Notre-Dame de la mer à Chiffalo petit coin de Sicile...sur la côte algéroise
par Roger Couturier
Page 7 : allocutions de Mgr.Duval et abbé Schiano
Alger Magazine, 1954 - envoi: Pierre Chatail

sur site le 14-1-2007

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ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE MONSEIGNEUR DUVAL ARCHEVEQUE D'ALGER PRONONCÉE DURANT L'IMMERSION DE NOTRE-DAME DE LA MER A CHIFFALO
Son Excellence Monseigneur Duval, Archevêque d'Alger.
Son Excellence Monseigneur Duval,      Archevêque d'Alger.

Mes bien chers frères,

« Tout homme instruit du royaume de Dieu, a dit le Christ, est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses anciennes et des choses nouvelles »; la cérémonie qui va se dérouler est à la fois ancienne et nouvelle ; ancienne, dès la plus haute antiquité, la piété a fait usage d'images et de statues ; nouvelle, on n'avait pas eu la pensée, de nos jours, de placer une statue dans une chapelle sous-marine. C'est à la spontanéité de la piété populaire qu'on doit cette initiative.

Au cours de cette année mariale, la paroisse de Chiffalo a voulu se distinguer par un hommage d'un caractère exceptionnel à la Vierge Marie que vénèrent et affectionnent d'une manière touchante les pécheurs et tous les gens de mer.

Il s'est trouvé, pour aider à la réalisation de cet audacieux projet, un curé animé d'une foi et d'un zèle admirables de généreux donateurs, des hommes à la piété ardente qui n'ont pas épargné leurs peines et ont réussi à provoquer et grouper de multiples dévouements ; une artiste enfin qui a su animer un matériau ultra-moderne de lignes sobres et évoquer à nos yeux la majesté du visage maternel de la Vierge Marie. A tous, j'expri­me ma bien vive gratitude en mon nom personnel et ou nom de tous ceux pour qui cette cérémonie est une invitation à une foi plus vive et à une confiance sans limite entre les mains de Dieu.

Marie, mère de Jésus, notre mère est reine : elle est reine de l'univers, c'est ce que m'ont dit les organisateurs de cette fête ; c'est bien ce que nous enseignent les prières de l'Eglise. Ici, ou pays de Saint Augustin, on n'a pas oublié que les prières de l'Eglise sont l'expression infaillible de la foi : Marie est reine parce qu'elle a été choisie pour être la mère du Christ-Roi ; Elle a été associée étroitement à son fils par le sang virginal qu'elle lui a donné, par le glaive de douleur qui a transpercé son coeur maternel au moment de la Passion rédemptrice.

N'était-il pas convenable que son fils ait pour Elle les égards que les princes de la terre ont pour leur mère ? « Marie, écrivait déjà au VI' siècle Saint Jean de Damas, a été établie reine de toutes les créatures puis-qu'elle a été la mère du Créateur. »

Qu'on ne dise pas que la royauté de Marie porte ombrage à celle de son fils ; Jésus est roi du monde par droit d'héritage puisqu'il est le fils de Dieu, par droit de conquête puisqu'il a racheté tous les hommes par son sang rédempteur ; Marie est reine du monde par grâce ; sa royauté est un pur don de Dieu. Marie reste l'humble servante du Seigneur. II n'y a là aucune contradiction car servir Dieu, c'est régner. Ces paroles sont de Saint Léon le Grand, Pape au Vè siècle.

Dieu qui exalte les humbles a fait en Marie de grandes choses ; Dieu qui est tout amour a voulu que Marie, mère de Jésus et notre mère, soit devant nous, pauvres pécheurs, le témoignage vivant de sa bonté, de sa miséricorde

.II nous est réconfortant, dans les heures difficiles, dons les épreuves, dans les tentations de pouvoir crier vers la Vierge Marie « Salve Regina », Salut, reine, mère de miséricorde, vous qui nous donnez la vie, la douceur, l'espérance... Salut !

Si Marie est reine du monde entier, nous ne nous étonnons pas de constater que la piété populaire la vénère sous des noms si touchants, si variés, si beaux, qu'ils n'exprimeront jamais assez les richesses de son amour pour nous.

En 1927, de hardis alpinistes, accompagnés de guides expérimentés, voulurent aller placer une statue de la Vierge au sommet d'une aiguille qui représente l'une des plus difficiles escalades de la chaîne du Mont Blanc, l'aiguille du Grépon, à 3.482 mètres d'altitude. Elle est toujours là-haut, blanche comme les neiges éternelles qui l'environnent, étendant sa protection maternelle sur ceux qui occupent leurs loisirs d'audacieuses ascensions.

Dons quelques instants, Marie prendra symboliquement possession de la mer dont elle est reine. « Je suis sortie, semble-t-elle nous dire, dans le beau langage de la liturgie, je suis sortie de la bouche du Très-Haut; j'ai habité dans les hauteurs ; mon trône est comme une colonne de nuées ; j'ai parcouru l'immensité du ciel ; je me suis promenée dans les profondeurs de l'abîme, dons les flots de la mer et sur toute la terre, dans tous pays et toutes nations j'exerce mon empire. »

La royauté maternelle de Marie est pour nous tous une protection. Marie, reine de la mer, étend ses bras maternels d'une manière spéciale sur les marins, les voyageurs, les explorateurs, les chasseurs sous-marins. Nous lui demandons tout particulièrement de bénir les familles des pêcheurs ; leur vie rude lui rappelle la vie rude des premiers apôtres de son fils Jésus ; qu'elle les aide à sortir victo­rieusement des difficultés que leur crée l'évolution rapide du monde moderne, qu'elle soit leur Providence et les garde dans la foi.

Si Marie est notre reine, mes bien chers frères, nous devons reconnaître ses droits sur nous, nous devons nous soumettre à son empire. Elle a daigné elle-même nous faire connaître ses intentions à ce sujet.

Aux petits-enfants de Fatima, en 1917, elle a demandé la consécration du genre humain à son Coeur Immaculé. Le 31 octobre 1942, ou milieu de la plus horrible des guerres, le Souverain Pontife Pie XII a prononcé solennellement ces paroles :

« Reine du Très Saint Rosaire, secours des chrétiens, refuge du genre humain, c'est à vous, à votre Coeur Immaculé, qu'en cette heure si tragique nous confions, donnons et consacrons, non seulement la Sainte Eglise, mois aussi le monde entier, déchiré par de funeste discordes, embrasé d'incendies de haine, victime de ses propres inquités. »

Cet acte memorable du vicaire du Christ n'obtiendra tous ses effets que si chacun de nous, chacune de nos familles accepte de se consacrer au Coeur Immaculé de Marie et de son fils. Et cette consécration n'est pas une formule vide de sens, dépourvue d'influence dans la vie, elle doit être, au contraire, le point de départ d'un retour à une vie chrétienne sincère. Le Souverain Pontife le disait avec force, le 8 septembre 1953, dons l'Encyclique promulguant l'année mariale : « ...que chacun, avec le secours de la grâce divine, conforme chaque jour davantage sa propre conduite aux préceptes du christianisme. »

J'éprouve le besoin de répéter, mes bien chers frères, ce que je disais, mercredi soir, à le radio, à l'occasion du retour des pèlerins de Lourdes : qu'on se décide à revenir à Dieu, car en Dieu seul se trouve la vie, le bonheur et la paix.

On ne peut pas être chrétien et païen à la fois; quand on croit en Dieu, quand on prétend honorer sa mère, on doit pratiquer la justice à l'égard du prochain et la foi nous enseigne que nous devons voir en tout hom­me, sans aucune distinction, notre prochain.

Mieux que cela, nous devons voir en tout homme notre frère et, à ce titre, lui donner le respect, l'amour dont le Christ lui-même nous a donné l'exemple.

Quand on croit en Dieu, on doit faire hon­neur à Dieu dons toute la vie ; dans la vie de famille, tout foyer doit être respecté comme un sanctuaire.

Dans la vie de travail : patrons et ouvriers doivent construire de véritables communautés de travail. Les droits de tous doivent être respectés. La recherche effrénée de l'intérêt et du profit doit être tempérée par la concorde et l'amitié.

Dans la vie de loisir : il est des tenues indécentes, des amusements dangereux qui sont des offenses à Dieu, des provocations au péché ; elles sont des insultes à toutes les consciences, aux consciences musulmanes comme aux consciences chrétiennes.

Quand on croit en Dieu, on se respecte soi-même, on respecte les autres. Quand on croit en Dieu, on ne se moque pas de Dieu.

La consécration ou Coeur Immaculé de Marie, la consécration effective, suivie d'un effort pour une vie plus chrétienne, est la condition posée par Marie pour le retour de la paix sur terre.

Ecoutez, mes frères, ces paroles de Marie aux petits-enfants de Fatima, en 1917 : « Hélas ! les hommes ne se lassent pas d'offenser Dieu et, si le coeur s'obstine dans le péché, à la fin du prochain pontificat un conflit plus terrible encore se déchaînera. Dieu punira le monde ou moyen de la guerre, de le famine, de la persécution. Mais c'est pour abréger ces maux que je viendrai demander la consécration du genre humain à mon Coeur Immaculé et la Communion réparatrice des premiers samedis du mois. Si l'on m'écoute, la paix vous sera rendue, la Russie se convertira.

Si l'on m'écoute, quand la paix du monde est menacée, ce serait porter de terribles responsabilités que de ne pas écouter la voix de Marie, la voix de son fils. De quoi s'agit-il ? Dc sauver notre âme sans doute ; il s'agit encore, nous dit la Vierge Marie, de sauver le monde l Ecoutons la voix de Marie ; faisons honneur à Dieu dans toute notre vie, nous ferons reculer la guerre ; nous prépare­rons des temps meilleurs, nous serons les bons ouvriers de la paix.

(Transcrit d'après enregistrement effectué sur bonde magnétique par Robert COLIN)


M. l'abbé Schiano, curé de Chiffalo.
M. l'abbé Schiano, curé de Chiffalo.

Tout homme, quand il a la foi, arrive à réaliser les rêves de sa vie. Je ne dirais pas que les moindres petits désirs de mon esprit ont vu leur accomplissement, mais il en était un qui me tenait à coeur, c'est de voir se réaliser, au large de ma petite paroisse de pêcheurs, une chapelle sous-marine dédiée à la Vierge protectrice de ces marins qui peuplent le village de Chiffalo, protectrice de tous les marins, de tous ceux qui utilisent la mer pour leur travail ou leur loisir.

Grâce à Dieu, ce rêve est devenu réalité.

D'une famille de pêcheurs, devenu pêcheur d'hommes, j'ai gardé pour la mer une affec­tion particulière. Je suis plus à mon aise dans l'eau que sur la terre. J'avais toujours pensé, dans ira jeunesse au séminaire, avoir plus tard une paroisse au bord de la mer. J'ai été servi, Dieu merci : Chiffalo, port essentiellement de travail, au plus grand nombre de bateaux de pêche en Algérie.

Et Notre-Dame de la Mer est là maintenant pour les conduire et les bénir.

Une Vierge sous-marine ! Une originalité quelconque !pourrait-on penser ?

Au contraire : tout ce qu'il y a de plus normal.

Nous avons des statues de la Vierge bâties sur des monts très élevés. La montagne est source d'énergie pour l'homme : chasse, pâtu­rage, houille blanche. La présence de Dieu doit y être nécessairement marquée.

Et combien plus la mer est riche en res­sources. On n'a pas fini de l'exploiter, loin de là. La présence de Dieu doit y être alors rigoureusement manifestée.

Le contraire serait anormal : là où est l'ave­nir de l'homme, il faut mettre le culte de Dieu.

J'aurais été content d'apprendre que Hillary, le vainqueur de l'Everest, avant de poser le drapeau de son pays, ait planté, sur le toit de l'Himalaya, une simple croix ou qu'il ait fait au moins un geste religieux. Le scherpa Tensing, lui, au sommet du monde, a accompli les rites de sa foi brahmane.

Nous pensons dans X années atterrir dans Mars ou sur la lune, pensons-nous à y apporter la civilisation chrétienne, la seule qui puisse nous sauver ?. Il y a des choses essentielles que nous oublions. Et alors nous risquons de nous faire devancer par les autres. Nous avons réalisé, avec Notre-Dame de la Mer, une chose qui est capable de donner un esprit à l'avenir, un esprit chrétien à l'avenir de la nier.

Christophe Colomb, découvrant l'Amérique, a eu pour premier geste d'y planter une croix et appela l'île où il débarqua : Saint-Sauveur, l'île San Salvador.

Nous découvrons la mer de plus en plus. Apportons-y la marque, l'esprit de la civilisa­tion chrétienne.

Pourquoi alors la Vierge plus spécialement ?

-Parce que c'est l'Année Mariale.

-Parce que la France, où nous rivons et où Marie est apparue quantité de fois, est son royaume privilégié.

-Parce que la poésie de Notre-Dame tou­che quantité de gens, même s'ils ne sont pas ouvertement croyants, pourvu qu'ils aient le sens et le respect des choses d'en haut.

Je ne souhaite qu'une chose : C'est qu'il y ait beaucoup de revues du même esprit qu' "Algérie Magazine » qui permettent de réaliser des événements qui marquent et conduisent ainsi l'avenir du monde.

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LES ENREGISTREMENTS SONORES DES FÊTES DE L'IMMERSION DE NOTRE-DAME DE LA MER A CHIFFALO ONT ÉTÉ RÉALISÉS SUR MAGNÉTOPHONES RADIO-STAR
de fabrication française gracieusement mis à la disposition des organisateurs par les Etablissements Paul COLIN, 12, rue Dumont-d'Urville, ALGER
Le matériel de sonorisation était signé "PATHÉ-MARCONI"
Nous sommes en mesure de fournir des disques (33 tours ou 78 tours) des fêtes de Notre-Dame de la Mer à Chiffalo gravés d'après les bandes magnétiques "PYRAL"