les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Commémorations urbaines et extra-urbaines
- Statue du Duc d'Orléans
- AUTRES EFFIGIES
sur site le 24-5-2009

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Commémorations urbaines et extra-urbaines

Statue du Duc d'Orléans

LE duc d'Orléans mourut à la suite d'un accident de voiture survenu à Neuilly. La nouvelle de cet événement causa une vive émotion dans la Colonie où le duc était très populaire.

Sur une décision du ministre, que publia le 20 juillet 1842, le Moniteur de l'Algérie, l'Armée porta le deuil. Les clairons et les tambours furent voilés, les épées des officiers et les drapeaux furent cravatés de crêpe.

Ce fut le 28 octobre 1845, qu'en grande solennité eut lieu sur la place du Gouvernement, l'inauguration de la statue du duc, sous la présidence du Général de Bar.

Dans l'assistance figurèrent le commandant et les officiers de la frégate anglaise : Pilorus.

Indiquons tout d'abord, que le bronze demeura longtemps sans encadrement. La chose ne fut réalisée qu'en 1910.

Certes, l'entourage que l'on construisit, s'imposait. Mais on ne se douta guère que, ce faisant, on allait à l'encontre du désir exprimé jadis, par l'auteur même de la statue.

Marochetti (1Marochetti qui modela la statue, avait été l'élève de Bosio, l'auteur du Louis XIV de la place des Victoires, à Paris. Né français, en Piémont, il mourut en 1868. Fut l'auteur de plusieurs statues parmi lesquelles, celles de : Emmanuel Philibert, de Napoléon, de Wellington, de Charles-Albert. On lui doit la Bataille de Jemmapes de l'Arc de Triomphe, la Musique en Deuil, du tombeau de Bellini, au Père-Lachaise. Il fut fait baron par le roi de Sardaigne.) écrivait, en effet, le 17 septembre 1844, au colonel Charon, directeur des fortifications d'Alger :

Adam.-Statue du duc d'Orléans (œuvre de Marochetti)
Adam.-Statue du duc d'Orléans (œuvre de Marochetti)
Entre les pages 256 et 257



" ... Quant à la grille dont vous désirez entourer le monument, je ne vous cacherai pas ma répugnance, Monsieur le Colonel. J'ai horreur de tout entourage qui a l'air de séparer le monument du public. J'ai fait déjà plusieurs monuments que j'ai obtenu de laisser accessibles à tous. Et ils sont parfaitement respectés, tandis que ceux qui sont entourés de grilles, sont écornés par des pierres lancées. Je vous prie bien instamment, Monsieur le Colonel, de penser à cela, et si c'est possible, d'éviter la grille qui a l'air d'un commencement de cage, et dont l'effet de conservation est nul, j'en suis certain ".

Hélas ! que dirait Marochetti s'il voyait, aujourd'hui, en quel état des vandales inconnus ont mis autrefois, les baïonnettes, les sabres et les clairons de ses bas-reliefs !

Cédant à la prière de l'artiste, Charon abandonna le projet de la grille que l'on reprit, il y a 27 ans.

En même temps que notre statue équestre, une autre du même modèle fut fondue à Paris, que l'on destina à la cour du Louvre.

Renversée en 1848, et endommagée dans sa chute, celle-ci fut transférée à Versailles, à Trianon.

La nôtre arriva à Alger sur la gabare de l'Etat : le Marsouin.

De Bône, furent expédiés les cent quatre blocs de marbre qui composèrent le piédestal dont les frais de construction furent mis au compte du Génie, ainsi que le prescrivit le maréchal, duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, dans sa dépêche du 23 juin 1843.

En raison des différences de teintes présentées par ces marbres, on conseilla de Paris, d'employer, à la base du piédestal, les plus colorés que l'on laissa non polis. Il fut aussi recommandé de faire disparaître les autres dans les filets supérieurs qu'on eut l'idée un instant, de décorer de feuillages pour dissimuler la diversité des nuances. Les ciselures furent exécutées par le sculpteur Fulconis.

Louis-Philippe avait tout d'abord décidé que la statue serait dressée au centre de la place et ferait face à la mer. A la suite d'objections présentées à ce sujet, il changea d'idée et, le 6 novembre 1844, le duc de Dalmatie informa le duc d'Isly que le roi ordonnait que le monument regardât la ville. Un autre emplacement - dans le voisinage de la mosquée - fut donné à la statue.

Ce fut le samedi, 12 octobre 1845, à huit heures du matin, que le bronze, lourd de 9.000 kilogrammes, fut érigé sur son socle. L'opération dura un quart d'heure seulement.

Le piédestal et la mise en place de la statue coûtèrent exactement, au Génie, 17.776 frs 78.

Il avait fallu construire, dans les sous-sols de la place, pour supporter le tout, des piliers hauts de plus de vingt mètres.

L'un des bas-reliefs, représentant la capitulation de la citadelle d'Anvers, fut exécuté d'après un dessin composé par le duc de Nemours. L'autre bas-relief représente le combat de la Mouzaïa, au moment de la jonction des deux corps de l'expédition française. Dans le premier, le duc d'Orléans figure, regardant avec le maréchal Gérard, le défilé de la garnison hollandaise.

Dans une cavité pratiquée à la base du piédestal qu'on recouvrit d'une plaque de marbre, ont été déposés :
--- 1° Deux médaillons, l'un à l'effigie du roi, l'autre à l'effigie de la statue elle-même.
--- 2° Une boîte en bois, contenant une pièce de 5 francs, une de 2 francs, une de 0,50 centimes, une de 0,20 et un louis de 20 francs.
--- 3° Un flacon en verre contenant le procès-verbal de l'opération de la pose de la statue, écrit sur parchemin et signé des personnes ci-après :
Baron Marochetti ; lieutenant-colonel du Génie Villeneuve ; capitaine du Génie Déroulède ; capitaine de corvette Segrettier, directeur du port d'Alger.

Dans l'intérieur du piédestal fut également placée une plaque de cuivre portant, gravée, cette inscription :

Au Duc d'Orléans.
Fils ainé de Louis-Philippe 1°'
Roi des Français,
Prince illustre par sa bravoure et par ses hautes qualités
Du coeur et de l'esprit.
Enlevé par la mort la plus cruelle
A l'âge de 31 ans, le 13 juillet 1842.
L'Armée et la Population africaine ont érigé cette statue.
Monument de leurs Pieux regrets et de leur Reconnaissance
J. D. D. (1) Soult, Maréchal, duc de Dalmatie
Etant ministre de la Guerre.
T. R. Bugeaud, Maréchal, duc d'Isly,
Gouverneur Général de l'Algérie
- 1845 -

(1) Jean de Dieu.

La même inscription, en latin, se trouve gravée au revers de la plaque. Trois mille médailles de bronze furent frappées, commémorant l'érection du monument. L'exergue portait :

L'Armée au Duc d'Orléans.

La population civile, sur l'initiative de qui la statue avait été dressée, protesta et demanda que mention fût faite sur le piédestal, de sa collaboration à l'oeuvre.

Cette réclamation fut entendue et, par une dépêche du 7 mars 1846, le ministre de la Guerre annonça que le roi, en considération du voeu émis par la population, modifiait sa décision du 10 avril 1845, et que l'inscription de bronze du piédestal serait la suivante :

L'Armée et la Population d'Alger (1)
au Duc d'Orléans, Prince Royal
- 1842 -

(1) Ce texte fut encore modifié. Algérie fut substitué à Alger.

Ce fut le jour anniversaire du passage des Biban, que l'on inaugura le monument.

Rappelons que la célèbre opération militaire dont on évoquait ainsi la mémoire avait antérieurement, donné lieu à Alger, à une manifestation imposante.

Le 6 novembre 1839, en effet, au retour de la colonne expéditionnaire, un banquet de 3.242 couverts fut donné sur l'esplanade Bab-el-Oued, auquel prirent part, avec les troupes de l'expédition, le duc d'Orléans et le Maréchal-Gouverneur.

La population entière assistait, du Jardin Marengo, à ces formidables agapes.

Au dessert, le duc monta sur la table où il avait dîné, et fit un discours que saluèrent des tonnerres d'applaudissements.

Chacun, à la fin de cette mémorable soirée, fut autorisé à emporter " son assiette et son couvert ".

Quelques années plus tard, sur la place Royale d'Alger, les mêmes troupes, avec une émotion profonde, rendaient les honneurs à ce prince dont une effigie seule, rappelait désormais le souvenir.

La statue a 4 m. 80 de hauteur. Elle représente le Prince en uniforme de lieutenant-général et dans l'attitude du commandement.
Le bronze fut fondu à Paris, dans la rue des Trois-Bornes. Il fut expédié par le canal de la Villette, le 21 juin 1845, sur le Tous-Vents qui, au Havre, le transmit au Marsouin (5 septembre).

A Alger, la lourde pièce de métal fut en une heure, enlevée de la cale du navire et déposée à terre. Cette opération fut exécutée par les marins du Marsouin et ceux du Descartes, alors en station dans le port. Son passage sous la voûte de l'Amirauté nécessita le dépavement du sol.

Au cours de son transfert sur la place Royale (aujourd'hui : place du Gouvernement), le service d'ordre fut assuré par 120 hommes du 13e Léger.

La statue, à son inauguration, fut saluée par le Stationnaire, de 21 coups de canon. Le soir à sept heures et demie, un concert fut donné devant le monument par 200 musiciens de la garnison.

Quelques jours après cette cérémonie, le colonel Marengo fit transplanter au jardin de ce nom, dans la grande avenue, quelques rameaux qu'au passage de la statue au Havre, les habitants de cette ville avaient pieusement déposés autour de celle-ci. Il fit aussi placer en ce même jardin, un buste du prince défunt.

Nous rappellerons aussi que quelques mois plus tôt (le 26 mai 1844), un buste de la mère du prince avait été inauguré, au village de Sainte- Amélie, en un ancien monument romain décoré d'une magnifique mosaïque.

Le roi Louis-Philippe eut aussi à Alger, son buste (actuellement au Musée), qui fut inauguré au jardin Marengo, le 5 mai 1842, et y demeura jusqu'en 1848.

Disons encore que le souvenir de la famille d'Orléans fut en reconnaissance des services rendus par celle-ci en Afrique, rappelé à Alger en diverses rues qui portent les noms de : Philippe, d'Orléans, (donné aussi à une caserne), d'Aumale, de Nemours, de Joinville, de Chartres, (désignant également un marché). Le jardin Marengo dont remise fut faite à la ville en 1847, avait reçu désignation de Promenade d'Orléans.

Par leurs dénominations, des communes de la Colonie rappelèrent également le souvenir de la famille royale.

AUTRES EFFIGIES

Alger compte d'autres effigies ornant, soit des lieux publics, soit l'intérieur de certains monuments. La banlieue en compte aussi.

Bustes : du maréchal Clauzel, du général Damrémont, du maréchal Bugeaud, du général Lamoricière, des maréchaux Randon et Pélissier, du général Chanzy, de l'amiral de Gueydon à l'entrée du Palais d'Eté
- A l'intérieur du Palais : ceux de l'amiral Duperré, du général Cavaignac, du colonel Combe, du général Lallemand, du général Cérès, du colonel Flatters, de Mustapha ben Ismaël, des peintres Horace Vernet et Fromentin, de Duveyrier, de Warnier ;

Du maréchal Pélissier, dans la galerie Malakoff (disparu). Même effigie à Chéragas.

Du maréchal Clauzel et de l'orientaliste Bresnier, à la Bibliothèque Nationale.

De Napoléon 1er , de Charles X, de Louis-Philippe, du maréchal de Bourmont, du duc d'Orléans, du duc de Nemours, de Bugeaud, de Lamo
ricière, du général Morris, du docteur Baudens - au Cercle Militaire.

Du cardinal Lavigerie, à l'Archevêché.

Du docteur Maillot, érigé en 1896, rue d'Isly (transféré rue Michelet).

Du commandant Lamy, boulevard Laferrière (1905) (transféré en l'ancien boulevard Général-Farre).

De Napoléon 1er , au jardin Marengo, du 12 décembre 1852. (Aujourd'hui au Cercle Militaire).

Du recteur Jeanmaire, au jardin du Musée (1923).

De Cervantès, au Hamma (1926).

Du docteur Trabut, au Jardin d'Essai (1934).

Du docteur Babilée, à Douéra (1931).

Du Baron de Vialar, à Fort-de-l'Eau (1934).

Du duc des Cars, au bois de Dély-Ibrahim (1912).

Du lieutenant Ferktou, de la mission Flatters, au cimetière de Maison- Carrée (1935).

Statues :
Du maréchal Bugeaud, place d'Isly (1852).

Du maréchal de Mac-Mahon, rue Michelet (1895).

Du cardinal Lavigerie, à N.-D. d'Afrique (1925).

De René Viviani, boulevard Laferrière (1930).

Du gouverneur Lutaud, Jardin d'Essai (1930).

Autres monuments commémoratifs
Pyramyde Lyvois, au môle de la Santé (1835).
Obélisque de l'Armée d'Afrique, au Fort-l'Empereur (1912).
Obélisque de Beni Méred (1842).
Colonne du Jardin Marengo (1847).
Monument aux Morts, au boulevard Laferrière (1928). -
Au Génie Colonisateur, à Boufarik (1930). -
Au Corps Expéditionnaire, à Sidi-Ferruch (1930). -
Monument Boutin, à Dely-Ibrahim (1930).