Nombre de villas, avons-nous dit, furent également occupées.
Beaucoup de propriétaires ayant, après quelque temps, demandé
que celles-ci leur fussent restituées, l'Autorité Militaire
satisfit à ce désir, à mesure que les circonstances
le permirent. (Exception fut naturellement faite pour les propriétés
séquestrées) (Afin de protéger
les nombreuses maisons de la campagne et de la ville, demeurées
sans maîtres, le Gouverneur décida, par arrêté
du 26 mars 1831, que le Domaine Militaire serait séparé
du Domaine Civil. Chaque immeuble occupé releva dès lors
d'un service distinct et responsable.).
Déjà en 1831, le chef du Génie, envisageant la possibilité
de libérer de leur servitude ces villas dont les occupants devaient
être installés en de nouvelles casernes, écrivait
:
"Par cette disposition, la plupart des maisons de campagne seront
évacuées et rendues à leurs propriétaires.
Les champs, partout stériles depuis le siège recouvreront
leur fertilité et, partout la prospérité renaîtra
sur les beaux coteaux qui faisaient l'agrément et la richesse de
la ville".
On dut cependant conserver quelques-unes de ces maisons dont le Gouvernement
paya la location. Plusieurs dans le nombre, avaient été
acquises par des Européens.
On prit ainsi à loyer :
La villa Mustapha-Pacha, affectée
au 7° Régiment d'Infanterie Légère - pour 1.800
francs par an.
La ferme de l'Agha, occupée
par deux escadrons de chasseurs - pour 1.000 francs.
Mustapha-Khiat (villa Yusuf) où
logea l'Etat-Major - pour 600 francs.
La Maison-Carrée (Là
se trouvaient les Haras du Dey. Ce domaine comprenait un bâtiment
carré de 100 mètres de côté, à l'intérieur
duquel se trouvait un autre bâtiment de 50 mètres de long,
disposé pour 100 chevaux. 76 voûtes s'y trouvaient en outre,
pouvant contenir trois chevaux chacune, soit au total, 228 bêtes.
L'eau nécessaire était fournie par une fontaine, voisine
de la rivière et pourvue de deux bassins.
A 150 mètres, en face du pont, s'élevait une maison servant
de corps de garde.
Les chevaux et les troupeaux de la Maison Carrée furent tous enlevés
en 1830, par le Bey de Constantine, à qui peu après, les
tribus de la Kabylie ravirent ce butin.) occupée par
500 hommes, 20 officiers et 60 chevaux - pour 500 francs.
La villa Abd-el-Tif, servant d'infirmerie
à la Légion Etrangère - pour 1.000 francs.
La ferme Modèle ou Haouch Hassan-Pacha,
gardée par un bataillon - pour 500 francs (Il
fut créé là, par le Maréchal Clauzel en 1831,
une ferme expérimentale. La fontaine mauresque, voisine, présentait
jadis, sur une plaque de schiste, cette inscription plaisante : Cabaret
du 23e).
Ben Akhnoun, dont la garnison en 1837,
comprenait 121 hommes, 6 officiers - avec 161 chevaux - pour 2.000 francs
(Propriété en 1830, du sieur Choppin.
Au départ de la troupe devint un orphelinat que dirigea le P. Brumault
décoré en 1850, et qui l'avait acquise avec ses 100 hectares,
au prix de 108.000 francs. Servit de maison d'été aux Pères
Jésuites du collège de la rue des Consuls. L'Etat en 1882,
en devint propriétaire pour la somme de 300.000 francs. Une annexe
du Lycée y fut ouverte en 1885.).
Nos troupes occuperent, en outre, les termes suivantes deja citees :
Djenan Mehemet Sehaous, à Kouba,
où logèrent 125 cavaliers.
Bou-Derbah entre Kouba et Vieux-Kouba (domaine de cinq hectares),
qui appartenait au trésorier du Dey, et qui reçut 145 hommes
et 125 chevaux. En 1839, la Cavalerie y fut remplacée par de l'Infanterie
: le colonel Hulsen en prit possession avec 100 hommes du 58° de Ligne.
La musique de ce régiment fut aussi logée là. Cette
ferme entourée, après 1930, de murs et de fossés,
était appelée : la Maison Crénelée. Deux tours
flanquèrent le petit rempart, sur chacune desquelles furent tracées
en gros caractères, ces inscriptions : Tour
Louis, Tour Blanche, noms des enfants du chef de ce poste.
A Bou-Derbah fut installée dans la suite, la brigade de Gendarmerie
de Kouba, qui, antérieurement, se trouvait en une maison située
dans le village même ( A Djenan Mehemet Sehaous.)
où vécut ses premières années le général
Margueritte dont le père était brigadier de la dite arme,
sous les ordres d'un lieutenant résidant en ce lieu ( A
signaler entre autres monuments de la commune, l'ancien Grand Séminaire
et la statue du Général Margueritte, oeuvre d'Albert Lefeuvre,
inaugurée en 1887, en présence du Gouverneur Tirman, du
Ministre Granet, du Général Delebecque, de la veuve du héros
de Sedan, de ses deux fils, et de l'étendart décoré
du 1° Chasseurs. La tradition s'établit dans la suite, parmi
les anciens de l'arme, de venir chaque année, déposer une
gerbe au pied du monument. A mentionner de même l'église,
la nouvelle Mairie.). Bou-Derbah depuis peu, n'existe plus.
Djenan-Chaouch, entre Kouba et le
Gué-de-Constantine, que possédait le comte de Lanjuinais,
Pair de France, où fut installée une manutention.
Hussein-Dey ( Voir
encore à : Les Villas.),
qui comprenait : un pavillon servant autrefois de pied à terre
au dey Hussein. Celui-ci le construisit en 1821, sur un terrain qu'il
avait acquis en 1815, au prix de 2.500 réaux. Le quartier où
se trouvait cette campagne portait le nom de Bidji-Kou.
Pour agrandir son domaine, Hussein prit en 1820 un terrain voisin aux
enfants du Sid Mohammed, agha des Spahis, donnant en échange à
ceux-ci la maison n° 11 de la rue Annibal.
Des baraques, des écuries, construites après la conquête,
purent recevoir en 1839, 290 hommes et 280 chevaux. Les officiers occupèrent
le pavillon du dey.
En 1840, le Maréchal-Gouverneur décida qu'on logerait en
ce poste, un régiment de cavalerie. Des baraques furent envoyées
de France à cet effet, qui logèrent 500 hommes et 460 chevaux.
Le jardin avait été pourvu par les Turcs de deux puits à
godets.
Plus tard, après l'évacuation du poste par les troupes,
l'Administration des Tabacs prit possession de ce domaine et créa
là un établissement, lequel coûta environ 800.000
francs.
Lamoricière qui fut pendant quelque temps chargé de surveiller
la région avec une troupe de 100 Arabes et de 200 Français
et Espagnols, habita cette résidence princière. Voici ce
qu'il écrivit à ce propos :
"Le pays où nous sommes est délicieux. L'air est
embaumé du parfum des jasmins, des géraniums et des roses.
La maison que j'occupe est à 200 pas de la mer. C'est un lieu de
plaisance du dernier dey d'Alger. Partout des bassins de marbre, des jets
d'eau, des fontaines vives. C'est là, au milieu des merveilles
de l'art et de la nature et de l'appareil militaire de mon camp que, matin
et soir, je prends mon café et fume ma longue pipe. On s'ennuie,
dit-on, en Afrique. Pour moi, le ciel du Midi est un vrai bonheur. Cette
nature si variée dans ses paysages et ses productions, si pleine
de vie dans ce qu'elle enfante, est une source d'observations qui ne tarit
jamais, et je dis un peu comme Victor-Hugo"
Pourtant, j'aime une rive
Où jamais des hivers
Le souffle froid n'arrive
A mes vitraux ouverts! |
"Mais voilà suffisamment de rhétorique,
parlons de choses graves..." (Keller).
Lamoricière résida aussi à Alger.
Rappelons à ce propos, qu'après la première expédition
de Blidah,
il eut mission avec trois de ses camarades, de lever le plan de la ville,
opération compliquée dans un véritable labyrinthe
de rues étroites et tortueuses. Du côté de la mer
où les maisons couvraient le rivage, il dut plusieurs fois se mettre
à l'eau et même faire certains trajets à la nage.
Rappelons encore qu'étant adjudant-major, il apprit l'arabe auprès
du consul anglais, Saint John. Mais poursuivons.
La maison de l'oukil El-Hardj Dammerdji, voisine de celle d'Hussein que
vendit à un sieur Gantois, le sieur Benzamoun, consul de Toscane.
Une manutention y fut installée.
La Maison des Consuls Réunis,
occupée par des Vétérans avant mission de surveiller
la région de Bouzaréah.
Cette maison, où s'étaient rassemblés les consuls,
en 1830, avait nom : Djenan ben et-Taleb.
Un acte officiel, daté du 31 janvier 1837, la désigne ainsi
:
"Campagne située en face du jardin du cheik Ali, autrefois
muphti Maléki, que borde la route qui conduit au puits Bir-es-Sbil.
Cette campagne est voisine du jardin du Raïs Hamidou et de Djenan-Boukchouar."
Le Génie en fit l'acquisition en 1837. Son propriétaire
était le Sid El Hadj ben etTaleb.
Haouch-el-Bey, en arrière de
Fort-de-l'Eau où s'arrêtait le Bey de Constantine, apportant
au Dey le tribut de sa province.
La Ferme du Bey d'Oran, située
près de
Boufarik, à un kilomètre de l'ancienne route,
et qui pouvait contenir "200 fantassins ou 76 cavaliers avec leurs
montures".
Au nombre des autres campagnes occupées, il y eut :
La villa du Consulat de Danemark (
Pendant les premières années de la conquête,
la maison n° 24, de la rue Charles Quint, porta aussi le nom de Consulat
du Danemark.); la villa du Consulat de Suède, située
au- dessus de celle-ci, où avait été installée
l'une des batteries qui bombardèrent de Fort- l'Empereur, et qu'on
avait baptisée: Batterie Henry W (Ancienne propriété
de Civrieux).
La villa du Consulat d'Espagne (Dar
Naama), à l'entrée d'El-Biar, que posséda l'archiviste
Devoulx ( Près de cette campagne se trouvait
le Consulat de Hollande.).
La villa Djenan Raïs Hamidou,
dite du Traité, où le général de Bourmont
déposa l'acte de la capitulation d'Alger (à
El-Biar). Cet acte avait été signé devant
Fort- l'Empereur.
La maison de Yahia-Agha (remise par
le Génie aux Domaines, le 11 septembre 1834), (même localité).
La villa Mustapha Khodja, au quartier
Ras-el-Akba, sur le mamelon du Bois de Boulogne, dont devint propriétaire
le prince El Hadj Omar.
La villa d'Ali-Agha, connue aujourd'hui sous le nom de Château
d'Hydra.
La ferme des Sept-Puits, à
Château-Neuf, qui devint le Consulat de Toscane, et que posséda
la baronne de Stranski. Là fut installé plus tard, le Couvent
du Bon- Pasteur.
La maison des Quatre-Puits, sur la
route de Dely-Ibrahim
(remise aux Domaines le 5 mars 1835).
La villa Djenan-Muphti (campagne Polignac)
à Bouzaréah, où fut, un moment, le quartier général
du comte de Bourmont, en 1830, et qu'occupa aussi le général
Berthezène.
Mustapha-Raïs, à Mustapha-Supérieur,
remise le 26 avril 1835.
Yusuf-Khodja, aux Tagarins,
entre la route du Sahel et le chemin de Fontaine- Fraîche (
M. Omar-el-Bey, qui fut il y a 25 ans, propriétaire du Café
Maure bien connu du boulevard Pitolet, à Saint-Eugène,
était un des descendants du Sid Yusuf Khodja.)
La maison de Baba Rouchi, le Manchot,
dénommée: Maison des Pirates (sur le flanc de la falaise
qui domine le Jardin
d'Essai). Villa attenante à une autre, très ancienne,
que possède M. Peltier, professeur à la Faculté de
Droit, et à laquelle s'associe le souvenir du Raïs Hamidou.
S'y trouvent de remarquables collections d'art et d'histoire.
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