Les transports en commun à Alger
LA RENOVATION des TRANSPORTS en COMMUN de la VILLE d'ALGER

Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 71 "A.F.N. Collections"
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LA RÉNOVATION DES TRANSPORTS EN COMMUN DE LA VILLE D'ALGER

Au moment de la conquête, Alger se composait uniquement de constructions entourant la citadelle -c'est-à-dire " La Casbah "- édifiée sur l'une des collines entourant la baie.

Après l'occupation, la ville européenne fut bâtie au pied de la Kasbah et s'étendit par la suite sur le front de mer, le long de la baie de l'Agha, formant ainsi une agglomération s'étendant de Saint-Eugène à Maison-Carrée.

L'agglomération algéroise est reliée à sa banlieue par deux routes principales qui la traversent : l'une longeant simplement le front de mer vers Maison-Carrée, l'autre montant par les coteaux de Mustapha.

Jusqu'en 1936, trois sociétés concessionnaires assuraient à Alger les services de transport en commun ; elles faisaient face à un trafic total annuel de 75 millions de voyageurs environ, dont 90% par tramways et 10% par autobus.

        -La société des Chemins de fer sur Route d'Algérie (C.F.R.A). Le réseau des C.F.R.A. comprend une ligne établie en bordure de mer, desservant Alger et les très importantes communes limitrophes et divers rameaux adventistes.
       -Les Transports et Messageries du Sahel (T.M.S.). Les T.M.S. qui ont été absorbés en 1937 par les C.F.R.A., assuraient le service d'une ligne partant de la Place du Gouvernement et aboutissant à El-Biar et Ben-Aknoun en passant par les Tournants Rovigo.

       - La Société des Tramways Algériens (T.A.). Les T.A. desservent la partie centrale de la ville par la ligne allant de l'Hôpital du Dey à la Colonne Voirol avec embranchement sur le boulevard Bru.
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On peut estimer actuellement la population municipale d'Alger à 270 000 habitants et, en y ajoutant l'agglomération suburbaine, à 350 000 habitants. Au cours de ces quinze dernières années, la capitale de l'Algérie s'est développée très rapidement. En raison de cet accroissement dû à l'exode des populations rurales vers les centres urbains, Alger s'est révélée trop exigüe pour recevoir un tel nombre d'habitants ; aussi ceux-ci ont-ils été obligés de s'établir sur les crêtes qui dominent la ville.
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C'est ainsi qu'en particulier dans la zone du réseau des T.A. des quartiers très importants se sont construits en peu de temps à la Redoute, au Clos-Salembier, au parc d'Hydra, au Télemly, à Notre- Dame d'Afrique, etc.... Il a fallu, pour les desservir, créer de nouveaux moyens de transports par autobus.

Du fait de la configuration topographique d'Alger, ses artères principales se sont révélées insuffisantes en raison du nombre de véhicules qui les empruntaient : l'encombrement est tel qu'à certaines heures de la journée, la circulation est aussi importante que celle des rues les plus fréquentées de Paris.

Dès 1928, cette situation n'avait pas échappé à l'administration algéroise. En effet, le très grand nombre de voyageurs à transporter obligeait à mettre en service, à intervalles très rapprochés, des trains composés d'une motrice tramway et deux remorques, trains lourds et encombrants, qui gênaient la circulation d'autant plus que les chaussées sont étroites. Dans la partie centrale d'Alger, où les deux lignes de tramways se trouvaient parallèles et à faible distance l'une de l'autre, le trafic total des voyageurs atteignait par kilomètre de ligne celui réalisé à Paris sur la moyenne des lignes métropolitaines. Aussi le Conseil général avait-il décidé, à cette époque, de faire étudier la réorganisation des transports de la région algéroise.

L'étude établie pour Alger envisageait la mise en souterrain d'une grande partie des lignes ferroviaires en exploitation, avec même un prolongement mi-partie souterrain, mi- partie à l'air libre, sur la banlieue de Maison-Carrée, gros centre de population et d'affaires. Ce projet comportait une dépense très élevée et hors de proportion avec les ressources financières de la Ville d'Alger et des communes avoisinantes ; il dut, pour ces raisons, être écarté, l'exécution en aurait coûté 600 millions de Francs.

En 1933, un deuxième projet restant dans les limites de la Ville représentait une dépense de 220 millions ; en raison de la crise économique, il fut également rejeté.

C'est alors que fut présentée à la Ville une solution plus économique tendant à ramener le problème au seul réseau des Tramways Algériens, concernant la section la plus encombrée celle rue d'lsly et rue Michelet jusqu'à Yusuf. Il était prévu sur la ligne Hôpital du Dey-Colonne Voirol une déviation souterraine depuis l'Opéra jusqu'à Yusuf, les autres parties de la ligne restant en surface. Cette déviation souterraine passait sous les rues Henri-Martin, d'lsly et Michelet. La dépense afférente aux travaux d'infrastructure à la charge de la Ville était chiffrée, à l'époque, à 75 millions. Le nouveau matériel moderne pouvant être utilisé en souterrain ou en surface, et dont le prix d'acquisition s'élevait à 11 millions, était fourni par le concessionnaire.

La convention du 28 décembre 1925 qui liait la ville et la Société des Tramways Algériens permettait la réalisation de ce programme ; en conséquence, le Conseil Municipal, dans sa séance du 9 mars 1934, adopta un avenant relatif à l'exécution de la deuxième partie du projet précité (acquisition du matériel roulant) qui fut approuvé par décret en date du 10 octobre 1935.

Cet accord est un acheminement vers la réalisation du programme complet et la ville aura toujours la faculté de procéder aux travaux d'infrastructure lorsque ses possibilités financières le lui permettront. En conséquences, le matériel roulant fut commandé, dans les délais convenus avec la Ville ; il fut mis en service au cours de l'année 1937.

Ce matériel comporte des motrices articulées, confortables et rapides, de 150 à 170 places, avec grande accélération et décélération.

En attendant la réalisation de la déviation souterraine, et pour permettre d'utiliser au mieux le nouveau matériel, des améliorations ont été apportées dans l'élargissement des chaussées de la rue Michelet par le rescindement des trottoirs et rétablissement de refuges entre les deux voies, ce qui a facilité notablement la circulation des autres véhi cules.

Ces améliorations importantes, conjuguées avec la mise en service d'autobus sur les pentes ont apportée la population algéroise des facilités de circulation qu'elle apprécie hautement.

D'autre part, une agglomération très importante s'était créée, en quelques années, sur la hauteur de Notre-Dame d'Afrique : il fallut la desservir ; il fallut aussi amener à la Basilique, qui domine le cap Caxine les fidèles qui s'y rendent. Le chemin qui monte à Notre-Dame d'Afrique est très accidenté et présente des rampes en lacets de 12 à 14 %. Pour permettre une exploitation offrant le maximum de rapidité et de sécurité, la Ville et la Société des T.A. se sont mises d'accord pour procéder à l'établissement d'une ligne de trolleybus qui a donné, dès le début, entière satisfaction. Aussi, la municipalité décida-t-elle de desservir le Télemly par ce même mode de traction et de l'étendre par la suite aux diverses lignes d'autobus dont le matériel s'avérait déjà très usagé.

Tous les travaux ont été effectués sans aucune contribution des finances municipales, tous les crédits nécessaires ayant pu être fournis, en vertu de la convention du 28 décembre 1925 par les recettes de l'Exploitation.

C'est d'ailleurs avec les ressources du compte d'exploitation qu'ont pu être réalisés l'achat du terrain et la construction de l'important dépôt Yusuf.
Le mode de traction par trolleybus s'étant révélé moins onéreux que par autobus. la ville et son concessionnaire se sont mis d'accord pour doter de ce nouveau matériel la ligne du Clos-Salembier et de la Redoute. Un emprunt de 13 millions de Francs a été contracté par la ville d'Alger pour solder, d'une part, les avances faites antérieurement par la Société des T. A., et, d'autre part, les frais de premier établissement et d'achat du matériel de la ligne précitée, les annuités de cet emprunt étant à la charge du compte d'exploitation.

Mais l'application des lois sociales vint, à partir de 1936, détruire l'équilibre financier du compte de gestion entravant de ce fait le développement du réseau. C'est alors qu'il fallut rechercher les moyens de rétablir la situation par l'exécution d'un programme d'économies permettant toutefois, d'achever la rénovation dudit réseau.

Ce programme comportait :
       1° La substitution de trolleybus aux tramways sur les lignes du Boulevard Bru et de la Colonne Voirol, cette dernière ligne étant prolongée jusqu'au centre du lotissement d'Hydra. La suppression des tramways évitait le renouvellement de la voie ; leur remplacement par des trolleybus devait améliorer, en outre, notablement la vitesse des motrices articulées, lorsqu'elles ne se trouveraient plus gênées par la présence sur la ligne, de l'ancien matériel.

       2° La substitutions des trolleybus aux autobus sur la ligne d'El-Biar, avec modification partielle de l'itinéraire par le boulevard Saint-Saëns, permettant ainsi le dégagement de la rue Michelet.

       3° L'aménagement des tarifs et adoption du système de perception par tickets avec appareils oblitérateurs.

       4° La réalisation par la ville d'un emprunt de 10 millions de francs pour parachever le programme de rénovation et solder les dépenses du compte " travaux neufs ".

Le Conseil municipal, dans sa séance du 18 février 1938, a adopté ce programme dont la réalisation touchera sa fin.

En résumé, le réseau des Tramways Algériens aura désormais la consistance suivante donnée par le plan annexé:
       1° Une ligne urbaine à grand trafic : Hôpital du Dey-Yusuf exploitée uniquement par motrices articulées.

       2° Sur cette ligne, se raccorderont à Yusuf, à la Grande-Poste, à la Place du Gouvernement, et au terminus de l'Hôpital du Dey, huit lignes de trolleybus desservant les quartiers suburbains du Télemly, de la Redoute, du Clos-Salembier, du Champ de Manoeuvre, d'El-Biar, du boulevard Bru, de la Colonne Voirol, Hydra, de Notre-Dame d'Afrique-Village Victor.

       3° Deux lignes d'autobus desservant les quartiers du Beau Fraisier et de la Rampe Valée.

       4° Un ascenseur reliant le niveau de la rue d'lsly à celui de la rue Berthezène et desservant en particulier les Bureaux du Gouvernement Général de l'Algérie.

Conclusion.

Le programme élaboré par le Pouvoir concédant et le Concessionnaire aura pu être réalisé en pleine crise économique et sociale, et toutes les questions techniques, financières et administratives auront été réglées au mieux des intérêts en cause. La ville d'Alger va donc se trouver dotée, dans un délai très rapproché, d'un matériel important, complètement neuf, réunissant toutes les qualités que doit posséder le véhicule moderne : confort, rapidité, sécurité.
Ce matériel offre le grand avantage d'être silencieux, surtout en ce qui concerne les trolleybus : le service de nuit est assuré uniquement, à Alger, par ces derniers véhicules.

L'adoption de ces mesures a apporté une large contribution à la lutte entreprise par la Municipalité d'Alger contre le bruit nocturne.

C'est actuellement, à notre connaissance, le seul réseau français de tramways qui ait pu renouveler entièrement son matériel, mais c'est aussi le seul dont la recette annuelle au kilomètre de ligne tramway exploitée s'élève à 2 300 000 Fr sans, toutefois, que les tarifs soient prohibitifs.

Grâce à toutes ces transformations et améliorations -à condition toutefois que la situation économique ne s'aggrave pas- le compte d'exploitation comprenant les charges d'intérêt et d'amortissement des emprunts doit être équilibré dès que la substitution des trolleybus aux autobus sera réalisée entièrement.

M.A. GALLOIS
Administrateur-Délégué de la Société des Tramways Algériens.
L'industrie des voies ferrées et des Transports automobiles, n°387, mars 1939.
Transmis par Joël DARMAGNAC
Mis en page et illustré par Raphaël PASTOR