De
la Place du Gouvernement à Châteauneuf et Ben-Aknoun avec les T.M.S
en 1920.
Créée en
1901, la Compagnie des Tramways et Messageries du Sahel fut la dernière
née des compagnies de tramways qui participaient à la desserte d'Alger.
A coté des deux mastodontes, les C.F.R.A.
qui alignaient 60 motrices (30 Walker et 30 Dulait) et les T.A.
avec leurs 40 motrices Thomson, le parc des T.M.S. ne comptait que
8 (ou 10 selon d'autres sources) motrices Thomson-Houston et 4 ou
8 remorques. Cela permettait la desserte depuis la station centrale
de la Place du Gouvernement d'une seule ligne d'Alger à El-Biar, par
la rue de la Lyre, les tournants Rovigo et la Prison Civile, avec
extension jusqu'au Petit-Château-Neuf où on pouvait trouver la correspondance
pour Ben-Aknoun.
La ligne était découpée en 8 sections délimitées par les arrêts suivants
: Alger - Cité Bisch -
Prison Civile - Casbah Lavoir - Panier Fleuri - Deux Entêtés - Saint-Raphaël
- El-Biar – Châteauneuf.
Vivons
un instant, au début du XXème siècle, Alger, le voyage
d'un touriste qui envisage de faire l'excursion d'El-Biar et Châteauneuf
qu'il a découvert dans le Guide Bleu "Algérie et Tunisie",
qui lui conseille d'utiliser les trams des T.M.S. et de déjeuner chez
Mallard, le restaurant réputé du Petit Châteauneuf, "très
fréquenté par les Algériens"…
ALGER – Place du Gouvernement et Rue Bab-el-Oued
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La
station centrale des T.M.S. de la place du Gouvernement, bordant la
vieille ville, se situant juste à coté de la station des T.A. qui
longe la place proprement dite, il faut veiller à ne pas se tromper
de compagnie ! Il faut donc se repérer d'après la couleur des motrices
: jaune pour les T.M.S., verte pour les T.A.
ALGER – Place du Gouvernement
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En attendant
le départ prévu toutes les 15 minutes jusqu'à la Prison Civile, toutes
les 30 minutes jusqu'à El-Biar et toutes les heures ou toutes les
2 heures (!) jusqu'à Châteauneuf, il est possible de prendre place
dans une des remorques (28 places assise, 8 debout) qui, comme la
numéro 16, stationnent sur la voie de garage.
ALGER – Un Coin de la Place du Gouvernement
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Mais il
est préférable d'attendre la motrice qui doit manœuvrer sur la voie
parallèle car en fonction de l'horaire, le convoi peut ne comporter
qu'une motrice sans remorque.
ALGER – Place du Gouvernement – Station
des T. A. et T. M. S
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ALGER – La Place Malakoff
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Nous avons
bien fait d'attendre car le convoi se limite à la seule motrice (5
places en 1ère classe et 18 en 2ème classe;
19 places debout sur les plates-formes), à bord de laquelle nous entamons
notre périple en empruntant, à gauche, la rue du Divan.
ALGER – La Cathédrale et la Rue de
la Lyre
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Traversant
la place Malakoff, nous découvrons le Palais d'Hiver du Gouverneur
jouxtant la Cathédrale
Saint Philippe que nous laissons sur notre gauche, pour
emprunter l'étroite rue de la Lyre, bordée d'immeubles à arcades.
ALGER – Rue et Place de la Lyre
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ALGER – Le Marché de la Lyre
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Au niveau
de la place de la Lyre où débouche la rue Randon, nous effectuons
notre premier arrêt devant le marché de la Lyre où la voie se dédouble
pour permettre le croisement des convois.
ALGER – Rue Dupuch
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Nous entamons
alors la montée par les
tournants Rovigo avec arrêt au carrefour du Cadix d'où
partent les rues
Dupuch et Mogador.
ALGER – Tournant Rovigo – Square Montpensier
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ALGER – Square Montpensier et Tournant
Rovigo
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Notre vaillante petite motrice contourne
le square Montpensier pour grimper vers la Casbah dont on aperçoit
les fortifications, en haut, à droite. Au-delà du square Montpensier,
le tramway observe un nouvel arrêt en haut de la rue Porte Neuve (Bab
Djedid) avant de s'engager sur les 350 mètres de léger faux plat du
Boulevard de la Victoire, passant entre les fortifications du Palais
de la Casbah et la partie haute de la vieille ville (appelée improprement
quartier de la Casbah).
ALGER – La Prison Civile dite de "Barberousse"
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Au bout du rectiligne boulevard de la
Victoire, nouvelle fin de section à la Prison Civile appelée communément
Barberousse. En 1909 il faut débourser 20 centimes en 1ère
classe et 15 centimes en 2ème classe pour atteindre ce
point depuis la place du Gouvernement.
ALGER – Porte de la Casbah
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ALGER – La Caserne d'Orléans
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Nous passons ensuite par la porte de la Casbah, pour traverser les
fortifications du Palais du Dey, dont on voit le minaret d'une des
deux mosquées situées à l'intérieur de l'enceinte. Une grande partie
cette ancienne forteresse a été transformée en caserne où un régiment
de zouaves est en garnison : c'est la caserne d'Orléans (en hommage
au Duc d'Orléans devant l'entrée de laquelle le tram marque un nouvel
arrêt.
Environs d'ALGER – Lavoir arabe –
Route d'EL-BIAR
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ALGER – Les Portes du Sahel
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Quelques
centaines de mètres plus loin, nous parvenons, à proximité du réservoir
du Sahel, au lavoir de la Casbah au bord de la route bordée d'eucalyptus,
avant que le tramway franchisse l'enceinte de la ville par les portes
du Sahel et continue sa montée vers El-Biar.
TAGARINS – Grande Rue
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Route d'EL-BIAR – Aux Deux Entêtés
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Nouvelle section au lieu dit "Panier Fleuri" (du nom d'une
épicerie située à proximité dans le quartier des Tagarins
(et non des Tagarrin comme indiqué sur la carte postale) avant la
montée qui se fait plus difficile pour notre petite motrice de 7.5
tonnes propulsée par 25 chevaux, heureusement sans remorque. Après
être passé en contrebas de la colline du Fort l'Empereur, masqué par
un bois d'eucalyptus, et pris le virage en épingle à cheveux, de la
Scala nous arrivons, en haut de la côte aux "Deux Entêtés".
EL-BIAR – Les Oliviers
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EL-BIAR – Arrêt de St-Raphaël
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Deux virages
plus loin, sur la gauche, après être passés devant la "Villa
des Oliviers" servant de résidence aux hôtes illustres du Gouverneur,
à la porte de laquelle, souvent, un spahi en grand uniforme monte
la garde, nous débouchons sur le plateau à l'arrêt de Saint-Raphaël,
où une voie double permet, là encore, le croisement des convois.
EL-BIAR – Rue principale
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EL-BIAR – Grand'rue
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Au niveau
de l'Hôtel Galian, nous entrons maintenant dans le village d'El-Biar
par la Grand Rue (qui sera rebaptisée avenue Maréchal de Bourmont)
et nous pouvons apercevoir, de l'autre coté du carrefour, une motrice
qui attend le passage de notre convoi pour pouvoir emprunter la voie
unique lui permettent de redescendre sur Alger.
EL-BIAR – La Grande Rue et le terminus
du Tram d'Alger
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EL-BIAR - Rue Principale
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Avant de
poursuivre jusqu'au Petit-Châteauneuf, nous marquons un long arrêt
à El-Biar. Le trajet depuis Alger revient à 40 centimes en 1ère
classe et 35 centimes en 2ème classe mais il aurait été plus avantageux
de prendre un billet aller-retour pour 70 centimes en 1ère
classe ou 50 centimes en 2ème classe. Au carrefour avec
l'avenue Prenat (plus tard rebaptisé avenue Maréchal Bugeaud) qui
conduit à l'église, nous allons croiser la motrice n° 3, prête à entamer
son retour vers Alger.
EL-BIAR – La Grande Rue – Partie supérieure
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EL-BIAR – Le Petit Châteauneuf – Le
Restaurant Mallard et la Station du T.M.S.
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Après un
dernier arrêt près de la Gendarmerie, la motrice file vers son terminus
au Petit-Châteauneuf où se situe le dépôt des T.M.S. Avant de redescendre
sur Alger, nous apprécierons un excellent repas chez Mallard, "restaurant
très prisé des Algérois".
Station de Châteauneuf, près d'EL-BIAR
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Enfin arrivée au Petit Château-Neuf et fin de notre voyage. Le trajet
a duré (en principe) 40 minutes et coûté 50 centimes en 1ère
classe et 40 centimes en 2ème classe (billet aller-retour 80 centimes
en 1ère classe ou 60 centimes en 2ème classe).
Notre motrice, maintenant prête à retourner vers Alger, affiche sur
sa caisse une imposante publicité pour l'Anis Gras, dont on espère
qu'elle n'a probablement aucun lien avec la proximité du restaurant.
Lycée de BEN-AKNOUN
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BEN-AKNOUN – Le Lycée
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Si
nous avions envisagé de poursuivre notre voyage jusqu'à Ben-Aknoun,
distant de Châteauneuf d'un peu moins de 1 kilomètre 500, il aurait
fallu que nous soyons vraiment très fatigués ou très chargés pour
avoir envie d'attendre un tram en correspondance (deux ou trois par
jour "aux heures convenables"). Le Guide Bleu précise d'ailleurs,
"Si on ne trouve pas la correspondance de Ben Aknoun (tram
électrique peu fréquent ou omnibus) on peut s'y rendre à pied en 15
minutes". Car ainsi qu'il est précisé sur les billets "La
section de Petit-Châteauneuf à Ben Aknoun n'étant pas déclarée d'utilité
publique, la responsabilité de la Société envers les voyageurs de
cette section, à raison des retards, des accidents ou de toute autre
cause, est limitée à celle du droit commun pour les Voituriers".
La présence
du lycée, annexe du lycée
Bugeaud, dont l'importance des bâtiments est révélatrice
du nombre d'élèves qui le fréquentent, n'a pas représenté une "utilité
publique" suffisante par les autorités, pour qu'une desserte
fiable et régulière soit assurée par les T.M.S., que les usagers appelaient
par dérision "Très Mal Servis" en raison du confort spartiate
des voitures, de la faible fréquence des dessertes, des horaires fantaisistes
et des retards aléatoires.
EL-BIAR – Boulevard Gallieni. Station
des Autobus
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Il
était donc prévisible que cette compagnie ne résiste pas à la concurrence
des autres entreprises de transports publics. Elle disparaîtra en
1937, absorbée par le C.F.R.A. (qui remplaceront les trams par des
trolleybus modernes Vetra), après que la fréquentation de la ligne
T.M.S. d'El-Biar ait été fortement réduite en raison de la mise en
service par les T.A., en 1930, d'une ligne d'autobus reliant la Grande
Poste à El-Biar, par le boulevard Gallieni.