*** La qualité médiocre des photos de cette page est
celle de la revue. Nous sommes ici en 1910. Amélioration notable
plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en
particulier.
N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande
TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.
UNE
VILLA HISTORIQUE
Bien qu'on ait beaucoup
écrit sur les incidents ayant précédé la
conquête d'Alger, il n'est pas inutile, croyons-nous, de les rappeler
à nos lecteurs, en leur soumettant quelques-unes des différentes
versions qui ont été publiées à propos du
fameux coup d'éventail.
Suivant notre regretté confrère. M. Ch. Aumerat, qui était
certainement, de tous les vieux Algériens, l'un des mieux documentés
sur les événements de l'époque, il n'y eut pas
de voie de fait à l'égard de notre consul. Une discussion
assez vive s'était engagée entre le dey et M. Deval, et
quand ce dernier fit la réponse que l'on sait : " Que le
roi de France ne correspondait pas avec un dey d'Alger ", celui-ci
fit un geste de colère avec le bras qui tenait l'éventail
et prononça ces mots : " Roh ! Roumi ben el kelb ! "
qui signifient : " Sors, Chrétien, fils de chien ! "
On y prit à peine garde sur le moment.
Une version toute autre est celle de M. Henri Garrot. Celui-ci raconte
que le 30 avril 1827, la veille du Baïram, le consul général
de France étant allé féliciter le Dey fut reçu
au Palais de la Kasba. La langue turque étant familière
à M. Deval, le consul conversa avec le Dey, comme à l'ordinaire,
sans l'entremise de l'interprète. Après lui avoir adressé
ses félicitations, il l'entretint d'un navire récemment
capturé par les reis, sous pavillon français. Hussein
l'interrompant, lui reprocha les travaux de protection du bastion de
La Calle, et lui demanda, avec humeur, s'il n'avait pas reçu
de réponse à la lettre qu'il avait écrite, le 26
avril précédent, au baron de Damas, l'accusant de lui
cacher la réponse de son gouvernement et de s'entendre avec les
juifs pour le spolier. M. Deval avait été jusque-là
d'un calme parfait ; ce qui semblait augmenter l'exaspération
du Dey. Mais à cette attaque personnelle, le consul se départit
de sa retenue coutumière et fit, à son interlocuteur,
la réponse citée plus haut. A la riposte de notre consul,
le Dey, qui jouait avec un éventail, se leva, furieux, et, agitant
les bras, cria au consul : Sors ! roumi, fils de chien !sors ! Sors
! Dans son geste, le Dey avait effleuré le consul des plumes
de l'éventail qu'il serrait dans sa main.
Telles sont les deux versions, contraires sur un simple détail,
mais d'accord sur tous les autres points d'un grand fait historique.
On connaît les suites de l'incident qui provoquèrent l'expédition
de 1830, commandée par le comte de Bourmont.
Ce fut dans la villa, qui se nomme Djenan Raïs Hamidou, que fut
installé, en 1830, le quartier général du comte
de Bourmont, et que fut signé, le 5 juillet, le traité
de la capitulation d'Alger :
En voici les termes :
1° Le fort de la Casbah, tous les autres forts qui dépendent
d'Alger et les portes de la Ville seront ouverts aux troupes françaises,
ce matin, à 10 heures ;
2° Le Général de l'Armée française s'engage
envers Son Altesse le Dey d'Alger, de lui laisser la libre possession
de toutes ses richesses personnelles ;
3° Le Dey sera libre de se retirer avec sa famille et ses richesses,
dans le lieu qu'il fixera, et tant qu'il restera à Alger, il
sera, lui et sa famille, sous la protection du Général
de l'Armée française ;
4° Le Général en Chef assure à tous les membres
de la Milice, les mêmes avantages et la même protection
;
5° L'exercice de la religion mahométane restera libre. La
liberté de toutes les classes d'habitants, leur religion, leurs
propriétés, leur commerce et leur industrie ne recevront
aucune atteinte. Leurs femmes seront respectées. Le Général
en Chef en prend l'engagement sur l'honneur. L'échange de cette
convention sera fait avant 10 heures.
Le même jour (le 5 juillet), l'Armée française fit
son entrée dans Alger par la Porte-Neuve, Bab ed-Djedid, et par
la porte d'Azoun où, trois siècles auparavant, lors du
siège de la ville par Charles-Quint, un Français, le chevalier
Pons de Balaguer. dit Savignac, vint planter sa dague en disant : "
Nous reviendrons ! "
A l'entrée de la Campagne du Traité, une plaque de marbre
a été placée, qui rappelle l'événement
de 1830.
En mars 1908, les membres du Comité du Vieil Alger ont visité
la Djenan
Raïs Hamidou où, dans la salle de la Capitulation, le
souvenir fut évoqué de ce grand fait historique.