Chéragas - Alger, ses alentours :
Un village fondé par des Grassois
Roger Sengeissen - Adh. 1217

Guides Bleus 1955.-12 km., Chéraga (note webmaster : pas de "s"), hôtel modeste, à 168 m d'alt., ch.-l. d'une commune de 5 448 hab. dont 1 879 européens, peuplé à l'origine de colons de la région de Grasse, qui y ont introduit la culture des plantes à essences. Sur la place, buste du maréchal Pélissier (1794-1864).À 3 k, S, (bonne route; serv.autom.), Dèly Brahim.- À 6 km.N.(bonne route), Castiglione.-17 km., Staouéli-Trappe...

extrait de la revue du Gamt n°84...adhérez
mise sur site le 25-05-2004

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Source: Annuaire général de l'Algérie et de la Tunisie édité par H. L. Lagelle Transmis par E. et J. Scotti, adh. 719

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Département d'Alger - Canton d'Alger
-------Commune de plein exercice. Chef-lieu de la commune de ce nom, de la justice de paix du canton nord d'Alger qui est à 12 km Est.
-------1 570 habitants dont 743 Européens et 827 Indigènes.
-------Superficie : 3 110 ha en coteaux et collines.
-------Température minima : + 10°, maxima : 28°.
-------Chemin de grande communication n° 15, d'intérêt commun n° 11.
-------Alimentation en eau potable par sources, puits très abondants. Céréales, arbres et arbustes odoriférants et fleurs pour la distillation. Huile, crin végétal, essences, vins.
-------Ecoles de filles et de garçons.
-------Altitude : 102 mètres.
-------Lieux dépendants de la commune : Staouéli - Trappe (abbaye).
Maire Antoine Dunoyer
Secrétaire Lecas
Garde-Champêtre André Davin
Receveur contributions directes et municipales Roman, rue du Divan, n° 6
Voirie départementale Gasq
Curé Grusenmuyer
Instituteurs Norigua, Orthis, Pays
Institutrices Mlle Dunoyer
Vve Massion
École congréganiste Dames de la doctrine chrétienne
Gendarmerie 1 brigade à cheval
P. T. de Morny
Facteur Basile Fremigassi Augustin Thélier

Professions
Aubergistes :

A. Allard
Doreille
Charles Le Prieur
Mesquida
Neuraker
Riera (Mme Antoinette)
Vincent Riera
Camille Segui
Serra, liquoriste

Comptoir d'escompte du Sahel Capital 200 000 francs,
Sacreste, directeur
Achille Delalobe, comptable
Bouchers : Attard
Beze
Vial
Boulangers Dourain
Vve Montagnac
Augustin Montagnac Antoinette Riera
Charcutier Beze
Charrons forgerons Charvier et Gay
Louis Eichenne
Gauthier
Neraker
Cordonnier Louis Berger
Distillateur d'essences Frères Berti
Hiper
Hugue
Parodi
Le Prieur
Vial
Entrepreneurs de travaux



Cassini
Funel
Tadet
Valentin
Epiciers Bey Assen
Ben Ray
Beuray
Beze-Jaffert
Michel Catalayud Abderaman Daman Hadj
Hôtels Paul Longon
L. Ramar
Glacier
Malakoff
Roulage
Médecin Bordeau

Menuisiers
Frères Dunoyer
Représentants de commerce Chasteuille
Lecas
Sage-femme Joséphine Ripoll
Selliers harnacheurs Grisia E.
Aimé Marinte
Rousselot
Syndic viticulteurs Besard et Vidal
Tonnelier Viot
Transports Funel
Edmond Grizia
Papillon
Agriculteurs viticulteurs  
Henri Alazia 9 ha
Vve Amont 3 ha
Vve Baucheze 14 ha
Justin Beran 15 ha
Berti 10 ha
Bezar 40 ha
Carge 8 ha
Antoine Coves 5 ha
Delannoy 32
Douche 8 ha
Duvoisin 15 ha
Louis Faizolle 3 ha
Vve Fath 5 ha
François Fauher 6 ha Foucard Louis
Galland 6 ha
Gallaudon 9 ha
Georges Grimar 7 ha Edouard Grizia 7 ha
Fille Gros 45 ha
Lambert 10 ha
V` Leo 30 ha
Lloret 130 ha
Moury 25 ha
Parodi 7 ha
Perez 8 ha
Charles Prieur 10 ha Rougouelle 15 ha
Tabet 6 ha
La Trappe 431 ha
Trinzer 4 ha
Honoré Vial 16 ha
Vial Joseph 6 ha
Vidal 300 ha
Villemin 4 ha




  ---En 1832, le général Clauzel fonde le premier village français d'Algérie Dély-Ibrahim, à 10 km d'Alger. Mais l'insécurité, les terres difficiles marquent un coup d'arrêt pour dix ans.

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C'est le 22 août 1842 que Chéragas est créé, après Kouba, Douéra et El-Achour. Ce sera un village de 50 familles avec fortification, soit un mur d'enceinte et trois tours pour une brigade de gendarmerie. Il y aura 50 lots à cultiver répartis en fonction de la taille des familles : 20 lots de 8 ha, 20 de 6 ha et 10 de 4 ha. Le village ne doit pas être enclavé. Mais la route qui vient d'être construite de Dély-Ibrahim à Staouéli en passant par Béni-Messous évite Chéragas. On le raccorde donc par une traverse de 342 mètres, ce qui, croit-on, a valu la curieuse appellation de "Chéragas par la traverse", sujet inépuisable de plaisanterie. Le recrutement et l'installation des colons seront confiés à un individu qui sera payé par une vaste concession. Ce qui explique que la colonisation de Chéragas a été provençale et régionale. Cette population initiale sera composée de petits propriétaires. Les principales conditions d'attribution sont une bonne morale et des ressources suffisantes, d'abord fixées à 1 500 F puis à 5 000 F.

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Un homme va jouer un rôle essentiel dans le recrutement des premiers habitants de Chéragas. Il s'agit d'Honoré Mercurin, propriétaire-électeur à Grasse. Pour être électeur, il fallait avoir 25 ans et payer 200 F d'impôts directs. Il sera aidé par son frère Henri Joseph, futur premier maire de Chéragas. Honoré Mercurin, chargé du recrutement, recevra une double concession au titre d'indemnité de sa peine et de ses dépenses. Il sera plus un guide qu'un agent recruteur. Il se rendra à l'avance à Chéragas pour reconnaître les lieux et assister aux préparations.

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Pour recruter, Honoré Mercurin parcourt les villages de l'arrondissement de Grasse où il est connu comme industriel parfumeur. Il vante la similitude du climat, de la végétation, la beauté du paysage, la proximité d'Alger et des terres vierges de toute exploitation. Il retient rapidement l'attention de ses compatriotes qui connaissent une dégradation de la situation économique. Les candidatures sont nombreuses et le comte Guyot devra faire un choix. Et pourtant, les candidatures ont subi l'opposition des notables locaux. On craint d'assister à des migrations massives qui dépeupleraient les campagnes, entraînant un manque de main d'ceuvre et obligerait à relever les salaires des journaliers et à améliorer les baux ruraux. Certains maires refusent de délivrer les passeports que l'autorité militaire les a chargés de remettre aux voyageurs. Ce sont surtout les membres du clergé qui vont jusqu'à prêcher en chaire contre ces projets d'émigration en tentant d'effrayer les candidats.

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Le garde des Sceaux et ministre des Cultes intervient auprès de l'évêque de Fréjus dont l'étonnement devant une telle attitude des prêtres sera suivi d'un rappel à l'ordre pour y mettre fin.

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C'est le jeudi 13 octobre 1842 qu'Henri Mercurin réunit ses recrues à Antibes, soit 80 personnes, qui embarquent sur le Météore, navire à vapeur doté d'une double canonnade. Arrivés à Alger, un important convoi les conduit à Chéragas où le comte Guyot distribue les lots ruraux prévus selon la taille de la famille. On notera quelques hésitations en découvrant le sol couvert de broussailles et quelques baraques en planches. Mercurin les dissuade de repartir.

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Le 20 février, 12 nouvelles familles grassoises rejoignent les premières. Le nombre de lots est porté à 77. La population passe de 206 en juillet à 452 en décembre. Chéragas profite de la création, en 1843, du centre de Staouéli : un établissement religieux et agricole fondé par les trappistes la Trappe de Staouéli.

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C'est en 1847, à Chéragas, qu'eurent lieu les premiers essais de la culture du géranittm rosat. Sa distillation sur place est attestée dès 1851 et les produits seront envoyés à Grasse. On retrouve des relations de cette réussite dans différents ouvrages, en particulier dans le livre de Claire Janon, "Ces Maudits Colons", auquel je dois le texte rendant compte de cette activité.

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Dans ce domaine, Mercurin semble avoir été l'initiateur avec l'aide de mon confrère Simounet, pharmacien ; un Simounet sera maire de Guyotville. On peut noter que les trappistes, sous la direction du père François Régis, fondateur de la Trappe, près de Chéragas, cultivèrent le géranium rosat et créèrent une usine de distillation produisant 600 kg/jour de cette essence. Par ailleurs,l'activité essaime à Boufarik, par Antoine Chiris,célèbre parfumeur de Grasse autrefois, ainsi qu'à Blida et Rovigo.
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Mercurin a cultivé beaucoup de géranium rosat ainsi que des fleurs d'orangers. Il a monté une distillerie dont les essences ont figuré à l'exposition de Paris, 1855 et 1878. Les progrès de la chimie et des parfums synthétiques firent que la culture du géranium rosat subit progressivement un recul sensible. Les chiffres de 1955 ne portaient plus que sur 1 000 ha procurant un revenu de 2 00 millions de F.

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Dans "1865 Napoléon III en Algérie", d'Octave Tessier,on trouve un compte rendu détaillé de la visite de l'empereur à Chéragas, ainsi que de la culture du géranium rosat. Il est dit que celui-ci, en France, végète péniblement dans certaines expositions choisies où il donne une seule coupe par an.

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Chéragas, sans autres soins que quelques binages et même sans irrigation, peut donner jusqu'à 3 coupes par an.

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L'essence de géranium rosat, qui remplace dans la parfumerie l'essence de rose, valait en 1845 130 F le kg. La concurrence de Chéragas l'a fait tomber à 55 F. L'essence était très demandée à Paris et à Londres. C'est le 5 mai 1865 que Napoléon 111 s'est rendu à Chéragas. L'empereur y est venu pour rendre hommage à la réussite exemplaire de ce village. Il y fut reçu par le maire, M. Lecat, la municipalité et, en tête Hippolite Montagnac, premier curé de Chéragas, membre de ma famille maternelle grassoise Montagnac à laquelle était alliée une autre famille grassoise : Funel.

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On a présenté à sa Majesté quatre médaillés de Sainte-Hélène restant sur les sept dont mon aïeul Michel Sengeissen, vétéran de l'Empire, premier arrivant, vers 1840, avec ses sept enfants. Le journal d'Alger Akbar rend compte de cette visite, souligne l'importance telle que l'avait voulue l'empereur.

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C'est l'histoire de mon cher village et de ma famille maternelle.