Les transports en commun à Alger
Transports en commun de demain
Des solutions neuves à un problème de plus en plus ardu
par M.P.Caron, directeur général de la R.S.T.A.
Le grand débit de transports ultra-modernes peut seul corriger l'actuel état de choses.
extrait de "Alger-Revue", preintemps 1960 - collection B.Venis
mise sur site le 18-11-2007

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Avant d'aborder l'exposé des solutions techniques d'avenir, il convient tout d'abord de rappeler brièvement pourquoi les solutions actuelles de transports en commun par autobus ne peuvent convenir à Alger pour faire face à l'avenir.

Il suffit à ce sujet de rappeler que :
- 1) le grand Alger, agglomération de 800.000 habitants environ, peut voir sa population doubler avant 15 ou 20 ans .
- 2) le nombre de voitures prévu dans la région algéroise est passé de 17.000 en 1950 à 50.000 en 1958. II doublera probablement encore dans dix ans.
- 3) pour le déplacement d'une personne, un véhicule privé occupe une surface de voie publique de l'ordre de 25 mètres carrés lorsqu'il est en mouvement et de 10 m2 lorsqu'il est à l'arrêt ;
- 4) les surfaces publiques n'étant pas indéfiniment extensibles, surtout dans le centre de ville, le développement du transport individuel entraîne obligatoirement la congestion des centres urbains ;
- 5) l'engouement actuel pour le transport individuel ne peut être contrebalancé que par la mise à la disposition des citadins, de transports en commun rapides et confortables ; or de tels transports ne peuvent être réalisés tant qu'ils se trouveront mêlés à la circulation individuelle et à ces encombrements croissants

Il n'y a donc que deux solutions d'avenir :
- ou interdire toute circulation individuelle (sauf les transports de marchandises et les taxis) auquel cas les autobus pourront facilement satisfaire à tous les besoins,

repartition des voyageurs
Répartition en pourcentage des voyageurs se rendant vers le centre de quelques grandes villes européennes.
En noir : par transports en commun. En blanc: : par transports individuels.
(La hauteur des bandes est proportionnelle à la population).

- ou bien mettre à la disposition des usagers des transports en commun sur plate-forme indépendante de la circulation générale, c'est-à-dire, tout au moins en ville, sur plate-forme souterraine ou aérienne

La solution de l'interdiction de la circulation privée en ville (Solution qui ne serait pas nouvelle puisque dans la Rome antique, il était interdit aux chariots de circuler de jour dans la ville.) serait sans doute économiquement la plus justifiée.

Cependant, je ne connais pas de villes modernes qui aient eu le courage d'appliquer une solution aussi radicale ( Il faut toutefois souligner que sans être aussi radicale, la solution consistant à réserver d'une façon très stricte aux transports en commun, une partie des chaussées (actuellement occupée - le plus souvent - par les stationnements), permettrait de taire face aux besoins de transports de l'agglomération par de simples lignes d'autobus pendant encore au moins 10 ans.)

Il faut donc être réaliste et se résoudre à envisager des solutions qui permettent d'arriver au même but (abandon du transport individuel pour le transport en commun) non pas par voie d'autorité mais en faisant appel à l'intérêt égoïste des usagers et pour cela, il faut leur offrir des transports en commun plus attractifs et surtout plus rapides et plus pratiques que le transport individuel, complétés par une organisation de taxis apte à satisfaire les besoins particuliers et par un réseau de parkings d'une capacité suffisante et facilement accessibles.

Comparaison des largeurs de chaussées nécessaires au transport de 50.000 personnes à l'heure dans chaque direction.

Comparaison des largeurs de chaussées nécessaires au transport de 50.000 personnes à l'heure dans chaque direction.
EN HAUT : par autos privées : il faut une chaussée de 210 m. de large, 30 voies dans chaque direction, 1.000 voitures par voies, 1,7 personne par voiture.
AU CENTRE : par autobus : une chaussée de 35 m., 4 voies dans chaque direction, intervalles de 20 sec., 70 voyageurs par autobus.
EN BAS : Chemins de Fer souterrains : un tunnel de 9 m. de large, une voie dans chaque direction, intervalles de 1 1/2 min" 1.200 voyageurs par train.

Solution 1

Dans son étude de 1955, M. Langevin, directeur du réseau ferré de la R. A.T.P. à étudier d'une façon très approfondie diverses solutions pour résoudre le problème des transports en commun dans l'avenir.

Ont été étudiées notamment :
- 1) la mise en souterrain des tramways T.A.. Cette solution a été jugée dépassée par le développement actuel de la ville d'Alger.
- 2) la mise en souterrain des lignes de trolleybus dans le centre de la ville combinée avec l'utilisation partielle des voies ferrées en bordure de mer.
Cette solution qui s'avérait très onéreuse n'a pas été recommandée.
- 3) la construction d'un métro en Y entre Bab-el-Oued et le carrefour Gallieni complété par une branche Grande-Poste -- Ruisseau empruntant la rue de Lyon.

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Transports dans la région algéroise : la solution métropolitain.
Transports dans la région algéroise : la solution métropolitain.

- 4) la mise en souterrain des trolleybus suivant approximativement le même tracé que le métropolitain de la solution précédente

Selon les conclusions de M. Langevin, il conviendrait de choisir entre ces deux dernières solutions, la première solution ayant l'avantage d'avoir un débit plus élevé, mais la deuxième solution ayant pour elle l'avantage d'éviter de nombreuses ruptures de charge.

En fait actuellement, compte tenu des progrès réalisés en ce qui concerne le guidage des véhicules en souterrain, en peut considérer qu'il n'y a plus lieu de choisir entre l'une ou l'autre solution étant donné que le même souterrain peut être utilisé, en premier lieu par des trolleybus, puis lorsque le débit des trolleybus s'avérerait insuffisant, le même souterrain pourrait être utilisé pour le métro (Il y aurait évidemment une période difficile pour le passage de l'un des modes d'exploitation à l'autre) .

Pour la suite de l'exposé, nous considérons donc que ces deux dernières solutions sont équivalentes et nous appellerons Solution I, la solution consistantà réaliser les transports en commun en souterrain suivant l'itinéraire en Y défini plus haut.
Ces travaux peuvent être estimés à 26 milliards actuellement pour une longueur de ligne souterraine de l'ordre de 9 km.
En fait cependant cette solution n'est pas entièrement satisfaisante pour les raisons suivantes :
- 1) c'est une solution onéreuse.
- 2) elle laisse subsister des ruptures de charge importantes tout au moins dans la solution métro et s'il s'avère nécessaire de prolonger les lignes de métro dans l'avenir, ces extensions seront également onéreuses puisqu'il faut compter environ 3 milliards par kilomètre.
- 3) le tracé du métro ne permet que difficilement l'aménagement de parcs de stationnements pour véhicules privés à proximité des stations.
- 4) même si l'on envisage le conditionnement d'air du métro, ce qui serait onéreux, il est à craindre que le transport en souterrain ne présente pas un attrait suffisant pour contrebalancer chez les Algérois les avantages du transport individuel.

C'est pourquoi. il apparaît indispensable, malgré certains inconvénients évidents, d'envisager les 2 solutions suivantes n° 2 et 3 qu'il conviendra de comparer à la solution 1.

Solution 2

Elle comporterait :
- 1) la réalisation d'une ligne longitudinale à la limite de la ville et du port partant de Bab-el-Oued et allant jusqu'au droit d'Hussein-Dey (approximativement à hauteur de Brossette) ou peut-être Maison-Carrée.
Cette ligne longitudinale peut être envisagée soit par véhicules routiers en première étape, soit par matériel sur voie ferrée.
- 2) la création de moyens de rabattement, de préférence à débit continu, sur cette ligne longitudinale.

En ce qui concerne les moyens de rabattement dans la zone étroite comprise entre Bab-el-Oued et la Grande Poste, on peut envisager la création d'escaliers mécaniques et de 2 funiculaires, l'un au droit de la Casbah (Bd Gambetta), l'autre au droit du Bd Laferrière. Au-delà, notamment à partir du Champ-de-Manoeuvre, il y aura lieu de prévoir, aux stations, des correspondances avec les moyens de transports routiers en première étape, notamment à la place Sarrail, au Ruisseau et au terminus de la ligne longitudinale.

Cette solution a évidemment l'inconvénient d'être quelque peu excentrée par rapport à la zone à desservir, notamment dans la section comprise entre la Grande Poste et le Ruisseau, mais elle a en contrepartie les avantages suivants :
- 1) elle est beaucoup moins onéreuse et beaucoup plus progressive .
- 2) les usagers utiliseront certainement beaucoup plus volontiers un moyen de transport en surface qu'un moyen de transport souterrain ;
- 3) l'aménagement de parkings peut être envisagé assez facilement à proximité des diverses stations de la ligne longitudinale.

Cette solution complétée par l'aménagement de gares d'échange notamment à la place du Gouvernement, au boulevard Laferrière et à la place Sarrail nécessiterait une dépense de l'ordre de 19 milliards.

Solution 3 :

Il faut toutefois reconnaître que la solution 2 risque de ne pas remplir l'objectif assigné qui est de rendre les transports en commun suffisamment attractifs, confortables et rapides pour que les citadins abandonnent sans regret le recours au véhicule individuel. Valable à l'échelle d'Alger, elle risque de ne plus l'être à l'échelle du Grand Alger, son développement trop limité entraînant de nombreuses ruptures de charges.

ll semble, en effet, indispensable de réaliser, dans le futur au moins les grandes mailles d'un moyen de transport rapide et agréable. Pour cela, le monorail aérien (qui dans certaines sections difficiles pourrait passer en souterrain) semble répondre au problème posé.

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Transports dans la région algéroise : la solution monorail
Plan n°2 - Transports dans la région algéroise : la solution monorail

Les caractéristiques du monorail dont les essais viennent d'être déjà effectués en France permettent, en effet, de le construire sans difficulté sur toutes les grandes voies prévues au réseau routier du plan régional d'urbanisme d'Alger.

Le monorail aérien

le monorail

L'originalité essentielle du monorail aérien réside dans sa voie de roulement, poutre-caisson à double paroi ouverte dans sa partie médiane inférieure. A l'intérieur se trouvent deux bandes de roulement parallèles et horizontales pour les roues porteuses et deux parois parallèles et verticales pour les roues guideuses.

De grandes vitesses commerciales (100 km et plus) peuvent être atteintes, grâce à une excellente adhérence qui permet des accélérations et décélérationsélevées et le gravissement de fortes pentes.

D'autre part cette poutre-caisson abrite et dissimule les dispositifs de prise de courant moteur et les lignes de télécommunications. Sur le plan urbain en plus d'un faible encombrement, d'une belle allure esthétique, la poutre-caisson absorbe, " prison acoustique ", le bruit dû au roulement des véhicules.

VÉHICULE
Chaque véhicule est soutenu par deux boggies (v. croquis du haut).

Chaque boggie est constitué par 4 roues porteuses motrices et 4 roues guideuses, toutes équipées en pneus " métallic Michelin " gonflés à l'azote, procédé qui a fait ses preuves sur les métros sur pneus de Paris.

Les boggies sont reliés à la caisse du véhicule par une suspension qui a été l'objet d'études approfondies : vitesse du vent latéral, décentrement de la charge passagers, efforts d'inertie. La caisse, de lignes épurées suivant la tendance actuelle est construite en métal léger. Ses caractéristiques générales d'aménagement sont : portes d'accès roulantes, à commande automatique ; plancher absolument plat rendant le déplacement des voyageurs des plus aisés et isolant les usagers acoustiquement et thermiquement des mécanismes logés sous le plancher.

Sur le plan de la sécurité, le principal dispositif est un escalier de secours escamoté sous le plancher.

Enfin il faut signaler que le véhicule-Type mis en essai à Chateauneuf-sur-Loire est aménagé pour 1 conducteur, 32 passagers assis et 91 debout.

Vue schématique en élévation d'un système à double voie avec dimensions courantes.
Vue schématique en élévation d'un système à double voie avec dimensions courantes.

Les extensions nécessaires ne poseront aucun problème En outre les dispositions du monorail permettent des pentes de 10 à 15 % ce qui est particulièrement précieux à Alger. Seule la desserte du centre d'Alger se ferait d'une façon un peu moins satisfaisante qu'avec la solution I. Cependant les quartiers qui se trouvent moins bien desservis seront très limités (quartiers Saint-Saëns - Télemly).

Nous donnons sur le plan n° 2, les grandes lignes du réseau futur (Une variante qui desservirait mieux le quartier de Belcourt consisterait à dévier le mono rail dans la rue de Lyon entre la place Sarrail et la rue Polignac.) . A ces lignes se raccorderont des lignes d'autobus desservant les quartiers se trouvant à l'intérieur des grandes mailles du réseau " Monorail ". Par ailleurs, les emplacements sont prévus pour gares d'échanges et vastes parkings permettant de faire stationner 1.000 à 3.000 voitures (Compte tenu de la capacité des voies routières, il est inutile de prévoir des parkings plus importants.).

En première étape, on pourrait se limiter à la réalisation de la ligne Colonne Voirol - Place Sarrail - Grande Poste - Bab-el-Oued, complétée par une bretelle Grande-Poste - Tagarins (Cette première étape peut même se scinde' en 2, en ne réalisant, en tout premier lieu, que la ligne longitudinale : place du gouvernement-place Sarrail avec les accès à la ville.).

Cette réalisation peut être évaluée à 22 milliards environ non compris évidemment le coût des parkings.

Une deuxième étape comportant la desserte des Annassers, des plateaux de Kouba, de Maison-Carrée et d'Hussein-Dey entraînerait une dépense de 15 milliards environ (Cette 2me étape devra en particulier être envisagée si i'on envisage de faire porter l'effort du plan de Constantine au point de vue , "zone à urbaniser" sur la région Annassers - Kouba - Cité de l'Harrach, ce qui paraît souhaitable).

QUESTIONS ANNEXES - TAXIS - PARKINGS


Dans l'étude ci-dessus, je n'ai fait qu'effleurer le problème des taxis et des parkings. Or ces deux questions doivent être traitées en liaison étroite avec le problème des transports en commun, si l'on veut que l'ensemble : " Transports en commun - Taxis - Parkings " rende en définitive les mêmes services que le transport privé individuel tout en coûtant beaucoup moins cher à la collectivité.

La construction des parkings en particulier et leur exploitation doit se faire en liaison étroite avec les transports publics, car pour être attractifs ils doivent être à la fois très accessibles et très bien desservis par les transports publics. De plus pour leur exploitation, il faut envisager des tickets horaires donnant droit à la fois au parking et à l'utilisation des transports publias, pendant la durée du parking.

Ces quelques considérations montrent à l'évidence l'intérêt déjà souligné au début de ce rapport, d'avoir un organisme unique s'occupant de toutes les questions de transports dans la région algéroise.

CONCLUSIONS

II est bien évident que les propositions faites ne constituent en tore que des esquisses et doivent être très sérieusement approfondies et complétées par des études de marché (c'est-à-dire de trafic) et l'établisse-ment d'un bilan économique.

Je pense, cependant, qu'il serait utile que des collectivités responsables précisent si elles sont d'accord sur les principes mêmes exposés ci-dessus et sur l'orientation à donner aux études.

En ce qui concerne le financement, il serait évidemment très souhaitable que ces travaux soient largement subventionnés, mais nous pouvons cependant indiquer que si la Régie pouvait contracter un emprunt à long terme et à taux réduit, la solution du problème serait largement facilitée car il ne semble pas impossible que les annuités puissent être supportées par le budget d'exploitation jusqu'à concurrence de 4 à 500 millions par an environ à partir de la fin de l'exécution des travaux.

Le Directeur de la R.S.T.A.
P. CARON.