les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Édifices religieux : Temples chrétiens catholiques
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Organisation du culte catholique
- La Cathédrale (Mosquée Ketchaoua)
- Notre-Dame-des-Victoires (Mosquée Ali-Bitchnin)

- Sainte-Croix (Djama-Berani)
sur site le 13-4-2009

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Organisation du culte catholique

Alger n'avait, en 1830, pour l'exercice du culte catholique, que la chapelle des esclaves, au bagne de la Caserne des Lions, rue Bab-Azoun. La messe fut dite ensuite dans la chapelle des Lazaristes, située rue de l'Etat-Major ( Il y avait encore des chapelles privées, telles celles de la Maison de France et du Consulat d'Espagne. Pour d'autres chapelles d'esclaves, voir à : Bagnes chrétiens.).

En 1832, la mosquée Ketchaoua, située rue du Divan, fut transformée en église chrétienne. Il en fut de même, en 1839, de la mosquée extérieure de la Casbah, et, en 1841, de la mosquée Ali-Bitchnin (rue de la Casbah). Des chapelles furent également créées ( Une église fut aussi créée à Mustapha, que l'on installa dans une voûte donnée par un colon. Disons, pour mémoire, que les premières églises bâties hors d'Alger furent, par ordre de construction, celles de Dély-Ibrahim, de Draria, de Birkadem (dont le maître-autel fut offert par le roi de Naples) et de Douéra.) en divers immeubles. Rue de Constantine (à l'angle de la rue Waïsse), un petit temple fut construit : Saint Augustin, dont 1851 vit le baptême de la première cloche.

En 1866, l'église de ce vocable fut, place d'Isly, en la maison attenante au Mont de Piété.

En 1870, en une ancienne caserne du Train que remplaça l'actuel Palais de Justice. En 1877, en une construction en bois qui s'étendait en travers de la rue Portalis. En 1878, dans le présent édifice de la rue de Constantine, en face duquel
débouche la rue Pinson de Ménerville.

Il y eut à Alger, outre les églises précédemment mentionnées, un certain nombre de chapelles, la plupart dépendant d'établissements religieux ou universitaires.

Citons celles du collège de la rue Bab-Azoun, (ancienne caserne de janissaires), installée dans la chambre tapissée d'émail de Yahia-Agha (mentionnée déjà); des Lazaristes, impasse Sainte-Philomène; des Pères de la rue Salluste; du couvent de la Miséricorde (même rue), jadis Dar-el-Khal (maison du vinaigre); de l'Evêché; de la Doctrine Chrétienne, rue Roland-de-Bussy, que desservait l'ancien aumônier du consulat d'Espagne; des Jésuites, rue des Consuls, sur l'emplacement de l'ancienne chancellerie de Suède; des Espagnols, voisine de la rue de la Lyre; du Sacré-Coeur, devenue centre de paroisse à Mustapha, en l'ancienne villa de Yahia-Agha, qui fut détruite en 1934; de l'orphelinat Saint-Vincent-de-Paul, à Mustapha-Supérieur, dans un domaine de Mustapha-Pacha; de Notre-Dame du Ravin, dans la vallée des Consuls, dont la première pierre fut posée le 14 octobre 1855, non loin du lieu où un olivier séculaire avait gardé, pendant quelques années, en son tronc évidé, une statue de la Vierge, objet de la dévotion populaire; de la Chapelle Provisoire, élevée en 1857 et inaugurée le 28 août 1861, remplaça la basilique de Notre-Dame d'Afrique, commencée en 1858 et consacrée en 1872 par l'archevêque Lavigerie.

Mentionnons encore la chapelle du Pénitencier du Fort des Vingt-Quatre-Heures, du Fort d'Azoun, et celle des Condamnés du Fort-Neuf, qui était, sous le vocable de Saint-Pierre-ès-Liens, et aussi l'Oratoire de l'Amirauté, inauguré par l'évêque Pavy, le 8 août 1850. Citons aussi les chapelles faisant partie du Grand et du Petit Séminaire; de l'orphelinat de Ben-Aknoun, lequel fut installé en un ancien quartier de cavalerie; de la Trappe; des Pères Blancs, à Maison-Carrée; puis les chapelles des hôpitaux civils et militaires.

Dans la suite, de nouvelles églises furent créées à Alger, celles de Saint-Vincent de Paul, de Bab-el-Oued et celle de Saint-Charles, à l'Agha, de style byzantin. Ajoutons qu'une chapelle des plus élégantes fut annexée à l'établissement des Carmélites, que fonda, en 1894, la princesse Bibesco. En ces dernières années furent créées les églises Sainte-Marcienne d'Isly; Sainte-Anne de la Redoute; celles encore du Ruisseau et du Hamma.

L'évêché d'Alger fut constitué le 10 août 1838 sous la désignation de Julia Coesarea (Cherchell), ville occupée en 1840.
Le premier évêque fut Mgr Dupuch, que remplaça Mgr Pavy, le 25 février 1846. Le troisième prélat (archevêque) fut Mgr Lavigerie, nommé en 1867 ( Le 12 janvier de cette année, un décret avait créé les évêchés d'0ran et de Constantine.) et devenu cardinal en 1882. Ses successeurs furent les archevêques Dusserre (1892); Oury (1898); Combes (1908); Leynaud (1917). En 1833, le prélat de Marseille avait été nommé pour Alger, évêque "in partibus".

La Cathédrale (Mosquée Ketchaoua)
( Ketchaoua - plateau de chèvres), nom donné dans les siècles précédents, à cette partie de l'ancien Alger où ne s'élevait encore aucune construction, et d'aspect tout bucolique.)

On ignore la date de la fondation de la mosquée Ketchaoua. On sait seulement, d'après un acte de cadi, qu'elle existait déjà en 1612. En 1794, le pacha Hassan la reconstruisit suivant de plus grandes proportions et en prenant modèle sur la mosquée Es-Sida (place du Gouvernement).

Un minaret plaqué d'émail la surmontait. Sa nef était carrée. Celle-ci était ornée de riches colonnes, de panneaux peints et de géantes inscriptions.

L'entrée du temple se trouvait dans la rue du Divan. Sa porte artistique, comme il a été dit, fut donnée, en 1843, à l'église Notre-Dame des Victoires. Au-dessus de cette entrée était placée cette inscription en langue arabe :
"Quelle belle mosquée! elle est recherchée par les désirs, avec un empressement extrême. Les splendeurs de son achèvement ont souri sur l'horizon du siècle. Elle a construite par son sultan, agréable à la puissance éminente : Hassan Pacha, avec une beauté sans pareille."

Un chronogramme y donnait la date de 1209 (1794-95).

Cette mosquée fut transformée en église chrétienne en 1832. Le 24 décembre de cette année, la messe y fut dite par l'abbé Collin, préfet apostolique de la Régence.

La nouvelle église conserva sur ses colonnes les inscriptions suivantes qu'avait gravées, en 1795, le maître Ibrahim Djarkeli Bavoux.) :
" Dieu (qu'il soit béni et exalté!) a dit : "Que le temple soit fondé sur la piété" (Sourate IX, verset 109).
"Les temples appartiennent à Dieu, n'y invoquons pas d'autres divinités que Dieu."
(Sourate LXXII, verset 18).
"La prière est pour les fidèles une obligation déterminée à certaines heures (Sourate IV, verset 104).

"Acquittez-vous de vos prières ainsi que de la prière du matin et montrez-vous obéissants à Dieu." (Sourate II, verset 139).

Une description de ce temple a été faite en 1832 par l'abbé Bargès, que reproduisit peu après, l'ouvrage d'Egron. En voici un extrait :

"Au-dessus de chaque galerie, excepté dans la partie orientale, règne une tribune avec balustrade de bois d'un travail très artistique. Cette tribune est occupée par les dames. Une place y est réservée au Gouverneur et à sa famille qui peuvent s'y rendre directement du palais, lequel est attenant au temple."

"Des armoires ont été pratiquées ça et là, le long des murs; les portes présentent des panneaux de pièces rapportées, chacune de couleur différente. Les pans intérieurs de l'église sont revêtus, jusqu'à la hauteur de la tribune, de carreaux de porcelaine blanche et bleue d'un très curieux effet. La chaire, adossée à une colonne, est ornée de sculptures d'une délicatesse et d'un fini remarquables. Devant le lieu où l'on conservait le Coran (le rnirhab) et vers lequel se tournaient les musulmans, en priant, on a dressé une statue de la Vierge. A quelques pas de là, s'élève le maître-autel, dont la richesse est en h armonie avec la beauté de ce temple. Il offre plusieurs espèces de marbres précieux."

"Ce qui frappe le plus en entrant dans cette église, ce sont les inscriptions presque colossales qui en ornent les parois. Les lettres ont de trois à quatre pieds de long. Ces inscriptions expriment des sentences tirées du Coran. L'une d'elles rappelle l'histoire des Sept Dormants" ( Au-dessus de l'autel apparaissait, incrusté dans la muraille, un superbe tableau hémisphérique, présentant des caractères arabes d'or, sur fond d'émeraude.). (Voir à Batteries extérieures Matifou).

Ce fut la reine Amélie qui offrit à la nouvelle église ses vases sacrés et les premiers ornements sacerdotaux.

Le pape Grégoire XVI lui fit présent d'un tableau de Carrache, représentant l'Assomption. Il fit don également d'un calice d'or entouré de pierreries et décoré du coq, symbole de la vigilance, pièce qu'avec d'autres souvenirs reçut l'église N-D des Victoires, devenue église métropolitaine, lors de la réédification de la Cathédrale suivant des plans nouveaux.

Ces souvenirs furent laissés à l'église de la rue Bab-el-Oued.

Le Gouvernement impérial plus tard, lui offrit un lutrin décoré d'un aigle d'or aux ailes déployées. (Déposé dans le sous-sol puis recueilli au Service des Monuments Historiques).

Le temple chrétien conserva de l'ancienne mosquée : la vasque à ablutions qu'on transforma en cuve baptismale, le clocheton et la rampe de marbre du mimbar, qui servirent à la construction de la chaire; le siège de marbre de l'imam, sur lequel fut exposé le tabernacle et dont les pièces les plus belles étaient des colonnes torses incrustées d'onyx.

L'église fut surmontée d'une croix en 1840, sur l'ordre du maréchal Valée. Le maréchal Bugeaud fit un peu plus tard, procéder de même pour l'église Sainte- Croix.

L'ancien temple n'occupait à peu près, que l'emplacement du choeur actuel. Bientôt la nouvelle église chrétienne subit, comme il vient d'être dit, une transformation générale. Elle fut presque entièrement démolie et reconstruite, puis considérablement agrandie. Lors des fouilles exécutées pour la construction des tours, une intéressante mosaïque fut trouvée, représentant des têtes d'animaux et aussi des médaillons qui encadraient, ici, un oiseau, là, un personnage coiffé d'un bonnet phrygien, etc... Ces mosaïques, dont une partie demeure sous les fondations de la .Cathédrale, ont été attribuées à d'anciens thermes romains. Les travaux de la réfection durèrent de 1845 à 1860. En 1890, la façade reçut des décorations polychromes, formées de carreaux de faïences, de cabochons et de mosaïques. Un escalier de vingt-trois marches monta jusqu'à son portail que décorèrent quatre beaux fûts de marbre noir veiné de blanc. Les colonnes qui soutinrent les voûtes de la nef furent des reproductions fidèles de celles de l'ancienne mosquée.

Les sculpteurs Fulconis et Latour tapissèrent les parois d'élégantes broderies en stuc.

Au choeur furent placées quatre grandes colonnes en marbre gris sur bases de porphyre, avec chapiteaux d'albâtre.

Il y a à signaler en cette église, le diadème d'argent repoussé dont est couronnée la Vierge et qui a été rapporté de Sébastopol par le chanoine G'stalter.

Il y a également à mentionner le tombeau du martyr Geronimo. (Voir à Batteries extérieures. Bordj Setti Takelitt).

Le carillon de l'église comprend un bourdon de 5.000 kilogrammes qui porte cette inscription :

Je me nomme Charles,
J'ai été fondu à Lyon par J.-C. Burdin,
Napoléon III étant Empereur des Français
Pie IX étant souverain Pontife.
J'ai été baptisé
Par Monseigneur Charles-Martial-Allemand Lavigerie,
Premier Archevêque d'Alger
Le 25 du Mois de Mars 1868

Le temple fut classé en 1908.

L'Empereur et l'Impératrice y entendirent la messe, le 18 septembre 1860.

Le 30 novembre 1873, Saint-Saëns tint l'orgue pour une cérémonie de Charité où quêta la générale Chanzy.

Notre-Dame-des-Victoires (Mosquée Ali-Bitchnin)

Cette mosquée qui date de 1622, et dont il a été déjà question, fut construite par Ali Bitchnin, renégat vénitien, dont le fils, Tchelibi, devint un corsaire redoutable.

Emmanuel d'Aranda fut son esclave. Un bagne portant son nom était attenant à ce temple.

Il est à remarquer que la mosquée qu'il édifia est plutôt par sa forme intérieure, une église vénitienne ou byzantine. Ce temple est composé d'une nef carrée à coupole octogonale, qu'entourent sur trois côtés, des galeries recouvertes d'une vingtaine de petits dômes.

La fontaine qui coule à la base du minaret a nom Aïn-ech-Chara (fontaine de la Grand'rue) ( Pour les autres détails, voir à Monuments religieux occupés.).

Les revenus de cette mosquée de laquelle dépendaient sept boutiques du rez-de- chaussée, étaient en 1830, dit un document, de 1.610 fr 15. Ses dépenses furent alors de 744 frs 40 (Devoulx).

Comme il a été dit, cette mosquée dont on fit à la Conquête, la pharmacie centrale de l'armée, devint en 1843, église chrétienne.

Elle fut sous le vocable de Notre-Dame-des-Victoires. Elle servit de cathédrale (on vient de le voir), durant les transformations de St-Philippe.

Le fondateur du temple, Ali Bitchnin était tenu à Alger, en haute considération. On lui rendit après sa mort les plus grands honneurs.

Une description de la cérémonie fut donnée par l'abbé Orse. (D'après les lettres écrites par le P. Lucien Hérault à son supérieur le P. Casset, d'après le récit du patron Maillan qui ramena 45 esclaves rachetés, et d'après les détails fournis par le P. Franciscain, Amselme David, qui fut le directeur du précité missionnaire pendant sa maladie).

"Son corps, revêtu de riches habits, fut exposé publiquement et gardé par plusieurs compagnies de la Milice qui se relevaient chaque jour. Deux bannières déployées rappelaient les victoires qu'il avait remportées sur les Chrétiens.

Pendant quinze jours que dura l'exposition, ses officiers servirent une table somptueuse et le revêtirent chaque jour d'habits nouveaux et magnifiques. Enfin, on l'enferma dans un cercueil oû il était assis, ayant son coude appuyé sur son genou et sa tête penchée sur la main droite. Ce cercueil fut enveloppé, d'un tapis vert, et l'on déposa dessus, les armes dont il s'était servi pendant sa vie. Les marabouts le portèrent à son tombeau, et l'on vit dans le cortège les juges du Divan et de la Douane, revêtus d'une veste brodée en or, qui était lacée par devant avec une chaîne du même métal. On le plaça, la face tournée vers la Mecque, et les deux bannières qui rappelaient ses exploits, portées par les présidents du Divan et de la Douane, furent placées sur sa tombe. On continua pendant vingt jours à servir sa table, à la grande satisfaction de quelques esclaves qui venaient chaque jour, festiner en son honneur".

Sainte-Croix (Djama-Berani)

Cette mosquée très ancienne, (il en est déjà fait mention en un acte de l'année 1653) (Devoulx), portait le nom de Djama-el-Kasba-Berani, c'est-à dire : mosquée de la Casbah pour les gens de l'extérieur. Elle fut restaurée par le Dey Hussein. Son minaret reçut des décorations d'émail. L'armée, avons-nous dit précédemment, à Monuments Religieux occupés, s'en servit jusqu'en 1839.

Remise en fut faite alors aux Domaines. Le 3 mai de cette année, elle devint, on l'a vu, église chrétienne sous le vocable de Sainte-Croix.

Devant sa porte croissait un figuier aux branches duquel on trouva suspendu en 1830, des têtes d'esclaves chrétiens. Le clergé fit abattre cet arbre, du bois duquel fut fait le tabernacle de l'église (ainsi que plusieurs croix).

Au début de son épiscopat, Mgr Dupuch avait formé le projet - qui ne devait être réalisé - de faire fondre la Consulaire (1Canon à la bouche duquel périt le Père Levacher, en 1685.) d'où il désirait que des cloches fussent tirées, qu'il destinait à cette église et aux autres temples catholiques de la ville.

Une statue de la Vierge, offerte par une congrégation de Lyon, fut érigée à Sainte-Croix, sur une colonne provenant de Rusguniae.

Le chemin de Croix de cette église fut offert par un soldat du corps des Zouaves et inauguré le 20 juillet 1835, par Mgr Dupuch.

Ajoutons qu'avant la concession de cette ancienne mosquée au clergé, Mgr Dupuch avait demandé, mais en vain, Djama-Djedid. Ce prélat avait aussi sollicité, en 1846, la mosquée Sidi-Abd-er-Rahman, qu'il voulait consacrer à Notre-Dame de la Délivrance.