Le vol à voile en Algérie (1862-1962)
Les précurseurs
L'Algérie, avec ses Atlas élevés et ses contrastes
climatiques, offre les conditions favorables au vol à voile sous
toutes ses formes. Dès 1862, Louis Mouillard y étudie
le vol des oiseaux et, sur un planeur de sa conception, y effectue le
premier vol humain en Afrique. Un peu plus tard, pour les autres grands
théoriciens tels que Jean Bretonnière, Clément
Ader et Julien Serviès, l'Algérie est le champ expérimental
par excellence.
Le concours de Biskra de 1923
Fin 1922, le sous-secrétariat à l'Aéronautique
envoie en Algérie le lieutenant Joseph Thoret afin de rechercher
les sites propices au vol à voile en vue de l'organisation d'un
concours, suite de celui de Combegrasse. Il arrive à Biskra et
prospecte systématiquement la région avec un Hanriot 14
et arrête son choix sur le djebel Ed Delouatt, à 5 km au
sud de Biskra, dont la ligne de crête de 3 km culmine à
255 m sur un dénivelé de 170 m environ. Le 3 janvier 1923,
il tient l'air hélice calée 7 h 03, alors que le record
du monde en planeur est de 3 h 22. Le concours, géré par
les organismes d'Etat et par les militaires, et doté par de généreux
donateurs, se tient du 26 janvier au 22 février 1923. Georges
Barbot, sur planeur Dewoitine P2, effectue un vol de 8 h 36 et François
Descamps parcours 5 100 m. A l'exception de celui de Descamps, tous
les planeurs sont cassés, sans mal pour leurs pilotes, mais ce
concours, riche d'enseignements, contribuera largement à faire
progresser le vol à voile français et à mettre
en valeur l'aérologie algérienne.
1930-1939
A partir de 1930, plusieurs aéro-clubs d'Algérie construisent
ou assemblent des planeurs monoplaces rustiques et peu performants et
font des efforts souvent décevants. Seuls, les frères
Jamme construisent, à Mascara, un Avia 32e qui sera un réel
succès.
En 1935, la Fédération aéronautique algérienne
obtient la venue d'Eric Nessler qui découvre des sites à
Bougie et Mostaganem et effectue des vols de démonstration à
Maison-Blanche avec un Avia 40p qu'il laissera à la disposition
de l'Algérie.
Avec ce planeur, André Costa, moniteur de l'Aéro-club
de Mostaganem, célèbre par son ouvrage "L'art du
pilotage", pilote épouvé, homme d'action et homme
de terrain, réalise au Djebel-Diss des performances remarquables.
Il entraîne à sa suite les bâtisseurs du vol à
voile algérien : Lucien Saucède, Jean-Baptiste Cometti
et Henri Carbonel à Constantine, Pierre Laffargue à Alger
et Daniel Robert Bancharelle à Mascara. Alors que plusieurs aéro-clubs
s'activent à motiver les jeunes et les moins jeunes, des centres
aux dimension nationales s'implantent à Canastel (Oran), Djebel-Diss
( Mostaganem) et Djebel-Oum-Settas (Constantine). Le 10 décembre
1937, ces activités, d'initiative privée jusque là,
sont relayées par le ministère de l'Air qui décide
le financement du centre d'Etat du Djbel-Diss. Plusieurs pilotes algériens
iront entre-temps se perfectionner en métropole et y obtiendront
leurs brevets de moniteurs.
En 1938, l'étude et la réalisation du planeur-école
biplace PLS-1, dérivé de l'avion léger SFAN 2,
par les frères Saucède, permet de démarrer une
activité rationnelle sur le terrrain du Djebel-Oum-Settas.
1940-1945
Après l'Armistice de juin 1940, les plus grands pilotes militaires,
repliés en Algérie, attendent impatiemment de reprendre
le combat aux côtés des Alliés. Le vol à
voile passe sous la direction militaire de la Délégation
des sports aériens en AFN. L'objectif est de créer des
centres où le jeunes pourront pratiquer le vol à voile
dans un cadre résolument para-militaire en camouflant ces activités
aux commissions d'armistice allemande et italienne, ainsi que cela se
pratique dans d'autres structures à travers toute l'Algérie
selon les directives du général Weygand. Le centre du
Djebel-Diss, le plus important, est animé par Maxime Lamort,
Jacques Duchêne Marullaz et Henri Ferraris.
A partir de 1941, l'usine Caudron de Boufarik entreprend la construction
d'une centaine de planeurs Avia 152a, de dix-sept Caudron C800 et de
dix Avia 40p.
A la suite du débarquement allié du 8 novembre 1942, la
plus grande partie du personnel est mobilisée et seul le centre
du Djebel-Diss continue son activité, rejoint par d'autres centres
en 1944.
1945-1962
Après la victoire, l'activité se développe avec
l'arrivée de matériels plus modernes (planeurs SA 103
Emouchet, Castel 30s, Nord 1300, Nord 2000, remorqueurs Stampe, Morane
315 et 500, treuils Ford) sous la direction de la Délégation
des sports ariens puis, à partir de 1949, du SALS-Algérie
sous la responsabilité d'André Costa. André Costa
trouve la mort à Maison-Blanche en C800 le 14 avril 1951 et Charles
Rudel lui succède en novembre 1952. Deux centre d'Etat existent
fin 1951 : celui du Djebel-Oum-Settas qui effectue environ 2 000 heures
de vol par an et celui d'Oran-Canastel qui effectue environ 600 heures.
L'activité se développe jusqu'à atteindre environ
7 000 heures par an en 1960. D'autres plates-formes s'organisent à
Blida, Aïn-Témouchent ou Sidi-Bel-Abbès mais ne connaîtront
pas leur plein développement du fait de l'insécurité.
Parmi les principaux animateurs d'après-guerre, se trouvent Lucien
Saucède, Jean-Baptiste Cometti, Jean Serrières, Joannès
Walkoviak, Henri Deloupy, Albert Carraz et Aurélien Alberca.
Les planeurs DACAL
Le parc compte quelques planeurs biplace C800 mais en nombre insuffisant
et les crédits alloués ne permettent pas leur renouvellement.
Le SALS-Algérie, sous la conduite de Charles Rudel, entreprend
la construction, à Alger, du DACAL 105 et de huit DACAL 106,
planeurs biplaces-école dérivés du SA 104 Emouchet.
Ce matériel permet aux centres de disposer de planeurs modernes
et bien adaptés aux conditions locales. Cinq Fauvel AV36 Ailes
Volantes et huit Wassmer WA21 Javelot sont également construits
par le SALS-Algérie.
La fin
La situation se dégrade rapidement à partir de 1961. Les
vols se terminent à Constantine le 23 septembre 1961 et à
Canastel le 13 août 1961. Le matériel est stocké
en attendant des jours meilleurs qui ne viendront pas. Le vol à
voile en Algérie est anéanti avant que les vélivoles
aient pu exploiter en totalité les possibilités aérologiques
de l'Afrique du Nord.