Alger et ailleurs : football
Tony ARBONA
Je ne suis pas l'auteur du texte, c'est signé "Tony Arbona".
La carte est un envoi de Jean Robert Pivon
extraits du numéro 12 , décembre 1980, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
sur site : mars 2018

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Tony ARBONA



On ne présente pas Tony Arbona, Tonio la Tchatche et nul n'est mieux désigné pour parler de ce sport que tous ont plus ou moins mais toujours bien, pratiqué en Algérie. Chacun y retrouvera son sport favori et saisira ce prétexte pour raconter à ses enfants d'incroyables exploits.

« Ce que, finalement, je sais de plus sûr sur la morale et les obligations des hommes, c'est au football que je le dois...» L'auteur de cette phrase est un Algérois aussi féru de lettres que de sports : Albert Camus.

Le futur Prix Nobel était le prototype du sportif algérois qui apprit dans la rue ce football, le sport roi pour tous les Pieds-Noirs. Comme tous les gosses de Belcourt et d'ailleurs, c'est dans les ruelles algéroises qu'il commença à taper dans une balle de chiffons avant d'être équipier du Gallia, légendaire club d'Alger pour finir au R.U.A. (Racing universitaire algérois) quand il quitta l'école communale pour le lycée.

Sa vie durant, Camus resta fidèle à ses couleurs et adopta le Racing de Paris quand il s'installa dans la capitale puisque ce Racing avait aussi les couleurs c bleu-blanc , comme le club algérois.

La majeure partie des rapatriés est, d'ailleurs, restée fidèle à ce sport et des villes comme Toulouse, Montpellier, Avignon comptent plus sur la clientèle de chez nous que sur les autochtones pour remplir leur stade.

Même si on ne joue plus, on « va au football », comme un catholique va à la messe.

Par atavisme, l'homme de chez nous aime l'effort, ln compétition et a toujours eu une soif inextinguible de vaincre, de se dépasser, de se remettre en question.

Bref, de Tunis au Maroc, de Constantine à Oran, en passant par Alger, le sport, dans toutes ses disciplines, a été, de tout temps, une véritable passion. Une religion commune pour tous. Dans un vestiaire, sur le terrain, il n'y avait aucune discrimination entre l'arabe, le juif, le catholique, un seul dieu : le sport.
J'ai retenu un fait marquant. Quand, en 1956, l'équipe de football d'El-Biar causa la plus grande surprise du football français en éliminant le super-crack, Reims, de la Coupe de France, pendant toute la semaine qui suivit il n'y eut aucun attentat, aucun crime ou malversation, on voulait, uniquement, fêter ces onze musulmans et chrétiens jouant sous les couleurs elbiarroises.

Bien qu'étant équipée sportivement de façon rudimentaire, l'Algérie et, disons plutôt, le sport nord-africain fut toujours un appoint sérieux pour le sport français. La France a eu des champions du monde, des vainqueurs olympiques, des champions d'Europe (et, naturellement, de France) et tout aussi bien des recordmen mondiaux grâce à des femmes et à des hommes nés de l'autre côté de la Méditerranée.

Avant le début des hostilités, toutes les équipes professionnelles de football comptaient dans leurs rangs au moins deux joueurs de chez nous. L'équipe de France également avait besoin des footballeurs nord-africains et la liste que nous publions ci-après est éloquente. Ce sont les joueurs qui portèrent le maillot national. On y trouve le Blidéen Salvano, qui, avec son compère Bonello et l'Oranais Liminana, furent les premiers internationaux lors des jeux Olympiques disputés à Paris en 1924, aussi bien que le Tunisien Chaizaz, les Philippevillois Bardot ou Lamia, les Orléansvillois Charbit ou Benouna ainsi que les Algérois Salva, Zitouni, Jasseron et les Oranais Oliver, Frutuoso et Bastien.

Et tous ces hommes luttaient, alors, pour un seul drapeau, le drapeau français.

En 1980, les footballeurs français nés en Afrique du Nord sont moins nombreux, mais la qualité reste toujours. Sont internationaux, encore en exercice, les Soler, les Lopez, les Larios, les Chiésa, les Bertrand-Desmanes.

Dans la division d'élite professionnelle on trouve encore les Fernandez, les Ayache, les P. Bey, les J.-M. Martinez, les Olio, les Amitrano, les Perais, les Vitalis, les Buscher, les Anziani. Ceux-là n'ont pas connu longtemps leur pays natal mais ils sont « bien de chez nous ».

Mais il n'y a pas eu que le football pour affirmer la classe des sportifs. Ne possédant plus (et pour cause) archives ou annuaires des disciplines sportives de chez nous, je ne peux me fier qu'à ma mémoire de pratiquant (ex) et de journaliste sportif durant trente années, pour rappeler tous ceux qui brillèrent chez nous mais aussi en France, en Europe et dans le monde.

Des champions du monde ? Nous avions, en boxe, Marcel Cerdan, évidemment, mais aussi Young Perez, Halimi, Cohen. Des boxeurs champions d'Europe, avec Yvel, Hamia, Koudri, Pernot, Des champions de France : Kid Marcel, Omar le Noir, Pons, Bob Omar, Tendéro. L'Algérois André Régis fut le premier détenteur d'un titre de champion de France (il fut assassiné par le F.L.N.).

En 1980, Rodriguez et Acariès sont aussi détenteurs du titre européen ou national. Mais les vieux sportifs se remémorent les gloires de leur époque comme Piochelle, Munoz.

Le tennis a donné à la France des champions qui défendirent ses couleurs en Coupe Davis, avec les Abdesselam, les Rémy, les Darmon, les Jalabert et aussi Matéo, Pouls-lion, Dubuisson, cohorte de champions nord-africains où on trouvait Herelle, Kruger, Gouttenoire, Soulié, Vesinne-Larue. Resse-Lewis et Françoise Durr comptent aussi parmi les grandes dames du tennis national.

En volley-ball, Hydra et la B.N.C.I. furent champions de France et on comptait des internationaux comme Coquand (capitaine de l'équipe nationale), Lavernhe, Navarro, Brockly, Pasqualini et tant d'autres.

Le hockey sur gazon avait aussi ses vedettes autour du président-joueur Marc Imbert, un médecin qui apporta, pendant des décennies, ses soins à ce sport pourtant peu répandu chez nous : Tiné, Cardinet, Berenguer, Tréguier, Ormen, etc.

L'athlétisme a fourni à la France deux champions olympiques de marathon : El Ouafi et Mimoun. On n'oubliera pas El Mabrouk, l'athlète le plus doué mais le plus fantasque qui régna sur le demi-fond métropolitain.

Philippeville domina longtemps le cross nord-africain avec son tandem Scialo et Sciaffa. Cette spécialité, le cross-country, fut pendant les années 1945 à 1955 une spécialité nord-africaine autant avec les Marocains, en majeure partie des tirailleurs, qu'avec le Mouloudia d'Alger, et des cracks comme Taboni, Salom, Bourachedi, Ameur, Khaled.

Le cyclisme, autre sport populaire, a eu aussi ses grands champions. Après les anciens comme Redmani, Antoine Guercy, Ballester, Snoussi vint la période des Haramboure, Zwahlen, Orosco, Maccotta, Salazard.

La consécration fut la sélection d'individualités d'abord, puis d'une équipe complète au légendaire Tour de France.

En 1950, Marcel Molinès et Dos Reis (assassiné aussi), enlevèrent, coup sur coup, deux étapes après que le légendaire Zaaf ait secoué toute la France par son abandon extravagant alors qu'il se trouvait seul en tète (avec Molinès), avec près de vingt minutes d'avance sur les Koblet, les Bobet, les Kubler et autres cracks mondiaux.

Abbés, Kebaili, Zelasco, Gérard Guercy, Soler, Dos Reis, Charroin portèrent les couleurs nord-africaines dans ces Tours de France.

Ils furent dirigés, pendant deux ans, par Vincent Salazard, un Oranais qui fut le premier champion de France des Indépendants.

En natation aussi ils étaient très forts, les gars de l'Afrique du Nord : Gotvallès, l'Oranais, fut le grand champion, battant le record du monde du 100 mètres avant d'aller aux Jeux de Tokyo.

Avant lui, Nakache, le Constantinois, était le meilleur nageur de brasse de France et d'Europe.

Mais il y eut aussi les frères Vallerey, les Marocains surnommés « la Famille-Poisson » a, également Babey, et les frères Bernardo, Aspar, Roig, Lapalud, premier recordman de France des 50 mètres.

Héda Frost fut la reine de la natation française de 1952 à 1960, et annonçait la couleur en s'enroulant, dans un peignoir où étaient peints des pieds noirs, ce qui, sur les bords de piscine, provoquait un certain étonnement.

La Marocaine Nicole Pelissard fut très longtemps championne de plongeon.

L'escrime donna un champion du monde : Jean-Claude Magnan, véritable maître du fleuret durant des années, ainsi que Lavoiepierre, victime d'un terrible accident en compétition (l'épée traversa le casque, entra dans la paupière et toucha le cerveau, d'où paralysie de l'escrimeur).

En automobile, il y eut Marcel Lehoux et Guy Moll, tués en course. Aujourd'hui, (1980) c'est le motocycliste Fernandez qui domine en France.

Refermons la boite à souvenirs et terminons comme nous avons commencé, par le football, en rappelant que le président de la Fédération française de football est l'Algérois de Kouba, Fernand Sastre qui fait autorité dans le football mondial.

Disons aussi que le recordman des buteurs de toutes les coupes du monde est le Marocain Justo Fontaine, qui marqua treize buts, en 1958, en Suède.

Tony ARBONA.

In l'Algérianiste n° 12 de décembre 1980