Avant d'aborder l'exposé des solutions techniques
d'avenir, il convient tout d'abord de rappeler brièvement pourquoi
les solutions actuelles de transports en commun par autobus ne peuvent
convenir à Alger pour faire face à l'avenir.
Il suffit à ce sujet de rappeler que :
- 1) le grand Alger, agglomération de 800.000 habitants environ,
peut voir sa population doubler avant 15 ou 20 ans .
- 2) le nombre de voitures prévu dans la région algéroise
est passé de 17.000 en 1950 à 50.000 en 1958. II doublera
probablement encore dans dix ans.
- 3) pour le déplacement d'une personne, un véhicule privé
occupe une surface de voie publique de l'ordre de 25 mètres carrés
lorsqu'il est en mouvement et de 10 m2 lorsqu'il est à l'arrêt
;
- 4) les surfaces publiques n'étant pas indéfiniment extensibles,
surtout dans le centre de ville, le développement du transport
individuel entraîne obligatoirement la congestion des centres urbains
;
- 5) l'engouement actuel pour le transport individuel ne peut être
contrebalancé que par la mise à la disposition des citadins,
de transports en commun rapides et confortables ; or de tels transports
ne peuvent être réalisés tant qu'ils se trouveront
mêlés à la circulation individuelle et à ces
encombrements croissants
Il n'y a donc que deux solutions d'avenir :
- ou interdire toute circulation individuelle (sauf les transports de
marchandises et les taxis) auquel cas les autobus pourront facilement
satisfaire à tous les besoins,
Répartition
en pourcentage des voyageurs se rendant vers le centre de quelques
grandes villes européennes.
En noir : par transports en commun. En blanc: : par transports individuels.
(La hauteur des bandes est proportionnelle à la population).
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- ou bien mettre à la disposition des usagers des
transports en commun sur plate-forme indépendante de la circulation
générale, c'est-à-dire, tout au moins en ville, sur
plate-forme souterraine ou aérienne
La solution de l'interdiction de la circulation privée en ville
(Solution qui ne serait pas nouvelle puisque dans la
Rome antique, il était interdit aux chariots de circuler de jour
dans la ville.) serait sans doute économiquement la
plus justifiée.
Cependant, je ne connais pas de villes modernes qui aient eu le courage
d'appliquer une solution aussi radicale ( Il faut toutefois
souligner que sans être aussi radicale, la solution consistant à
réserver d'une façon très stricte aux transports
en commun, une partie des chaussées (actuellement occupée
- le plus souvent - par les stationnements), permettrait de taire face
aux besoins de transports de l'agglomération par de simples lignes
d'autobus pendant encore au moins 10 ans.)
Il faut donc être réaliste et se résoudre à
envisager des solutions qui permettent d'arriver au même but (abandon
du transport individuel pour le transport en commun) non pas par voie
d'autorité mais en faisant appel à l'intérêt
égoïste des usagers et pour cela, il faut leur offrir des
transports en commun plus attractifs et surtout plus rapides et plus pratiques
que le transport individuel, complétés par une organisation
de taxis apte à satisfaire les besoins particuliers et par un réseau
de parkings d'une capacité suffisante et facilement accessibles.
Comparaison
des largeurs de chaussées nécessaires au transport
de 50.000 personnes à l'heure dans chaque direction.
EN HAUT : par autos privées : il faut une chaussée
de 210 m. de large, 30 voies dans chaque direction, 1.000 voitures
par voies, 1,7 personne par voiture.
AU CENTRE : par autobus : une chaussée de 35 m., 4 voies
dans chaque direction, intervalles de 20 sec., 70 voyageurs par
autobus.
EN BAS : Chemins de Fer souterrains : un tunnel de 9 m. de large,
une voie dans chaque direction, intervalles de 1 1/2 min"
1.200 voyageurs par train.
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Solution 1
Dans son étude de 1955, M. Langevin, directeur du réseau
ferré de la R. A.T.P. à étudier d'une façon
très approfondie diverses solutions pour résoudre le problème
des transports en commun dans l'avenir.
Ont été étudiées notamment :
- 1) la mise en souterrain des tramways T.A..
Cette solution a été jugée dépassée
par le développement actuel de la ville d'Alger.
- 2) la mise en souterrain des lignes de trolleybus dans le centre de
la ville combinée avec l'utilisation partielle des voies ferrées
en bordure de mer.
Cette solution qui s'avérait très onéreuse n'a pas
été recommandée.
- 3) la construction d'un métro en Y entre Bab-el-Oued
et le carrefour Gallieni complété par une branche Grande-Poste
-- Ruisseau
empruntant la
rue de Lyon.
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Transports
dans la région algéroise : la solution métropolitain.
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- 4) la mise en souterrain des trolleybus suivant approximativement
le même tracé que le métropolitain de la solution
précédente
Selon les conclusions de M. Langevin, il conviendrait de choisir entre
ces deux dernières solutions, la première solution ayant
l'avantage d'avoir un débit plus élevé, mais la deuxième
solution ayant pour elle l'avantage d'éviter de nombreuses ruptures
de charge.
En fait actuellement, compte tenu des progrès réalisés
en ce qui concerne le guidage des véhicules en souterrain, en peut
considérer qu'il n'y a plus lieu de choisir entre l'une ou l'autre
solution étant donné que le même souterrain peut être
utilisé, en premier lieu par des trolleybus, puis lorsque le débit
des trolleybus s'avérerait insuffisant, le même souterrain
pourrait être utilisé pour le métro (Il
y aurait évidemment une période difficile pour le passage
de l'un des modes d'exploitation à l'autre) .
Pour la suite de l'exposé, nous considérons donc que ces
deux dernières solutions sont équivalentes et nous appellerons
Solution I, la solution consistantà réaliser les transports
en commun en souterrain suivant l'itinéraire en Y défini
plus haut.
Ces travaux peuvent être estimés à 26 milliards actuellement
pour une longueur de ligne souterraine de l'ordre de 9 km.
En fait cependant cette solution n'est pas entièrement satisfaisante
pour les raisons suivantes :
- 1) c'est une solution onéreuse.
- 2) elle laisse subsister des ruptures de charge importantes tout au
moins dans la solution métro et s'il s'avère nécessaire
de prolonger les lignes de métro dans l'avenir, ces extensions
seront également onéreuses puisqu'il faut compter environ
3 milliards par kilomètre.
- 3) le tracé du métro ne permet que difficilement l'aménagement
de parcs de stationnements pour véhicules privés à
proximité des stations.
- 4) même si l'on envisage le conditionnement d'air du métro,
ce qui serait onéreux, il est à craindre que le transport
en souterrain ne présente pas un attrait suffisant pour contrebalancer
chez les Algérois les avantages du transport individuel.
C'est pourquoi. il apparaît indispensable, malgré certains
inconvénients évidents, d'envisager les 2 solutions suivantes
n° 2 et 3 qu'il conviendra de comparer à la solution 1.
Solution 2
Elle comporterait :
- 1) la réalisation d'une ligne longitudinale à la limite
de la ville et du port partant de Bab-el-Oued et allant jusqu'au droit
d'Hussein-Dey (approximativement à hauteur de Brossette)
ou peut-être Maison-Carrée.
Cette ligne longitudinale peut être envisagée soit par véhicules
routiers en première étape, soit par matériel sur
voie ferrée.
- 2) la création de moyens de rabattement, de préférence
à débit continu, sur cette ligne longitudinale.
En ce qui concerne les moyens de rabattement dans la zone étroite
comprise entre Bab-el-Oued et la Grande Poste, on peut envisager la création
d'escaliers mécaniques et de 2 funiculaires, l'un au droit de la
Casbah (Bd Gambetta), l'autre au droit du Bd
Laferrière. Au-delà, notamment à partir
du Champ-de-Manoeuvre,
il y aura lieu de prévoir, aux stations, des correspondances avec
les moyens de transports routiers en première étape, notamment
à la place Sarrail, au Ruisseau et au terminus de la ligne longitudinale.
Cette solution a évidemment l'inconvénient d'être
quelque peu excentrée par rapport à la zone à desservir,
notamment dans la section comprise entre la Grande Poste et le Ruisseau,
mais elle a en contrepartie les avantages suivants :
- 1) elle est beaucoup moins onéreuse et beaucoup plus progressive
.
- 2) les usagers utiliseront certainement beaucoup plus volontiers un
moyen de transport en surface qu'un moyen de transport souterrain ;
- 3) l'aménagement de parkings peut être envisagé
assez facilement à proximité des diverses stations de la
ligne longitudinale.
Cette solution complétée par l'aménagement de gares
d'échange notamment à la place du Gouvernement, au boulevard
Laferrière et à la place Sarrail nécessiterait une
dépense de l'ordre de 19 milliards.
Solution 3 :
Il faut toutefois reconnaître que la solution 2
risque de ne pas remplir l'objectif assigné qui est de rendre les
transports en commun suffisamment attractifs, confortables et rapides
pour que les citadins abandonnent sans regret le recours au véhicule
individuel. Valable à l'échelle d'Alger, elle risque de
ne plus l'être à l'échelle du Grand Alger, son développement
trop limité entraînant de nombreuses ruptures de charges.
ll semble, en effet, indispensable de réaliser, dans le futur au
moins les grandes mailles d'un moyen de transport rapide et agréable.
Pour cela, le monorail aérien (qui dans certaines sections difficiles
pourrait passer en souterrain) semble répondre au problème
posé.
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Plan n°2
- Transports dans la région algéroise : la solution
monorail
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Les caractéristiques du monorail dont les essais
viennent d'être déjà effectués en France permettent,
en effet, de le construire sans difficulté sur toutes
les grandes voies prévues au réseau routier du plan régional
d'urbanisme d'Alger.
Le monorail aérien
L'originalité essentielle du monorail aérien réside
dans sa voie de roulement, poutre-caisson à double paroi
ouverte dans sa partie médiane inférieure. A l'intérieur
se trouvent deux bandes de roulement parallèles et horizontales
pour les roues porteuses et deux parois parallèles et verticales
pour les roues guideuses.
De grandes vitesses commerciales (100 km et plus) peuvent être
atteintes, grâce à une excellente adhérence
qui permet des accélérations et décélérationsélevées
et le gravissement de fortes pentes.
D'autre part cette poutre-caisson abrite et dissimule les dispositifs
de prise de courant moteur et les lignes de télécommunications.
Sur le plan urbain en plus d'un faible encombrement, d'une belle
allure esthétique, la poutre-caisson absorbe, " prison
acoustique ", le bruit dû au roulement des véhicules.
VÉHICULE
Chaque véhicule est soutenu par deux boggies (v. croquis
du haut).
Chaque boggie est constitué par 4 roues porteuses motrices
et 4 roues guideuses, toutes équipées en pneus "
métallic Michelin " gonflés à l'azote,
procédé qui a fait ses preuves sur les métros
sur pneus de Paris.
Les boggies sont reliés à la caisse du véhicule
par une suspension qui a été l'objet d'études
approfondies : vitesse du vent latéral, décentrement
de la charge passagers, efforts d'inertie. La caisse, de lignes
épurées suivant la tendance actuelle est construite
en métal léger. Ses caractéristiques générales
d'aménagement sont : portes d'accès roulantes, à
commande automatique ; plancher absolument plat rendant le déplacement
des voyageurs des plus aisés et isolant les usagers acoustiquement
et thermiquement des mécanismes logés sous le plancher.
Sur le plan de la sécurité, le principal dispositif
est un escalier de secours escamoté sous le plancher.
Enfin il faut signaler que le véhicule-Type mis en essai
à Chateauneuf-sur-Loire est aménagé pour
1 conducteur, 32 passagers assis et 91 debout.
Vue
schématique en élévation d'un système
à double voie avec dimensions courantes.
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Les extensions nécessaires ne poseront aucun problème
En outre les dispositions du monorail permettent des pentes de 10 à
15 % ce qui est particulièrement précieux à Alger.
Seule la desserte du centre d'Alger se ferait d'une façon un peu
moins satisfaisante qu'avec la solution I. Cependant les quartiers qui
se trouvent moins bien desservis seront très limités (quartiers
Saint-Saëns - Télemly).
Nous donnons sur le plan n° 2, les grandes lignes du réseau
futur (Une variante qui desservirait mieux le quartier
de Belcourt consisterait à dévier le mono rail dans la rue
de Lyon entre la place Sarrail et la rue Polignac.) . A ces
lignes se raccorderont des lignes d'autobus desservant les quartiers se
trouvant à l'intérieur des grandes mailles du réseau
" Monorail ". Par ailleurs, les emplacements sont prévus
pour gares d'échanges et vastes parkings permettant de faire stationner
1.000 à 3.000 voitures (Compte tenu de la capacité
des voies routières, il est inutile de prévoir des parkings
plus importants.).
En première étape, on pourrait se limiter à la réalisation
de la ligne Colonne
Voirol - Place
Sarrail - Grande Poste - Bab-el-Oued, complétée
par une bretelle Grande-Poste -
Tagarins (Cette première étape
peut même se scinde' en 2, en ne réalisant, en tout premier
lieu, que la ligne longitudinale : place du gouvernement-place Sarrail
avec les accès à la ville.).
Cette réalisation peut être évaluée à
22 milliards environ non compris évidemment le coût des parkings.
Une deuxième étape comportant la desserte des Annassers,
des plateaux de Kouba, de Maison-Carrée et d'Hussein-Dey entraînerait
une dépense de 15 milliards environ (Cette 2me
étape devra en particulier être envisagée si i'on
envisage de faire porter l'effort du plan de Constantine au point de vue
, "zone à urbaniser" sur la région Annassers
- Kouba
- Cité de l'Harrach, ce qui paraît souhaitable).
QUESTIONS ANNEXES - TAXIS - PARKINGS
Dans l'étude ci-dessus, je n'ai fait qu'effleurer le problème
des taxis et des parkings. Or ces deux questions doivent être traitées
en liaison étroite avec le problème des transports en commun,
si l'on veut que l'ensemble : " Transports en commun - Taxis - Parkings
" rende en définitive les mêmes services que le transport
privé individuel tout en coûtant beaucoup moins cher à
la collectivité.
La construction des parkings en particulier et leur exploitation doit
se faire en liaison étroite avec les transports publics, car pour
être attractifs ils doivent être à la fois très
accessibles et très bien desservis par les transports publics.
De plus pour leur exploitation, il faut envisager des tickets horaires
donnant droit à la fois au parking et à l'utilisation des
transports publias, pendant la durée du parking.
Ces quelques considérations montrent à l'évidence
l'intérêt déjà souligné au début
de ce rapport, d'avoir un organisme unique s'occupant de toutes les questions
de transports dans la région algéroise.
CONCLUSIONS
II est bien évident que les propositions faites ne constituent
en tore que des esquisses et doivent être très sérieusement
approfondies et complétées par des études de marché
(c'est-à-dire de trafic) et l'établisse-ment d'un bilan
économique.
Je pense, cependant, qu'il serait utile que des collectivités responsables
précisent si elles sont d'accord sur les principes mêmes
exposés ci-dessus et sur l'orientation à donner aux études.
En ce qui concerne le financement, il serait évidemment très
souhaitable que ces travaux soient largement subventionnés, mais
nous pouvons cependant indiquer que si la Régie pouvait contracter
un emprunt à long terme et à taux réduit, la solution
du problème serait largement facilitée car il ne semble
pas impossible que les annuités puissent être supportées
par le budget d'exploitation jusqu'à concurrence de 4 à
500 millions par an environ à partir de la fin de l'exécution
des travaux.
Le Directeur de la R.S.T.A.
P. CARON.
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