Alger, Algérie : documents algériens
Série militaire
Le 5è Bataillon de Chasseurs à Pied *
ici, le 15-1-2012

* Document n° 6 de la série : Militaire - Paru le 15 juillet 1947 - Rubrique UNITÉS ALGERIENNES

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Le 5è Bataillon de Chasseurs à Pied

SES ORIGINES.

Le 5è Bataillon de Chasseurs à Pied, qui tenait garnison à Remiremont avant la guerre, avi supprimé par l'Armistice de juin 1940.
Il se reconstitue peu à peu, du sein du Groupe Indre-Est (Région R. 5) assurant lui-même son tement et son instruction. Harcelant les colonnes allemandes ,il participe en particulier aux combi conduisent à la libération de Châteauroux (10 septembre 1944).

Réformé, réanimé par la volonté des Jeunes Patriotes qui le composent, glorieux déjà et plei deur, il est officiellement rebaptisé, le premier janvier 1945, dans la petite garnison du Blanc ; date, ses efectifs atteignent 28 officiers, 120 sous-officiers, 690 hommes.

Après une courte période d'organisation, il part dans les Vosges, formant demi-brigade avec Bataillon de Chasseurs à Pied, son frère d'armes du Maquis.

Il y occupe, le 17 janvier 1945, le sous-secteur de Bitchwiller (vallée de la Thur), puis, le sect Thann-Vieux-Thann, où il relève des éléments du 1e R.T.A. (25 janvier).

A compter de cette date et jusqu'à la prise de Thann-Vieux-Thann et de Cernay, les Chasse 5e combattront en liaison avec les Tirailleurs du 1e R.T.A., prenant ainsi leur premier contact ai Nord-Africains, et y puisant de solides et définitives raisons d'estime.

Aguerri, familiarisé avec les procédés de combat modernes, éprouvé, mais fier de la part qu'il à la libération de son pays, le Bataillon défile, le 24 février, dans Remiremont et s'embarque p front de l'Atlantique.

Affecté au secteur de Saint-Nazaire, où le réclament ses anciens camarades de la brigade Charles- Martel, il y prend aussitôt un créneau, dans la région de Redon.

Installé aux avants-postes, derrière le mince filet d'eau du canal nantais, pauvre en moyens, sans relève possible, il y contient le Boche, de mars à mai 1945.

Il fait plus, peut-être, sous l'impulsion de l'ancien chef de la brigade Charles-Martel, devenu commandant du secteur de Saint-Nazaire, il est un des ouvriers de l'ceuvre magnifique et silencieuse entreprise autour de Nantes, en plein combat : " La transformation d'un groupe de Bataillon F.F.I. en division de combat ".

L'oeuvre est couronnée par la capitulation allemande du 13 mai. Le 5è Bataillon de Chasseurs à Pied, comme ses frères du maquis breton, vendéen, limousin, pénètre en vainqueur dans la "poche" .

Une large part de territoire national est libérée, une division pleine de flamme généreuse est née ; le 5è a affermi sa valeur.

Il participe alors à l'occupation, tient garnison au Croissic, à la Baule, et passe sous le commandement du chef d'état-major du secteur, ancien de la brigade Charles-Martel.

Le lent et patient travail d'instruction est repris, mais l'ambiance est sportive et ardente.

Ses anciens maquisards sont atteints par la libération ; de jeunes engagés arrivent. Le bataillon harmonise la jeune tradition " maquis avec l'ancienne " chasseurs"

Août 1945 est ainsi atteint, alors que naît la fanfare du Bataillon. Le 5è est désigné pour représenter les Chasseurs à la " Commémoration du centenaire de Sidi-Brahim ".

Il est au plein de ses effectifs, fin prêt_

L'ARRIVEE EN AFRIQUE DU NORD ET LE CENTENAIRE DE SIDI-BRAHIM.


Après avoir touché l'habillement, l'équipement et le matériel qui lui avaient tant fait défaut au cours de la campagne, après avoir recomplété ses effectifs, le Bataillon quitte La Baule pour Marseille, où il embarque, et débarque à Oran le 10 septembre 1945.

Chaleureusement reçu à Oran, par un détachement mixte Légion-Tirailleurs, le Bataillon défile dans les rues de la ville, précédé de sa jeune fanfare, très vive, mais pas très sûre d'elle.

Acclamé par la population, il va cantonner à Eckmuhl.

Curieux de tant de nouveautés accumulées, accueillis par un lourd siroco, les petits gars de France, Bretons, Picards et Berrichons apportent en terre africaine toute leur bonne volonté, simple et enthousiaste, avec leur loyauté et leur jeune vigueur.

Pas de surprises. Passage très court à Oran et départ pour Marnia, première étape vers Sidi-Brahim.

Accueilli en ami, par civils et militaires qui se prodiguent en attentions délicates, il poursuit sa route et arrive, le 22 septembre, au bivouac de Sidiobou-Djenane, face au Kerkour.

Le camp s'organise et nos Chasseurs font vite connaissance avec la guitoune au soleil et la corvée d'eau.

Enfin, le grand jour arrive et, le 26 septembre 1945, le bivouac, tout joyeux, s'anime de bonne heure.

Les compagnies se rassemblent et le Bataillon part occuper ses emplacements au pied de la Colonne Montagnac.

" A tout Seigneur, tout Honneur ". Il est en tête des troupes ; à côté de lui, les Tirailleurs, puis les Zouaves, les Légionnaires et, enfin, les Spahis.

A neuf heures, le général Henry Martin, accompagné du général Conne, commandant la division territoriale d'Oran, passe les troupes en revue, monte à la Colonne présenter aux autorités le drapeau des Chasseurs. Il exalte l'esprit de sacrifice des Chasseurs, la bravoure de l'émir Abd-El-Kader et sa loyauté, puis tourné à la fois vers les autorités et les troupes, dit : " Et maintenant, tous ensemble, nous allons rendre hommage au drapeau des Chasseurs... " Au drapeau ".

Alors commence un défilé impeccable, sous un soleil de plomb.

En tête, le 5è passe, rapide, ému, fier, et puis, tous les autres, tous descendants des combattants de naguère, aujourd'hui unis sous les plis de ce drapeau campé face au Kerkour.

La journée se termine au bivouac où un grand repas réunit, à la même table, officiers, sous-officiers et. Chasseurs, premier repas de Corps, que personne n'oubliera.

Le lendemain, le Bataillon va en pèlerinage au Marabout de Sidi-Brahim Le chef de Bataillon présente aux jeunes le drapeau des Chasseurs, le fanion du Bataillon et leur remet la fourragère.

Les jours qui suivent ramènent le Bataillon à Marnia, enfin c'est Alger, le 11 octobre.

Accueilli par le général Breuillac, commandant la division territoriale d'Alger, le Bataillon défile à travers les grandes artères d'Alger, acclamé parune foule qui s'étonne, admire et adopte d'emblée des jeunes métropolitains au visage si clair, cette fanfare endiablée, ce Bataillon de Chasseurs.

FORT-NATIONAL.(voir Fort National sur ce site)

Les débuts et l'hiver 1945-1946.

Le séjour à Alger est très court et, quinze jours après, le Bataillon rejoint Fort-National, sa garnison définitive.

Fort-National, petite ville kabyle, perchée sur son piton, au bout de 18 kilomètres d'un raidillon sinueux, offre aux Chasseurs du Bordj sa vue sur le Djurdjura, sa position militaire et l'austérité de ses distractions.

Les casernements sont délabrés ; les Kabyles attentifs.

Il s'agit de tirer le meilleur de tout cela ; le Bataillon se met à rcüuvre de tout son coeur.

Le premier objectif est rapidement atteint, sans manoeuvres ni concessions de part ou d'autre, avec le naturel et la spontanéité propres aux coeurs généreux : Kabyles et Chasseurs s'estiment. Ils apprendront à se mieux connaître.

Pour les Kabyles, les Chasseurs sont disciplinés, discrets, aimables ; aux Chasseurs, les Kabyles apparaissent travailleurs, sérieux, raisonnables.
Pour essentiel et primordial, cet objectif n'est pasle seul ; toute la " Maison " est à refaire, remanier, consolider, agrémenter. -

Or, matériaux et deniers manquent. Qu'à cela ne tienne ; on établira un programme de travaux et, avec de l'ingéniosité, de l'ardeur, évitant de regarder ce qui reste à faire, pour apprécier ce qui vient d'être réalisé, on améliorera sans cesse. Le Bordj devient ainsi un chantier.

La situation actuelle est la suivante :
- Deux Foyers vraiment agréables, modernes, bien approvisionnés, où chacun aime venir se détendre aux heures de liberté, sont ouverts ;
- Les casernements ont été repeints, ornés ; travail inachevé et encore incomplet ;
- Un garage, inexistant avant l'arrivée du Bataillon, a été réalisé ; il est apte, dès maintenant, à abriter et réparer une bonne partie des véhicules ;
- Le jardin, laissé pratiquement à l'abandon, a repris une belle prospérité ; les légumes, les fruits et les élevages y sont en pleine croissance ;
- Les terrains de basket-ball et de volley-ball sont terminés ; un grand stade est en cours ;
- Création d'un centre de haute montagne et de ski à Tizi-Djemaa où, durant tout l'hiver 1945-1946, se succèdent les unités du Bataillon et se forme une section d'éclaireurs-skieurs.

Parallèlement à la conduite de ces travaux, le Bataillon poursuit son instruction et son entraînement, participe aux fêtes d'Alger, à la vie de la colonie, selon le désir du Gouverneur Général et des autorités militaires, organise des raids, des reconnaissances en pays kabyle, achève enfin de montrer à tous son vrai visage et sa vigueur.

Garde d'honneur du Gouverneur, un détachement du Bataillon se rend en pays Targui, à Ghat.

En février, une compagnie formée de futurs gradés du Bataillon couronne son instruction par un raid effectué en un temps record, à travers le Tamgout et le long de la côte de Port-Gueydon, Tigzirt.

En mai, une reconnaissance traverse le Djurdjura et fait au passage l'ascension de Lalla-Khedidja, traversant les douars de Michelet et de Kouriet.

La réputation du Bataillon s'étend et s'accroît.

Eté 1946. - Arrivée des jeunes recrues.

Ainsi se termine cette période de travail intensif de l'hiver 1945-1946.

A ce moment, le sort du 5èest mis en jeu ; il n'est question que de dissolution ; beaucoup d'engagés et de gradés, les appelés bretons partent. Les effectifs fondent peu à peu ; le moral commence à baisser et, l'inquiétude s'installe.

Enfin, le 6 mai, les premières recrues européennes d'Afrique du Nord, de la classe 1946 arrivent : trois cents rejoignent le Bataillon ; vingt jeunes appelés kabyles de la classe 1944 sont affectés au 5e et, le 5 juin, le Bataillon apprend qu'il a gagné son droit à la vie.

Le moral fait un bon vers le haut. Cette incorporation est un événement qui modifie l'aspect extérieur du Bataillon sans en changer l'âme.

Un programme d'instruction d'avant-garde, basé sur la vie en plein air, une ambiance jeune, une tradition rénovée, accueille les jeunes recrues.

Les moyens du Bataillon, cependant, ne se sont enrichis que de ces travaux propres ; les cadres ont fondu et continuent de fondre. Tous les efforts se portent sur la formation et l'instruction de la classe 1946.

Les opérations d'incorporation faites avec le plus grand soin, terminées, le programme est hardiment entrepris.

De juin à juillet, les recrues passent trois jours sur sept en plein air, tandis que les compagnies d'anciens se succèdent dans un camp installé au bord de la mer, à Port-Gueydon, achevant leur séjour par une épreuve de natation.

A partir du 1er août, les jeunes remplacent, à lamer, les anciens qui reviennent à Fort-National, poursuivre leur entraînement.

Le 1er septembre, l'amalgame anciens-jeunes se fera, la sélection des gradés, appelés, sera permise, le Bataillon sera prêt à recevoir le deuxième contingent de la classe 1946.

Avec un minimum de moyens, que chacun travaille à accroître, en souhaitant être aidé, le Bataillon aura donné sa large part à la rénovation de notre armée.

Au cours de cette période, le Bataillon a enfin :
- Préparé sa participation aux compétitions futures ;
- Organisé un challenge de Bataillon ;
- Participé les 5 juin et 14 juillet à des défilés, avec ses jeunes recrues ;
- Obtenu sur l'ensemble de son effectif un pou rcentage de nageurs qui atteint 80 % ;
- Monté bivouac en tous lieux, dans un rayon de 30 kilomètres autour de Fort-National ; - Prêté le concours de sa fanfare à de nombreuses '..'étes.

LES CHASSEURS KABYLES.

Il convient, maintenant, de dire un mot des recrues kabyles incorporées au Bataillon.

Ces chasseurs avaient été pris, en principe, parmi les volontaires et choisis en fonction de leur aptitude à vivre dans un milieu nouveau et de leur degré d'instruction.

Cet essai, timide par l'effectif qu'il atteignait, 20, devait, du point de vue social, être poussé avec hardiesse et loyauté ; il le fut, dans les conditions ci- après :

Affectés dans les unités d'instruction, dans les mêmes conditions que leurs camarades européens, traités comme l'avaient été Picards, Provençaux ou Bretons, la première réaction des jeunes Kabyles fut toute de fierté.

Par la suite, ils s'adaptèrent au point de ne plusse distinguer de leurs camarades européens, en dehors des contacts individuels et d'une observation vraiment attentive ou prévenue.

Disciplinés, travailleurs, intelligents, moins robustes que la moyenne du contingent, mais sains, 11 n'est pas un seul Kabyle incorporé au Bataillon qui se soit fait défavorablement remarquer.

Réservés, réticents même, dans leurs premiers contacts avec leurs camarades, ils se sont peu à peu ouverts : la vie commune faite de joies simples, d'efforts, de petits ennuis, d'aide mutuelle et l'ambiance maintenue au Bataillon ont offert à cette expérience des conditions optima.
Celle-ci fut donc justifiée, et, pour peu que le climat politique et social nord-africain s'y prête, elle est à renouveler et à développer sur les mêmes bases.

La communauté militaire, saine, offre aux expériences de cet ordre, le terrain le plus favorable.

Il reste, de ce premier essai, que la vie commune est aisée dans une ambiance de travail, de sincérité, de confiance et d'amitié.

Dans le détail, il en résulte aussi que la population locale a remarqué avec joie et fierté la présence de jeunes parents dans les rangs des Chasseurs qui traversent, chaque jour, en chantant, les rues de Fort-National, sillonnent les pistes de la Kabylie, jouent sur le stade ou séjournent sous la guitoune, un peu partout, toujours gais et disciplinés.

Il n'est pas rare qu'un Kabyle dise : " Notre Bataillon ".

Par ailleurs, le comportement général des Chasseurs, le mode de vie adopté au Bataillon, le parrainage, par le 5è, de deux écoles à Ighil-Bouzrou et Azazga, ont largement contribué à favoriser l'installation des Chasseurs en Kabylie, et l'acclimatation des Kabyles.

Ce court exposé permet de connaître l'activité et la qualité du 5° en même temps que de répondre, sans hésitation, aux deux questions :
1° Un Bataillon de Chasseurs a-t-il sa place en Afrique du Nord ?
2° Faut-il poursuivre l'initiative kabyle ?

Au sujet de cette dernière question, il importe, cependant, de ne point oublier qu'une telle entreprise se conçoit dans la hardiesse et se conduit dans la progressivité. C'est essentiel.

Engagé dans la voie qu'il s'est, dès l'origine, ouverte, le 5è Bataillon de Chasseurs à pied est prêt à poursuivre sa route.

Animé d'une foi ardente, aimant l'action, l'air pur, l'effort, la jeunesse, ayant le goût des solutions hardies ou personnelles, il doit réussir.