porta le deuil.
Les clairons et les tambours furent voilés, les épées
des officiers et les drapeaux furent cravatés de crêpe.
Ce fut le 28 octobre 1845, qu'en grande solennité eut lieu sur
la place du Gouvernement, l'inauguration de la statue du duc, sous la
présidence du Général de Bar.
Dans l'assistance figurèrent le commandant et les officiers de
la frégate anglaise : Pilorus.
Indiquons tout d'abord, que le bronze demeura longtemps sans encadrement.
La chose ne fut réalisée qu'en 1910.
Certes, l'entourage que l'on construisit, s'imposait. Mais on ne se
douta guère que, ce faisant, on allait à l'encontre du
désir exprimé jadis, par l'auteur même de la statue.
Marochetti (1Marochetti qui modela
la statue, avait été l'élève de Bosio, l'auteur
du Louis XIV de la place des Victoires, à Paris. Né français,
en Piémont, il mourut en 1868. Fut l'auteur de plusieurs statues
parmi lesquelles, celles de : Emmanuel Philibert, de Napoléon,
de Wellington, de Charles-Albert. On lui doit la Bataille de Jemmapes
de l'Arc de Triomphe, la Musique en Deuil, du tombeau de Bellini, au
Père-Lachaise. Il fut fait baron par le roi de Sardaigne.)
écrivait, en effet, le 17 septembre 1844, au colonel Charon,
directeur des fortifications d'Alger :
Adam.-Statue du duc d'Orléans (uvre de Marochetti)
Entre les pages 256 et 257
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" ... Quant à la grille dont vous désirez entourer
le monument, je ne vous cacherai pas ma répugnance, Monsieur
le Colonel. J'ai horreur de tout entourage qui a l'air de séparer
le monument du public. J'ai fait déjà plusieurs monuments
que j'ai obtenu de laisser accessibles à tous. Et ils sont parfaitement
respectés, tandis que ceux qui sont entourés de grilles,
sont écornés par des pierres lancées. Je vous prie
bien instamment, Monsieur le Colonel, de penser à cela, et si
c'est possible, d'éviter la grille qui a l'air d'un commencement
de cage, et dont l'effet de conservation est nul, j'en suis certain
".
Hélas ! que dirait Marochetti s'il voyait, aujourd'hui, en quel
état des vandales inconnus ont mis autrefois, les baïonnettes,
les sabres et les clairons de ses bas-reliefs !
Cédant à la prière de l'artiste, Charon abandonna
le projet de la grille que l'on reprit, il y a 27 ans.
En même temps que notre statue équestre, une autre du même
modèle fut fondue à Paris, que l'on destina à la
cour du Louvre.
Renversée en 1848, et endommagée dans sa chute, celle-ci
fut transférée à Versailles, à Trianon.
La nôtre arriva à Alger sur la gabare de l'Etat : le Marsouin.
De Bône, furent expédiés les cent quatre blocs de
marbre qui composèrent le piédestal dont les frais de
construction furent mis au compte du Génie, ainsi que le prescrivit
le maréchal, duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, dans sa
dépêche du 23 juin 1843.
En raison des différences de teintes présentées
par ces marbres, on conseilla de Paris, d'employer, à la base
du piédestal, les plus colorés que l'on laissa non polis.
Il fut aussi recommandé de faire disparaître les autres
dans les filets supérieurs qu'on eut l'idée un instant,
de décorer de feuillages pour dissimuler la diversité
des nuances. Les ciselures furent exécutées par le sculpteur
Fulconis.
Louis-Philippe avait tout d'abord décidé que la statue
serait dressée au centre de la place et ferait face à
la mer. A la suite d'objections présentées à ce
sujet, il changea d'idée et, le 6 novembre 1844, le duc de Dalmatie
informa le duc d'Isly que le roi ordonnait que le monument regardât
la ville. Un autre emplacement - dans le voisinage de la mosquée
- fut donné à la statue.
Ce fut le samedi, 12 octobre 1845, à huit heures du matin, que
le bronze, lourd de 9.000 kilogrammes, fut érigé sur son
socle. L'opération dura un quart d'heure seulement.
Le piédestal et la mise en place de la statue coûtèrent
exactement, au Génie, 17.776 frs 78.
Il avait fallu construire, dans les sous-sols de la place, pour supporter
le tout, des piliers hauts de plus de vingt mètres.
L'un des bas-reliefs, représentant la capitulation de la citadelle
d'Anvers, fut exécuté d'après un dessin composé
par le duc de Nemours. L'autre bas-relief représente le combat
de la Mouzaïa, au moment de la jonction des deux corps de l'expédition
française. Dans le premier, le duc d'Orléans figure, regardant
avec le maréchal Gérard, le défilé de la
garnison hollandaise.
Dans une cavité pratiquée à la base du piédestal
qu'on recouvrit d'une plaque de marbre, ont été déposés
:
--- 1° Deux médaillons, l'un à l'effigie du roi, l'autre
à l'effigie de la statue elle-même.
--- 2° Une boîte en bois, contenant une pièce de 5
francs, une de 2 francs, une de 0,50 centimes, une de 0,20 et un louis
de 20 francs.
--- 3° Un flacon en verre contenant le procès-verbal de l'opération
de la pose de la statue, écrit sur parchemin et signé
des personnes ci-après :
Baron Marochetti ; lieutenant-colonel du Génie Villeneuve ; capitaine
du Génie Déroulède ; capitaine de corvette Segrettier,
directeur du port d'Alger.
Dans l'intérieur du piédestal fut également placée
une plaque de cuivre portant, gravée, cette inscription :
Au Duc d'Orléans.
Fils ainé de Louis-Philippe 1°'
Roi des Français,
Prince illustre par sa bravoure et par ses hautes qualités
Du coeur et de l'esprit.
Enlevé par la mort la plus cruelle
A l'âge de 31 ans, le 13 juillet 1842.
L'Armée et la Population africaine ont érigé
cette statue.
Monument de leurs Pieux regrets et de leur Reconnaissance
J. D. D. (1) Soult, Maréchal, duc de Dalmatie
Etant ministre de la Guerre.
T. R. Bugeaud, Maréchal, duc d'Isly,
Gouverneur Général de l'Algérie
- 1845 -
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(1) Jean de Dieu.
La même inscription, en latin, se trouve gravée au revers
de la plaque. Trois mille médailles de bronze furent frappées,
commémorant l'érection du monument. L'exergue portait
:
L'Armée au Duc d'Orléans.
La population civile, sur l'initiative de qui la statue avait été
dressée, protesta et demanda que mention fût faite sur
le piédestal, de sa collaboration à l'oeuvre.
Cette réclamation fut entendue et, par une dépêche
du 7 mars 1846, le ministre de la Guerre annonça que le roi,
en considération du voeu émis par la population, modifiait
sa décision du 10 avril 1845, et que l'inscription de bronze
du piédestal serait la suivante :
L'Armée et la Population
d'Alger (1)
au Duc d'Orléans, Prince Royal
- 1842 -
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(1) Ce texte fut encore modifié.
Algérie fut substitué à Alger.
Ce fut le jour anniversaire du passage des Biban, que l'on inaugura
le monument.
Rappelons que la célèbre opération militaire dont
on évoquait ainsi la mémoire avait antérieurement,
donné lieu à Alger, à une manifestation imposante.
Le 6 novembre 1839, en effet, au retour de la colonne expéditionnaire,
un banquet de 3.242 couverts fut donné sur l'esplanade Bab-el-Oued,
auquel prirent part, avec les troupes de l'expédition, le duc
d'Orléans et le Maréchal-Gouverneur.
La population entière assistait, du Jardin Marengo, à
ces formidables agapes.
Au dessert, le duc monta sur la table où il avait dîné,
et fit un discours que saluèrent des tonnerres d'applaudissements.
Chacun, à la fin de cette mémorable soirée, fut
autorisé à emporter " son assiette et son couvert
".
Quelques années plus tard, sur la place Royale d'Alger, les mêmes
troupes, avec une émotion profonde, rendaient les honneurs à
ce prince dont une effigie seule, rappelait désormais le souvenir.
La statue a 4 m. 80 de hauteur. Elle représente le Prince en
uniforme de lieutenant-général et dans l'attitude du commandement.
Le bronze fut fondu à Paris, dans la rue des Trois-Bornes. Il
fut expédié par le canal de la Villette, le 21 juin 1845,
sur le Tous-Vents qui, au Havre, le transmit au Marsouin (5 septembre).
A Alger, la lourde pièce de métal fut en une heure, enlevée
de la cale du navire et déposée à terre. Cette
opération fut exécutée par les marins du Marsouin
et ceux du Descartes, alors en station dans le port. Son
passage sous la voûte de l'Amirauté nécessita le
dépavement du sol.
Au cours de son transfert sur la place Royale (aujourd'hui : place
du Gouvernement), le service d'ordre fut assuré par
120 hommes du 13e Léger.
La statue, à son inauguration, fut saluée par le Stationnaire,
de 21 coups de canon. Le soir à sept heures et demie, un concert
fut donné devant le monument par 200 musiciens de la garnison.
Quelques jours après cette cérémonie, le colonel
Marengo fit transplanter au
jardin de ce nom, dans la grande avenue, quelques rameaux
qu'au passage de la statue au Havre, les habitants de cette ville avaient
pieusement déposés autour de celle-ci. Il fit aussi placer
en ce même jardin, un buste du prince défunt.
Nous rappellerons aussi que quelques mois plus tôt (le 26 mai
1844), un buste de la mère du prince avait été
inauguré, au village de Sainte- Amélie, en un ancien monument
romain décoré d'une magnifique mosaïque.
Le roi Louis-Philippe eut aussi à Alger, son buste (actuellement
au Musée), qui fut inauguré au jardin Marengo, le 5 mai
1842, et y demeura jusqu'en 1848.
Disons encore que le souvenir de la famille d'Orléans fut en
reconnaissance des services rendus par celle-ci en Afrique, rappelé
à Alger en diverses rues qui portent les noms de : Philippe,
d'Orléans, (donné aussi à une caserne), d'Aumale,
de Nemours, de Joinville, de Chartres, (désignant également
un marché). Le jardin Marengo dont remise fut faite
à la ville en 1847, avait reçu désignation de Promenade
d'Orléans.
Par leurs dénominations, des communes de la Colonie rappelèrent
également le souvenir de la famille royale.
AUTRES EFFIGIES
Alger compte d'autres effigies ornant,
soit des lieux publics, soit l'intérieur de certains monuments.
La banlieue en compte aussi.
Bustes : du maréchal Clauzel,
du général Damrémont, du maréchal Bugeaud,
du général Lamoricière, des maréchaux Randon
et Pélissier, du général Chanzy, de l'amiral de
Gueydon à
l'entrée du Palais d'Eté
- A l'intérieur du Palais : ceux de l'amiral Duperré,
du général Cavaignac, du colonel Combe, du général
Lallemand, du général Cérès, du colonel
Flatters, de Mustapha ben Ismaël, des peintres Horace Vernet et
Fromentin, de Duveyrier, de Warnier ;
Du maréchal Pélissier, dans la galerie Malakoff (disparu).
Même effigie à Chéragas.
Du maréchal Clauzel et de l'orientaliste Bresnier, à la
Bibliothèque Nationale.
De Napoléon 1er , de Charles X, de Louis-Philippe, du maréchal
de Bourmont, du duc d'Orléans, du duc de Nemours, de Bugeaud,
de Lamo
ricière, du général Morris, du docteur Baudens
- au
Cercle Militaire.
Du cardinal Lavigerie, à l'Archevêché.
Du docteur Maillot, érigé en 1896, rue d'Isly (transféré
rue Michelet).
Du commandant Lamy, boulevard
Laferrière (1905) (transféré en l'ancien
boulevard Général-Farre).
De Napoléon 1er , au jardin Marengo, du 12 décembre 1852.
(Aujourd'hui au Cercle Militaire).
Du recteur Jeanmaire, au jardin du Musée (1923).
De Cervantès, au
Hamma (1926).
Du docteur Trabut, au
Jardin d'Essai (1934).
Du docteur Babilée, à Douéra
(1931).
Du Baron de Vialar, à Fort-de-l'Eau
(1934).
Du duc des Cars, au bois de Dély-Ibrahim
(1912).
Du lieutenant Ferktou, de la mission Flatters, au cimetière de
Maison- Carrée (1935).
Statues :
Du maréchal Bugeaud, place
d'Isly (1852).
Du maréchal de Mac-Mahon, rue Michelet (1895).
Du cardinal Lavigerie, à
N.-D. d'Afrique (1925).
De René Viviani,
boulevard Laferrière (1930).
Du gouverneur Lutaud, Jardin
d'Essai (1930).
Autres monuments commémoratifs
Pyramyde Lyvois, au môle de la Santé (1835).
Obélisque de l'Armée d'Afrique, au Fort-l'Empereur (1912).
Obélisque de Beni Méred (1842).
Colonne du Jardin Marengo (1847).
Monument aux Morts, au boulevard Laferrière (1928). -
Au Génie Colonisateur, à Boufarik
(1930). -
Au Corps Expéditionnaire, à Sidi-Ferruch
(1930). -
Monument Boutin, à Dely-Ibrahim (1930).