Alger - l'Algérie
         BREVES MONOGRAPHIES COMMUNALES
Les trois villages du sahel de Koléa

 o        DOUAOUDA

Texte, illustrations : Georges Bouchet

mise sur site le 26-5-2008

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 o        DOUAOUDA

Historiquement la création du village a été annoncée dès 1842, et réalisée à partir de 1844.
Douaouda est un pur village Guyot. Le Directeur de l'Intérieur et de la Colonisation ne lui consacre cependant, dans son rapport, que les trois petites lignes que voici.

Territoire d'une tribu émigrée en 1839.
Position analogue à celle de Fouka, également saine et pourvue d'eau
Les terres s'étendent jusqu'au bord de mer et jusqu'au Mazafran


Il a été fondé officiellement en 1844, en soutien de l'ancienne ville de Koléa que l'armée française n'avait définitivement occupée qu'en 1838.

Les terres ont été concédées à des colons civils, contrairement à la commune voisine de Fouka.

Le nom arabe du village n'est pas celui d'une tribu, ni celui d'un oued, ni celui d'un personnage illustre. Mais celui d'une plante salutaire cueillie par un marabout un tantinet herboriste qui réussit ainsi à guérir sa jument de je ne sais quoi au juste : Douaouda signifierait quelque chose du genre " remède de la jument ".

1903 fut pour la commune, une très grande date, avec l'arrivée des trains des CFRA. Les trains ne grimpaient pas jusqu'au village située à 110m de haut, mais traversaient toute la commune le long de la route littorale sur le bas côté de laquelle avaient été posés les rails

Cette voie ferrée étroite a eu deux conséquences majeures, en facilitant le déplacement des Algérois et des marchandises.

Les Algérois ont pu venir à la plage le dimanche ou durant les vacances, pour ceux qui en bénéficiaient alors. Si les congés payés sont étendus à tous les salariés en 1936 seulement, l'obligation de respecter le dimanche, ou d'accorder un jour compensateur est de 1906. Peu à peu a été créée une sorte de double de Douaouda en bordure, sinon de mer, du moins au bord de la petite falaise qui domine la plage. Cette agglomération de cabanons, puis de villas, a d'abord été appelée " Douaouda-les-Bains ", comme sur la carte des années 1930, puis Douaouda-Marine. Les premiers cabanons furent montés sur la plage ; les dernières villas, résidences secondaires de vacances très souvent, ont été construites au-dessus de la falaise ou en arrière, de part et d'autre de la RN 11.

Les colons de Douaouda ont pu s'adonner à d'autres cultures que la vigne et s'orienter vers le maraîchage. Cette évolution fut aidée par la mévente des vins sur le marché métropolitain dès le début du XXè siècle, à cause de la reconstitution de son vignoble après la crise du phylloxera. La vigne n'a pas disparu, mais a cédé la place aux légumes primeurs partout où la terre était irrigable.

Entre les deux guerres une station de recherche piscicole a été ouverte dans la commune, près du Mazafran et de la RN 11. Elle figurait sur la carte Michelin. Je ne crois pas que ses recherches aient jamais débouché sur une quelconque exploitation commerciale. Si un lecteur connaissait quelques précisions sur cette station, son apport serait apprécié favorablement.

Après 1945 une station de pompage fut aménagée et équipée d'installations permettant l'irrigation de 600 ha ; ce qui est beaucoup pour cette petite commune. Ce fut un progrès considérable, même s'il fallait veiller à la salinité de l'eau pompée, si près de l'embouchure, les jours de tempête ou de vents du nord.

Après la signature des pseudo-accords d'Evian le 18 mars 1962 Douaouda connut les mêmes inquiétudes qu'ailleurs dans le Sahel. Mais la mémoire des habitants présents a retenu surtout la journée du 12 mai 1962 où les rues furent parcourues par une foule musulmane menaçante qui fit comprendre que l'heure était venue de choisir entre " la valise ou le cercueil ".

Certains n'eurent pas à choisir : par exemple le gérant de ferme qui avait été assassiné dans son champ dès le 10 avril 1958, 4 ans plus tôt.

Sur l'insécurité dans le Sahel j'ai hasardé quelques réflexions dans le supplément adjoint au chapitre Saint Ferdinand.

Quelques dates

1844 - Fondation du centre de colonisation de Douaouda
1848 - Rattachement de la commune à l'arrondissement de Blida
1900 - Les trains des CFRA remontent la vallée du Mazafran vers Koléa
1903 - Les trains des CFRA desservent la halte de Douaouda-les-Bains vers Castiglione
1935 - Arrêt du trafic ferroviaire
1945 - Construction d'une station de pompage des eaux du Mazafran pour l'irrigation
1958 - Premier attentat mortel du FLN

Le territoire communal

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Territoire communal de Douaouda
Territoire communal de Douaouda

Cette commune est, tout comme sa voisine, Fouka, petite.

Sa forme est, approximativement, celle d'un carré de 3,5 km de côté, à quelques protubérances près vers l'est. Au total sa superficie pourrait être comprise entre 1200 et 1400 ha.

Pour ce qui concerne le relief, ce territoire est quadruple, ainsi qu'il apparaît clairement sur la carte.

                      • Un plateau constitue l'essentiel de l'étendue de la commune. Il est en pente vers la mer,mais est en fait divisé en deux par un talus intermédiaire.

Au sud le plateau sur lequel est bâti le village de Douaouda descend lentement de 186m à 110m. Ensuite la pente se raidit, surtout du côté de Fouka, et aboutit à un espace plat haut de 20 à 30m seulement au-dessus du rivage.

Deux courts ravins, à sec sauf en période de pluie, entaillent le talus.

Ce plateau est la zone la plus importante pour l'agriculture. Les cultures recouvrent la quasi totalité des terres. Mais , comme partout dans le Sahel les plantes cultivées ont changé en fonction de la date. Au début on sema des céréales et on récolta des fourrages pour l'armée. Puis, vers 1880 c'est la vigne qui s'imposa jusqu'à devenir quasi une monoculture, avec cependant, parfois, des pommes de terre, en culture intercalaire. Enfin au XXè siècle apparurent les cultures maraîchères.

Le maraîchage fut rendu possible par l'arrivée du train ; et lorsque la voie ferrée fut fermée, les camions avaient pris le relais. L'essor fur accéléré par la possibilité d'irriguer facilement après 1945. Chaque cultivateur avait droit à une certaine durée d'arrosage, toutes les 48 heures. Il devait utiliser son tour, quelle que soit l'heure prévue par le planning ; ce pouvait être de nuit.

Deux productions dominèrent assez nettement ; les pommes de terre, puis les tomates.

Les plants de pommes de terre sélectionnés étaient achetés en Bretagne, dans la région de Saint-Pol-de-Léon. On les mettait à germer sur des clayettes, avant de les mettre en terre en octobre-novembre. La récolte avait lieu fin mars. Cette culture n'était pas irriguée.

La tomate connut un essor si remarquable qu'on finit par appeler " tomateros ", les anciens viticulteurs reconvertis dans les légumes. Il y avait deux récoltes de tomates par an : une en avril, une en septembre. Les plants de la récolte d'avril étaient semés sous châssis en décembre ; l'irrigation était inutile. Les plants de la récolte de septembre-octobre étaient repiqués en juillet ; l'irrigation était tout à fait indispensable. Les opérations les plus délicates étaient l'ébourgeonnage et l'attache des rameaux. Entre les deux plantations il fallait brûler les plants desséchés, et non les enfouir, par crainte des champignons nuisibles. Puis on labourait et on traitait les terres avec du Fumigan, un pesticide tiré du pétrole efficace contre les courtilières et divers parasites. La mode n'était pas encore à l'agriculture biologique, même si on utilisait aussi du fumier naturel acheté dans le sud.

Parmi les autres récoltes annexes on peut trouver des spécialités " bretonnes " (choux-fleurs ou artichauts) et d'autres qui ne l'étaient pas du tout, tels les poivrons ou les patates douces.

Toutes ces récoltes se trouvaient à la source de " filières " comportant au moins deux activités associées : l'emballage et le transport vers Alger et son port. On recensait, dans la commune au moins 5 ateliers de conditionnement pour l'exportation et 2 entreprises de transport ; sans oublier une coopérative d'une vingtaine d'adhérents travaillant à Douaouda et à Fouka.

                      • La vallée du Mazafran est une plaine alluviale très basse : altitude moins de 11m.
Seule la rive gauche concerne la commune de Douaouda. Comme le fleuve décrit de larges méandres la largeur de la plaine est réduite à rien au droit du village, et s'élargit jusqu'à un kilomètre dans le méandre dit du fer à cheval.

Bien que ces terres soient inondées certaines années, en 1921 notamment, elles ont été couvertes de vignobles, avec un grand domaine, celui du fer à cheval. Les vignes n'atteignent pas les rives à cause des risques d'inondation et de sapement des berges.
Pour les mêmes raisons la route de Koléa (et aussi le chemin de fer entre 1900 et 1935) suivent au plus près le pied du versant du plateau qui domine la vallée.

Les rives du fleuve sont boisées presque jusqu'à l'embouchure. L'encaissement de cette vallée est tel que l'usage s'est imposé de parler de la trouée du Mazafran.

                      • Le versant qui relie le plateau à la vallée est abrupt. Il rattrape en moins d'un kilomètre 180m de dénivellation. Il n'a jamais été défriché. Il est entièrement couvert de forêts ou de broussailles denses. Il ne s'y trouve aucune habitation.

                      • La côte a deux aspects successifs. A l'est c'est une plage de sable bordée de dunes basses qui prolonge les plages de Sidi Ferruch et de Zéralda. A l'ouest, en face de Douaouda-Marine, c'est une côte rocheuse et un peu escarpée avec une sorte de falaise morte qui domine de quelques mètres une plage étroite.

Des maisons de vacances ont été construites au bord de la falaise, et même sur la plage plus rarement. Si bien qu'une agglomération s'est allongée entre la route et la mer. Sa vocation fut essentiellement touristique et balnéaire pour des clientèles locales venues d'Alger ou de la Mitidja proche, celle de Boufarik et d'Oued el-Alleug notamment.

Des relevés géodésiques de précision, établis entre 1959 et 1999 ont décelé une évolution complexe du trait de côte et des plages. De 1959 à 1972 il y a eu engraissement des plages. Ensuite les plages ont reculé modérément, davantage à l'est près du Mazafran qu'à l'ouest. Mais si des villas du bord du plateau sont menacées, ce n'est pas par suite de l'érosion marine, mais à cause de l'érosion du talus par ravinement, et aussi par manque d'entretien.

Le village centre
Il est, à 'image de la commune, bien modeste. En 1939 il était encore presque entièrement inclus dans le rectangle de protection des origines, avec une rue périphérique et deux rues se croisant au centre du village. Il est vrai que des fermes avaient été construites au milieu des vignes dès la fin du XIX è siècle.

 
Le style est celui des années 1900-1910.
Le timbre date la carte de 1926-1930.
 
Village de colonisation classique avec maisons basses bien alignées et trottoirs plantés d'arbres.

Ce sont les autobus de la Société des routes nord-Africaines qui assuraient la desserte du village à partir d'Alger. Les trains des CFRA ne sont jamais montés jusqu'au village. Ils desservirent, de 1900 ou 1903 à 1935, le village du bord de mer (ligne de Castiglione) et la vallée du Mazafran, avec le domaine du fer à cheval (ligne de Koléa).


Le centre de Douaouda-Marine

Il est apparu plus tard le long de la RN 11. Il s'est ensuite beaucoup développé, occupant tout l'espace entre la route et la falaise dominant la plage.

On avait même aménagé, au centre de cet espace bâti un vaste rond point ombragé.

la plage au pied de la falaise
 
le village

Sa desserte fut assurée par les trains à vapeur de 1903 à 1935. Ensuite deux compagnies de transports par autobus avaient un arrêt en ces lieux : la Société des Transports R. et A. Roques, ainsi que la Société des Messageries du littoral et Transports Mory.


Suppléments sur la trouée du Mazafran et le drainage de la Mitidja à travers le Sahel.

trouée du Mazafran
                      • La trouée du Mazafran
C'est un modèle de percée antécédente probablement aidée par la présence d'une faille méridienne.

Le Sahel est un bourrelet anticlinal d'âge pliocène qui a peu à peu séparé la plaine de la Mitidja de la Méditerranée. Certains cours d'eau ont néanmoins réussi à maintenir leur cours jusqu'à la mer en creusant leur lit aussi vite que s'élevaient les collines. L'emplacement du cours d'eau, et donc ensuite de sa percée, est "antécédent" car antérieur aux déformations pliocènes.

De toutes les percées ayant réussi à conserver un drainage, même imparfait, de la Mitidja, la trouée du Mazafran est la plus remarquable

C'est la plus profonde : elle est enfoncée de 160m d'un côté et de 120 de l'autre.

C'est la plus large ; jusqu'à 1 km, avec un fond alluvial entièrement mis en culture.

C'est une vallée à larges méandres divagants ayant presque calibré leur vallée.

C'est le cours d'eau qui a le module le plus élevé et le débit le plus régulier. Si régulier que le lit mineur ne laisse jamais apparaître aucun gravier dans sa traversée du Sahel : on croirait une rivière normande. Cette absence d'étiage prononcé est due à l'ampleur de son bassin versant. Il est alimenté d'abord par le principal oued, l'oued Chiffa, descendu de l'Atlas Tellien. Il reçoit aussi, par l'oued Fatis, les eaux des canaux de drainage des zones marécageuses de Boufarik et d'Oued el-Alleug. Il recueille enfin les eaux de débordement de l'ancien lac Halloula par l'oued Djer depuis 1864 , et des marais des Ouled Mendil, par l'oued Tleta canalisé à partir de 1927.

La dissymétrie des deux versants de la trouée est un argument en faveur de l'hypothèse d'une faille directrice que la séismicité de la zone, avec les séismes de 1825 et 1867 à Koléa, vient encore renforcer.

Pour illustrer l'étrangeté du fleuve Mazafran près de son embouchure je mets côte à côte la photo de l'embouchure, prise du pont sur la RN 11 en 1963 et la photo du même fleuve, à sa sortie de l'Atlas Tellien, là où il s'appelle encore oued Chiffa. Près de son embouchure les rives sont boisées. Au fond la ligne bleue de la Méditerranée souligne la turbidité du fleuve. L'oued Chiffa, sa branche amont principale n'est à l'étiage, qu'un filet d'eau perdu au milieu d'un vaste champ de graviers.

chiffa
 
mazeafran

                      • La Mitidja et son drainage avant et après 1830

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La Mitidja et son drainage avant et après 1830
Identification des cuvettes N = Nador drainée par l'oued Nador
  HA = Halloula drainée par un tunnel
  M = Mazafran drainée par le Mazafran
  HR = Harrach drainée par l'Harrach
  R = Rouïba drainée par les oueds Hamiz et RéghaÏa
:
La Mitidja est certes une plaine, mais très imparfaite. Elle n'apparaît parfaitement plane qu'aux yeux du passant. En réalité son relief a toutes les apparences d'un fond de lac irrégulièrement colmaté par un alluvionnement quaternaire complexe épais de plus de 100m.

Les matériaux arrachés à l'Atlas par l'érosion fluviale étant beaucoup plus abondants que ceux apportés par les oueds venus du Sahel, c'est au pied du Sahel que se trouvent les points les plus bas : moins de 30m contre 200 près de Blida. C'est naturellement là que se situaient en 1830 les marécages, voire les lacs, et les inondations hivernales les plus étendues.

Partout les débordements des oueds en période de grosses pluies, créaient des marais temporaires longs à disparaître et qui offraient autant de magnifiques nurseries pour les moustiques et les sangsues. Les plus gênants accompagnaient les branches amont du Mazafran et de l'Harrach.

Au sud, au pied de l'Atlas, les alluvions sont grossières et perméables, avec parfois un cône de déjection peu marqué, comme à Blida. Le risque de création de zones marécageuses est limité. Au nord, en bordure du Sahel, c'est l'inverse, tout concourt à la formation de marécages : les altitudes plus basses, les alluvions plus fines et imperméables, et l'abondance des sources, parfois artésiennes, qui font réapparaître les eaux infiltrées dans les alluvions grossières du sud de la plaine.

De surcroît cette plaine apparente est partagée en cinq cuvettes peu profondes séparées par des seuils imperceptibles : je ne les énumère pas ; elles sont indiquées sur la carte. Et ceci sans compter les cuvettes secondaires, telle celle du marais des Ouled Mendil située sur le seuil séparant les bassins du Mazafran et de l'Harrach, avec débordements possibles vers l'un ou l'autre.

Je n'ajouterai que quelques mots sur chacune, en allant de l'ouest vers l'est.

                      • L'oued Nador

oued nador

Le bassin du Nador est le plus petit, tout au bout de la Mitidja occidentale, autour de Marengo (Hadjoute). A l'entrée de sa percée un village de colonisation avait été créé en 1877 et officiellement reconnu par un décret l'année suivante, le 30 septembre, et rattaché à Cherchell. Son nom rend hommage à un général remarqué par le Premier Consul à la bataille de Marengo en juin 1800.

Entre Desaix et la plage Matarèse où se trouve l'embouchure de l'oued, il y a 6 km. Cet oued est très modeste : sur la photo proposée par Google Earth l'embouchure est à peine perceptible. A noter, pour comparer, que tous les clichés repris de Google Earth sont à la même échelle.
Aujourd'hui Desaix s'appelle Nador.

                      • Le lac Halloula
C'est la seule cuvette qui ne bénéficiait d'aucun drainage naturel : ce qui explique la présence d'un vrai lac de 7 km sur 4 km environ. Les années les plus humides il pouvait recouvrir 3 000 ha. Au centre la profondeur approchait les 7 m, mais elle était de moins d'un mètre au-dessus des terres inondées en hiver. Ce lac était donc entouré de marais temporaires qui favorisaient le paludisme et empêchèrent la création d'un village de colonisation au lieu-dit Sidi Rached.

Pour drainer le fond du lac il aurait fallu creuser un tunnel. Au XIXè siècle on se contenta d'en parler. Pour limiter l'extension hivernale, il suffisait de creuser quelques fossés pour diriger les eaux vers l'oued Djer, et donc vers le Mazafran. Les travaux furent entrepris en 1859 et terminés en 1864 ; ils diminuèrent de 500ha la zone inondable.

Le projet de fondation d'un village put être repris après 10 ans d'atermoiements. Il fut créé en 1869 et reçut le nom d'une victoire de mai 1859 sur les Autrichiens : Montebello. Mais en 1899 une inondation exceptionnelle détruisit les espoirs de récolte et relança l'idée d'un tunnel de 2275m à l'endroit où le Sahel est le plus étroit. A vrai dire l'idée fut plus longue à creuser que le tunnel correspondant. On attendit l'après guerre pour engager des travaux qui furent achevés en 1927.

Grâce à l'abondance des poissons il y avait eu des pêcheurs, et grâce à celle des sangsues une spécialité médicale rare, celle de l'hirudothérapie, développée à partir de 1844. Cette année-là un pharmacien militaire décida qu'au lieu d'importer de France, très cher, des sangsues utilisées par les chirurgiens du service de santé, on pouvait s'en procurer sur place. Il créa un vivier à sangsues. Les chirurgiens s'en servaient pour drainer les tissus opérés et les plaies où le retour veineux se faisait mal. Une sangsue agit comme une pompe à sang " désaturé en oxygène ". Elles ne pompent pas le sang artériel, mais seulement le sang veineux. Ce fut un succès dont j'ignore la durée.

                      • L'oued el Harrach, ou l'Harrach

La cuvette de l'Harrach était marécageuse le long des rives à cause des débordements hivernaux, et dans le triangle formé par sa confluence avec l'oued Smar près de Maison-Carrée. Ce sont ces marais paludéens qui ont décimé les premières garnisons de Maison-carrée et de la ferme modèle de Birkhadem.

L'Harrach et son affluent l'oued Djemmaa sont assez bien alimentés car ils descendent tous deux de l'Atlas Tellien. L'apport de l'oued Smar est minime. L'Harrach a un module plus faible et un débit plus irrégulier que ceux du Mazafran.

La percée de l'Harrach est également moins marquée car à peine encaissée de 50m du côté de Kouba et de 30m à l'est. La photo satellitaire montre bien l'environnement urbain de cette percée, mais pas du tout la pollution de l'oued et les odeurs associées. Bien avant 1962 l'Harrach était célèbre pour ses fragrances estivales liées aux décharges industrielles ; ça n'a pas du tout s'améliorer depuis.

                      • Les oueds Hamiz et Réghaïa de la plaine de Rouiba

plaine de Rouiba

Ils drainent la Mitidja orientale qui n'atteint pas la mer, mais qui n'en est séparée que par un dos de terrain, un draa comme dit la carte, très peu marqué à 40m maximum au-dessus de la plaine. Ici il n'y a plus de collines du Sahel, seulement une ondulation, même pas continue.

Il y avait en 1830 quelques petits marécages dispersés le long du Hamiz, dans la vaste commune dite de la Rassauta. Ils ont été asséchés en priorité. De plus la mise en eau du barrage du Hamiz en 1883 a régularisé le débit de l'oued et écarté le risque de débordement, malgré deux années délicates lorsque le barrage fut vidangé en 1905 et en 1923.

L'oued Réghaïa, avec son marais côtier, est l'exception qui confirme la règle. Bien loin de chercher à le faire disparaître, on l'a protégé. Ce marais, long de 2500m, est presque au niveau de la mer et encadré par deux talus abrupts de plus de 40m. Il associe un lac de 75ha et des roselières ; le tout est abrité derrière un cordon dunaire qui dévie l'embouchure vers l'est. Ce cordon a été renforcé par une digue artificielle. On le voit très clairement sur la photo.

Il semble que le lac soit en partie alimenté par des sources sous lacustres.

Son intérêt principal est maintenant son rôle d'étape sur le chemin de nombreux oiseaux migrateurs. Mais certains responsables s'inquiètent de la pollution urbaine et industrielle apportée par les eaux de l'oued, malgré la mise en service en 1997 d'une station d'épuration à l'efficacité discutée.