CÔTE D'AZUR ALGÉRIENNE,
PROCHE RÉALITÉ ?
Supprimons en Algerie le spectre de la " morte-saison "
LE TOURISME ESTIVAL PEUT Y VIVRE
Deux cent mille Algériens
auront, cet été, gagné la métropole (ou
l'étranger) pour y passer leurs vacances. En évaluant
(raisonnablement) à 100.000 francs la somme moyenne que chaque
touriste dépensera hors d'Algérie, on peut chiffrer à
vingt milliards la masse monétaire dont se trouve privée
notre économie.
Le pays, durant cette période d'exode estival, tombe clans une
semi-léthargie. Le volume des affaires balsse sensiblement, 1e
commerce est en partie paralysé, de nombreux hôtels ferment
leurs portes. L'Algérie vit au ralenti... et sa balance commerciale
connaît un fâcheux déséquilibre.
Le mal est suffisamment grave pour qu'on songe au remède. Pour
remettre les choses en l'état, il ap
parait logique de compenser les départs par des arrivées
et d'attirer chez nous, au moment où les Algériens s'en
vont, des touristes métropolitains ou étrangers.
Ainsi naquit l'idée d'un tourisme estival. Idée relativement
récente qui date du dernier après-guerre. Idée
neuve. Idée courageuse qui parut même révolutionnaire
et déchaîna longtemps les sarcasmes. De " bons esprits
"" s'esclaffèrent. allant partout répéter
qu'il faisait très chaud l'été en Algérie
(chose que peu de gens, à vrai dire ignoraient !...) et qu'il
était illusoire (ce qu'ils ne démontraient pas) de prétendre
amener des touristes en Algérie l'été alors même
que les Algériens partaient en masse vers la métropole.
Ces arguments, trop simples pour n'être pas simpliste, ne sont
plus. de saison (sans mauvais jeu de mots). Le tourisme estival algérien
n'est pas une utopie et, si l'on veut bien s'en donner la peine, il
peut devenir une proche réalité.
On peut (tout de même
!) vivre en Algérie l'été
Pour affirmer cette réalité, que de légendes à
dissiper. Et pour commencer, le mythe de l'inhospitalité de l'Algérie
pendant les mois d'été.
Que l'Algérien gorgé de chaleur et de soleil recherche
la fraîcheur des étés métropolitains, quoi
de plus normal ? Mais n'est-il-pas aussi normal que l'habitant des contrées
septentrionaies, saturé de ciel gris et d'humidité, recherche
soleil et chaleur ?
Ces mouvements en sens inverse sont, au fond, très logiques.
Il n'est évidemment pas question d'inviter les touristes à
passer l'hiver en France et l'été au Sahara, à
la maniéré de Dinet. Bien que de nombreux métropolitains
soient revenus enchantés de leur séjour à Ouargla
ou Gardaïa (les élèves du lycée de Nancy,
par exemple, que chaque été parcourent l'Algérie
et les Territoires du Sud sous la direction d'un de leurs professeurs,
M. Fronsacq).
Mais qui soutiendra que l'été est tellement plus déprimant
et plus cruel sur la côte algéricnne que sur la Cote d'Azur
?
Le tourisme estival est,
en Algérie le terme nature d'une lente évolution
Le tourisme estival serait, en Algérie, la conclusion - heureuse
et naturelle - d'une lente évolution.
L'époque est révolue du tourisme " aristocratique
", tourisme d'hivernage des " années heureuses "
d'avant 14. Une clientèle peu nombreuse mais fortunée
(à prédominance anglo-saxonne) venait passer l'hiver dans
des palaces de classe internationale. Ces palaces s'appelaient le "
Saint-George " l'" Algéria ", le " Continental
", l'" Alexandra ", la " Régence ",
le " Sémiramis ". Presque tous ont disparu
avec
le tourisme d'hivernage. Le Saint-George seul a survécu !
Le tourisme après 1920 devint itinérant et l'Algérie
reçut une nouvelle catégorie de visiteurs. Des visiteurs
qui voulaient voir beaucoup de choses en peu de temps et qui venaient
en Algérie non pour y séjourner, mais pour y voyager.
Avec la deuxième guerre mondiale, nouveau changement. Le tourisme
riche, itinérant, disparaît. Le tourisme se recrute désormais
dans les classes moyennes. Il veut voir (lui aussi) beaucoup de choses
en peu de temps, mais... pour pas cher. Le tourisme prend aussi un caractère
collectif plus ou moins nettement affirmé. Il déplace
maintenant d'importantes masses humaines.
Le tourisme estival en
Algérie obéit à la tendance " extension vers
le Sud "
Dans un article qu'il a récemment consacré au tourisme
estival, M. V. Prouteau, directeur de l'Ofalac, insiste sur la tendance
très nette du tourisme européen à se déplacer
vers le Sud, depuis la fin de la guerre.
" La Côte d'Azur, écrit-il, la Côte Basque,
les Baléares, l'Espagne ont vu s'ouvrir pour elles des perspectives
magnifiques. Pourquoi pas l'Algérie ? "
Le développement de la navigation maritime et (surtout) aérienne
place l'Algérie à quelques heures de la. métropole.
Alger, par les airs, n'est guère plus éloigné de
Paris que Nice. La distance n'est pas un frein susceptible de ralentir
la marche du tourisme estival.
Côte d'Azur algérienne
Quoi qu'en pensent les timorés, l'Algérie n'est pas vouée
au tourisme hivernal exclusif et éternel. On crut longtemps aussi
la Côte d'Azur condamnée - à perpétuité
- à ce qu'on appelait " l'hivernage ". Vers les années
36-37 des conditions sociales nouvelles entraînèrent la
ruée vers les plages ensoleillées de la Côte. Ce
mouvement peut et doit avoir en Algérie un prolongement logique.
On se prend alors à rêver à cette Côte d'Azur
Agérienne ! Mille kilomètres de côte d'Oran à
La Calle par Ténès, Alger, Dellys, Bougie, Djidjelli font
alterner plages et falaises, sables et galets, golfes et baies.
Cette côte, aussi pittoresque que l'autre et peut-être plus
sauvage, aurait autant de charme qu'elle.
Les cèdres de Chréa rivaliseraient alors avec les pins
de Turini ; notre Valberg s'appe1lerait Tikjda.
Nous aurions - nous aussi - un Saint-Paul et un Vence. Nos " antiquités
" aussi attrayantes et au moins aussi authentiques, auraient nom
Cherchell et Tipasa, Tigzirt, Timgad et Djemila.
'Les ressources touristiques de l'Algérie sont illimitées
mais l'Algérie doit s'équiper pour recevoir les touristes.
Presque tout dans ce domaine reste à faire. Équipement
hôtelier, équipement balnéaire. organisation des
transports et tant d'autres problèmes qui réclament une
solution efficace et rapide. Cette solution sera à la mesure
de nos moyens si elle est à la mesure de notre volonté.