---------L'Opéra
de Chassériau devait, dans la suite des temps, subir diverses transformations.
---------En
1856, trois ans seulement après l'inauguration, la salle fut dotée
de trois cents places nouvelles. Première transformation, qui occasionna
à la ville une dépense de trente mille francs, et qui bientôt
allait être suivie de travaux beaucoup plus considérables.
---------En
effet, dès Avril 1859, un nouvel agrandissement est jugé
nécessaire. M. Duprat, Directeur, propose de le réaliser
et de repeindre entièrement la salle. Il fera ce travail important,
évalué à cent vingt mille francs, sans qu'il en coûte
un liard à la ville, à la condition qu'elle lui consente
pour dix ans encore, certains privilèges d'exploitation et de gestion
et augmente la subvention annuelle de six mille francs.
---------Le
théâtre compte à ce moment : 32 fauteuils d'orchestre,
10 baignoires de pourtour ; 80 loges de balcon ; 36 stalles d'orchestre
; 60 stalles de balcon ; 34 baignoires de pourtour ; 74 loges de premières
; 59 stalles de premières ; 54 stalles de parquet ; 74 loges de
secondes ; 60 amphithéâtre des secondes ; 300 parterres ;
100 places de troisième galerie.
---------Outre
l'agrandissement de la salle, M. Duprat prévoyait l'utilisation
de ventilateurs ; la correction du système d'éclairage au
gaz ; l'amélioration de l'acoustique.
---------Après
de nombreuses discussions sans grand intérêt aujourd'hui,
les travaux commencèrent, sous la direction de MM. Bullez et Dumay.
---------Ces
travaux traînèrent en longueur et il y eut des impatients,
à tel point que M. Duprat dut aménager, provisoirement,
la petite salle du Prado, rue Boccus, afin d'y jouer, tout au moins, le
vaudeville. La soirée d'inauguration de ce théâtre
provisoire eut lieu le 1er Novembre 1859. On y donna : " Le Mari
de la Dame des Churs", de Boyard et Duvert ; " Une
femme qui se jette par la fenêtre ", de Scribe et Lemoine,
et " La Corde Sensible ", de Clairville et Thiboust.
Par la suite, M. Duprat présenta : " Ce que femme veut
", de Duvert et Lausanne ; " Les Deux Divorcés
", de Cagnard ; " Un Monsieur et une Dame ", de
Duvert ; " Edgard et sa Baronne ", de Labiche. Puis,
le mardi 29 Novembre 1859, le théâtre provisoire ferme, après
la représentation de : " Mathias l'Invalide ",
de Bayard et " Tambour battant ", de Decourcelle.
---------Les
travaux étant enfin terminés, le Directeur du théâtre
impérial publiait dès le 20 Novembre, le tableau de la troupe
pour l'année 1859-1860. Nous y voyons figurer : M. Smitz, premier
chef d'orchestre ; Michon, second chef ; Face, premier violon solo ; Martella,
fort premier ténor ; Mûller, premier ténor léger
; Ramonat, baryton ; De Grecf, première basse ; Mme Picquet-Wild,
première chanteuse légère ; Mlle Dorici, forte première
chanteuse, etc...
---------Vinrent
ensuite le 10 Décembre 1859, les épreuves de vérification
de solidité des balcons.
Les transformations apportées à l'Opéra de Chassériau
par MM. Bullez et Dumay ne furent pas exemptes de critiques
---------On
dauba sur l'élargissement de la loge municipale qui venait, désagréablement,
empiéter sur le second rang des balcons ; sur l'étroitesse
des loges de tous les étages où, assurait-on, deux crinolines
ne pourraient jamais se tenir côte à côte ; sur l'avancée
exagérée des premières galeries, qui plongeaient
dans l'ombre les loges de balcon où se montraient généralement
les plus belles toilettes.
---------Ce
fut sans doute pour remédier à ce dernier et très
grave inconvénient que la Direction imagina, à la fin de
chaque acte, de faire descendre le lustre au niveau des balcons et de
le remonter, à grand bruit, avant le lever du rideau. Exercice
assez peu rassurant, aussi entendait-on couramment formuler devant les
guichets cette phrase restrictive et éloquente
----------
" Surtout, ne me placez pas au-dessous du lustre. "
---------Plus
tard il est vrai, on installa dans le bas de la salle de magnifiques candélabres
de bronze, qui vinrent distribuer une lumière propice à
des effets de parade et de luxe.
---------En
1871, une emprise sur les dégagements permit aux entrepreneurs
de gagner encore deux cent cinquante places.
---------Deux
ans plus tard, en 1873, M. Bullot apporta de nouvelles modifications aux
installations existantes. Il augmenta le nombre des fauteuils de balcon
et des loges ; refit quelques peintures, raviva le gris clair et l'or,
retoucha le plafond, changea les velours et fit enfin brosser une série
nouvelle de décors.
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---------Mais
son rôle ne se limita pas à ces travaux. On lui dut d'autres
améliorations ou innovations. C'est lui qui fit installer, au niveau
de la scène, et s'ouvrant à hauteur de la rue du Hamma,
une sorte de pont levis, manuvréà chaînes, permettant
pour les besoins de la figuration, le passage des chevaux et des voitures.
---------C'est
lui qui jugea opportune la modernisation de la machinerie et s'inquiéta
de l'utilisation pratique des dessous de l'Opéra. Il construisit
ou transforma les treuils, les chariots, les trappes, les mâts nécessaires
à la manipulation des montants. Il construisit les " tas ",
cloisonnements indispensables à la conservation et au classement
des décors. Il apporta tous ses soins à la rénovation
des loges d'artistes, qui manquaient du plus élémentaire
confort. Il rénova encore les vestiaires, destinés aux musiciens,
aux figurants, aux danseuses.
---------C'est
lui enfin, qui reçut mission de desceller l'aigle impérial
figurant au fronton du monument et de remplacer cet emblème par
un écusson aux armes de la Ville d'Alger.
---------Et,
puisque ces armes se trouvèrent ainsi incorporées au bâtiment
de Chassériau, je me permets une courte digression à leur
sujet.
---------Dessinées
le 7 Février 1862 par le peintre Jean-Raymond Lazerges, mort à
Mustapha le 24 Octobre 1887, elles sont inscrites dans un ancien écu
algérien, en cur, bordé d'or, surmonté d'une
couronne murale de style mauresque. Cet écu est coupé d'azur
et de sinople par une barre d'or, chargée d'un lion du même
ayant la patte droite antérieure, posée sur un boulet et
se tenant au-dessous d'un écu de gueules à la croix d'argent,
brochant sur le tout. Au premier, d'azur cantonné d'un bateau à
voiles d'argent, au-dessus d'un croissant du même métal.
Au deuxième, de sinople à la gerbe d'or.
---------Le
Conseil Municipal, sous la présidence du Maire, M. Sarlande, adopta
le projet Lazerges dans sa séance du 10 Février 1862.
---------La
maquette originale exécutée à la gouache a été
conservée par la Mairie d'Alger.
---------Par la suite, et avant le remaniement Oudot,
différents entrepreneurs furent chargés de travaux plus
ou moins importants création d'un bureau spécial d'archives
; agrandissement des caves et des souterrains ; création d'un atelier
de réparation des décors, d'un atelier de menuiserie, d'un
magasin aux accessoires distinct du magasin des costumes.
---------Mais
ces dépendances, gagnées sur un espace déjà
restreint, ne présentaient aucune commodité et ne facilitaient
pas la besogne.
---------On
refit l'installation des conduites d'eau ; on remit la toiture en état
; on ajouta quelques fauteuils au parterre en sacrifiant deux ou trois
loges ; on restaura les bureaux de location et de vente des billets ;
on rajeunit le vestibule en le dotant de nouvelles tentures et de nouveaux
lampadaires.
---------L'importance
prise en quelques années par l'Opéra, la faveur inespérée,
imprévue, dont il jouissait, créait chaque jour des besoins
nouveaux et de plus en plus impérieux.
---------La
presse, reflétant l'opinion publique, menait, en vue d'une transformation
complète et méthodique du théâtre, une campagne
qui, pour être discrète, n'en demeurait pas moins active.
En 1875, l'architecte algérois Charles Chevalier avait présenté
le projet complet d'un nouvel Opéra : variante, peut-être
plus homogène, du style adopté par Chassériau.
---------Ce
projet ne fut pas retenu.
---------L'incendie
de 1882 devait résoudre le problème, en permettant à
l'architecte Oudot d'opérer les transformations souhaitées
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