L'AVIATION LEGERE EN ALGERIE (1909-1962)
Le 22 octobre 1909, René Métrot, né
à Blida en 1873, effectue le premier vol motorisé en Afrique
en décollant de l'hippodrome du Caroubier
à Hussein-Dey avec un biplan Voisin. C'est Julien
Serviès, né à Saint-Denis-du-Sig en 1876, qui effectue
le premier vol en Oranie, à La Sénia, avec un monoplan
Sommer. Les vols des deux précurseurs trouvent un écho
retentissant parmi la population, les spectateurs se pressent par milliers
pour admirer les prouesses des premiers aviateurs. René Métrot
et Julien Serviès ouvrent chacun une école de pilotage
à Blida
et à La Sénia ; quelques sportifs prennent
des leçons de pilotage et participent aux manifestations aéronautiques
en compagnie de pilotes européens connus : Jules Védrines,
Jan Oleslagers et André Taurin. La première victime de
l'aviation est Edouard Paillole, né à Mascara en 1880,
qui se tue à
Hussein-Dey le 14 juillet 1911. La seconde victime est Léonce
Ehrmann, né à Boufarik
en 1879, qui brise son monoplan Borel au cours d'un vol acrobatique
à Bône le 18 avril 1914.
Fairchild de l'Aéro-Club d'Algérie, 1955
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Au lendemain de la Grande Guerre, de nombreux pilotes sont démobilisés
et continuent à voler dans les centres d'entraînement des
réservistes d'Alger et Oran. L'absence d'avions légers
d'une utilisation pratique empêche alors le développement
de l'aviation de tourisme ; il faut attendre 1930, l'Année du
Centenaire, pour que l'aviation légère prenne son essor.
Après les meetings organisés à l'occasion des festivités
du Centenaire et rassemblant les plus grands noms de l'aviation française,
l'Algérie se couvre en quelques mois de 92 aérodromes
abritant un nombre de plus en plus important d'avions. Parmi les promoteurs
du mouvement, se trouvent le colonel Joseph Vuillemin qui, nommé
en Algérie, arrive avec le premier avion de tourisme basé
à Alger et Henri Bories, président de l'Aéro-club
de Mostaganem, qui devient le premier propriétaire d'avion privé
algérien.
William Billon du Plan, président de l'Aéro-club d'Algérie,
fait une propagande active, ainsi que Julien Serviès, président
de l'Aéro-club d'Oranie, Paul Liepmann, président de l'Aéro-club
de Sidi-Bel-Abbès, et Maurice Bovet, président de l'Aéro-club
de Constantine. De nombreux pilotes et moniteurs donnent l'exemple avec
un enthousiasme débordant et deviennent célèbres
par leur activité ou leurs raids sahariens : Jacques Duchêne
Marullaz, Henri Ferraris et Marcel Germain à Alger, Henri Fouques
Duparc et André Lamur à Oran, Daniel Robert-Bancharelle
à Mascara, André Costa à Mostaganem et Albert Monville
à Sidi-Bel-Abbès. Près de 30 aéro-clubs
sont créés qui regroupent 176 avions, alors que le total
des avions légers français est de 671 en 1933 (le parc
est essentiellement composé de Caudron Luciole et Phalène
et de Potez 36) ; 152 brevets sont passés en 1933 (pour 724 dans
toute la France et la France d'Outre-Mer) ; l'aviation légère
bénéficie de l'appui de Gaston Pourcher, directeur de
la Navigation aérienne, ainsi que des militaires de l'armée
de l'Air. Les aéro-clubs se mettent au service de la population
en créant un réseau d'aviation sanitaire permettant de
déplacer rapidement malades, médecins ou médicaments.
L'aviation sportive se manifeste par le passage de nombreux pilotes
métropolitains et étrangers qui transitent en Algérie
au cours de raids ou de grands voyages vers le Moyen-Orient, l'Afrique
Australe ou Madagascar (André Bailly, Maurice Finat, André
Japy, René Lefèvre, Jean Assollant, Antoine de Saint Exupéry,
Maryse Bastié, Charles de Verneilh, Amy Mollisson...). Plusieurs
rallies internationaux rassemblent de nombreux avions venus de toute
l'Europe : rallye Algéro-marocain en 1933, Challenge international
des avions de tourisme en 1934, rallye du Hoggar en 1938. Oran-La Sénia
est l'aérodrome utilisé pour plusieurs records mondiaux
de durée et de distance en circuit fermé établis
de 1930 à 1932 par Lucien Bossoutrot, Maurice Rossi, Louis Mailloux,
Antoine Paillard et Jean Mermoz.
Le vol à voile débute avec le concours de
Biskra en 1923 et les prospections de Joseph Thoret et Eric Nessler
qui laissent pressentir une aérologie prometteuse. Une activité
vélivole permanente est implantée aux centres du Djebel-Diss
(Mostaganem) et du Djebel-Oum-Settas (Constantine), animés par
André Costa et Lucien Saucède. La construction amateur
a aussi des adeptes qui se lancent, avec plus ou moins de succès,
dans la fabrication des Pou du ciel.
Le vol à voile continue seul à être pratiqué
durant la dernière guerre et la situation de l'aviation légère
en 1945 est dramatique : pratiquement tous les avions ont été
détruits après avoir été réquisitionnés
conmme "avions-estafettes". Cependant, le désir de
voler se manifeste plus que jamais car beaucoup de pilotes sont démobilisés
(nombreux parmi eux ont effectué une guerre brillante dans le
bombardement, la chasse ou l'observation).
Stampe de l'Aéro-Club de Burdeau, 1950
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L'activité reprend en 1946 avec du matériel nouveau :
avions-école Stampe SV4, construits à Alger par les ateliers
de l'AIA, et avions de voyage Nord 1203 Norécrin. Les avions
provenant des surplus : Fairchild 24 et Piper Cub, facilitent également
la reprise. L'engouement est toujours aussi grand ; 36 aéro-clubs
fonctionnent alors avec plus de 300 avions, hissant de nouveau l'Algérie
dans les tout premiers rangs de l'activité aéronautique
mondiale. Aux animateurs d'avant-guerre s'ajoutent René Prévost
et Rémi Saint-André à Alger, Yvon Milhe-Poutingon
à Oran et François Foguès, directeur de la Navigation
aérienne. De nouveaux centres de vol à voile apparaissent
au Djebel-Khallel (Mascara) et à Canastel (Oran) et le révérend-père
Harmel réalise de grands vols en planeur au départ de
Géryville. Avec l'apparition de la rébellion, les aéro-clubs
sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important
en permettant des liaisons sûres et rapides dans tout le territoire,
jusqu'à l'interdiction définitive des vols en avril 1961.
Norécrin de l'Aéro-Club de Djelfa, 1958
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