HISTOIRE de L'OPÉRA D'ALGER
Épisodes de la vie théatrale algéroise
1830-1840
Fernand Arnaudiès

L'EMPEREUR à l'OPÉRA pages 81 à 91

Une draperie de velours rouge semée d'abeilles d'or, retombe sur le bord extérieur de la loge....

sur site le 21-11-2004
L'OCR a laiisé des "coquilles" que je n'ai pas reprises. Veuillez me pardonner. Vous pouvez me les signaler..
15 Ko / 10 s
précédent :remaniements
retour
suivant : incendie de 1882 et remaniement Oudot

------Le Mercredi 3 Mai 1865, à 5 heures et demie, l'escadre du Vice-Amiral Comte Bouet Villaumez, composée des navires " Solférino ", " Provence ", " Couronne ", " Normandie ", " Gloire ", " L'Invincible ", " L'Aigle ", fait son entrée dans le port d'Alger. " L'Aigle ", yacht à vapeur, sous les ordres du Contre-Amiral de Dompierre d'Hornoy, bat pavillon Impérial.
------A huit heures moins un quart, S.M. Napoléon III met le pied sur la terre algérienne.
------Le Prince Murat, le Maréchal Mac Mahon, Gouverneur Général de l'Algérie, le Général de Division Fleury, entourent l'Empereur.
------M. Sarlande, Maire d'Alger, reçoit l'hôte illustre en lui offrant les clefs de la ville. Après les discours de bienvenue le cortège se forme. L'Empereur, à cheval, est acclamé par la foule massée le long du boulevard.
------Arrêts et discours se succèdent jusqu'au Palais du Gouvernement où, tout aussitôt, ont lieu les réceptions officielles.
------Le lendemain, 4 Mai, l'Empereur accompagné du Gouverneur Général et de sa suite parcourt les environs d'Alger, s'arrête à Chéragas, à Staouéli, à la Trappe, à Sidi-Ferruch, à Guyotville, enfin à Saint-Eugène.
------Le 5 Mai, à 9 heures, un orchestre, sous la direction de M. Salvador Daniel, violoniste de l'Opéra d'Alger, se fait entendre, au cours d'un dîner, au Palais du Gouverneur. Parmi les morceaux exécutés à cette occasion mémorable il y a lieu de citer : " La prière de la Muette ", " Les enfants de l'Algérie " et " Vive l'Empereur ".

------Après avoir visité les différents quartiers de la ville et diverses expositions d'art indigène, S.M. Napoléon III se rend, le 6 Mai, par chemin de fer, à Boufarik, puis quitte cette dernière ville en voiture, pour parcourir le Sahel.
------Le Dimanche 7 Mai, à 7 heures du matin, l'Empereur assiste à la Cathédrale, à une messe solennelle célébrée par Mgr Pavy, Evêque d'Alger.
Puis, c'est le départ pour une nouvelle et triomphale randonnée, Blida, Mouzaïa, El-Affroun, Vesoul-Bénian et Miliana.
------Le 9 Mai, l'Empereur donne de nombreuses audiences aux chefs indigènes et reçoit ainsi de vibrants hommages de fidélité et d'attachement à l'Empire. Je les résumerai par ces mots du Caïd Hachmi de Médéa, qui donnent très exactement le ton:
------" Nous approchons respectueusement du Trône de Votre Majesté, pour protester contre les allégations qui représentent les indigènes de l'Algérie comme une population rusée et fanatique, insensible aux bienfaits de la France. "
------À la fin de cette journée a lieu, au Palais de Mustapha Supérieur, une brillante fête de nuit suivie d'un souper où l'on sert, entre autres plats exotiques : des quartiers de gazelle de l'Ouargla ; du pain d'outardes des Chotts ; de l'autruche d'Oglat-Nadja ; de la gelée de grenade à la Staouéli, etc...
------Le 11 Mai, l'Empereur est reçu au jardin d'acclimatation puis il visite les travaux du Boulevard dirigés par M. Morton Peto.
------Le soir, Sa Majesté assiste au Théâtre Impérial, à une représentation de " Rigoletto ", de Verdi, donnée en son honneur avec le concours d'une Compagnie italienne, qu'illustrent Mme Silvio et M. Soriani.
------Jamais le monument de Chassériau n'a connu pareille débauche de lumières. Des godets bleus, verts ou rouges, suivent les colonnades, le contour des fenêtres, dessinent les arêtes, encadrent l'aigle impérial, retombent en guirlandes le long de la façade.
------Quand la voiture impériale, précédée de deux pelotons de chasseurs et de spahis, arrive en vue de l'Opéra devant lequel des milliers de curieux se sont massés, une clameur immense l'accueille, une foule enthousiaste se presse.
------Les cavaliers porteurs de torches ont peine à protéger le cortège.
------L'Empereur, ayant à ses côtés le Maréchal de Mac Mahon, duc de Magenta, salue largement de la main, en souriant.
------Des plantes vertes ornent les marches de l'escalier d'honneur, qu'un tapis écarlate recouvre en partie. Des chasseurs, en uniforme bleu, sabre au clair, forment la haie.
------L'intérieur du théâtre a été paré d'une décoration somptueuse ; des fleurs rares ornent le foyer, dont le luminaire est éblouissant.
------La loge impériale resplendit. Elle est décorée de tentures de velours rouge à franges d'or, de palmes, de feuillage et de cartouches, dans lesquels s'inscrivent les chiffres de l'Empereur et de l'impératrice. Une draperie de velours rouge semée d'abeilles d'or, retombe sur le bord extérieur de la loge, que surmonte un grand écusson aux armes impériales : " d'azur à l'aigle d'or empiétant un foudre du même ".

 

------L'entrée de Sa Majesté au deuxième acte est saluée par les cris répétés de " Vive l'Empereur ", " Vive l'impératrice ", " Vive le Prince Impérial ", cependant que l'orchestre joue l'air de " La Reine Hortense ", cette jolie romance, rehaussée un moment au rang de chant national

Partant pour la Syrie,
Le jeune et beau Dunois
Venait prier Marie
De bénir ses exploits...

------Madame la Maréchale de Mac Mahon, Duchesse de Magenta, prend place aux côtés de l'Empereur, qui paraît s'intéresser vivement au spectacle et donne, très souvent, le signal des applaudissements.
------Au premier entr'acte, M. Daiglemont, Directeur du théâtre, reçoit l'Empereur au foyer et, en quelques mots très simples, mais empreints de la plus grande admiration et du plus fidèle attachement, lui souhaite la bienvenue.
------Jamais, depuis la soirée inaugurale du 29 Septembre 1853, on ne vit au Grand Foyer pareil déploiement de luxe.
------Uniformes, habits, épaules nues se mêlent sous la lumière vive.
------Et les yeux de tous ces brillants officiers, de tous ces chefs indigènes en burnous écarlate, de tous ces fonctionnaires, de toutes ces femmes étincelantes de parure, s'attachent à l'Empereur, très entouré et qui, le plus aimablement du monde, a un mot, un sourire, un geste pour chacun.
------Aux côtés du Maréchal de Mac Mahon se tiennent le général de division Fleury, sénateur, premier écuyer ; le général de Castelnau, le colonel Comte Reille, aides de camp ; le capitaine de Ligniville et le Comte d'Espeuilles, officier d'ordonnance ; M. F. Piétri, secrétaire particulier ; le baron Corvisart, médecin ordinaire ; le capitaine de vaisseau Robinet de Plas, commandant le cuirassé " Solférino " ; le capitaine de vaisseau de Surville, commandant la frégate " La Provence " ; le capitaine de vaisseau de Rosencoat, commandant la frégate " La Couronne " ; le capitaine de vaisseau Dangeville, commandant la frégate " La Normandie " ; le capitaine de vaisseau Miquel de Riu, commandant la frégate " La Gloire " ; le capitaine de vaisseau Chevalier, commandant la frégate " L'Invincible " ; le contre-amiral de Dompierre d'Hornoy, commandant le yacht à vapeur " L'Aigle ", battant pavillon Impérial, tous de la suite de l'Empereur.
------Notons encore le général de division Desvaux, sous-gouverneur le Prince Murat ; M. Poignant, Préfet d'Alger ; Tellier, secrétaire général de la Préfecture ; Urbain, conseiller rapporteur au Conseil du Gouvernement ; le général de Wimpffen ; M. le Premier Président Pierrey ; le général de Lasserre, etc..., etc...
------Et je n'aurai point garde d'oublier le peintre Gudin, peintre du ministère de la marine, qui accompagne l'Empereur.
------M. Gudin était déjà venu en Algérie où il avait travaillé en vue de ses grandes compositions : " Un coup de vent dans la rade d'Alger " et " L'explosion du fort l'Empereur, près Alger ", deux toiles d'une belle qualité qui attestent un excellent notateur de la vie et du mouvement.
M. Gudin devait brosser plus tard son oeuvre capitale, inspirée du voyage de l'Empereur : " Le débarquement de S.M. Napoléon 111 dans le port d'Alger ".
------Le jeune peintre Durand-Brager, élève de M. Gudin, faisait également partie de la suite impériale.
------L'heure est fort avancée quand l'Empereur quitte le théâtre. Il se plait à exprimer sa très vive satisfaction à M. Daiglemont, Directeur, venu l'accompagner jusqu'au bas des grands escaliers.
------Une foule considérable stationne toujours aux abords du monument. Elle acclame longuement l'illustre spectateur.