Alger
- l'Algérie
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Texte, illustrations
: Georges Bouchet
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o DOUAOUDA Historiquement
la création du village a été annoncée dès
1842, et réalisée à partir de 1844.
Le nom arabe du village n'est pas celui d'une tribu, ni celui d'un oued, ni celui d'un personnage illustre. Mais celui d'une plante salutaire cueillie par un marabout un tantinet herboriste qui réussit ainsi à guérir sa jument de je ne sais quoi au juste : Douaouda signifierait quelque chose du genre " remède de la jument ". 1903 fut pour la commune,
une très grande date, avec l'arrivée des trains des CFRA.
Les trains ne grimpaient pas jusqu'au village située à 110m
de haut, mais traversaient toute la commune le long de la route littorale
sur le bas côté de laquelle avaient été posés
les rails Les Algérois ont pu venir à la plage le dimanche ou durant les vacances, pour ceux qui en bénéficiaient alors. Si les congés payés sont étendus à tous les salariés en 1936 seulement, l'obligation de respecter le dimanche, ou d'accorder un jour compensateur est de 1906. Peu à peu a été créée une sorte de double de Douaouda en bordure, sinon de mer, du moins au bord de la petite falaise qui domine la plage. Cette agglomération de cabanons, puis de villas, a d'abord été appelée " Douaouda-les-Bains ", comme sur la carte des années 1930, puis Douaouda-Marine. Les premiers cabanons furent montés sur la plage ; les dernières villas, résidences secondaires de vacances très souvent, ont été construites au-dessus de la falaise ou en arrière, de part et d'autre de la RN 11. Les colons de Douaouda ont pu s'adonner à d'autres cultures que la vigne et s'orienter vers le maraîchage. Cette évolution fut aidée par la mévente des vins sur le marché métropolitain dès le début du XXè siècle, à cause de la reconstitution de son vignoble après la crise du phylloxera. La vigne n'a pas disparu, mais a cédé la place aux légumes primeurs partout où la terre était irrigable. Entre les deux guerres une station de recherche piscicole a été ouverte dans la commune, près du Mazafran et de la RN 11. Elle figurait sur la carte Michelin. Je ne crois pas que ses recherches aient jamais débouché sur une quelconque exploitation commerciale. Si un lecteur connaissait quelques précisions sur cette station, son apport serait apprécié favorablement. Après 1945 une station de pompage fut aménagée et équipée d'installations permettant l'irrigation de 600 ha ; ce qui est beaucoup pour cette petite commune. Ce fut un progrès considérable, même s'il fallait veiller à la salinité de l'eau pompée, si près de l'embouchure, les jours de tempête ou de vents du nord. Après la signature des pseudo-accords d'Evian le
18 mars 1962 Douaouda connut les mêmes inquiétudes qu'ailleurs
dans le Sahel. Mais la mémoire des habitants présents a
retenu surtout la journée du 12 mai 1962
où les rues furent parcourues par une foule musulmane menaçante
qui fit comprendre que l'heure était venue de choisir entre "
la valise ou le cercueil ". Quelques dates
Le territoire communal Cette commune est, tout comme sa voisine, Fouka, petite. Pour ce qui concerne le relief, ce territoire est quadruple, ainsi qu'il apparaît clairement sur la carte. Un plateau constitue l'essentiel de l'étendue de la commune. Il est en pente vers la mer,mais est en fait divisé en deux par un talus intermédiaire.
Au sud le plateau sur lequel est bâti le village
de Douaouda descend lentement de 186m à 110m. Ensuite la pente
se raidit, surtout du côté de Fouka, et aboutit à
un espace plat haut de 20 à 30m seulement au-dessus du rivage. Ce plateau est la zone la plus importante pour l'agriculture.
Les cultures recouvrent la quasi totalité des terres. Mais , comme
partout dans le Sahel les plantes cultivées ont changé en
fonction de la date. Au début on sema des céréales
et on récolta des fourrages pour l'armée. Puis, vers 1880
c'est la vigne qui s'imposa jusqu'à devenir quasi une monoculture,
avec cependant, parfois, des pommes de terre, en culture intercalaire.
Enfin au XXè siècle apparurent les cultures maraîchères. La tomate connut un essor si remarquable qu'on finit par appeler " tomateros ", les anciens viticulteurs reconvertis dans les légumes. Il y avait deux récoltes de tomates par an : une en avril, une en septembre. Les plants de la récolte d'avril étaient semés sous châssis en décembre ; l'irrigation était inutile. Les plants de la récolte de septembre-octobre étaient repiqués en juillet ; l'irrigation était tout à fait indispensable. Les opérations les plus délicates étaient l'ébourgeonnage et l'attache des rameaux. Entre les deux plantations il fallait brûler les plants desséchés, et non les enfouir, par crainte des champignons nuisibles. Puis on labourait et on traitait les terres avec du Fumigan, un pesticide tiré du pétrole efficace contre les courtilières et divers parasites. La mode n'était pas encore à l'agriculture biologique, même si on utilisait aussi du fumier naturel acheté dans le sud. Parmi les autres récoltes annexes on peut trouver des spécialités " bretonnes " (choux-fleurs ou artichauts) et d'autres qui ne l'étaient pas du tout, tels les poivrons ou les patates douces. Toutes ces récoltes se trouvaient à la source de " filières " comportant au moins deux activités associées : l'emballage et le transport vers Alger et son port. On recensait, dans la commune au moins 5 ateliers de conditionnement pour l'exportation et 2 entreprises de transport ; sans oublier une coopérative d'une vingtaine d'adhérents travaillant à Douaouda et à Fouka.
La vallée du Mazafran est
une plaine alluviale très basse : altitude moins de 11m. Bien que ces terres soient inondées certaines années,
en 1921 notamment, elles ont été couvertes de vignobles,
avec un grand domaine, celui du fer à cheval. Les vignes n'atteignent
pas les rives à cause des risques d'inondation et de sapement des
berges. Les rives du fleuve sont boisées presque jusqu'à l'embouchure. L'encaissement de cette vallée est tel que l'usage s'est imposé de parler de la trouée du Mazafran. Le versant qui relie le plateau à la vallée est abrupt. Il rattrape en moins d'un kilomètre 180m de dénivellation. Il n'a jamais été défriché. Il est entièrement couvert de forêts ou de broussailles denses. Il ne s'y trouve aucune habitation.
La côte a deux aspects successifs.
A l'est c'est une plage de sable bordée de dunes basses qui prolonge
les plages de Sidi Ferruch et de Zéralda. A l'ouest, en face de
Douaouda-Marine, c'est une côte rocheuse et un peu escarpée
avec une sorte de falaise morte qui domine de quelques mètres une
plage étroite.
Ce sont les autobus de la Société des routes nord-Africaines qui assuraient la desserte du village à partir d'Alger. Les trains des CFRA ne sont jamais montés jusqu'au village. Ils desservirent, de 1900 ou 1903 à 1935, le village du bord de mer (ligne de Castiglione) et la vallée du Mazafran, avec le domaine du fer à cheval (ligne de Koléa).
Sa desserte fut assurée par les trains à vapeur de 1903 à 1935. Ensuite deux compagnies de transports par autobus avaient un arrêt en ces lieux : la Société des Transports R. et A. Roques, ainsi que la Société des Messageries du littoral et Transports Mory.
C'est un modèle de percée antécédente probablement aidée par la présence d'une faille méridienne. Le Sahel est un bourrelet anticlinal d'âge pliocène
qui a peu à peu séparé la plaine de la Mitidja de
la Méditerranée. Certains cours d'eau ont néanmoins
réussi à maintenir leur cours jusqu'à la mer en creusant
leur lit aussi vite que s'élevaient les collines. L'emplacement
du cours d'eau, et donc ensuite de sa percée, est "antécédent"
car antérieur aux déformations pliocènes. La dissymétrie des deux versants de la trouée est un argument en faveur de l'hypothèse d'une faille directrice que la séismicité de la zone, avec les séismes de 1825 et 1867 à Koléa, vient encore renforcer. Pour illustrer l'étrangeté du fleuve Mazafran près de son embouchure je mets côte à côte la photo de l'embouchure, prise du pont sur la RN 11 en 1963 et la photo du même fleuve, à sa sortie de l'Atlas Tellien, là où il s'appelle encore oued Chiffa. Près de son embouchure les rives sont boisées. Au fond la ligne bleue de la Méditerranée souligne la turbidité du fleuve. L'oued Chiffa, sa branche amont principale n'est à l'étiage, qu'un filet d'eau perdu au milieu d'un vaste champ de graviers.
La Mitidja et son drainage avant et après 1830
:
La Mitidja est certes une plaine, mais très imparfaite. Elle n'apparaît parfaitement plane qu'aux yeux du passant. En réalité son relief a toutes les apparences d'un fond de lac irrégulièrement colmaté par un alluvionnement quaternaire complexe épais de plus de 100m. Les matériaux arrachés à l'Atlas par l'érosion fluviale étant beaucoup plus abondants que ceux apportés par les oueds venus du Sahel, c'est au pied du Sahel que se trouvent les points les plus bas : moins de 30m contre 200 près de Blida. C'est naturellement là que se situaient en 1830 les marécages, voire les lacs, et les inondations hivernales les plus étendues. Partout les débordements des oueds en période de grosses pluies, créaient des marais temporaires longs à disparaître et qui offraient autant de magnifiques nurseries pour les moustiques et les sangsues. Les plus gênants accompagnaient les branches amont du Mazafran et de l'Harrach. Au sud, au pied de l'Atlas, les alluvions sont grossières et perméables, avec parfois un cône de déjection peu marqué, comme à Blida. Le risque de création de zones marécageuses est limité. Au nord, en bordure du Sahel, c'est l'inverse, tout concourt à la formation de marécages : les altitudes plus basses, les alluvions plus fines et imperméables, et l'abondance des sources, parfois artésiennes, qui font réapparaître les eaux infiltrées dans les alluvions grossières du sud de la plaine. De surcroît cette plaine apparente est partagée en cinq cuvettes peu profondes séparées par des seuils imperceptibles : je ne les énumère pas ; elles sont indiquées sur la carte. Et ceci sans compter les cuvettes secondaires, telle celle du marais des Ouled Mendil située sur le seuil séparant les bassins du Mazafran et de l'Harrach, avec débordements possibles vers l'un ou l'autre. Je n'ajouterai que quelques mots sur chacune, en allant
de l'ouest vers l'est.
Le bassin du Nador est le plus petit, tout au bout de
la Mitidja occidentale, autour de Marengo (Hadjoute). A l'entrée
de sa percée un village de colonisation avait été
créé en 1877 et officiellement reconnu par un décret
l'année suivante, le 30 septembre, et rattaché à
Cherchell. Son nom rend hommage à un général remarqué
par le Premier Consul à la bataille de Marengo en juin 1800.
Le lac Halloula Pour drainer le fond du lac il aurait fallu creuser un tunnel. Au XIXè siècle on se contenta d'en parler. Pour limiter l'extension hivernale, il suffisait de creuser quelques fossés pour diriger les eaux vers l'oued Djer, et donc vers le Mazafran. Les travaux furent entrepris en 1859 et terminés en 1864 ; ils diminuèrent de 500ha la zone inondable. Le projet de fondation d'un village put être repris après 10 ans d'atermoiements. Il fut créé en 1869 et reçut le nom d'une victoire de mai 1859 sur les Autrichiens : Montebello. Mais en 1899 une inondation exceptionnelle détruisit les espoirs de récolte et relança l'idée d'un tunnel de 2275m à l'endroit où le Sahel est le plus étroit. A vrai dire l'idée fut plus longue à creuser que le tunnel correspondant. On attendit l'après guerre pour engager des travaux qui furent achevés en 1927. Grâce à l'abondance des poissons il y avait
eu des pêcheurs, et grâce à celle des sangsues une
spécialité médicale rare, celle de
l'hirudothérapie, développée à
partir de 1844. Cette année-là un pharmacien militaire décida
qu'au lieu d'importer de France, très cher, des sangsues utilisées
par les chirurgiens du service de santé, on pouvait s'en procurer
sur place. Il créa un vivier à sangsues. Les chirurgiens
s'en servaient pour drainer les tissus opérés et les plaies
où le retour veineux se faisait mal. Une sangsue agit comme une
pompe à sang " désaturé en oxygène ".
Elles ne pompent pas le sang artériel, mais seulement le sang veineux.
Ce fut un succès dont j'ignore la durée.
La cuvette de l'Harrach était marécageuse
le long des rives à cause des débordements hivernaux, et
dans le triangle formé par sa confluence avec l'oued Smar près
de Maison-Carrée. Ce sont ces marais paludéens qui ont décimé
les premières garnisons de Maison-carrée et de la ferme
modèle de Birkhadem. La percée de l'Harrach est également moins marquée car à peine encaissée de 50m du côté de Kouba et de 30m à l'est. La photo satellitaire montre bien l'environnement urbain de cette percée, mais pas du tout la pollution de l'oued et les odeurs associées. Bien avant 1962 l'Harrach était célèbre pour ses fragrances estivales liées aux décharges industrielles ; ça n'a pas du tout s'améliorer depuis. Les oueds Hamiz et Réghaïa de la plaine de Rouiba
Ils drainent la Mitidja orientale qui n'atteint pas la mer, mais qui n'en est séparée que par un dos de terrain, un draa comme dit la carte, très peu marqué à 40m maximum au-dessus de la plaine. Ici il n'y a plus de collines du Sahel, seulement une ondulation, même pas continue. Il y avait en 1830 quelques petits marécages dispersés le long du Hamiz, dans la vaste commune dite de la Rassauta. Ils ont été asséchés en priorité. De plus la mise en eau du barrage du Hamiz en 1883 a régularisé le débit de l'oued et écarté le risque de débordement, malgré deux années délicates lorsque le barrage fut vidangé en 1905 et en 1923. L'oued Réghaïa, avec son marais côtier,
est l'exception qui confirme la règle. Bien loin de chercher à
le faire disparaître, on l'a protégé. Ce marais, long
de 2500m, est presque au niveau de la mer et encadré par deux talus
abrupts de plus de 40m. Il associe un lac de 75ha et des roselières
; le tout est abrité derrière un cordon dunaire qui dévie
l'embouchure vers l'est. Ce cordon a été renforcé
par une digue artificielle. On le voit très clairement sur la photo. Son intérêt principal est maintenant son rôle d'étape sur le chemin de nombreux oiseaux migrateurs. Mais certains responsables s'inquiètent de la pollution urbaine et industrielle apportée par les eaux de l'oued, malgré la mise en service en 1997 d'une station d'épuration à l'efficacité discutée. |