Organisation du culte
catholique
Alger n'avait, en 1830, pour l'exercice du
culte catholique, que la chapelle des esclaves, au bagne de la Caserne
des Lions, rue Bab-Azoun. La messe fut dite ensuite dans la chapelle des
Lazaristes, située rue de l'Etat-Major ( Il
y avait encore des chapelles privées, telles celles de la Maison
de France et du Consulat d'Espagne. Pour d'autres chapelles d'esclaves,
voir à : Bagnes chrétiens.).
En 1832, la mosquée Ketchaoua, située rue du Divan, fut
transformée en église chrétienne. Il en fut de même,
en 1839, de la mosquée extérieure de la Casbah, et, en 1841,
de la mosquée Ali-Bitchnin (rue de la Casbah). Des chapelles furent
également créées ( Une
église fut aussi créée à Mustapha, que l'on
installa dans une voûte donnée par un colon. Disons, pour
mémoire, que les premières églises bâties hors
d'Alger furent, par ordre de construction, celles de Dély-Ibrahim,
de Draria, de Birkadem (dont le maître-autel fut offert par le roi
de Naples) et de Douéra.) en divers immeubles. Rue
de Constantine (à l'angle de
la rue Waïsse), un petit temple fut construit : Saint
Augustin, dont 1851 vit le baptême de la première
cloche.
En 1866, l'église de ce vocable fut, place d'Isly, en la maison
attenante au Mont
de Piété.
En 1870, en une ancienne caserne du Train que remplaça l'actuel
Palais de Justice. En 1877, en une construction en bois qui s'étendait
en travers de la rue Portalis. En 1878, dans le présent édifice
de la rue de Constantine, en face duquel
débouche la rue Pinson de Ménerville.
Il y eut à Alger, outre les églises précédemment
mentionnées, un certain nombre de chapelles, la plupart dépendant
d'établissements religieux ou universitaires.
Citons celles du collège de la rue Bab-Azoun,
(ancienne caserne de janissaires), installée dans la chambre tapissée
d'émail de Yahia-Agha (mentionnée déjà); des
Lazaristes, impasse Sainte-Philomène; des Pères
de la rue Salluste; du couvent de la Miséricorde
(même rue), jadis Dar-el-Khal (maison du vinaigre); de
l'Evêché; de la
Doctrine Chrétienne, rue Roland-de-Bussy, que desservait
l'ancien aumônier du consulat d'Espagne; des
Jésuites, rue des Consuls, sur l'emplacement de l'ancienne
chancellerie de Suède; des Espagnols,
voisine de la rue de la Lyre; du Sacré-Coeur,
devenue centre de paroisse à Mustapha, en l'ancienne villa de Yahia-Agha,
qui fut détruite en 1934; de l'orphelinat
Saint-Vincent-de-Paul, à
Mustapha-Supérieur, dans un domaine de Mustapha-Pacha;
de Notre-Dame du Ravin, dans la vallée
des Consuls, dont la première pierre fut posée
le 14 octobre 1855, non loin du lieu où un olivier séculaire
avait gardé, pendant quelques années, en son tronc évidé,
une statue de la Vierge, objet de la dévotion populaire; de
la Chapelle Provisoire, élevée en 1857 et inaugurée
le 28 août 1861, remplaça la
basilique de Notre-Dame d'Afrique, commencée en 1858
et consacrée en 1872 par l'archevêque Lavigerie.
Mentionnons encore la chapelle du Pénitencier
du Fort des Vingt-Quatre-Heures, du Fort
d'Azoun, et celle des Condamnés
du Fort-Neuf, qui était, sous le vocable de Saint-Pierre-ès-Liens,
et aussi l'Oratoire de l'Amirauté, inauguré par l'évêque
Pavy, le 8 août 1850. Citons aussi les chapelles faisant partie
du Grand et du Petit Séminaire; de l'orphelinat de Ben-Aknoun,
lequel fut installé en un ancien quartier de cavalerie; de la Trappe;
des Pères Blancs, à Maison-Carrée; puis les chapelles
des hôpitaux civils et militaires.
Dans la suite, de nouvelles églises furent créées
à Alger, celles de Saint-Vincent de Paul, de Bab-el-Oued et celle
de Saint-Charles, à l'Agha, de style byzantin. Ajoutons qu'une
chapelle des plus élégantes fut annexée à
l'établissement des Carmélites, que fonda, en 1894, la princesse
Bibesco. En ces dernières années furent créées
les églises Sainte-Marcienne d'Isly; Sainte-Anne de la Redoute;
celles encore du Ruisseau et du Hamma.
L'évêché d'Alger fut constitué le 10 août
1838 sous la désignation de Julia Coesarea (Cherchell), ville occupée
en 1840.
Le premier évêque fut Mgr Dupuch, que remplaça Mgr
Pavy, le 25 février 1846. Le troisième prélat (archevêque)
fut Mgr Lavigerie, nommé en 1867 ( Le
12 janvier de cette année, un décret avait créé
les évêchés d'0ran et de Constantine.)
et devenu cardinal en 1882. Ses successeurs furent les archevêques
Dusserre (1892); Oury (1898); Combes (1908); Leynaud (1917). En 1833,
le prélat de Marseille avait été nommé pour
Alger, évêque "in partibus".
La Cathédrale
(Mosquée Ketchaoua)
( Ketchaoua - plateau de chèvres),
nom donné dans les siècles précédents, à
cette partie de l'ancien Alger où ne s'élevait encore aucune
construction, et d'aspect tout bucolique.)
On ignore la date de la fondation de la mosquée
Ketchaoua. On sait seulement, d'après un acte de cadi, qu'elle
existait déjà en 1612. En 1794, le pacha Hassan la reconstruisit
suivant de plus grandes proportions et en prenant modèle sur la
mosquée Es-Sida (place
du Gouvernement).
Un minaret plaqué d'émail la surmontait. Sa nef était
carrée. Celle-ci était ornée de riches colonnes,
de panneaux peints et de géantes inscriptions.
L'entrée du temple se trouvait dans la rue du Divan. Sa porte artistique,
comme il a été dit, fut donnée, en 1843, à
l'église Notre-Dame des Victoires. Au-dessus de cette entrée
était placée cette inscription en langue arabe :
"Quelle belle mosquée! elle est recherchée par les
désirs, avec un empressement extrême. Les splendeurs de son
achèvement ont souri sur l'horizon du siècle. Elle a construite
par son sultan, agréable à la puissance éminente
: Hassan Pacha, avec une beauté sans pareille."
Un chronogramme y donnait la date de 1209 (1794-95).
Cette mosquée fut transformée en église chrétienne
en 1832. Le 24 décembre de cette année, la messe y fut dite
par l'abbé Collin, préfet apostolique de la Régence.
La nouvelle église conserva sur ses colonnes les inscriptions suivantes
qu'avait gravées, en 1795, le maître Ibrahim Djarkeli Bavoux.)
:
" Dieu (qu'il soit béni et exalté!) a dit : "Que
le temple soit fondé sur la piété" (Sourate
IX, verset 109).
"Les temples appartiennent à Dieu, n'y invoquons pas d'autres
divinités que Dieu." (Sourate LXXII, verset 18).
"La prière est pour les fidèles une obligation déterminée
à certaines heures (Sourate IV, verset 104).
"Acquittez-vous de vos prières ainsi que de la prière
du matin et montrez-vous obéissants à Dieu." (Sourate
II, verset 139).
Une description de ce temple a été faite en 1832 par l'abbé
Bargès, que reproduisit peu après, l'ouvrage d'Egron. En
voici un extrait :
"Au-dessus de chaque galerie, excepté dans la partie orientale,
règne une tribune avec balustrade de bois d'un travail très
artistique. Cette tribune est occupée par les dames. Une place
y est réservée au Gouverneur et à sa famille qui
peuvent s'y rendre directement du palais, lequel est attenant au temple."
"Des armoires ont été pratiquées ça
et là, le long des murs; les portes présentent des panneaux
de pièces rapportées, chacune de couleur différente.
Les pans intérieurs de l'église sont revêtus, jusqu'à
la hauteur de la tribune, de carreaux de porcelaine blanche et bleue d'un
très curieux effet. La chaire, adossée à une colonne,
est ornée de sculptures d'une délicatesse et d'un fini remarquables.
Devant le lieu où l'on conservait le Coran (le rnirhab) et vers
lequel se tournaient les musulmans, en priant, on a dressé une
statue de la Vierge. A quelques pas de là, s'élève
le maître-autel, dont la richesse est en h armonie avec la beauté
de ce temple. Il offre plusieurs espèces de marbres précieux."
"Ce qui frappe le plus en entrant dans cette église, ce
sont les inscriptions presque colossales qui en ornent les parois. Les
lettres ont de trois à quatre pieds de long. Ces inscriptions expriment
des sentences tirées du Coran. L'une d'elles rappelle l'histoire
des Sept Dormants" ( Au-dessus
de l'autel apparaissait, incrusté dans la muraille, un superbe
tableau hémisphérique, présentant des caractères
arabes d'or, sur fond d'émeraude.). (Voir à Batteries
extérieures Matifou).
Ce fut la reine Amélie qui offrit à la nouvelle église
ses vases sacrés et les premiers ornements sacerdotaux.
Le pape Grégoire XVI lui fit présent d'un tableau de Carrache,
représentant l'Assomption. Il fit don également d'un calice
d'or entouré de pierreries et décoré du coq, symbole
de la vigilance, pièce qu'avec d'autres souvenirs reçut
l'église N-D des Victoires, devenue église métropolitaine,
lors de la réédification de la Cathédrale suivant
des plans nouveaux.
Ces souvenirs furent laissés à l'église de la rue
Bab-el-Oued.
Le Gouvernement impérial plus tard, lui offrit un lutrin décoré
d'un aigle d'or aux ailes déployées. (Déposé
dans le sous-sol puis recueilli au Service des Monuments Historiques).
Le temple chrétien conserva de l'ancienne mosquée : la vasque
à ablutions qu'on transforma en cuve baptismale, le clocheton et
la rampe de marbre du mimbar, qui servirent à la construction de
la chaire; le siège de marbre de l'imam, sur lequel fut exposé
le tabernacle et dont les pièces les plus belles étaient
des colonnes torses incrustées d'onyx.
L'église fut surmontée d'une croix en 1840, sur l'ordre
du maréchal Valée. Le maréchal Bugeaud fit un peu
plus tard, procéder de même pour l'église Sainte-
Croix.
L'ancien temple n'occupait à peu près, que l'emplacement
du choeur actuel. Bientôt la nouvelle église chrétienne
subit, comme il vient d'être dit, une transformation générale.
Elle fut presque entièrement démolie et reconstruite, puis
considérablement agrandie. Lors des fouilles exécutées
pour la construction des tours, une intéressante mosaïque
fut trouvée, représentant des têtes d'animaux et aussi
des médaillons qui encadraient, ici, un oiseau, là, un personnage
coiffé d'un bonnet phrygien, etc... Ces mosaïques, dont une
partie demeure sous les fondations de la .Cathédrale, ont été
attribuées à d'anciens thermes romains. Les travaux de la
réfection durèrent de 1845 à 1860. En 1890, la façade
reçut des décorations polychromes, formées de carreaux
de faïences, de cabochons et de mosaïques. Un escalier de vingt-trois
marches monta jusqu'à son portail que décorèrent
quatre beaux fûts de marbre noir veiné de blanc. Les colonnes
qui soutinrent les voûtes de la nef furent des reproductions fidèles
de celles de l'ancienne mosquée.
Les sculpteurs Fulconis et Latour tapissèrent les parois d'élégantes
broderies en stuc.
Au choeur furent placées quatre grandes colonnes en marbre gris
sur bases de porphyre, avec chapiteaux d'albâtre.
Il y a à signaler en cette église, le diadème d'argent
repoussé dont est couronnée la Vierge et qui a été
rapporté de Sébastopol par le chanoine G'stalter.
Il y a également à mentionner le tombeau du martyr Geronimo.
(Voir à Batteries
extérieures. Bordj Setti Takelitt).
Le carillon de l'église comprend un bourdon de 5.000 kilogrammes
qui porte cette inscription :
Je me nomme Charles,
J'ai été fondu à Lyon par J.-C. Burdin,
Napoléon III étant Empereur des Français
Pie IX étant souverain Pontife.
J'ai été baptisé
Par Monseigneur Charles-Martial-Allemand Lavigerie,
Premier Archevêque d'Alger
Le 25 du Mois de Mars 1868
|
Le temple fut classé
en 1908.
L'Empereur et l'Impératrice y entendirent la messe, le 18
septembre 1860.
Le 30 novembre 1873, Saint-Saëns
tint l'orgue pour une cérémonie de Charité où
quêta la générale Chanzy.
Notre-Dame-des-Victoires
(Mosquée Ali-Bitchnin)
Cette mosquée qui date de 1622, et
dont il a été déjà question, fut construite
par Ali Bitchnin, renégat vénitien, dont le fils, Tchelibi,
devint un corsaire redoutable.
Emmanuel d'Aranda fut son esclave. Un bagne portant son nom était
attenant à ce temple.
Il est à remarquer que la mosquée qu'il édifia est
plutôt par sa forme intérieure, une église vénitienne
ou byzantine. Ce temple est composé d'une nef carrée à
coupole octogonale, qu'entourent sur trois côtés, des galeries
recouvertes d'une vingtaine de petits dômes.
La fontaine qui coule à la base du minaret a nom Aïn-ech-Chara
(fontaine de la Grand'rue) ( Pour les
autres détails, voir à Monuments
religieux occupés.).
Les revenus de cette mosquée de laquelle dépendaient sept
boutiques du rez-de- chaussée, étaient en 1830, dit un document,
de 1.610 fr 15. Ses dépenses furent alors de 744 frs 40 (Devoulx).
Comme il a été dit, cette mosquée dont on fit à
la Conquête, la pharmacie centrale de l'armée, devint en
1843, église chrétienne.
Elle fut sous le vocable de Notre-Dame-des-Victoires. Elle servit de cathédrale
(on vient de le voir), durant les transformations de St-Philippe.
Le fondateur du temple, Ali Bitchnin était tenu à Alger,
en haute considération. On lui rendit après sa mort les
plus grands honneurs.
Une description de la cérémonie fut donnée par l'abbé
Orse. (D'après les lettres écrites par le P. Lucien Hérault
à son supérieur le P. Casset, d'après le récit
du patron Maillan qui ramena 45 esclaves rachetés, et d'après
les détails fournis par le P. Franciscain, Amselme David, qui fut
le directeur du précité missionnaire pendant sa maladie).
"Son corps, revêtu de riches habits, fut exposé publiquement
et gardé par plusieurs compagnies de la Milice qui se relevaient
chaque jour. Deux bannières déployées rappelaient
les victoires qu'il avait remportées sur les Chrétiens.
Pendant quinze jours que dura l'exposition, ses officiers servirent une
table somptueuse et le revêtirent chaque jour d'habits nouveaux
et magnifiques. Enfin, on l'enferma dans un cercueil oû il était
assis, ayant son coude appuyé sur son genou et sa tête penchée
sur la main droite. Ce cercueil fut enveloppé, d'un tapis vert,
et l'on déposa dessus, les armes dont il s'était servi pendant
sa vie. Les marabouts le portèrent à son tombeau, et l'on
vit dans le cortège les juges du Divan et de la Douane, revêtus
d'une veste brodée en or, qui était lacée par devant
avec une chaîne du même métal. On le plaça,
la face tournée vers la Mecque, et les deux bannières qui
rappelaient ses exploits, portées par les présidents du
Divan et de la Douane, furent placées sur sa tombe. On continua
pendant vingt jours à servir sa table, à la grande satisfaction
de quelques esclaves qui venaient chaque jour, festiner en son honneur".
Sainte-Croix (Djama-Berani)
Cette mosquée très ancienne,
(il en est déjà fait mention en un acte de l'année
1653) (Devoulx), portait le nom de Djama-el-Kasba-Berani, c'est-à
dire : mosquée de la Casbah pour les gens de l'extérieur.
Elle fut restaurée par le Dey Hussein. Son minaret reçut
des décorations d'émail. L'armée, avons-nous dit
précédemment, à
Monuments Religieux occupés, s'en servit jusqu'en 1839.
Remise en fut faite alors aux Domaines. Le 3 mai de cette année,
elle devint, on l'a vu, église chrétienne sous le vocable
de Sainte-Croix.
Devant sa porte croissait un figuier aux branches duquel on trouva suspendu
en 1830, des têtes d'esclaves chrétiens. Le clergé
fit abattre cet arbre, du bois duquel fut fait le tabernacle de l'église
(ainsi que plusieurs croix).
Au début de son épiscopat, Mgr Dupuch avait formé
le projet - qui ne devait être réalisé - de faire
fondre la Consulaire (1Canon à
la bouche duquel périt le Père Levacher, en 1685.)
d'où il désirait que des cloches fussent tirées,
qu'il destinait à cette église et aux autres temples catholiques
de la ville.
Une statue de la Vierge, offerte par une congrégation de Lyon,
fut érigée à Sainte-Croix, sur une colonne provenant
de Rusguniae.
Le chemin de Croix de cette église fut offert par un soldat du
corps des Zouaves et inauguré le 20 juillet 1835, par Mgr Dupuch.
Ajoutons qu'avant la concession de cette ancienne mosquée au clergé,
Mgr Dupuch avait demandé, mais en vain, Djama-Djedid. Ce prélat
avait aussi sollicité, en 1846, la mosquée Sidi-Abd-er-Rahman,
qu'il voulait consacrer à Notre-Dame de la Délivrance.
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