BOU-SAADA
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C'est d'abord une oasis c'est-à-dire
une palmeraie et un ksar |
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C'est ensuite un bordj et un bourg français |
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C'est enfin un but touristique
majeur |
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Ce fut aussi le siège d'une commune
mixte et d'un arrondissement |
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En 1948 la cité avait 11 637 habitants
dont 766 européens |
Origine du nom
Elle est inconnue car elle ne fait l'objet que d'hypothèses
invérifiables que je ne reproduirai pas. Mieux vaut évoquer
l'étymologie : bou est le diminutif d'abou qui désigne le
père, ou le possesseur ou le créateur de quelqu'un ou de
quelque chose ; et saâda signifie heureux. La traduction habituelle
" cité du bonheur " est inexacte : il n'y a pas
de " cité " dans bou-saâda mais seulement
l'idée que quelque chose y rend heureux. Une interprétation
mot à mot pourrait désigner quelque chose du genre "
endroit qui rend heureux ". Cité du bonheur se traduirait
plutôt par " Médina es saâda "ou "
Diar es saâda ".
Il faut noter que Bou-Saâda est d'abord le nom de l'oued qui passe
dans l'oasis et longe la cité.
Origine de la médina et du ksar
Bou-Saâda n'est pas une création française : la ville
et le fort français ont été juxtaposés à
un ksar et une médina créés peut-être au XIIIè
siècle et agrandis au XVIè quand vinrent des Maures chassés
d'Espagne, qui édifièrent la première mosquée
de la cité dans ce lieu où poussaient des palmiers dattiers
et où l'eau de l'oued permettait d'irriguer quelques jardins.
Il est probable que les Romains avaient déjà pris possession
du lieu, pas avant le IIIè siècle, en y construisant un
modeste fortin proche de celui de Medjedel établi en 144, et sur
la piste conduisant au fort d'Aïn Rich et à la place forte
de Castellum Dimidi (Messaâd) la plus éloignée de
la côte. On n'a pas trouvé de ruines ni de statues ; seulement
des monnaies dont la plus vieille est un sesterce de Trajan, mort en 117.
La place fut sûrement modeste et purement militaire.
Bou-Saâda avant les Français
Bou-Saâda n'est cité ni par Ibn Battouta (mort en 1377),
ni par Ibn Khaldoun (mort en 1406). La ville n'entre dans l'histoire écrite
qu'avec la conquête ottomane, tardive en ces lieux éloignés
du Tell et du bey en résidence à Constantine, car le territoire
appartenait alors à ce beylik et non à celui du Titteri.
C'est pour cette raison que Bou-Saâda ne figure pas sur ma carte
du Titteri ottoman accompagnant la présentation historique.
L'oasis était alors peuplée de berbères
arabisés avec une minorité de berbères judaïsés
; et de quelques arabes descendants des envahisseurs hilaliens. On y distinguait
7 fractions tribales. La médina était partagée en
plusieurs quartiers strictement délimités et l'on pénétrait
par une porte. La minorité juive parlait arabe et s'habillait comme
ses voisins musulmans. Il y avait une synagogue.Le ksar était tenu
par une garnison turque dont l'agha dépendait de Constantine.
En octobre 1837 la prise de Constantine
par les Français est suivie par le départ des Turcs. Même
si le bey Ahmed a essayé de tenir quelque temps dans l'Aurès,
il était trop loin de Bou-Saâda qui fut évacué.
La région des Ouled-Naïl (Cheraga ici) retourna à l'anarchie
tribale comme à l'ouest chez lez Gheraba.
A l'automne 1839 le djihad proclamé
par Abd el-Kader obligea les Ouled-Naïl à pendre position
: aider les Français ou aider Abd el-Kader. Les chefs de tribus
étaient divisés et purent tergiverser aussi longtemps qu'Abd
el-Kader était loin dans le nord. Mais après qu'il eut perdu
Médéa (1840),
Boghar (1841) et sa smala
(1843 à Taguine), Abd el-Kader
devint insistant. Et en novembre 1845
il n'y eut plus à choisir car Abd el-Kader avait entamé
un longue chevauchée armée dans le but de chercher des alliés
contre les Français. Il commença par la Kabylie où
il échoua ; puis par Hamza (futur Bouira) et Sour el Ghozlane (futur
Aumale) se dirigea vers Bou-Saâda. Il y était sans doute
au début 1846 et il obtint
l'aide plus ou moins volontaire des Ouled-Naïl et notamment du cheikh
Si Chérif ben Larèche
qui accepta le burnous de Khalifa et la tâche de tenir la région
et d'y recruter des combattants ; ce qu'il fit. Il avait sous ses ordres
3 aghas et 6 cheikhs, dont un pour Bou-Saâda.
Pour les détachements français et leurs soutiens indigènes
cette période de novembre 1845 à juillet 1846, fut l'une
des plus dures, avec des razzias et des harcèlements permanents,
sans vraie bataille. Bugeaud, qui était en congé en France,
revint d'urgence et lança 18 colonnes qui, multipliant marches
et contre marches harassantes, finirent par l'emporter. Vers Bou-Saâda
c'est le général d'Arbouville qui commandait les troupes.
Au bout de 9 mois Abd el-Kader, sans s'avouer vaincu, partit vers l'ouest
en longeant le pied du djebel Amour et se réfugia au Maroc.
Et tout ce qu'il avait décidé et imposé aux tribus
Ouled-Naïl fut rapidement défait, surtout après sa
reddition de 1847. En voici deux preuves.
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Il avait prohibé, au nom de la morale islamique,
le métier de " galanterie " auquel se livraient
de nombreuses jeunes filles dans tous les ksour de la région.
Cet abandon d'une tradition bien tolérée bouleversa
les habitudes des clients et détruisit une source de revenus
appréciés dans les familles des " danseuses ".
La reddition de l'émir, ajoutée à une mauvaise
récolte, persuada aisément les Ouled-Naïl qu'Allah
n'était pas hostile aux coutumes locales et qu'il était
permis de les rétablir. Lorsque les Français arrivèrent
la tradition et les filles avaient repris leur service.
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Quant au khakifa Si Chérif ben
Lahrèche il se soumit au vainqueur dans le but de permettre
aux troupeaux des Ouled-Naïl (et des Larbaa) de continuer à
fréquenter les pâturages du nord indispensables durant
l'été. La France le mit en prison quelques temps à
Boghar, puis le libéra en 1850 et le promut Bachaga des Ouled-Naïl
Gheraba en 1852 avec résidence à Djelfa où on
lui bâtit son poste de commandement. Il fut un bon bachaga au
service de la France. |
Bou-Saâda sous les Français
1845-1849 à 1962
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1845
Première incursion militaire française, sous la conduite
du général d'Arbouville dont la colonne était
partie du tout nouveau camp militaire créé sur le site
romain d'Auzia (futur Aumale).
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François
Aymé Loyré d'Arbouville 1798-1873
Engagé
à 16 ans dans l'armée du roi Louis XVIII, après
la première abdication de Napoléon, il est nommé
sous-lieutenant après les cent jours. Il est à Alger
en 1830, mais n'y reste pas. Il revient en Algérie en
1838 comme lieutenant-colonel et reste en Algérie
jusqu'en 1847. Il est général
en 1841. Ses expéditions vers Bou-Saâda en 1845 et
1846 sont sans doute ses dernières opérations avant
son retour en France.
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1849 Nouvelle
incursion française, celle du colonel Barral qui,
lui, laisse une toute petite garnison de 150 hommes avec le sous-lieutenant
Lapeire, ainsi que le goum d'un dénommé Ben Yahia
qui fournit les interprètes et les espions. Désormais
la suite de l'histoire de 1849 ne peut être dissociée
du sort de l'insurrection de Bou Zian dans
l'oasis de Zaâtcha distante de 140 km sur la piste de Biskra.
Bou Zian a déclaré le djihad le
16 juillet et s'est retranché dans cette cité
entourée de murailles solides et dominée par un bordj.
Les Français entreprennent le siège de la ville et
sont eux-mêmes assiégés par des renforts que
Bou Zian reçoit d'autres oasis, y compris de Bou-Saâda.
Le siège s'éternise.
Après le départ de Barral pour Zaâtcha la djemma
hésite sur la conduite à tenir, et finalement décide
de chasser les Français. Lapeire et ses soldats se réfugient
dans une mosquée, tandis qu'un goumier réussit à
prévenir le colonel Pein à Bordj-bou-Arréridj.
Pein accourt en toute hâte accompagné des kabyles du
khalifa de la Medjana, El Mokrani (le père du futur rebelle
de 1871).
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La ville de Bou-Saâda se soumet le 14
novembre. On peut dater de ce jour la naissance de la cité
française. Les habitants de Bou-Saâda se voient
imposer une amende collective de 8 000francs payables en trois
jours et la saisie d'ouvrages en laine, tapis et burnous
Elle est rattachée à la subdivision militaire
de Constantine, et non d'Alger. Quant à Zaâtcha
elle ne se soumet pas, elle est conquise au prix de durs combats
le 26 novembre. La tête
de Bou Zian est exposée à Biskra (30km plus
à l'est), les palmiers sont coupés et les maisons
rasées.
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Les palmiers ont repoussé mais
la ville n'a jamais été reconstruite. On a simplement
placé sur la route de Biskra à Tolga une plaque avec
l'inscription " Zaâtcha 1849 ". Le colonel
Barral est alors revenu à Bou-Saâda. |
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1850 Etablissement
d'un Bureau Arabe dirigé par un officier
Institution d'une police des murs et d'un quartier réservé
pour les " danseuses "
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1853
Ouverture de l'hôpital militaire.
Il est chargé du suivi médical hebdomadaire des courtisanes
Ouled-Naïl. |
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1855
Ouverture de la première école française (future
école Challon). |
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1868 Bou-Saâda
échappe à Constantine et est rattaché à
la subdivision militaire de Médéa. |
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1874 ou 1881
Bou-Saâda est le siège des communes mixtes de Bou-Saâda
et Ben S'Rour. |
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1883/1884
Premier séjour du peintre Etienne Dinet. |
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1902
Bou-Saâda devient territoire civil, rattaché au département
d'Alger et et sort des territoires militaires du sud. |
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1905
Etablissement définitif du peintre Dinet.
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1913 Inauguration
de l'hôtel Transatlantique dont la photo est visible à
droite.
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1938
Electrification de la ville. |
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1948
Tournage du film de Cecil B. de Mille " Samson et Dalila ". |
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1956
Création de l'arrondissement dans le cadre du département
de Médéa ; et d'une SAS. |
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1958
Rattachement au nouveau département d'Aumale.
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1959
Retour au département de Médéa. |
Le cadre naturel et ses aptitudes
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La cité de Bou-Saâda a été
bâtie sur la rive gauche de l'oued éponyme. L'oasis
qui justifie sa création se trouve à la limite entre
les derniers chaînons des monts Ouled-Naïl et la dépression
du chott el Hodna dont on aperçoit sur la carte l'extrémité
occidentale.
Elle n'est pas du tout située sur les hautes plaines : elle
est beaucoup trop basse, moins de 600 m, quand les hautes plaines
ont entre 800 et 1 000 m d'altitude.
La basse plaine du Hodna où s'écoulent
les crues de l'oued Bou-Saâda, est séparée des
hautes plaines par les collines des djebels Selat et Bateun qui
dépassent les 1 000m. Ces collines dissymétriques
ont tout à fait l'allure d'un escarpement de faille.
Seules les crues exceptionnelles de l'oued Bou-Saâda parviennent
jusqu'à la rive du chott el Hodna. En amont l'eau est utilisée
pour les cultures et pour les gens, et ce qui reste s'infiltre dans
les maader et les daïa de la rive gauche.
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Dans les environs immédiats de l'oasis on peut
distinguer :
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un oued
pérenne qui coule entre deux berges escarpées
et consolidées par des murets qui mettent les jardins de
l'oasis à l'abri des crues habituelles. Le lit de l'oued
est assez encaissé pour ne déborder que très
rarement. Sans cet oued il n'y aurait ni palmeraie, ni jardins,
ni sédentaires, ni cité. Cette aptitude à la
culture irriguée est la raison fondamentale qui, il y a quelques
siècles, poussa quelques semi-nomades des environs à
abandonner leur khaïma (tente en poils de dromadaire) pour
une maison en dur. Bou-Saâda lui doit son existence, même
si au XXè cette ressource devint secondaire.
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des
djebels et des gaada (plateaux) assez hauts pour accrocher
les nuages et recevoir assez de pluie pour alimenter de grosses sources
qui coulent en toutes saisons. L'oued Bou-Saâda est alimentée
par les sources du djebel Tsegna (1 608m) et du plateau ez Zerga (1
194m). Sur son parcours il a assez d'eau pour que des colons aient
installé 6 moulins à eau (aujourd'hui disparus) entre
El Hamel et Bou-Saâda. Il reçoit juste à l'aval
de la cité le renfort plus modeste de l'oued el Maïtar.
Sans ces hauteurs il y aurait moins de pluie et aucun écoulement
permanent dans l'oued : elles sont le château d'eau qui a permis
la création de l'oasis, le château tout comme l'oasis
étant au demeurant très modestes. Bou-Saâda est
une petite oasis de piémont. Les montagnes proches de l'oasis
sont dénudées ; surpâturage ou surexploitation
du bois ? Je ne saurais dire. Toujours est-il qu'il reste des forêts
claires plus au sud, sur le djebel Messaad notamment. |
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des
steppes à alfa et des pâturages pour dromadaires
et moutons. La région bénéficie donc d'une aptitude
à un élevage ovin semi-nomade qui explique que Bou-Saâda
ait été sans doute dès l'origine le siège
d'un grand marché hebdomadaire (qui durait deux jours ; lundi
et mardi) et une cité à forte tradition artisanale du
travail de la laine et de l'ouber (poils de dromadaire) : tapis épais
à points noués, burnous, kachabia, haïk etc. Cette
tradition explique que la première école française
destinée aux filles indigènes ait été
une école ouvroir où une bonne moitié du temps
scolaire était consacrée au travail de la laine. A cette
spécialité lainière il faut ajouter une production
sans rapport avec le cadre naturel, et qui est la fabrication de poignards
recourbés à manche et fourreau ciselés, appelés
bousaadi. Un boussadi peut donc désigner soit l'habitant de
Bou-Saâda, soit son poignard. |
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un
bout de la plaine du Hodna qui n'a guère de ressources
car les maader (dilatation du lit d'un oued) et les daïas (cuvette
fermée où l'eau s'infiltre) sont rares et un peu salés.
Ce sont des zones où on peut semer du blé ou de l'orge
avec des rendements aléatoires. Les grains récoltés
étaient moulus, à l'époque française,
par l'un ou l'autre des moulins de l'oued Bou-Saâda. Le paiement
consistait en une faible part de la farine ou de la semoule obtenue.
La platitude du terrain a permis d'y construire une piste pour les
avions près du hameau Ed Dis. Il y a aussi, à l'aval
de l'oasis et sur la rive droite quelques petites dunes de sable que
les touristes grimpaient avec plaisir ; du moins les plus jeunes ou
les plus sportifs. Cette attraction mineure participa tout de même
à la vocation touristique du site. |
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le
climat semi-aride pré saharien a joué un
rôle capital, et pour la culture du palmier et pour l'essor
du tourisme 7 à 8 mois par an.
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Le graphique ombro-thermique ci-joint montre
bien la quasi aridité du climat et l'effet de la continentalité
sur un climat de base encore méditerranéen.
La sécheresse estivale est bien marquée, mais
le maximum de pluie est décalé vers le printemps
et l'automne. Le total annuel peut varier du simple au triple.Il
ne montre pas qu'il peut y avoir, le matin en janvier et février,
5 à 10 journées de légères gelées,
ni que les maxima journaliers frôlent les 40° en
juillet et août.
Il ne montre pas non plus l'extrême irrégularité
selon les années
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Ce climat permet aux
dattes de mûrir, mais mal : elles sont mangeables pour qui y
est habitué, mais non commercialisables. Ce sont des dattes
dites sèches (ou khalta). Pour les dattes muscades (deglet
nour) vendues dans le commerce il faut au moins trois moyennes mensuelles
égales ou supérieures à 30°.
Ces dattes médiocres permettent tout de même à
Bou-Saâda de disputer à M'Doukal le titre de palmeraie
la plus septentrionale ou la plus proche de la côte.
Si j'arrêtais ici l'exposé des aptitudes du cadre naturel,
je pourrais conclure que : |
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Bou-Saâda
fut un centre agricole médiocre grâce à
une palmeraie dont les dattes mûrissent si mal qu'il faut
les étaler sur les terrasses pour achever leur mûrissement.
Elles se conservent mal et ne sont consommables que sur place. Il
est vrai que le palmier ne fournit pas que ses fruits : il fournit
aussi son bois (trop peu résistant pour des poutres de longue
porté), des fibres nerveuses et une sève que l'on
peut faire fermenter. Et " pour de pauvres bougres qui n'avaient
pas de quoi manger, cette sève fermentée procurait
la joie de l'ivresse " (Capot-Rey). Malheureusement cette joie
est interdite par Allah et mal vue des voisins. Les jardins de la
palmeraie produisaient aussi un grand choix de fruits et de légumes,
et un peu d'orge et de blé ; mais en quantité insuffisante.
Il n'y avait pas de colons stricto sensu.
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Bou-Saâda
fut un centre commercial au contact des mondes sédentaire
et semi nomade. Les artisans locaux achetaient aux éleveurs
la laine et les poils de dromadaire nécessaires à la
fabrication de produits de qualité suffisante pour être
vendus au loin. |
Et c'est tout, du moins pour le cadre naturel. Pour le
reste il aurait suffi de rappeler que Bou-saâda fut un centre
administratif avec le siège de 2 communes mixtes et,
très tard, en 1956, d'une sous-préfecture rattachée
au département de Médéa (ou d'Aumale pendant quelques
mois). Il y eut aussi une grande caserne
fortifiée, le fort Cavaignac,
qui portait le nom d'un général devenu gouverneur général
de l'Algérie pour peu de temps (février à avril 1848)
et qui hébergea une école de sous-officiers de spahis. A
ma connaissance ce général ne mit jamais les pieds dans
la région de Bou-Saâda, mais après avril 1848 il accepta
successivement les charges de ministre de la guerre, puis de Président
du Conseil des ministres. Il se retira après l'élection
de Louis Napoléon à la Présidence de la République
le 10 décembre 1848.
Mais comme chacun le sait, le nom de Bou-Saâda est connu pour autre
chose : pour son tourisme qui s'est imposé comme la première
ressource au tournant du XXè siècle. Reste à expliquer
cette évolution exceptionnelle en Algérie.
Bou-Saâda fut un centre touristique majeur
o
Pour quelles raisons ?
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La première à laquelle on pense est
la douceur du climat. Voire
! En janvier il fait plus froid qu'à Alger ; mais plus sec
il est vrai. Et en été, même si l'air est sec,
la température est tout de même trop chaude, même
la nuit, pour être agréable avant l'invention des climatiseurs.
Après 1918 la municipalité a essayé d'obtenir
le statut officiel de station climatique créé par
une loi du 24 septembre 1919 : son dossier fut recalé. Certes
le climat de Bou-Saâda n'est pas sans mérite, mais
il n'explique pas tout.
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La seconde est
le paysage de la palmeraie, aussi
exotique pour un algérois, que pour un parisien ou pour un
anglais. Ce paysage a attiré très tôt, bien avant
1900, des peintres orientalistes qui ont assuré sa promotion
sans le faire exprès. Plus tard, d'autres hivernants célèbres,
Gide, Colette ou Pagnol, ont rendu à Bou-Saâda le même
service. Mais des palmeraies, il y en avait ailleurs. |
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La troisième, essentielle à mon avis,
est la proximité de la ville d'Alger,
principal réservoir de clients, du port d'Alger le mieux
desservi à partir des ports français et le plus fréquenté
par les navires de croisière, et plus tard de l'aéroport
d'Alger, le seul de classe internationale. Bou-Saâda n'était
pas la seule oasis accessible dès le temps des diligences,
mais c'était la plus proche de la côte.
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En réalité il y eut en Algérie deux
oasis faciles d'accès et qui pouvaient se disputer la place de
première destination touristique : Bou-Saâda et Biskra. C'est
Biskra qui a gagné. Certes Biskra est un peu plus loin
de son port : 323 km (de Philippeville) au lieu de 250 (d'Alger). Mais
Biskra avait d'autres atouts : une desserte ferroviaire dès 1888
et aérienne dès 1950, une ville à visiter en chemin,
celle de Constantine avec les gorges du Rhummel, et le proche massif de
l'Aurès avec un hôtel Transatlantique, à Rhoufi, dans
le canyon de l'oued El Abiod et la route pittoresque des gorges de Tighanimine.
Restait à Bou-Saâda l'avantage d'être plus proche de
la capitale : cette proximité lui valut de recevoir plus de clients
de week-end que de longs séjours.
o
Pour voir quelles curiosités ?
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La palmeraie d'abord.
Le touriste n'avait pas à se préoccuper de la qualité
des dattes ; il admirait l'aspect des arbres, de vrais " Phoenix
dactylifera " ; et avec un peu de chance il pouvait se
trouver au bon moment pour assister à la fécondation
des palmiers femelles (50 pour un mâle) en avril ou à
la récolte (ghatna) en septembre. Pour l'un comme pour l'autre
de ces travaux l'ouvrier devait grimper jusqu'en haut de la stipe.
Pour la fécondation il emportait un petit sac avec du pollen,
souvent de l'année précédente. Du détail
des gestes de ce travail très précis et long , le
touriste, d'en-bas, ne voyait rien. La récolte était
moins délicate : il fallait seulement veiller à attacher
le régime à une corde pour le laisser lentement glisser
à terre. A l'ombre des palmiers le touriste à l'il
exercé pouvait distinguer les parcelles de blé ou
d'orge (et non de gazon) des parcelles en jachère (faute
de fumier ou d'eau) et des parcelles de légumes secs (fèves,
pois, lentilles) ou pas (tomates, ail, oignon). Les arbres fruitiers
étaient plutôt rares (grenadiers, abricotiers) et leurs
fruits mûris à l'ombre avaient moins de saveur que
ceux qui avaient poussé au soleil. Par contre melons et pastèques,
qui exigeaient beaucoup d'eau, étaient très nombreux.
Bien sûr toutes ces cultures devaient être irriguées.
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La ville indigène.
Cette médina ancienne est appelée ksar dans les guides
car elle était entourée de murs. Elle ressemble à
toutes les vieilles villes arabes : c'est la casbah d'Alger, mais
en terrain plat avec ses maisons presque sans fenêtres vers
l'extérieur, ses venelles tortueuses parfois en tunnel sous
deux maisons qui se touchent, ses impasses, ses petites places biscornues
et ses toitures en terrasse. Une grande différence néanmoins,
la couleur ocre des murs et la poussière partout. Elle possédait
trois mosquées, celle des Mouamines face au tombeau de Dinet,
celle des Ouled el Attik bâtie par des réfugiés
maures réfugiés d'Espagne et celle des Cheurfa. |
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L'atelier et la koubba
du peintre Etienne Dinet. Son atelier se trouvait juste
en bordure de l'oued avec un petit balcon d'où il pouvait
regarder, et même photographier, les femmes qui venaient papoter
et laver leur linge. Cette activité déplut si fortement
aux frères et aux maris des filles admirées, que,
paraît-il, il aurait failli être blessé ou tué.
Sa koubba est classique : un cube blanchi recouvert d'une coupole.
Le nom est impropre puisque aucun marabout n'y est inhumé,
mais seulement trois musulmans sans charge religieuse : lui (il
s'était converti), son compagnon et serviteur, et la femme
de ce dernier
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La koubba d'Etienne Dinet vers
1935
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Et son atelier dans un jardin
au bord de l'oued
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La promenade
aux dunes pouvait se faire à pied ou à dos
de dromadaire. Ces dunes sont vives, mais basses et étroites.
Elles sont alignées sur une dizaine de kilomètres sur
la rive droite de l'oued à l'aval de l'oasis. Le touriste novice
se donnait à peu de frais l'illusion d'avoir foulé un
erg et le plaisir de se rouler dans le sable. Bien évidemment
ces gros tas de sable ne constituaient pas un erg véritable,
même minuscule. Mais le dépaysement était réel.
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La promenade au moulin Ferrero
n'avait d'intérêt que si elle est était faite
à pied en remontant l'oued sur 2 ou 3 kilomètres. C'est
le paysage qui valait le déplacement et la fatigue éventuelle,
avec à la fin la cascade en haut de laquelle se trouvait la
prise d'eau qui faisait tourner le moulin. Ce moulin était
une grosse bâtisse à trois niveaux construite par un
piémontais, Antoine Ferrero, débarqué à
Bougie en 1867 et marié à Djelfa en 1874. Il était
minotier et avait dû faire de bonnes affaires pour pouvoir financer
une telle construction. En 1930 le moulin ne fonctionnait plus. |
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Le spectacle
des danseuses Ouled-Naïl était le clou de la
fin de journée, après le dîner.
Les touristes pouvaient se rendre en famille à l'adresse fournie
par la réception de leur hôtel, car rien ne distinguait,
à l'extérieur, le " maison de danses " de
ses voisines. Il s'agissait d'un spectacle de danses folkloriques
divisé en deux parties.
Au début les filles étaient habillées de la tête
aux pieds, de tenues vivement colorées et de lourds bijoux
d'argent. Les spectateurs, auxquels on avait servi une tasse de thé
à la menthe, étaient assis sur des chaises banales alignées
le long de trois des quatre côtés d'une " beit el
kebira (grande pièce) ; sur le côté restant, trois
musiciens soufflaient dans une raïta (flûte) ou tapaient
sur une sorte de tambour aux sons assourdis.
Pour la seconde partie, il fallait payer un supplément. Les
musiciens se tournaient alors vers le mur et les touristes étaient
les seuls à pouvoir voir les danseuses revenir toutes nues
et parfaitement épilées. La salle et la musique était
moins agréables qu'aux Folies Bergères, mais le spectacle
plus achevé.
Cette particularité chorégraphique locale n'était
que l'aspect le plus présentable d'une tradition naïlate
séculaire qui avait survécu sans peine à la prohibition
d'Abd el-Kader et s'était fort bien adaptée à
l'époque française. Elle a fait l'objet, en 2003, d'une
étude menée par Berkahoum Ferhati et parue dans la revue
Clio N° 17-2003 sous le titre " La prostituée dite
Ouled-Naïl ". C'est ce texte qui a nourri la notule
que voici. |
Les
" danseuses " Ouled-Naïl de Bou-Saâda
L'attitude des
autorités françaises
1850 la
conquête à peine achevée, l'armée décide
de créer une police des murs pour succéder
à l'agent turc, le mezouar, qui était chargé
de surveiller la santé des prostitués et de percevoir
l'impôt. C'est un médecin militaire qui prend le
relais du mezouar pour un service hebdomadaire. Et on assigne
aux filles un lieu réservé proche du commissariat
de police.
1853 ce quartier réservé
devenu trop central a été déplacé
vers la rue Bosquet également appelée rue des Ouled-Naïl.
Ce fut la première rue à bénéficier
d'un bon éclairage nocturne.
L'entrée dans le métier
Le recrutement est fait très jeune avec l'accord de la
famille. La fille est confiée à une dame qui commence
par l'initier aux divers types de danse ; puis lui fournit logement
et lieu de travail. A l'extérieur on ne voit rien, ni inscription,
ni fille. Lorsqu'elle sort la danseuse porte le voile le plus
strict qui soit ; celui qui ne laisse voir qu'un il.
L'intérêt du métier
est l'argent, pour la fille et pour sa famille car
ces revenus servent à acheter maison, jardin et bétail
mis à la disposition des siens, car il faut bien que quelqu'un
gère tout cela. Il arrive que l'on fasse ce métier
de mère en fille et qu'un garçon de confiance également
de la famille, gère les pécules de ses surs,
tantes et cousines.
La sortie du métier n'est pas
facile.
Les plus chanceuses trouvent parmi les clients un mari dont elles
deviennent la 2è, 3è ou 4è épouse,
dite alors " concurrente ". Son problème est
de trouver sa juste place dans un quatuor (duo ou trio) de femmes.
Mr Ferhati n'a trouvé trace que de maris musulmans, à
une seule exception près. Etait-il célibataire ?
Sa femme fut mal considérée par ses ex-collègues.
Les plus avisées se sont constitué un pécule
qui leur permet l'achat de terre ou d'un commerce.
D'autres ont pu devenir tenancières d'une beit el kebira
à leur tour
La plupart retournent dans leur famille lorsqu'elle ont maintenu
avec elle de bonnes relations.
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Voici l'arc sous lequel il fallait passer pour
pénétrer dans la rue des " Ouled-Naïl "
après 1930. Sur les plans cette rue est appelée rue
Bosquet.
Les maisons ont un aspect tout à fait traditionnel ; mais
la largeur de la rue ne l'est pas.C'est une rue qui a été
tracée par les Français et qui se dirige vers la ville
ancienne.
En 1952 il y aurait eu 20 maisons avec 5 filles dans chacune d'entre
elles.
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Bou-Saâda fut un paradis pour peintres
orientalistes
Dans ce rôle d'oasis pour peintres à la recherche de l'exotisme
pré saharien, Bou-Saâda n'était pas la seule oasis
accessible dès les années 1850 ; dans le tiercé gagnant
figure une fois encore, à côté de Bou-Saâda
et Laghouat, Biskra.
L'Algérie a en effet attiré les peintres français
très tôt. Mais en 1832 Eugène
Delacroix n'a pas pu sortir des environs immédiats d'Alger
et en 1845 Théodore Chassériau
n'a pas dépassé Constantine. Le premier peintre à
atteindre une oasis est Eugène Fromentin
qui va à Laghouat en 1853, lors de son troisième voyage
en Algérie, quelques mois après la difficile conquête
de cette oasis.
Le nombre des peintres qui ensuite ont passé quelques jours à
Bou-Saâda excède sûrement la centaine (comme à
Biskra), surtout après que la villa Abd el-Tif eut accueilli, pour
deux ans, ses deux premiers lauréats.
La villa Abd
el-Tif : 1907-1961
C'est la petite sur de la villa Médicis
de Rome et de la villa Velazquez de Madrid. Elle est installée,
avec l'appui de Léonce Bénédicte, président
de la société des peintres orientalistes français
par le gouverneur général Charles Jonnart qui trouve
le financement de la restauration d'une grande demeure turque
du Fahs (banlieue proche) au-dessus de la baie d'Alger. On y entre
par concours ouvert aux natifs de France âgés de
moins de 35 ans. La réussite au concours permet de passer,
gratuitement, deux ans à la villa. Chacun y trouve un logement,
un atelier et une cantine. Bien sûr ils avaient le droit
de voyager librement, à leurs frais, dans toute l'Algérie.
Le voyage à Bou-Saâda étant le moins long
et le moins cher, rares ont dû être les résidents
qui n'y sont pas allés. Au total, de 1907 à 1962,
il y en eut 96 car le concours a été supprimé
de 1915 à 1919, et de 1940 à 1941 ; et les lauréats
de 1962 ont jugé prudent de ne pas rejoindre Alger.
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Bien sûr les peintres n'avaient pas attendu 1907
pour aller à Bou-Saâda.
Quatre d'entre eux méritent quelques lignes de présentation
personnalisée.
Etienne Dinet 1861-1929
1883/1884
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Premiers séjours à
Bou-Saâda
A Paris il s'inscrit aux " langues O " pour apprendre
l'arabe. |
1889
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Retour à
Bou-Saâda où il se lie avec un mozabite, Slimane
Baâmer qui améliore sa
connaissance de l'arabe et de l'Islam. |
1905
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Installation définitive
à Bou-Saâda, dans la palmeraie. |
1913
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Conversion à l'Islam et
choix du nom Nasser ed-Dine ; puis pèlerinage à
La Mecque avec Slimane. Il ajoute El Hadj à son nom. |
1923
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Achat d'une maison à Saint
Eugène près d'Alger, qu'il ne peint jamais |
1929
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Mort à Paris. Mais par
testament il avait demandé à être inhumé
à Bou-Saâda, et selon le rite musulman ; ce qui
fut fait. |
Son uvre comporte 150
toiles et dessins, tous consacrés à la vie
arabe au désert ou aux Ouled-Naïl. Et un livre
posthume " Le pèlerinage à la maison
d'Allah ".
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Gustave Achille
Guillaumet 1840-1887
1861
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Lauréat
d'un second prix de Rome. En 1862, il part pour la villa Médicis,
mais à Marseille, il renonce à son séjour
à Rome et va à Alger ! |
1862
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à
1882 il accomplit 11 voyages au Maghreb, surtout
dans les régions du Hodna, des Ouled-Naïl et de
Biskra. |
Après 1882 il ne retourne plus en Algérie
et meurt à Paris |
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Charles Dufresne
1876-1938
1910
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Lauréat du concours d'admission
à la villa Abd el-Tif |
1910-1912
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Séjour à
Alger et nombreux voyages dans les sud de Boghari à
Bou-Saâda et Biskra, avec une escorte de spahis. Il rend
visite à Dinet.
Il est émerveillé par le paysage des oasis.
A Alger il trouve de riches mécènes, Frédéric
Lung et madame.
Même après son retour en France il continue à
peindre des souvenirs algériens dans une maison qu'il
a fait construire avec un patio semblable à celui de
la villa bd el-Tif. |
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Edouard Verschaffelt
1874-1955
Elève des Beaux-Arts d'Anvers. Né
à Gand dans une famille de peintres |
1919
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Premier voyage en
Algérie et premier séjour à Bou-Saâda |
1924 |
Installation définitive à
Bou-Saâda. Il rencontre Dinet au déclin de sa vie
mais ne sympathise pas du tout avec lui.
Il se marie avec une fille d'une tribu locale et mène
une vie retirée dans sa famille Ouled-Naïl qui lui
fournit ses modèles.
Mais il se rend régulièrement à Alger pour
exposer et pour peindre. |
Il meurt à Bou-Saâda
où il est enterré. |
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Guillaumet
Tableau intitulé
Tisserandes à Bou-Saâda
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L'aspect de la ville
Il faudrait plutôt dire : les aspects de la ville car il y avait en
fait deux paysages urbains, au nord le ksar ancien et au sud la ville européenne.
Mais ces deux villes ne sont pas séparées l'une de l'autre
et forment un ensemble continu de part et d'autre de la rue Gaboriau qui
débouche sur la place du colonel Pein. D'un côté de
cette place se trouve le fort Cavaignac, et en face un bâtiment civil
avec des arcades abritant du soleil les clients des nombreuses échoppes
alignées tout au long. Cette place est le centre des deux villes
tandis que la petite place Guynemer est le centre de la ville européenne
qui a des avenues rectilignes, mais pas le plan en damier des villages de
colonisation. Bou-Saâda n'est pas un village de colonisation.
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sur l'image pour l'agrandir
( 102 ko)
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Plan extrait du guide Michelin
de 1956
La ville n'est pas très étendue : un kilomètre
du nord au sud et 600m d'ouest en est.Pour
le touriste tout est aisément accessible à pied.
Les palmiers ne sont jamais bien loin et visibles presque de partout.
L'oued Bou-Saâda est tout proche.
Seule la zaouïa d'El Hamel est trop éloignée
et exige la location d'un taxi, pour parcourir les 30km aller et
retour.
La place Pein porte le nom du colonel qui a reçu la soumission
de Ben Chabira en 1849. Pein fut aussi plus tard chef du bureau
arabe de Médéa, puis d'Ouargla. Cette place était
un lieu de commerce et de palabres. L'église en est très
proche, mais contiguê eu ksar
L'ensemble de la ville est dominé par le djebel Kerdada.
G = gendarmerie
H = Hôtel de ville
J = tribunal
K = Koubba d'Etienne Dinet
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Vue sur un coin du ksar
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Place du colonel Pein côté
arcades
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La desserte de Bou-Saâda par les services de transports publics
fut toujours exclusivement routière avec deux sociétés
: la SATAC aussi appelée Auto-Traction de l'Afrique du nord et l'entreprise
mozabite Boukamel.
La SATAC assurait 3 aller et retour directs quotidiens avec Alger et un
aller-retour entre Alger et Biskra avec arrêt à Bou-Saâda
au passage.
Boukamel avait un service quotidien vers Djelfa par Slim et un autre vers
Bordj-bou-Arréridj par M'Sila.
Cette desserte sans train et sans avion, du moins jusqu'en 1954, était
un handicap par rapport à Biskra où l'avion d'Alger à
Ouargla, faisait escale à Biskra, le samedi matin à l'aller
et le lundi après-midi au retour ; c'était idéal pour
un week-end sous les palmiers. Le vol durait une heure et quart.
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