les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Cimetières
Les Cimetières musulmans

- Cimetière du Hamma
- Rites funéraires

- Particularités des tombes arabes
- Autres détails
- Détails relatifs aux cérémonies funèbres
- Croyances
sur site le 27-4-2009

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Il y avait en 1830, autour d'Alger, plus de trente hectares de cimetières. Ces terrains, comme les autres, devinrent l'objet d'opérations commerciales.

Dans ces nécropoles où les inhumations avaient lieu depuis des siècles, les tombes se superposaient aux tombes, de sorte que plusieurs familles se trouvaient être propriétaires du même espace de terrain. Aussi, l'administration française fut-elle passablement embarrassée, lorsqu'il fut question en 1846, d'aliéner ces champs funéraires. Pour le seul cimetière de Bab-Azoun, 65 mille mètres carrés furent réclamés avec pièces à l'appui par des indigènes alors que celui-ci n'avait qu'une superficie de 22 mille mètres. Il y avait donc là, trois étages de sépultures.
(Voir l"Akhbar" du 24 mai 1846).

En 1855, le mètre carré dans les nécropoles de Bab-Azoun valait de vingt à trente francs de rente; dans celles de Bab-el-Oued, de cinq à six seulement.

La valeur totale de ces champs était alors estimée à soixante millions.

La campagne, jusqu'au pied des remparts, ne présentait que des hérissements de stèles, des gibbosités de marbre. Des marabouts s'élevaient de toutes parts, au sein d'enclos d'aloès, de cactus, qu'enveloppaient des fossés de séparation.

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Les Turcs avaient leur cimetière sur la falaise de Bab-Azoun, en un lieu où fut installé après la conquête, le Dépôt des Combustibles de l'Armée. (Ils possédaient également le cimetière des Pachas, à la sortie des portes Bab-el-Oued).

Les Maures avaient le leur sur les hauteurs de Bab-Azoun.

Les Mozabites
, sur la pente du Télemly, près du Marché aux bestiaux.

Les Juifs, dans le faubourg de Bab-el-Oued.

Les musulmans aisés avaient en ville, des nécropoles de famille. Il y en avait une rue N'fissa, le cimetière Sidi-ben-Ali. (Voir à ce titre).

En 1832, le Génie prit possession de ces cimetières. A ce moment, obsédé par nombre de spéculateurs, le duc de Rovigo concéda gratuitement à ceux-ci, de grandes portions de ces champs de repos dont quelques uns étaient la propriété de certaines familles.

Un sieur Dioufoulet reçut une nécropole, près de la Porte-Neuve.

Un lieutenant-colonel du régiment des Auxiliaires, nommé Andras, s'en fit octroyer une part, ainsi qu'un certain Vandyk, officier belge, qui s'installa à Bab-elOued. Mais en 1834, au retour des Maures propriétaires, qui firent valoir leurs droits, ces concessionnaires sans titres furent expulsés de leurs prétendus domaines.

Bientôt la création de l'esplanade Bab-el-Oued nécessita la destruction du cimetière des Pachas. Le sol fut abaissé de quatre-vingts centimètres.

Une grande quantité d'ossements recueillis en ces lieux fut expédiée à Marseille où il en fut fait du noir animal. Parfois les exhumations furent prématurées.

"... J'ai reconnu, dit le docteur Segaud, à bord de la bombarde la Joséphine qui arrivait d'Alger chargée d'os - des crânes humains, des cubitus, des fémurs de la classe adulte, récemment déterrés et n'étant pas entièrement privés des parties charnues".
(Lettre publiée par le Sémaphore de Marseille le 2 mars 1832).

Ce fut avec les débris de plusieurs monuments de ce cimetière que l'on éleva là, sous le maréchal Clauzel, six moulins à vent ( A l'époque des premières constructions européennes, le Génie militaire et beaucoup de particuliers vinrent puiser dans les anciens cimetières, nombre de briques, d'ardoises, de marbres. L'opération terminée, on remblayait et on nivelait ).

On remarquait près de ces moulins, les tombeaux des cinq Deys, qui étaient de forme octogonale, tapissés de faïences et surmontés d'un dôme. Ils étaient disposés en cercle.

Ces cinq Deys avaient été élus et égorgés le même jour. Leur successeur, un cordonnier, choisi par la Milice, ordonna d'élever à leur mémoire, ces cinq tombeaux.

Non loin de là, se voyait la tombe du Dey Ali, lequel ne mourut pas assassiné. Cette fin exceptionnelle chez les souverains d'El-Djezaïr, fit considérer ce prince comme un saint. Pendant quarante jours, sa sépulture demeura fleurie et devint pour les musulmans, un lieu de pèlerinage.

Auprès des Pachas, différents personnages officiels avaient été inhumés. Des attributs particuliers les distinguaient. Tandis, en effet, que les tombeaux des Deys, tous décorés d'une coupole, présentaient un turban de marbre au-dessus d'un cippe, les tombes des Aghas et des officiers étaient surmontées d'une pique; celles des raïs, d'un bâton d'enseigne et d'une pomme de mât de pavillon. (Liskenne 1830).

Au-dessous de ces sépultures de nombreux tombeaux romains furent retrouvés.

Icosium avait en effet, là, l'une de ses nécropoles. Plusieurs chambres sépulturales pourvues de Columbaria, y furent découvertes, il y a 25 ans. Une inscription exhumée exprime ceci "Aux Dieux Manes - Titus Flavius Sextus, soldat de la IVèrne Légion Félix-Flavia. Il servit 26 ans et en vécut 50. - Flavius Restutus, son héritier, lui a fait élever ce monument dont il était bien digne".

Sous le Lycée, une chambre existe encore.

C'était en ce quartier de l'Esplanade qu'avant 1830, les exécutions des Chrétiens avaient lieu. En février 1844, il y fut procédé à la première exécution par la guillotine.

L'Esplanade dont une partie reçut la dénomination de place des Troglodytes, fut appelée en 1841, place de Constantine. Un monument y fut élevé à la mémoire de Damrémont, tué en 1837, au siège de cette ville. Jusqu'en 1856, un fort s'éleva en ce lieu, le fort des Vingt-Quatre Heures, dénommé par les Indigènes Bordj Setti Takelit, de la dame négresse. (Voir à Forts).

Sur cette esplanade furent passées de brillantes revues.

En 1839, y eut lieu le banquet de 3.242 couverts, offert à ses troupes par le duc d'Orléans, au retour des Bibans. Ce furent ensuite, en 1842, une imposante cérémonie funèbre à la mémoire de ce prince.

En 1844, l'exposition de la tente impériale d'Isly.

En 1860, un "Te Deum" en l'honneur du retour de Nice et de la Savoie à la France. De belles fêtes militaires s'y succédèrent avec simulacres de combats historiques, (Laghouat, Peï-Hô, etc...).

Ce fut en 1854, la cérémonie de Géronimo au rocher des 24 Heures.

L'Esplanade vit encore certaines foires à l'époque de l'Empire.

En 1907, des représentations de la Comédie Française avec Sylvain et sa femme.

Les cimetières musulmans dont il vient d'être traité, pourraient être l'objet d'une longue monographie. Nous nous bornerons à quelques supplémentaires détails à leur sujet.

En même temps que les tombes de Bab-el-Oued, celles de Bab-Azoun furent en maints endroits saccagées; on en détruisit des centaines, au delà de la Porte-Neuve, pour la construction de la route du Fort l'Empereur. Celles situées au long des remparts, puis sur le champ de l'actuelle place de la République, de la rampe Dumont-d'Urville, de la rue d'Isly, de la rue Maréchal-Soult, furent aussi détruites. En même temps on ruina un si grand nombre de maisons mauresques, que l'Agha Hamden disait : "Il ne nous restera bientôt plus aucun lieu pour vivre, ni pour mourir..."

Nous mentionnerons encore ici, le cimetière historique des Moudjehadin (des champions de la Guerre Sainte), sur la plage d'Hussein-Dey (près du Fort Charles-Quint), où furent inhumés deux cents guerriers musulmans tués là, lors du débarquement d'O'Reilly, en 1775. Ce cimetière était autrefois pourvu d'une clôture et avait, en son centre, un haut palmier. Un cimetière chrétien fut créé dans le voisinage.

Ajoutons que les Indigènes font depuis longtemps leurs inhumations au quartier du Hamma, au-delà de Belcourt, de même à Sidi Abd-er-Rahman, et depuis 1834, à El-Kettar où en juin 1935, fut érigée une stèle aux morts de la Guerre.

Les Mozabites font les leurs au-dessous de Bouzaréah, à Kara Moussa.

cimetière du Hamma
Rites funéraires

Le cimetière du Hamma n'a commencé à être "une nécropole d'Alger" que vers 1850, quand les cimetières occupant l'emplacement des rues de Constantine, d'Isly, Dumont-d'Urville, des tournants Rovigo, furent détruits en raison de l'extension croissante de la ville.

Le cimetière du Hamma, primitivement entouré de cactus et d'aloès, fut il y a environ 35 ans, protégé par les soins de l'Administration d'un mur d'enceinte. La porte d'entrée, le minaret, le portique, la fontaine ( De même style que celle conservée dans la cour supérieure du Cercle militaire.) furent construits à cette époque.

Il n'y avait en ce lieu, en 1830, que la koubba du saint et quelques tombes parmi les oliviers sauvages.

Le marabout enterré au Hamma, et qui vivait au XVIIIème siècle, porte le nom de Sidi Mohamed ben Abd-er-Rahman Bou Kobrin.

Ce marabout, contemporain de Baba Mohamed Pacha, naquit à Alger. Il étudia au Caire, à la Mosquée El-Azehar (la Mosquée. des Fleurs), où se forment nombre de tolbas de l'Orient.

De retour en Algérie, il fonda une confrérie religieuse qui se développa très vite, surtout en Kabylie où il se retira. (Chez les Beni-Ismaël).

L'importance de la confrérie fut telle, que l'émir Abd-el-Kader jugea utile de s'y affilier, espérant entraîner les Berbères à sa suite.

Le marabout décéda en Kabylie. Quand la nouvelle de sa mort arriva à Alger, ses compatriotes envoyèrent des hommes résolus, à qui mission fut donnée d'enlever le corps du saint de la kouba où il était enfermé, et de le rapporter dans la ville.

L'entreprise réussit et le corps fut, en présence d'une foule considérable, inhumé dans le lieu où il est encore.

Quand les Kabyles apprirent que sa tombe avait été violée, ils entrèrent dans une violente colère.

Cependant ils ne tardèrent pas à s'apaiser, ayant constaté de visu que le corps du saint était toujours à la place où on l'avait inhumé et qu'il y était demeuré intact.

Et pourtant ce même corps se trouvait également au Hamma.

Les musulmans admirent alors que le célèbre marabout s'était miraculeusement dédoublé, ce qui lui fit donner le surnom de Bou-Kobrin, l'Homme aux deux tombes.

La kouba actuelle a été construite sous Hassan Pacha, en 1791, comme le mentionne la plaque de l'entrée, qui donne également la généalogie du saint. Cette kouba est en réalité une mosquée. Elle se surmonte d'un beau minaret. Son présent imam est M. Bakir Mahmoud.

La présence de ce saint donne lieu naturellement à de nombreux pèlerinages. A certaines époques de l'année, autrefois, une multitude d'Arabes venaient camper dans le voisinage et se livrer à de brillantes chevauchées en l'honneur du marabout.

Dans la kouba sont inhumés : le petit-fils du dernier bey d'Oran - Sidi Abd el-Tif - la femme du délégué financier, Ben Siam - le Marabout Mostapha Bel-Khal.

Les principales tombes sont, dans le cimetière celles du marabout kabyle Chirh-el-Khedded, objet du livre : "Le Maître de l'Heure" de Hugues Leroux.

La kouba de ce marabout a été construite sous la direction d'une association kabyle qui a son siège au dessus de Fontaine-Bleue, dans un magnifique domaine mauresque où réside le Scheikh Chérif ben Scheikh Mohammed.

La tombe de Mokrani, qui souleva la Kabylie en 1871, et fut tué, on le sait, d'une balle en plein front ( Pour témoigner son mépris à l'égard de l'autorité française, il avait attaché sa Légion d'Honneur à la queue de son cheval, renouvelant ainsi, sans s'en douter, le geste qu'accomplit le marquis de Maubreuil, à Paris, lors de l'arrivée des Alliés en 1814.).
Le tombeau d'Ali Chérif.

Le tombeau d'Hadj-Moussa, fils de l'oukil de Sidi Abd-er-Rahman.

Le tombeau d'Omar Brihmat
, professeur de Droit à la Médersa.

Le tombeau de l'interprète militaire Bouderba
érigé par ses camarades. Celui d'un lieutenant de spahis.

Celui de Mustapha Riato, cadi Maléki.

Particularités des tombes arabes

Ces tombes sont toutes orientées vers la Mecque. Le défunt y est déposé dans ce sens, la tête un peu inclinée sur la droite.

Sur chaque tombe se trouvent deux stèles d'ardoise ou de marbre où sont inscrits, avec le nom du défunt, des versets du Coran.

Il s'y trouve souvent représenté aussi, un vase de fleurs, ainsi que le sceau de Salomon.

Sur les tombes des princes et des savants s'érige une colonnette surmontée d'un turban.

La châsse de bois sculpté est réservée aux saints, aux sultans et aux gens de noblesse.

A la tête et au pied de la tombe, le marbre présente des cavités rondes remplies d'eau qu'on destine par piété, aux oiseaux.

Les musulmans ont en effet cette jolie croyance qui consiste à attribuer au chant de ceux-ci, la valeur d'une prière.

L'oiseau selon eux, prie pour les morts, en reconnaissance de quoi, de l'eau lui est offerte sur la tombe de l'être qu'on pleure.

Les tombes sont souvent recouvertes d'une tonnelle sous laquelle s'isole mieux pour le recueillement, la famille du défunt.

La tombe musulmane ne reçoit que des bouquets de narcisse ou de myrte, lesquels sont des végétaux sacrés.

Sont aussi considérés comme plantes sacrées : la vigne, le palmier, le figuier et l'olivier.

La visite des tombes à lieu spécialement le vendredi : le matin pour les hommes, le soir pour les femmes.

A El-Kettar, c'est le contraire qui a lieu.

Autres détails

Comme dans la plupart des cimetières importants, il existe en celui du Hamma, un Refuge pour les pauvres à qui sont fournis gratuitement : nourriture, gîte et éclairage. Des offrandes sont faites journellement à ce propos par les fidèles.

Des offrandes sont faites journellement à ce propos par les fidèles.

A chaque enterrement, des distributions d'aliments ont lieu, qu'offre suivant ses moyens, la famille du défunt.

Des moutons sont souvent égorgés en cette occasion.

Détails relatifs aux cérémonies funèbres

Aussitôt après le décès, le corps est déshabillé, lavé et parfumé à l'eau de rose.

Les yeux, les narines, les oreilles, la bouche sont clos par des tampons d'ouate imprégnés de camphre.

Le corps, demeuré sans vêtements, est recouvert d'un linceul. Seules les femmes sont habillées.

La veillée est faite par des tolbas qui récitent des prières.

La coutume exige que, le jour ,des obsèques, les pauvres soient dans la maison, conviés à une collation se composant de pain, de figues ou de raisin, selon la saison. Les familles riches offrent du couscous et du mouton aux amis qui viennent pour la veillée.

Pendant trois jours, la famille du défunt ne fait pas de cuisine. Sa nourriture lui est offerte par des amis.

Le corps est porté au cimetière sur une civière et recouvert d'un drap. A tour de rôle, les amis portent le corps ; les suivants récitent des versets du Coran.

S'il s'agit d'une jeune fille, le drap est brodé d'or.

Des ceintures de femmes, passées autour et bouclées, ajustent ce drap au corps et à la civière.

Le convoi ne se rend pas au préalable à la Mosquée. Il y a exception toutefois pour le vendredi.

Ce jour-là, pendant la prière, le corps demeure dans une annexe appelée el Mocella.

Au cimetière, la prière n'est pas obligatoirement dite par un iman. C'est un lettré de l'assistance qui accomplit cet office.

La fosse qui doit recevoir le corps est jonchée de myrtes. Le corps y est descendu, simplement enveloppé de son linceul. Un ami ou un parent l'y reçoit, le couche, incline sa tête à droite, et le recouvre de dalles qui doivent reposer sur une saillie ménagée tout autour de la fosse, en sa partie inférieure. Il remonte ensuite, jette sur le défunt une poignée de terre, acte que répètent toutes les personnes présentes.

Les distributions de vivres plus haut énoncées, sont faites à ce moment, aux pauvres, dans le cimetière.

Il n'existe chez les musulmans aucun signe distinct de deuil pour l'homme, si ce n'est que celui-ci ne se rase point le visage de quarante jours, s'il n'a pu le faire dans les trois jours qui ont suivi le décès - et qu'il s'abstient de quelque temps, de se montrer dans les fêtes.

Quant aux femmes, elles s'abstiennent pendant un an, de porter des bijoux, de teindre leurs mains de henné et de faire des visites.

Pendant les trois jours qui suivent l'inhumation, les parents doivent se rendre sur la tombe du défunt, où ils apportent des bouquets de myrtes et de narcisses.

Croyances

D'après la religion musulmane, tout homme a auprès de lui deux anges chargés respectivement d'inscrire ses bonnes ou ses mauvaises actions.

Le compte des actes de sa vie est présenté à Dieu, au Jugement dernier, car ce n'est qu'à ce moment que peuvent commencer les peines ou les joies. Jusqu'à ce jour, les bons et les méchants doivent attendre en des régions distinctes, la sanction suprême.

Il est des fautes, des forfaits que Dieu ne peut point pardonner, l'assassinat par exemple. Sa rigueur s'étend aussi au mensonge, à la calomnie, qui doivent être expiés "après le Jugement dernier".

Il est admis toutefois, que Dieu peut atténuer certaines peines, sur l'intercession des prophètes au nombre desquels existent avec Mahomet : Moïse, Jésus-Christ.