PRESENTATION GENERALE
GEOGRAPHIQUE
3° Une plaine agricole densément
peuplée
La Mitidja est la plaine sublittorale la plus peuplée, plus que les
plaines de Bône ou de la sebkhra d'Oran (aussi appelée plaine
de Mléta sur les cartes). C'est certain, même s'il est difficile
de trouver des chiffres précis et sûrs. Les recensements étant
faits dans le cadre des communes, les populations comptabilisées
habitent la plaine et la montagne, ou la plaine et le Sahel proches. Les
chiffres qui suivent sont donc des estimations ; mais suffisamment fiables
pour se prêter à des calculs approximatifs de croissance démographique
et de densité.
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· L'évolution
globale
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Pour 1830 je n'ai trouvé aucune
estimation globale ; seulement le chiffre de Blida, unique et modeste
agglomération de la Mitidja turque. Après le séisme
destructeur de 1825 il y serait resté 3 000 habitants sur 6
000.En 1842 environ 2 000 européens Le nombre d'indigènes
est inconnu |
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En 1856 environ 16 000 européens
et peut-être autant d'indigènes
En 1861 environ 21 000 européens et 29 000 indigènes
En 1891 environ 37 000 européens et 38 000 indigènes
En 1901 environ 42 000 européens et 37 000 indigènes
En 1911 environ 44 000 européens et 58 000 indigènes
En 1926 environ 46 000 européens et 80 000 indigènes
En 1954 environ 42 000 européens et 187 000 indigènes |
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Ce qui fait une population totale passant
de 32 000 peut-être en 1856 à 229 000 en 1954. |
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A cette date les densités étaient
donc
32
pour les européens
144
pour les indigènes |
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et
176 pour l'ensemble |
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Les européens
étaient répartis entre près de 40 centres de
colonisation officielle et à peu près 400 fermes. C'est
après 1918 que quelques colons ont commencé à
quitter leur ferme pour se rapprocher des villes de la côte.
Le tropisme littoral des colons, qui fut général en
Algérie, fut un peu plus tardif en Mitidja que dans le vrai
bled de " l'intérieur ". On ne disait pas l'intérieur
pour parler de la Mitidja trop proche d'Alger. Certains colons ont
sans doute pu surveiller leur ferme tout en résidant en ville,
comme jadis les dignitaires turcs surveillaient leur haouch. En quittant
leurs terres pour Alger les colons, sans le savoir, rapprochaient
leurs valises du port d'embarquement de l'exode de 1962. |
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Les musulmans étaient absents
des centres ce colonisation au tout début. Puis ils sont venus
pour travailler sur les terres des colons au moment des gros travaux.
Mais les troubles de 1839 ont ralenti, voir inversé le processus.
Le mouvement de descente de la montagne vers la plaine a repris après
1842 au fur et à mesure des besoins des colons en main d'uvre.
Ce mouvement a été aidé par une décision
surprenante de 1848 qui supprime l'impôt de l'achour
(impôt coranique sur les récoltes) pour les
indigènes travaillant pour des colons. La main oeuvre saisonnière
est devenue permanente. Finalement les ouvriers sont restés
et ont finalement fait venir leurs familles élargies aux cousins.
La croissance ne fut pas linéaire : il y a entre 1891 et 1901
une stagnation que je ne sais pas expliquer à coup sûr
; même si l'on peut penser à un contrecoup de la crise
du phylloxéra qui a, pour un temps, diminué les embauches. |
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Après 1918 la croissance reprit et s'accéléra
car au bilan des flux migratoires s'est ajouté l'excédent
des naissances sur les décès. Peu à peu la
population musulmane submergeait une population européenne
qui, elle, diminuait en valeur absolue, s'effondrait en valeur relative
et se concentrait dans les principaux centres. Le tableau ci-joint
fournit quelques éléments de mesure. |
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Je me suis servi des chiffres trouvés
dans le guide Fontana de 1903 pour 1901 et dans le recensement du
31 octobre 1954. Ils sont fournis, non par village, mais par communes
suivant les structures et les limites prévues par le décret
du 17 mars 1958.
J'ai rangé les communes par ordre décroissant des pourcentages
des populations européennes en 1954. Les divergences avec le
classement de 1901 sont mineures, mais la chute des pourcentages est
majeure : c'est cette évolution que je veux souligner.
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1901
Pop. Europ.
|
Soit
en %
|
1954
Pop. Europ.
|
Soit
en %
|
Beni-Mered
|
537
|
90,82
|
564
|
55,13
|
Blida
|
10 043
|
34,79
|
15 107
|
31,93
|
Maison-Carrée
|
4 712
|
62,07
|
14 313
|
31,54
|
Boufarik
|
5 488
|
58,7
|
5 577
|
25,16
|
Marengo
|
2 353
|
43,92
|
2 361
|
21,85
|
Rouïba
|
1 797
|
52,16
|
2 387
|
19,68
|
Maison-Blanche
|
481
|
42,35
|
1 265
|
19,52
|
Réghaïa
|
405
|
29,06
|
743
|
14,44
|
Sidi-Moussa
|
763
|
26,90
|
1 562
|
13,12
|
Bourkika
|
668
|
45,62
|
397
|
12,39
|
L’Arba
|
2 256
|
25,37
|
1 375
|
11,82
|
Ameur-el-Aïn
|
651
|
31,78
|
605
|
10,94
|
Birtouta
|
685
|
28,66
|
613
|
10,45
|
Chébli
|
1 023
|
32,29
|
628
|
10,39
|
Alma
|
1 829
|
45,40
|
960
|
9,25
|
El-Affroun
|
1 121
|
33,67
|
1 112
|
8,91
|
Oued-el-Alleug
|
1 111
|
28,60
|
767
|
8,69
|
Fondouk
|
861
|
17,28
|
1 091
|
8,59
|
Mouzaïaville
|
1 351
|
29,14
|
1 354
|
7,95
|
Oued-Smar
|
?
|
?
|
474
|
7,31
|
Rivet
|
599
|
14,22
|
949
|
7,07
|
Attatba
|
308
|
14,08
|
356
|
6,97
|
La Chiffa
|
654
|
21,76
|
369
|
6,81
|
Montebello
|
?
|
?
|
160
|
6,16
|
Meurad
|
832
|
19,31
|
302
|
3,74
|
St-PierreSt-Paul
|
402
|
6,92
|
145
|
3,63
|
Rovigo
|
604
|
7,20
|
596
|
2,95
|
Bouinan
|
399
|
11,38
|
200
|
2,45
|
Souma
|
531
|
28,8
|
222
|
1,84
|
Signification des couleurs |
Rouge : plus de 20%.
Noire : entre 10 et 20%
Bleue : moins de 10% |
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L'évolution des pourcentages
entre 1901 et 1954 illustre parfaitement la submersion en cours
des Européens par les musulmans. La population européenne
avait baissé de 9% alors que les effectifs des musulmans
avaient crû de 234% !
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Brefs commentaires.
S'il y a lieu, des commentaires plus élaborés accompagneront
les monographies communales. En règle
générale les % et les valeurs absolues
des populations européennes baissent entre ces deux dates
; à l'exception de Beni-Méred où les Européens
restent majoritaires et sont même plus nombreux en 1954. Est-ce
dû au fait que c'est une toute petite commune pourvue d'une
seule mechta indigène ? Possible.
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Les Européens sont
attirés par les villes ; soit qu'ils désertent les villages
proches, soit qu'ils exercent d'autres métiers que ceux de
l'agriculture. Cet exode rural est encore lent mais banal. Ainsi 7
centres voient leur population européenne augmenter, avec des
multiplications par 3 à Maison-Carrée devenue banlieue
d'Alger |
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2,6 à Maison-Blanche
grâce à son aéroport
2 à Sidi-Moussa
1,8 à Réghaïa
1,6 à Rivet avec les usines Lafarge et le sanatorium du dj.
Zérouéla
1,5 à Blida, la "capitale" de la Mitidja aux multiples
rôles
1,4 à Rouïba qui se dote d'industries. |
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Six communes ont une population
européenne qui se maintient en valeur absolue et 17 voient
cette population diminuer beaucoup. Les % les plus bas sont ceux des
communes du pied de l'Atlas dont le territoire est en grande partie
montagneux. Bouinan et Souma battent les records en valeurs absolue
et relative. L'exception de Rivet est expliquée ci-dessus.
Remarques. La commune de Blida
incorpore trois villages de la plaine : Dalmatie, Joinville et Montpensier.
Avant 1958 Chréa
en faisait également partie.
En 1903, pour Oued Smar, le guide Fontana indique " fermes et
gare ". |
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· Les
origines des Non-Musulmans |
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On peut s'en faire une idée
pas trop fausse grâce, une fois encore, au guide Fontana pour
1901. |
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Français
Espagnols
Italiens
Juifs
Divers
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26 000 environ
11 000 environ
800 environ
1 200 environ
3 500 environ |
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Je n'ai pas les chiffres
équivalents pour 1954 car le recensement ne distingue que Non
Européens (Juifs compris)et Musulmans. |
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Les
Français sont surtout des méditerranéens
et des Parisiens. Les Parisiens ont été des " volontaires
obligés " poussés par le chômage et la misère
du printemps 1848, vers les " colonies agricoles " de la
région de Marengo. Les viticulteurs qui ont traversé
la Méditerranée ont fui en fait le désastre dû
aux ravages du phylloxéra. Ils sont partis notamment des Pyrénées
Orientales, de l'Aude, de l'Hérault et des Bouches du Rhône. |
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Les autres régions
citées pour certains villages sont la Franche-Comté
dès le début, ou l'Alsace après 1870. |
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Les
Espagnols ont commencé à venir en Algérie
bien avant 1830, victimes de la politique des rois catholiques ; mais
ils partaient pour l'Oranie. Pour qu'ils s'installent dans la Mitidja
ils attendirent qu'elle soit française. Le premier flux est
celui des Mahonnais et des Majorquins qui ont, dans la vaste commune
de La Rassauta, à l'est de Maison-Carrée, parfaitement
réussi dans le maraîchage. Ensuite sont arrivés
de Valence et d'Andalousie des agriculteurs qui maîtrisaient
les techniques de la culture des huertas. Ils ont sûrement joué
un rôle dans la diffusion de l'irrigation et de l'agrumiculture. |
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Les
Juifs, si l'on en croit Fontana, étaient en 1901
1077 à Blida (contre 460
en 1861) et 97 à Boufarik.
Cette précision est intéressante mais étonnante
car en 1901 les juifs étaient, depuis 40 ans, des citoyens
français comme les autres. En effet le décret du 24
octobre 1870, dit décret Crémieux,
dans son article 2, leur avait accordé tous les droits liés
à la citoyenneté française sans qu'ils dussent
renoncer à la loi mosaïque, comme dans le cadre du senatus-consulte
du 14 juillet 1865 (398 israélites seulement avaient
accepté). Je complète ce rapide exposé législatif
par la réforme municipale du 27 décembre
1866 selon laquelle les conseillers municipaux seraient
élus par 4 collèges électoraux : français,
musulman, israélite et étranger ! Les étrangers
votaient donc, à Blida comme à Alger, pour désigner
leurs conseillers, dès 1867. A noter aussi que si les Algériens
musulmans (sauf 194) et israélites (sauf 398) étaient
tous français, ils n'étaient pas français "
à part entière " comme on dira plus tard. |
|
D'où venaient les
juifs de la Mitidja ? Je l'ignore ; mais on peut imaginer que certains
avaient été expulsés d'Espagne en même
temps que les musulmans, ou qu'ils étaient " descendus
" de Médéa ou " montés " d'Alger
où existaient , sous les Turcs, une minorité israélite
forte et influente malgré son statut de dhimmitude. Après
1901 l'usage s'est perdu de distinguer entre chrétiens et israélites,
tous confondus dans la colonne " non-musulmans ". |
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Il n'y a pas eu de colon
juif stricto sensu, agriculteur et rural, mais des commerçants,
des artisans et des fonctionnaires. |
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Parmi les divers on doit
citer quelques Suisses envoyés,
à l'initiative de leurs responsables municipaux ou régionaux.
Ce sont des Valaisans francophones. On les trouve plutôt à
l'ouest, vers Marengo et Berbessa, l'un des 4 hameaux suisses de la
commune de Koléa. Il se dit aussi que certains cantons du Valais
se seraient débarrassés de leurs goitreux et de leurs
déficients mentaux légers en organisant leur départ
gratuit vers l'Algérie. Serait-ce possible ? |
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Je n'ai rien trouvé
sur les Italiens de la Mitidja.
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|
· Les
origines des Musulmans |
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Après le départ
des Turcs l'énorme majorité des indigènes restés
sur place appartient au fonds berbère arabisé. Ces Berbères,
peu nombreux dans une Mitidja largement marécageuse au centre
et au nord, mais proche d'Alger, ont été arabisés
plus facilement que les montagnards. La ville de Blida a été
fondée en 1535 par des Maures d'Espagne attirés là
dès 1533 par Kheir-ed-Din qui régnait à Alger.
Ces Maures venus des régions de Valence et d'Andalousie ont
apporté avec eux les techniques d'irrigation en usage dans
les huertas ainsi que la culture des orangers. Mais ils ne les ont
diffusées qu'aux alentours de Blida. Le décret des rois
catholiques de 1502 rendant obligatoire la conversion des non-musulmans,
a dû donner un coup de fouet à ces départs. Quant
à ceux qui avaient fait semblant de se convertir pour rester
en Espagne, ils furent expulsés par Philippe III. En 3 ans,
de 1609 à 1612, 300 000 Morisques
furent chassés par le décret du 22
septembre 1609. Tous ne sont pas allés en Algérie
et dans la Mitidja ; mais quelques uns oui sans doute. |
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De l'époque turque
il restait de nombreux métis de père turc et de mère
arabe ou berbère : les Koulouglis
dont les descendants fusionnèrent avec les indigènes.
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En 1830 se trouvaient à
Blida quelques épiciers mozabites
venus de Ghardaïa. Ces Mozabites y menaient une vie de célibataires
et regagnaient leur oasis du Mzab dès que possible ; aussitôt
remplacés dans leur boutique par quelque membre du clan familial.
Il arrivait à ces commerçants soutenus par leur groupe,
de jouer le rôle de banquier, très délicat en
terre d'Islam qui interdit le prêt à intérêt.
Il est vrai qu'ils étaient quasi hérétiques,
étant ibâdites (ou kharédjites) ; et non sunnites
comme la majorité. La colonisation française leur a
permis de créer des boutiques, où l'on trouvait de tout,
dans tout le département d'Alger. |
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Les textes de l'époque
signalent également des Kabyles et
des Nègres. Le mot kabyle
est très ambigu car il peut désigner des montagnards
voisins non arabisés ; le mot nègre pourrait, lui, concerner
des esclaves domestiques amenés par des caravanes depuis le
Soudan, ou leurs descendants. La colonisation a mis fin à ce
statut sans hésiter ; et la traite des noirs à travers
le Sahara a été interdite en 1848.
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· Les
populations des villes intra-muros quand bien même
on avait rasé les murailles vers 1920, à Blida et ailleurs,
sont données par le recensement de 1948.Le quarté gagnant
des " populations agglomérées au chef-lieu "
est
Maison-Carrée 30 911
Blida 30
170
Boufarik 11
447
Marengo 6
991 |
|
Il n'y a donc pas de ville
véritablement grande. Si Blida et Boufarik avaient un centre-ville
d'aspect urbain dès 1948, je suis plus réservé
pour le centre de Marengo.
Quant à Maison-Carrée c'est déjà une banlieue
d'Alger, et bientôt un arrondissement (le dixième) du
Grand-Alger. Nous les reverrons dans la troisième partie consacrée
aux monographies communales. |
4° La plus riche des plaines agricoles
sublittorales
Sans doute la plus riche de toute l'Algérie, avantagée par
la proximité de la ville et du port d'Alger, ainsi que par l'abondance
de l'eau, tant pour la pluie que pour les nappes phréatiques très
peu profondes. Avec en prime deux barrages réservoirs aux deux extrémités
de la plaine : de Meurad à l'ouest et du Hamiz à l'est. L'agriculture
y est également favorisée par la richesse des sols et des
hivers pas trop froids : les minima ne descendant pas au-dessous de moins
4°.
Au début de l'implantation française autour du camp d'Erlon
les pionniers coupaient les fourrages naturels
pour les vendre aux militaires. Peu d'investissement, peu de cultures hors
des jardins potagers ; mais un seul client.
Lorsque, après 1843, l'assainissement eut fait quelques progrès
les colons semèrent des céréales pour le marché
local, du blé et de l'orge surtout ; et plantèrent du tabac.
Ces cultures n'ont ensuite jamais disparu.
Il n'en fut pas de même de l'éphémère succès
du coton entre 1853 et 1866. En 1853 on croyait encore à la possibilité
de cultures exotiques en Algérie et l'État s'engagea à
acheter toute la production allant jusqu'à verser des primes pour
encourager les colons. De 1860 à 1865, la guerre de Sécession
aux États-Unis, perturba l'approvisionnement de notre industrie et
donna un coup de fouet aux plantations algériennes. Mais ce fut sans
lendemain, car la paix revenue, les inconvénients du coton algérien
devinrent insupportables, surtout celui de la Mitidja trop humide pour un
coton de qualité. On supprima les primes en 1875.
La richesse ne vint que vers la fin du XIXè siècle grâce
à deux cultures méditerranéennes classiques : la vigne
et les agrumes.
· La
vigne
Les indigènes cultivaient quelques pieds de vigne et quelques treilles,
mais seulement pour les raisins de table ; pas pour le vin dont la consommation
est prohibée en terre d'Islam. L'essor de la vigne à vin,
malgré la clientèle des Européens après la conquête,
se heurta à de sérieux obstacles. A supposer que les colons
de 1860 aient pu financer la construction et l'équipement de caves,
leur vin aurait été meilleur que du vinaigre mais guère
vendable, et se serait très mal conservé. De toute façon
le marché était limité, les musulmans n'en buvant pas
et le marché métropolitain étant protégé
par un tarif douanier.
L'essor fut tardif et lié aux travaux de Pasteur sur les fermentations.
Le problème insoluble jusqu'alors était celui de la vinification
lorsque les moûts dépassaient 37° lors de la première
fermentation. Pasteur a trouvé comment réfrigérer ces
moûts. Restait à choisir les bons encépagements : Carignan
et Cinsault surtout, pour des vins de consommation courante, les seuls possibles
en Mitidja.
Le premier coup de pouce du destin survint en 1864 lorsqu'un puceron américain,
qui détestait les plants américains, se mit à grignoter
avec appétit les racines des plants français. Ce phylloxéra
fit le bonheur des colons en leur ouvrant largement le marché métropolitain
des vins courants. Le second survint en 1892
quand l'État admit définitivement en franchise les vins algériens.
Hélas, le phylloxéra appréciait les voyages : il traversa
la Méditerranée. Quand les vignobles métropolitain
et algérien furent reconstitués, après 1920, il y eut
une surproduction structurelle dont on ne sortit que beaucoup plus tard
et au prix de coûteux programmes d'arrachages
En
cliquant sur la carte ci-dessous,
vous
obtiendrez une image agrandie à promener sur votre écran,
où bon vous semble,
en la tirant par la barre de navigation.
Vignobles
|
Le bleu
indique l'extension des vignobles de qualité courante. Il y
en a partout dans la Mitidja, sauf autour de Boufarik en zone des
agrumes.
Le rouge indique l'extension des
VDQS de montagne. |
. .
La vigne est une culture " peuplante " tant elle exige de travaux
et de main oeuvre. En hiver il faut la tailler ; opération délicate
qui exige un vrai savoir-faire. Au printemps il faut surveiller les raisins
pour lutter à temps contre l'oïdium et le mildiou. L'oïdium
se signale par uns feutrage blanc et la boursouflure des feuilles. Il faut
traiter avant que l'atteinte ne dépasse 15%. On saupoudre ou on pulvérise
du soufre en solution. Le champignon du mildiou est américain : il
a débarqué en 1876. C'est à Bordeaux que l'on a trouvé
la parade dès lors appelée " bouillie bordelaise ".
Il s'agit d'une solution bleuâtre de sulfate de cuivre additionnée
de chaux. Le produit était disséminé grâce à
une " sulfateuse " accrochée sur les épaules et
portée sur le dos. Au début de l'été il faut
s'assurer que des feuilles mal placées ne gêneront pas la maturation
des grappes de raisin ; et les arracher si nécessaire. Les piochages
pour désherber et aérer la terre se faisaient au " crochet
" (une grosse pioche). Ce travail fatigant ainsi que les vendanges
étaient assurés par des ouvriers saisonniers embauchés
pour la circonstance : des Kabyles, des " gueblis " (gens du sud
venus souvent de Tablat), voire des Marocains dont la réputation
de travailleur était réelle. Pour les vendanges les coupeurs
étaient moins bien payés que les porteurs. Après 1945
les salaires furent fixés par l'administration, sauf quand on payait
à la tâche. En 1951 le salaire minimum garanti était
de 300 anciens francs par jour ; et en janvier 1960 de 6,91 nouveaux francs.
Beaucoup d'ouvriers préféraient être payés à
la tâche.
Bien sûr ces techniques concernaient les petites exploitations, de
loin les plus nombreuses : il y en avait peu qui dépassaient les
30ha. En 1960 les plus grandes, tel le domaine Averseng à El-Affroun,
avaient mécanisé certains travaux, mais pas les vendanges.
· Les
agrumes sont une autre culture " peuplante " avec un
décalage saisonnier des récoltes, fin de l'été
pour les vendanges et hiver pour les agrumes ; ce qui permettait aux ouvriers
d'être embauchés sur les deux chantiers de ramassage. La récolte
n'est bien sûr pas le seul travail. Il faut tailler les arbres, surveiller
maladies et parasites pour traiter à temps, réguler l'irrigation
et le drainage. Les orangers ont besoin de beaucoup d'eau (plus de 4 000m
3 par hectare et par an), mais en hiver les racines souffrent si le sol
est trop humide et les fruits se conservent mal ensuite. L'eau était
fournie par pompage bon marché dans une nappe phréatique très
peu profonde : en comparaison l'eau du barrage du Hamiz était jugée
trop chère et peu utilisée. De toute façon les plantations
principales, autour de Boufarik, se trouvaient très éloignées
du périmètre équipé pour l'irrigation.
La Mitidja fut le berceau de l'agrumiculture algérienne grâce
à la richesse de ses sols, bien que parfois trop argileux, grâce
à l'abondance de l'eau, grâce à la douceur des hivers
(le facteur limitant étant une température inférieurs
à moins 4°), et grâce à la proximité du marché
et du port d'Alger, la récolte étant destinée plus
à l'exportation qu'au marché local.
La création d'une orangeraie exigeait de gros capitaux car la récolte
ne devient rentable qu'au bout de 6 ans. Entre temps il avait fallu prendre
soin des arbres, enrichir encore le sol par une fumure appropriée
et protéger les jeunes plants contre le vent par des haies vives
de cyprès, casuarinas et tamaris. L'eucalyptus aussi était
apprécié en tant que pompe aspirant l'excès d'humidité
du sol.
Lorsque Blida fut occupée définitivement en 1839, la ville
était entourée de jardins avec des orangers. Pourtant l'essor
de ce verger fut lent. Il est probable que la création de l'OFALAC
(Office algérien d'action économique et touristique) en octobre
1931 a aidé l'essor à venir en favorisant la standardisation
et la présentation des fruits.
Mais c'est la guerre civile espagnole qui, à partir de 1936, provoqua
le véritable démarrage de l'agrumiculture. L'Espagne ne vendit
presque plus rien jusqu'en 1945, et même ensuite le régime
de Franco étant mis à l'index, le commerce franco-espagnol
demeura très faible. De plus l'État français protégea
le marché métropolitain, le seul accessible en fait aux agrumes
d'Algérie, malgré les actions de promotion de l'OFALAC à
l'étranger.
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Les triangles situent
les usines de production de jus de fruit ;
13 000 et 1500 tonnes de fruits traités.
La tache au nord est celle de Birtouta.
Les hachures représentent la voie ferrée d'Oran ; le
gris, l'Atlas ; les tirets, la limite de la plaine.
NB Extrait de la carte
trouvée dans la revue de géographie de Lyon vol. 44
de 1969.
|
L'extension de cette culture fut trois fois moins grande que celle de la
vigne, se limitant pour l'essentiel à la Mitidja centrale d'Oued-el-Alleug
à Chébli ; avec Boufarik en son centre, et deux pointes vers
La Chiffa et Rovigo (Bougara sur la carte). A Boufarik avait été
installée l'une des 7 stations régionales du
Service de l'Expérimentation Agricole. Cette station disposait
d'un terrain de 16ha consacrés surtout à l'agrumiculture et
accessoirement aux pruniers et aux pacaniers.
Ce n'était pas une monoculture, les fermes associant agrumes, vigne
et parfois blé et luzerne. Malgré la possibilité de
produire des fourrages, la Mitidja cessa d'être une région
d'élevage : plus de moutons comme jadis et pas beaucoup de vaches
à l'étable.
Il n'y avait pas de plantations de citronniers et de pomelos dans la Mitidja
; seulement des orangers, des mandariniers et des clémentiniers.
Les oranges sont des fruits traditionnels dans l'Algérie turque.
La mandarine a été introduite vers 1850. La clémentine
est un hybride de bigaradier et de mandarinier créé à
Oran, vers 1915, par le Père Clément. Comme elle est mûre
avant les autres agrumes, elle se vend à des prix élevés.
Les mandarines et les clémentines étaient presque toutes exportées
: pas les oranges dont les ¾ étaient consommées en
Algérie, ou transformées en jus de fruit à Boufarik
par la société Orangina.
La boisson orangina est à base de jus d'orange et d'eau gazeuse.
Elle est créée à Boufarik en 1936 et connaît
aussitôt un vrai succès. En 1951 est lancée, à
Boufarik, la fabrication de concentrés ; mais la mise en bouteille
est assurée par des ateliers situés à Alger et à
Blida. En 1962, à cause de l'indépendance, le siège
social a quitté Boufarik pour Marseille, mais la petite bouteille
d'orangina a survécu à l'exode.
· Le
tabac est la première culture industrielle et celle qui
intéressait autant les fellahs que les colons.. Elle ne fut pas introduite
par les Français ; peut-être par les Turcs qui cultivaient
deux sortes de tabac : le grand " à fumer " et le petit
" à priser ". En Mitidja nous ne cultivâmes que du
tabac à fumer.
Ce fut une culture paradoxale, dite libre mais en fait très contrôlée.
En effet le cultivateur n'avait pas à solliciter d'autorisation pour
en planter ; mais il devait impérativement informer l'administration
et recevoir ensuite tous ses agents contrôleurs du nombre et de la
qualité des plants. Le colon et le fellah n'avaient pas trop de souci
à se faire pour l'écoulement de la récolte car la Régie
des tabacs achetait tout à un bon prix. Un hectare de tabac rapportait
autant que 5 hectares de blé, vers 1935.
Le tabac de Mitidja était cultivé près de l'Alma, de
Saint-Pierre-Saint-Paul et d'El-Affroun ; à ses deux extrémités
donc. Une partie partait à Marseille, l'autre était travaillée
par les manufactures de cigarettes de Blida et d'Alger, par la firme Bastos.
La firme Bastos avait son siège social, 20 rue Mison à Alger,
mais l'usine principale était à Oran. On y fabriquait aussi
des cigares.
C'est en 1925 que les étendues consacrées à cette culture
furent les plus larges.
· Le
géranium rosat est une plante à parfum introduite
dans la Mitidja occidentale par des colons venus de Grasse et qui s'y connaissaient
en matière de parfums. Les feuilles de cette plante contiennent une
huile essentielle, le géraniol, dont l'odeur rappelle celle de la
rose. On coupe ces feuilles deux fois par an, en mars et en juillet. Un
hectare de géranium peut fournir entre 20 et 25 litres d'huile qui
sont utilisés pour la fabrication de parfums à bon marché.
Cette culture a connu son apogée, dans la Mitidja, au XIXè
siècle, autour d'El-Affroun et de Boufarik, avec 3 000 ha. Ensuite,
à cause de la concurrence de l'industrie chimique, les superficies
consacrées au géranium rosat diminuèrent des 2/3 sans
jamais disparaître, du moins avant 1940. Cette culture n'exige que
de modestes investissements car les feuilles peuvent être récoltées
dès la première année.
En 1930 la production d'huile essentielle était entièrement
exportée, moitié en France, moitié aux États-Unis.
Les autres plantes à parfum ne se sont jamais développées
vraiment : en 1930 à peine 200 ha pour les bigaradiers, la citronnelle
et la verveine.
D'autres cultures sont mentionnées dans les cahiers du centenaire,
qui n'ont d'importance que très localement et dont les productions
sont marginales. On y trouve des arbres très traditionnels, oliviers
et figuiers au contact de
la plaine et de l'Atlas, notamment à proximité de la Kabylie.
Et des vergers de pruniers près
de Boufarik.
Les pommes de terre nouvelles ont le
mérite d'alimenter un faible flux d'exportation ; mais la Mitidja
vient, pour cette production dont il faut acheter les pommes mises en terre
en Bretagne, loin derrière les plaines littorales et le Sahel. On
en trouvait notamment entre Rivet et Sidi-Moussa.
Deux cultures ne pouvaient être citées par les cahiers de centenaire
de 1930 car elles ne se sont développées que dans les années
1950 : le riz et les strelitzia.
· Pour
les rizières la rupture des liaisons avec l'Indochine
a sans doute été l'occasion de lancer une expérimentation
en 1950-1951 au nord d'Oued-el-Alleug, dans une région anciennement
marécageuse. Cette expérience fut si bien réussie que
l'Etat français a pris des mesures d'encouragement efficaces : facilités
de financement pour l'aménagement des casiers assurant la maîtrise
du niveau d'eau, garantie d'écoulement et de prix pour les récoltes.
Dès 1952 260ha étaient occupés par des rizières
près de la trouée du Mazafran, là où les altitudes
sont les plus basses. Contre les moustiques on alevinait les rizières
en gambouses.
· Les
fleurs de streliziaLes fleurs de strelitzia ont connu un essor
tardif mais suffisant pour que les services de l'administration postale
fassent figurer, en 1958, cette fleur sur un timbre avec surtaxe pour les
secours aux enfants. Culture limitée à la zone d'El-Affroun
à Marengo.
|
Quelques hommages
philatéliques rendus aux cultures de la Mitidja. De gauche
à droite :
vigne et orangers en 1954 ; strelitzia reginae en 1958 et après
1962.
Et au milieu timbre de 1954 pour le IIIècongrès international
d'Agrumiculture d'Alger
|
|
Et pour clore ce chapitre quelques statistiques sur l'utilisation du sol
de la Mitidja, vers 1962.
Vignes |
41 000ha tendance
en baisse : record plus
de 50 000 en 1946 |
Agrumes |
15 000ha tendance en hausse : 12 000 en 1946
|
Autres
vergers |
2 000ha pruniers surtout |
Céréales |
19 000ha une nouveauté : les rizières du Mazafran |
Divers |
2 000ha pommes de terre et légumes |
Jachère |
5 000ha |
Soit un total agricole de 84 000 hectares.
|
|
Restait donc environ 45 000 hectares pour
les villes
et villages
les routes,
chemins et voies ferrées
les usines
les forêts
et marais résiduels.
A en juger par les sites algériens actuels, il semble que ce qui
" pousse " le mieux maintenant dans la Mitidja, ce sont les parkings
et les HLM. Comme les HLM consomment plus d'eau que les orangeraies, la
nappe phréatique est de plus en plus profonde. Il est certain que
le Sahara ne manquera jamais de sable, mais il est probable que la Mitidja,
anciennement marécageuse, manquera d'eau bientôt, si ce n'est
déjà fait.
Le crin végétal n'est
pas une ressource agricole ; ce fut pourtant une ressource pour les agriculteurs,
et pas seulement au début. Le crin végétal est extrait
du palmier-nain (chamaerops humilis var. cerifera) qui poussait en abondance
dans le Sahel et dans les environs du futur El-Affroun. Les colons durent
les arracher, difficilement, pour défricher leurs terres et les mettre
en culture. Un colon d'El-Affroun, Averseng, s'aperçut que la fibre
extraite mécaniquement de la plante pouvait remplacer le crin animal.
Ce crin, bien meilleur marché, a en outre l'avantage d'être
imputrescible et à l'abri des attaques d'insectes. Ses usages sont
multiples : cordes, coussins pour les pressoirs à raisin, paniers,
chouaris (paniers doubles pour les ânes) et corbeilles. Les déchets
d'usine (la première fut créée à Toulouse en
1848) peuvent servir à rembourrer coussins, fauteuils et matelas.
Les défrichements des lots de culture une fois terminés, les
colons allèrent couper du palmier sur les basses pentes de la montagne.
Les héritiers du découvreur ont construit à El-Affroun
une usine qui employa jusqu'à 400 ouvriers. Cette activité
se poursuivit jusqu'à ce que la concurrence marocaine et l'insécurité
fassent fermer l'usine en 1956.
5° Une plaine en voie d'industrialisation
à l'est
En 1962 la Mitidja n'était pas beaucoup plus industrialisée
que le reste de l'Algérie du nord, mais elle avait vocation à
le devenir bientôt le long de l'axe Maison-Carrée-Blida et
à l'est de cet axe. Les raisons de le croire sont multiples :
· Existence
de productions agricoles à transformer, céréales
et agrumes
|
· Existence
de carrières et de gravières pour matériaux
de construction
|
· Proximité
d'Alger, de sa clientèle et de son port |
· Disponibilité
d'un espace pas trop cher, au sud de Maison-Carrée surtout
|
· Incitations,
tardives il est vrai, du plan de Constantine |
Plutôt que de tenter un inventaire à la Prévert de toutes
les productions recensées, je me propose d'ajouter quelques brefs
commentaires au croquis ci-joint des villes et villages hébergeant
des industries. On ne peut parler de région industrielle, seulement
d'îlots plus ou moins étendus, le plus dynamique étant
celui de Maison-Carrée. Sur le croquis j'ai aussi situé la
modeste exception occidentale qui confirme la règle orientale : El-Affroun
pour ses ateliers de travail du crin végétal fermés
en 1956.
En
cliquant sur la carte ci-dessous,
vous
obtiendrez une image agrandie à promener sur votre écran,
où bon vous semble,
en la tirant par la barre de navigation.
Une plaine en voie d'industrialisation
|
Légende.
En orange les zones d'agrumiculture intensive
En mauve la zone du crin végétal
En hachures horizontales bleues la zone irrigable par le barrage du
Hamiz
Le zigzag situe l'émetteur de Radio-Alger à mi-chemin
de Maison-Carrée et de l'Arba
Les cercles marrons situent les villes avec industries ; et les flèches
vertes indiquent les axes d'expansion industrielle de Maison-Carrée
|
· |
Maison-Carrée.
Les quartiers du centre-ville sont dans la basse vallée de
l'Harrach ainsi que les plus vieux établissements industriels
; briqueteries tuileries, tanneries Altairac et minoterie Duroux.
Mais l'essentiel et le plus moderne est bien dans la Mitidja, dépassant
souvent les limites communales. Il y avait là des terrains
moins chers, parfois marécageux (ce qui explique qu'ils n'aient
pas été cultivés) et desservis par une voie
ferrée. L'expansion a suivi trois directions.
La plus ancienne est celle qui " remonte " la vallée
de l'Harrach
jusqu'aux gares du Gué de Constantine
(commune de Kouba) et de Baba-Ali (commune
de Saoula). Au Gué de Constantine le mal nommé car
il est sur la voie de Blida et d'Oran on travaillait le soufre pour
traiter les vignes. A Baba-Ali la société Cellunaf
fabriquait papiers et cartonnages avec l'alfa des hautes plaines.
Et la Société ballastière extrayait du gravier
du lit majeur de l'Harrach, large de 80m à cet endroit. Ces
graviers tout venant étaient concassés pour fournir,
à la demande, des graviers de tout calibre.
Vers la gare d'Oued Smar
sur la ligne de Constantine, la zone industrielle, récupérée
sur un petit marais, est plus récente. L'établissement
le plus connu est celui des BGA, Brasseries et Glacières
d'Algérie, édifié en 1954 avec des capitaux,
m'a-t-on dit sur place, rapatriés d'Indochine par les Brasseries
et Glacières d'Indochine de Saigon. Pour une usine produisant
de la bière, ouvrir en 1954 fut l'idéal car avec l'envoi
du contingent en Algérie, la période 1954-1962 ne
manqua pas de clients buveurs de bière. Il est habituel de
signaler aussi à Oued-Smar l'usine de câbles LTT et
l'usine de peinture Astral-Celluco.
Vers Baraki le bilan est plus modeste malgré
des débuts précoces avec l'installation d'une base
de dirigeables en 1917 et d'un centre d'entraînement des troupes
aéroportées en 1937. En 1947 Baraki, avec la cité
Recazin, devient banlieue d'Alger
|
· |
Blida.
Bien que Blida soit la " capitale " de la Mitidja, son bilan
industriel est beaucoup plus modeste que celui de Maison- Carrée
et davantage dépendant des productions agricoles régionales.
Grâce aux moulins établis sur l'oued el-Kebir, Blida
est devenu assez tôt un centre d'industries alimentaires de
base. Cela commence par de grosses minoteries, se poursuit avec la
fabrication de pâtes par Ricci et de couscous par Ferrero.
Les moulins Ricci ont sans doute été
créés dès 1853 et la société Ferrero
en 1907. Au dos des camions de livraison de Ricci on pouvait lire
" klaxonnez : Ricci, bonne pâte vous laissera passer ".
C'était épatant. Pâtes et couscous étaient
les productions principales, mais pas les seules. Il y avait des scieries,
une petite manufacture de tabac et la fabrication d'emballages.
|
|
· |
Boufarik
est la ville des jus d'orange et de la production de confitures.
Donc un industrie annexe des orangeraies.
|
· |
Rivet
n'a d'industries que grâce aux carrières du djebel Zérouéla
qui domine le village. Les carrières ont été
ouvertes dès la fin du XIXè siècle pour des matériaux
de construction. Et dès le début du XXè on a
commencé à produire chaux et ciments. Lafarge rachète
les établissements vers 1920 et développe la production
qui atteint dès 1922 les 51 000 tonnes. |
· |
Rouiba
, ou pour être plus précis la zone industrielle de
Rouiba-Réghaïa est située entre la grande route
et la voie ferrée de Constantine. Le fleuron industriel est
fourni tardivement en 1957/1959 par la construction des deux bâtiments
des ateliers Berliet.Dans l'un des bâtiments on montait des
camions Berliet à partir de pièces importées
de Lyon ; dans l'autre on assurait l'entretien et la réparation
des gros camions, Berliet ou pas Berliet, des flottes qui desservaient,
par la route de Médéa, Djelfa, Laghouat et Ghardaïa,
les plates-formes des recherches pétrolière d'Hassi-Messaoud,
et gazière d'Hassi'R'Mel.
Il n'est pas impossible qu'on y ait monté
aussi des autobus ; pour le moins on l'a envisagé. On y brassait
aussi la bière " La Gauloise "
|
6° Une plaine plutôt
bien équipée
A/ pour l'enseignement.
Même si l'enseignement, pour les colons qui s'installaient dans les
nouveaux villages, venait après la fontaine, l'abreuvoir et le lavoir,
il ne s'écoulait pas plus de 2 ou 3 ans avant l'ouverture, sinon
d'une école, du moins d'une salle ce classe dans un local quelconque
pourvu de quelques tables à hauteur d'enfants, et d'une institutrice
sans formation, mais sachant lire et écrire. Donc lorsque le dernier
village de la Mitidja fut inauguré les enfants européens de
la Mitidja pouvaient aller à l'école si les parents le souhaitaient.
Il n'était pas question alors d'écoles pour les indigènes,
qui d'ailleurs n'étaient pas du tout demandeurs, tant ils redoutaient
un endoctrinement contraire aux principes coraniques. La fréquentation
de l'école n'était pas obligatoire.
L'enseignement primaire ne reçut sa consécration officielle
qu'avec la création des écoles normales d'instituteurs et
d'institutrices en 1866 et 1876.
· |
1866
est la date de la création à Alger-Mustapha de l'école
normale d'instituteurs. On y entrait par concours, avec deux concours
séparés jusqu'en 1927 pour les candidats français
et les candidats indigènes. Les études duraient alors
3 ans. En 1888 l'école
fut transférée à Bouzaréa.
Elle eut du mal à recruter en Algérie au début
; en 1868 sur 36 reçus, 26 viennent de métropole et
10 d'Algérie, dont 3 Arabes.
1891 est une date capitale
pour l'organisation d'un enseignement primaire double avec la création
d'une quatrième année, dite spéciale, pour donner
à ceux qui suivraient son enseignement des compétences
bien utiles dans les écoles du bled : agricoles (comment tailler
un arbre fruitier), médicale (lutte contre les poux et le trachome),
manuelle (comment utiliser les outils du bricolage) et linguistique
(quelques rudiments d'arabe et de kabyle).
Ainsi furent créés deux cadres d'instituteurs : les
cadres A et B qui ne fusionnèrent que beaucoup plus tard, au
plus tard en en 1949.
Cadre A ou cadre
B ?
Les instituteurs du cadre A, formés en
3 ans, n'enseignaient normalement que dans les écoles
dites françaises.
Les instituteurs du cadre B, formés en 4 ans, n'enseignaient
normalement que dans les écoles dites indigènes.
Avant 1949 un instituteur du cadre A ne pouvait postuler pour
une école indigène, ni un cadre B pour une école
française. Après 1949, oui. Par contre il y a
toujours eu une minorité d'élèves indigènes
dans les écoles françaises et quelques rares élèves
européens dans les écoles indigènes du
bled. Donc pas du tout d'apartheid.
La logique était pédagogique car, dans
les écoles indigènes, une classe dite d'initiation,
précédait le cours préparatoire. Elle était
destinée à l'apprentissage de la langue française
pour les enfants de familles non francophones. |
|
· |
1876
est la date de la création de l'école normale d'institutrices
située alors à Miliana.
Cette école obéit aux mêmes principes que celle
de Bouzaréa : concours d'entrée, double section à
3 ans et à 4 ans d'études, pour institutrices des cadres
A ou B.
Comme pour les instituteurs, les premiers postes du cadre B ne pouvaient
se trouver dans la Mitidja trop confortable : ils étaient dans
des zones sans Européens, sans route, sans commerçant.
L'enseignant y accédait à dos de mulet et un indigène
était chargé de se préoccuper de son ravitaillement.
Je parle des années 1891-1949.
Les institutrices du cadre B n'étaient pas toutes normaliennes.
Pour échapper au concours et à l'école normale,
il suffisait d'avoir le brevet élémentaire et d'épouser
un collègue normalien et titulaire du brevet supérieur
(ou du bac plus tard). Et de le
suivre dans un poste du bled où, avant les années 1920,
il n'y avait que des écoles de garçons, tant les hommes
étaient hostiles à l'idée qu'une femme puisse
être plus savante que son époux. C'eût été
le monde à l'envers |
En 1962 il y avait donc une ou deux écoles primaires dans tous
les villages de la Mitidja. Et dans les plus peuplés,
Marengo, L'Arba,
Rouiba et Maison-Carrée,
il y avait un cours complémentaire
hébergé dans les bâtiments d'une école primaire
et où des instituteurs pouvaient préparer leurs élèves,
en 3 ou 4 ans, à un brevet élémentaire sans latin
et sans langue vivante.
Je mets à part les villes qui possédaient un ou deux lycées,
et même pour Maison-Carrée des établissements d'enseignement
supérieur. Tous ces collèges, lycées et instituts
étaient semblables à leurs équivalents métropolitains,
avec en plus des cours d'arabe classique et dialectal. En voici un dénombrement
que j'espère exhaustif.
A Rouïba
il y avait
Un collège mixte
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A Boufarik
il y avait
Un lycée mixte
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A Maison-Carrée
il y avait
Un lycée de garçons
Un lycée de filles
Le collège technique Lavigerie
Un cours commercial
Et un institut agricole en 1905
Et un institut industriel en 1946
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A Blida il
y avait
Le lycée de garçons Duveyrier
Le lycée de filles La Fontaine
Le collège de garçons Bonnier
Une école pour aveugles |
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Le lycée de garçons de Maison-Carrée
a hébergé à partir de 1950 une classe de formation
de géomètres-experts.
Il n'y avait qu'un seul enseignant à temps plein ; le professeur
de topographie. Les autres étaient des vacataires, titulaires dans
les établissements voisins.
L'école d'agriculture, ancêtre de l'institut, fut domiciliée
à Rouïba de 1880 à 1905.
Hors de la plaine, Lavigerie avait fondé, en 1868, le collège
des Pères Blancs.
B/ pour la
santé. La santé fut une priorité qui
s'imposa dès l'été 1830, tant il y avait de malades
et de décès dans les régiments qui tenaient les postes
de la Mitidja, à commencer par celui de la ferme-modèle
près du futur Maison-Carrée. L'histoire médicale
de la Mitidja énumère une liste d'épidémies
de dysenteries, typhus (en 1868 à Marengo) choléra ( par
exemple en 1835 à Blida, et en 1867 à Marengo) et surtout
une suite de " fièvres " innombrables, pas contagieuses
mais endémiques. Elles affaiblissaient toujours et tuaient parfois.
Elles avaient beaucoup de noms " malignes, putrides, insidieuses,
rémittentes, récurrentes, comateuses, tierces, quartes,
etc. etc. ", mais pas de remède. De 1835 à 1842 elles
firent, de Maison-Carré à Boufarik et de Boufarik à
Blida plus de morts que les Hadjoutes ; et à Fondouk plus de morts
que les Kabyles. Bien sûr il s'agissait de ce que nous nommons,
au choix, paludisme (de palus = marais)
ou malaria (de mala aria = mauvais
air).
Les médecins militaires, les seuls à exercer dans la Mitidja
à l'époque, ne savaient pas lutter contre ce fléau
dont ils ignoraient la cause. Ils incriminaient les " exhalaisons
putrides, les vapeurs pestilentielles ou les miasmes méphitiques
" des marais sans songer à mettre en cause les piqûres
de moustique. Par chance le médecin-chef de l'hôpital de
Bône, Maillot, trouva, en 1834,
la bonne posologie du sulfate de quinine, un fébrifuge découvert
en 1820 par le pharmacien Caventou.
Cette quinine, extraite de l'arbre quinquina, fut dès lors largement
produite et distribuée. A Boufarik, on pouvait l'acheter au café.
La Mitidja a joué le premier rôle dans l'étude de
la maladie et pour les essais de prévention, mais seulement après
1880, date de la découverte, à Constantine, par le docteur
Laveran, du responsable : un parasite hématozoaire du genre plasmodium,
le plus dangereux étant le plasmodium falciparum. En 1884
le même Laveran tient pour probable que le réservoir
et transmetteur du plasmodium est le moustique
anophèle. Laveran reçut le prix Nobel de médecine
en 1907.
En
cliquant sur la carte
ci-dessous, vous
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Station expérimentale
|
|
Le marais des Ouled-Mendil entre
dans l'histoire médicale en 1894 quand le tout nouvel Institut
Pasteur d'Alger décida de préserver le marais, puis d'y
implanter une station d'études pour trouver le moyen d'éliminer
les larves de moustique. L'idée fut de déverser du pétrole
qui, en formant une mince couche superficielle, empêchait les larves
de moustique de venir respirer en surface. Elles s'asphyxiaient. Il serait
bon aussi de poursuivre l'assainissement des zones marécageuses
par des drains et l'assèchement des sols très humides par
des plantations d'arbres : mûriers, saules, platanes et finalement
eucalyptus. Plus tard le DDT remplaça le pétrole et on alevina
les canaux de drainage et les rizières avec des gambouses : ce
petit poisson raffolant des larves de moustique.
Mais les paludéens n'étaient pas les seuls malades, militaires
et civils, à soigner. Dès le début de la conquête
le service de santé de l'armée créa de nombreuses
" ambulances ", nom que l'on donnait alors à ce qu'on
appellerait aujourd'hui des infirmeries de campagne. Ces ambulances, celle
du docteur Pouzin à Boufarik par exemple, furent éphémères.
Par contre l'hôpital militaire de Blida,
créé parle docteur Ducros dès 1839, dans une mosquée
reconvertie, déménagea dès que possible et survécut
à tous les changements politiques. En 1840 on y admit les civils.
En 1954 il avait le statut officiel d'hôpital régional ;
ce qui lui donnait autorité sur les médecins inspecteurs
créés en 1908 et sur les dispensaires ouverts à des
dates diverses dans de nombreux villages. Outre cet hôpital majeur
il y avait en Mitidja en 1954
|
un hôpital
psychiatrique à Joinville, créé en
1932 dans la commune de Blida, |
|
un hôpital-hospice
à Marengo, |
|
un sanatorium à Rivet,
|
plus précisément
sur le djebel Zérouéla qui domine Rivet. Il fut ouvert
en 1940 pour lutter contre la tuberculose, à 450m d'altitude
au-dessus de l'humidité de la plaine. |
|
Blida : l'hôpital
|
|
C/
pour le tourisme et la culture. le rôle de la Mitidja
fut plus modeste.
Comme l'écrit le rédacteur du guide Michelin " comparé
au pittoresque des régions montagneuses qui l'environnent, celui
de la Mitidja reste modéré ". Il conseille logiquement
de grimper sur quelques hauteurs d'où les vues sur la plaine sont
remarquables.
o
Ainsi peut-on accéder à partir de Montebello
au " tombeau de la Chrétienne ", (probable mausolée
d'un roi de Maurétanie)
o
A partir de Blida à Chréa
(station de repos l'été et de ski l'hiver à 1510m
d'altitude dans une forêt de cèdres), et aux gorges
de la Chiffa
o
A partir de Rovigo à Hammam-Melouane
(station thermale dans les gorges de l'Harrach)
o
A partir de Marengo à Hammam-Righa
(station thermale du massif du Zaccar déjà connue du temps
des Romains et dotée par la France de deux établissements
thermaux, un pour les civils et le second pour les militaires).
Pour les autres centres de la plaine les guides ne signalent généralement
que les monuments aux morts de la guerre 1914-1918, les kiosques avec
ou sans palmier au milieu, les églises et les hôtels-restaurants
(7 à Blida ,4 à Boufarik et Maison-Carrée, 2 à
Rovigo et à Marengo, au mieux un ailleurs). Les noms les plus habituels
sont hôtel de France, ou hôtel d'Orient.
Un hôtel d'Orient : le plus
grand sans doute de toute la Mitidja.
C'est celui de Blida qui était rue Lamy, prolongement de
la rue de la gare, au coin de l'ancienne place d'armes. Classique
bâtiment à arcades.
|
Comme on le devine c'est encore une fois à
Blida et à Boufarik qu'il y a le plus de voyageurs et de
touristes. Qu'ont-ils à voir dans ces deux villes ? Rien
d'extraordinaire : des monuments, statues ou obélisque, dédiés
aux héros de la conquête française, et des mosquées
de la période ottomane reconnaissables à leur minaret
octogonal.
|
|
|
En quittant son hôtel
d'Orient le touriste n'avait pas beaucoup de chemin à parcourir
pour apercevoir la koubba de Sidi Yacoub Chérif dédié
à un marabout du XVIè siècle et le minaret de
la mosquée El-Hanefi bâtie en 1750 par les Turcs qui
respectaient le rite hanéfite. |
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Pour ce qui concerne les deux " monuments français "
il suffit de relier Boufarik avec son monument du centenaire déjà
vu, à Blida, par Beni-Méred. Ils sont tous deux consacrés
à la mémoire du sergent Blandan. Blandan commandait
un détachement de 20 soldats chargés de transporter
la correspondance de Boufarik à Blida. Il fut attaqué
par des cavaliers hadjoutes à mi-chemin et tué le
11 avril 1841. Il y eut 5 survivants pour raconter l'histoire du
combat héroïque mené par leur sergent. Blandan
a sa statue à Boufarik et sa " colonne " à
Beni-Méred, sur le lieu de l'embuscade.
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Quant aux manifestations artistiques et intellectuelles
qui illustrent la Culture avec un C majuscule, il est certain qu'elles
étaient limitées ; et par la proximité d'Alger, et
par la faiblesse des populations urbaines européennes. C'est à
Alger que furent établis très logiquement, l'université,
le Conservatoire de musique, l'Opéra, les musées et la villa
Abd-el-Tif. Dans cette villa des hauteurs d'Alger furent hébergés,
entre 1907 et 1962, gratuitement durant un ou deux ans, 87 artistes métropolitains
; surtout des peintres (67).
Ces peintres dits orientalistes n'étaient pas attirés par
la Mitidja trop française avec ses villages en damier autour d'une
grande place centrale avec kiosque à musique, regroupant mairie,
poste et église ; mais par le " grand sud ", ses paysages
(un peu), ses Ouled-Naïls (beaucoup). Au XIX è siècle
cependant un peintre s'était intéressé de très
près à la Mitidja, mais pas pour des motifs artistiques
; juste pour augmenter ses revenus. Horace Vernet a ainsi acheté
dans les années 1835 un grand haouch près de Boufarik, qu'il
fit cultiver sous la direction d'un gérant efficace.
Il n'y avait naturellement dans la plaine, ni musées, ni opéra,
ni conservatoire. Il y avait tout de même deux théâtres
! A vrai dire ces deux théâtres, dans les années 1930,
étaient des cinémas pourvus d'une scène : à
Blida c'était le Capitole
et à Boufarik le Colisée.
A en juger par sa façade le Colisée de Boufarik
devait dater de l'entre-deux-guerres.
L'histoire du capitole est plus mouvementée.
Le premier bâtiment construit à l'économie ne put
rendre les services artistiques attendus. Il fut reconverti en débarras,
puis en prison. Il fut démoli en 1886.
L'année suivante on transforma en théâtre un immeuble
d'habitations. On le dota d'une troupe permanente modeste de 15 musiciens
et 3 ou 4 chanteurs solistes. Cela coûtait trop cher et ce second
théâtre devint, lui aussi, un entrepôt.
Après 1900 on réhabilita le second théâtre
assez bien pour qu'il soit utilisé jusqu'en 1949 pour des spectacles
divers : tournées théâtrales venues de France ou d'Alger,
concerts et spectacles d'amateurs. Il fut fermé pour cause de vétusté.
Des travaux permirent une réouverture, sous le nom de capitole,
d'une salle polyvalente pour des spectacles de théâtre ou
de cinéma.
7° La plaine d'Algérie la
mieux desservie
Au fur et à mesure que des villages de colonisation étaient
créés, il se mettait en place des services privés
de transport collectif vers Alger. Les initiatives et les capitaux étaient
alors privés. Ils le sont restés jusqu'à la nationalisation
des chemins de fer avec la création le premier janvier 1939 des
CFA (chemins de fer d'Algérie). Les services d'autobus furent assurés
jusqu'en 1962 par des sociétés privées.
L'évolution technique permet de distinguer trois " âges
" du transport en commun dans la Mitidja, comme ailleurs en Algérie
: celui des diligences, celui du rail et celui des autobus.
A/ Le temps des
diligences. Elles sont souvent appelées dans les textes
de l'époque corricolos. Le mot a disparu des dictionnaires Larousse
et Robert, mais on en trouve des images. Il s'agit de véhicules
tirés par deux ou trois chevaux avec des ouvertures sans vitre,
agréables l'été peut-être, l'hiver sûrement
pas. Généralement il y a deux niveaux avec une impériale
que l'on peut bâcher. Donc des véhicules dont le confort
nous apparaît bien sommaire et la vitesse bien lente. Mais il n'y
avait rien de mieux.
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Ce corricolo à deux chevaux devait pouvoir
transporter 12 passagers ; ou un peu
plus en se serrant. Les passagers du premier rang recevaient de plein
fouet l'air de
la course et parfois la pluie ; mais ils avaient belle vue sur les
ornières de la piste.
Ce véhicule à deux chevaux seulement était adapté
aux trajets en plaine comme
tous ceux de la Mitidja. |
Après la création des premiers chemins de
fer les diligences ont assuré des correspondances. Celle de Marengo,
entre 1869 et 1894, assurait la correspondance avec les trains d'Alger
ou d'Oran qui s'arrêtaient en gare d'El-Affroun.
B/
Le temps du rail.
Ba/
Les deux grandes voies d'Oran et de Constantine ; qui existent
encore en 2011.
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o Celle d'Oran
continue à desservir les gares de Maison-Carrée à
El-Affroun, avec, à Blida, une correspondance avec les trains
à voie étroite de Djelfa par Médéa. Elle
fut ouverte jusqu'à Blida en 1862, jusqu'à El-Affroun
en 1869 et jusqu'à Oran en 1871.
Blida étant construit sur le cône de déjections
de l'oued el-Kebir, à plus de 220m d'altitude, l'accès
à la gare (à 211m) a exigé une rampe de 2% digne
d'une ligne de montagne (Boufarik est à 62m et El-Affroun à
91m d'altitude). Pour éviter une rampe encore plus forte, la
gare fut installée à 2km au nord de la ville. En 1947
une voie sur
chaussée de 1 539m fut établie entre la gare et le centre-ville.
Elle fonctionna jusqu'au
21 août 1951 avec des autorails appelés " michelines
".
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En
cliquant sur l'image
ci-dessous, vous
obtiendrez une image agrandie à promener sur
votre écran, où bon vous semble,
en la tirant par la barre de navigation.
Les horaires du 1 mai 1871: 2 heures
pour Blida. Tous les trains sont mixtes.
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o Celle
de Constantine continue à desservir toutes les gares
de Maison-Carrée à l'Alma.
La voie a atteint l'Alma en 1879
et Constantine seulement en novembre 1886,
vu les conditions géographiques difficiles entre Bouira et
Sétif.
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Ba/
Le réseau éphémère des C.F.R.A.
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- Le sigle CFRA signifie
Chemins de Fer sur Route d'Algérie. Il a été
bien choisi car il désigne des voies ferrées qui
ont été posées sur le bas côté
des routes, avec le minimum d'investissements. Dans les villages
les trains parcouraient la rue principale ; celle qui prolongeait
la route. Les rails se trouvaient au milieu de la rue.
C'est la loi du 17 juillet 1883
qui étendit à l'Algérie les dispositions
de la loi du 11 juin 1880 sur les chemins de fer d'intérêt
local. Ce texte était attendu depuis longtemps ; pourtant
on ne se pressa pas. Il fallut au Conseil général
trois ans de réflexion pour choisir un écartement
de voie étroite, celui de 1,055m. Quatre ans plus tard,
en juillet 1887, on décida
quelles lignes on allait construire, en distinguant , par ordre
d'urgence, trois réseaux. En fait seule une partie du "
premier " réseau fut effectivement mise en place avant
la guerre de 1914-1918. La guerre, puis l'essor des transports
routiers, mirent fin à l'établissement de nouvelles
lignes avant de contraindre à l'abandon de l'exploitation
des lignes existantes.
La chronologie de ce réseau CFRA est la
suivante :
·Mai 1891 |
une convention est passée
entre le préfet d'Alger et un certain Monsieur Cazes
(en fait un représentant non déclaré
du baron Empain). Cette convention prévoit la construction
de deux lignes : Alger-Rovigo (47km) et El-Affroun-Marengo
(19km) |
·1892 |
DUP (déclaration d'utilité
publique) de ces deux lignes. |
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·1894 |
Le décret du 20 juillet
substitue à Monsieur Cazes la Société
anonyme des CFRA. |
·1894
|
Ouverture de la voie ferrée
El-Affroun-Marengo en septembre. |
·1898 |
Ouverture de
la ligne Alger Rovigo par l'Arba. |
·1900 |
Ouverture de la ligne Alger-Koléa.
Cette ligne, avant de grimper vers Koléa, empruntait
sur 4 ou 5km un trajet au nord de la Mitidja qui aurait
pu constituer l'amorce d'une ligne prévue vers Oued-el-Alleug,
mais jamais posée. |
·1931 |
Mise à l'écartement
normal du tronçon El-Affroun-Marengo et fermeture
du tronçon Marengo-Cherchell. La voie sur accotement
ayant été maintenue, dans la traversée
d'Ameur-el-Aïn et de Bourkika le matériel frôlait
les arbres et les façades. Abandon du service voyageurs. |
·Vers
1935 |
abandon des lignes
de Rovigo et de Koléa. |
|
C/
Le temps des autobus
Trente-trois sociétés de transport par autobus desservaient
les villes du département au départ d'Alger. Elles traversaient
toutes la Mitidja. La moitié d'entre elles avaient leur terminus
en Grande Kabylie ou au-delà ; c'est ainsi que le tronçon
Alger-Alma était parcouru par les véhicules de treize sociétés.
Les sorties de la plaine sont numérotées de 1 à 6
sur le croquis.
Les terminus situés dans la Mitidja étaient desservis essentiellement
par trois grandes entreprises, dont les lignes sont sur le croquis ci-joint.
En
cliquant sur la carte ci-dessous,
vous
obtiendrez une image agrandie à promener sur votre écran,
où bon vous semble,
en la tirant par la barre de navigation.
Le temps des autobus
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o |
La
porte de l'Alma (N° 1) ouvre sur la Kabylie et la corniche
de Djidjelli
Dix sociétés desservaient Tizi-Ouzou
La société ATAN desservait Bougie par Tizi-Ouzou et
la forêt de Yakouren
La société Smaïl Ahmed desservait Bougie par Palestro,
Beni-Amran et Akbou
La société de la corniche desservait Philippeville (à
484km) par Bougie et Djidjelli |
o |
La
porte de Fondouk (N° 2) ouvre sur la route du col du
Bou Zegza
La société ATAN desservait Maréchal-Foch (Arbatache)
La société Messaoui Ali desservait le village minier
de Keddara |
o |
La
porte de l'Arba (N°3) ouvre sur la route du col de
Sakamody
La société Rezig Mohamed desservait Tablat
La société ATAN desservait Bou-Saâda par Tablat
et Aumale |
o |
La
porte de La Chiffa (N°4) ouvre sur les gorges de la
Chiffa et le Titerri
Les ACB desservaient 5 terminus : Médéa,
Boghari, Aïn-Boucif, Reibell et Djelfa
La société des transports tropicaux envoyait ses petits
cars jusqu'au Nigeria, c'est-à-dire à 3495km d'Alger
par Djelfa, Laghouat, Ghardaïa, El-Goléa, In-Salah, Tamanrasset,
In-Guezzam, Agadès, Zinder et Kano
pour terminus. Le voyage n'était pas rapide : 12
jours avec 8 nuits à l'hôtel.
A Zinder correspondance pour Niamey
au Niger, et pour Fort-Lamy au Tchad |
o |
La
porte d'El-Affroun (N° 5) ouvre sur la vallée
de l'Oued Djer
Les ACB desservaient 3 terminus : Miliana, Hammam-Righa et Tiaret
par Affreville,
Pont du Caïd, Teniet-el-Haâd et le plateau du Sersou |
o |
La
porte de Desaix (N° 6) ouvre sur la vallée de
l'oued Boukelal.
La société Mory desservait Cherchell
et les villages du littoral jusqu'à Ténès.
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Pour être complet il faut mentionner deux autres
dessertes régulières par autocar :
celle des thermes d'Hammam-Melouane
par deux sociétés : les ACB et Mouloud Lounès
celle de Rivet et de son sanatorium
de Notre-Dame-du-Mont par la Compagnie
Générale des transports sur route d'Algérie.
Pour terminer par un beau voyage imaginaire je vous invite à prendre
le car de Kano. En 1954 ce voyage dans le cadre de l'Empire français
et de la Paix française était long mais sans danger autre
que l'ensablement. Après les indépendances il est devenu
de plus en plus difficile, puis aujourd'hui carrément impossible
! Ce n'est pas un progrès ; c'était mieux avant. Vous pourrez
ainsi, par la pensée, déjeuner à Boghari, Ghardaïa,
Fort Miribel, In-Ekker + des repas froids en route.
Et dîner, puis dormir à Laghouat, El-Goléa, In-Salah,
Arak,Tamanrasset, In-Guezzam, Agadès + un campement à Zinder.
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Car saharien Renault AGP de
la ligne ALGER- ZINDER -KANO
Carrosserie en tôle soudée avec isolation en liège
et vitres teintées
14 places assises ; coffre à bagages 3m3, coffre postal 1,4m3
compartiment arrière marchandises 6m3
réservoir d'essence 400 litres ; autonomie 800km
moteur de 85 ch. ; vitesse maximale 60km/h
longueur 7,60m ; largeur 2,35m ; masse à vide 3,4t
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Bon voyage
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