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notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria "
en particulier.
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TEXTE COMPLET SOUS
L'IMAGE.
On s'est longtemps demandé pourquoi
un pays producteur de fruits comme l'Algérie ne possédait
aucune usine susceptible de fabriquer des confitures ou des conserves
d'oranges, prunes, abricots, et, en général, de tout ce
dont Pomone a gratifié notre terre bénie.
Rompant définitivement avec des préjugés que rien
ne justifiait, MM. Esclapez frères ont créé, à
Relizane, un groupe d'usines s'occupant en général de
produits alimentaires, mais surtout de confiturerie et de confiserie.
Il nous a semblé que la relation illustrée d'une visite
faite dans ces établissements munis de tous les perfectionnements
modernes et appuyée des renseignements donnés par ses
Directeurs, avec une bonne grâce charmante, intéresserait
nos lecteurs, pour la plupart clients de la firme Escla qui, pour être
créée depuis peu, n'en a pas moins répandu ses
produits dans la Colonie entière.
Un de nos rédacteurs s'est donc rendu à Relizane et, reçu
de la façon la plus courtoise, a pu visiter les usines et leurs
dépendances, et recueillir de MM. Esclapez frères, les
intéressantes déclarations ci-après :
Notre industrie de Produits alimentaires " Escla ". comprend
trois usines.
L'une, la plus importante, est celle destinée à la fabrication
des confitures, fruits secs et confits. L'autre comprend le moulin à
huile et le moulin à poivres rouges ; enfin, la troisième
est aménagée, pour la conservation d'olives en vert et
en noir et la fabrication des vins..
L'idée de ces créations à Relizane, de préférence
à toute autre ville, se justifie, en premier lieu, par la position
de nos vastes plantations d'arbres fruitiers : orangers, mandariniers,
abricotiers, pruniers, oliviers ; nos terres de culture pour tomates,
petits pois et autres légumes ; et aussi par la situation unique
de Relizane, centre d'arboriculture, voisin d'agglomérations
non moins importantes à ce point de vue :
Perrégaux, Sig, lnkermann,
Tiaret.
Bien qu'un peu plus éloigné,
Tlemcen nous envoie ses cerises, ses prunes, ses poires.
Enfin, dans le département d'Alger, Miliana
et Affreville,
où on récolte des fruits de très bonne qualité,
peuvent encore venir compléter l'aliment nécessaire à
une industrie telle que celle que nous avons installée.
" Nous aidant de l'expérience et des résultats obtenus
dans des industries similaires de la Métropole, nous avons créé
à Relizane, les trois installations déjà en activité,
et dont le fonctionnement, fort simple d'ailleurs, vous intéressera
certainement, ainsi que les lecteurs de l'Afrique du Nord Illustrée.
L'ensemble de notre industrie a été à dessein placé
au point d'intersection des grandes lignes d'Alger à Oran et
de Mostaganem à Tiaret ; cette situation, réellement privilégiée,
lui permet de recevoir les fruits de toutes les villes indiquées
plus haut, et aussi, avantage non moins grand, d'expédier, facilement,
dans toute l'Afrique du Nord, d'exporter par les ports de Mostaganem
et d'Oran, en France et à l'Étranger, toutes ses fabrications,
sans aucune de ces manipulations si préjudiciables à la
rapidité de la livraison et parfois à l'état des
emballages.
Grâce encore à cette situation, les fruits nous arrivent
dans un état de fraîcheur incomparable et nous assurent
une fabrication de premier ordre comparable à celle des maisons
les plus anciennes de France.
Notre vaste magasin de réception et de triage nous permet de
recevoir sans difficultés les plus gros arrivages de fruits.
La lumière y entre à flots ; les dispositions les plus
modernes donnent au personnel la possibilité d'examiner, de trier
et de préparer pour le laboratoire et le séchoir, les
fruits et légumes nécessaires, par quelque quantité
que ce soit.
On procède au séchage des fruits au moyen d'un dispositif
de locaux et d'appareils des mieux compris. En 24 heures de travail,
on peut traiter complètement soixante quintaux d'abricots environ.
Une chambre à soufre destinée au sulfitage des fruits
reçoit ceux-ci avant leur introduction dans le séchoir.
Après le séchage, on procède au triage des fruits
qui sont mis en caisses par catégories.
Nos abricots secs, disons-le en passant, nous ont valu, à leur
apparition sur le marché, une note des plus encourageantes ;
ils ont facilement supporté la comparaison avec les meilleurs
des produits similaires d'Espagne et de Californie.
Le laboratoire reçoit les fruits destinés aux confitures,
aux pulpes et aux fruits confits.
Quatre grandes bassines à double fond servent à la fabrication
des confitures. Un récipient de dimensions moindres sert aux
opérations d'essais. Toutes ces bassines sont chauffées
par la vapeur que fournit un puissant générateur Roser,
duquel nous reparlerons plus loin.
Dans le laboratoire, un outillage moderne facilite les opérations
de fabrication, de mise en boites, de sertissage et de stérilisation.
Un matériel à confire y est également installé.
Du laboratoire, les boites, par le moyen de petits chariots à
bras, sont emportées au conditionnement, vaste salle de quatre
cents mètres carrés, où l'on peut remarquer les
réserves nécessaires de caisses près des lots déjà
prêts à être expédiés.
La mise sur camion est facilitée par un simple pont jeté.
Deux ateliers importants, deux petites usines dans la grande, ont été,
en outre, équipés.
Ce sont, d'une part, la Ferblanterie, où un matériel moderne
complet, nous permet de faire les différentes boites nécessaires
au logement de nos confitures, et, d'autre part, une Caisserie, où
les caisses nécessaires aux expéditions sont montées.
Un générateur Roser, de 52 mètres carrés
de surface de chauffe, brûlant du bois provenant en partie de
nos coupes d'arbres et des forêts avoisinantes, fournit la vapeur
aux diverses bassines du laboratoire, à l'appareil à confire,
aux bacs à ébullitions, aux autoclaves et au séchoir
; il actionne un moteur de 35/40 HP, marque Briffaut et Robatel, de
Lyon.
Dans la salle du moteur, une dynamo fournit l'éclairage de l'usine
et la force nécessaire à notre moulin à huile et
à poivres rouges.
L'installation du moulin à poivres rouges est des plus simples
; elle facilite le broyage des piments de nos récoltes ainsi
que leur tamisage. Un moteur électrique de 12 HP, recevant son
énergie de l'usine alimentaire, actionne ce broyeur et cette
bluterie.
Tout à côté, l'installation du moulin à huile,
monté par la maison Coq, d'Aix-en-Provence, réunit tous
les perfectionnements modernes ; elle nous permet de triturer 150 à
180 quintaux d'olives par 24 heures.
Sous cette installation, se trouve placée la cave à huile
où un dispositif de robinetterie facilite le remplissage, sans
aucune autre manutention.
Cette cave en sous-sol abrite une série de piles pouvant contenir
120 000 litres d'huile ; elle offre une température douce, été
comme hiver.
Dans la troisième installation, nous possédons un vaste
chai où 6 000 hectos de logement peuvent déjà recevoir
la vendange de nos jeunes vignes : un matériel moderne complet
permet également de travailler 5 à 600 quintaux de vendanges
par jour, et autorise une vinification des plus faciles.
Dans ce grand bâtiment couvrant plus de 3 000 mètres carrés,
un emplacement est réservé pour augmenter encore la capacité
de logement que vont nécessiter nos prochaines vendanges.
Dans un pavillon attenant au chai se trouve l'installation pour la conserve
des olives. Un matériel ad hoc assure le traitement de cinquante
quintaux d'olives vertes par jour. La conserve en noir suivant celle
en vert, le même logement effectue avec les mêmes facilités,
cette seconde opération.
Ainsi, grâce à la visite que non seulement MM. Eselapez
frères ont autorisé notre envoyé à faire
de leurs belles installations à Relizane, mais qu'ils se sont
efforcés de rendre, avec un empressement du meilleur aloi, instructive
et attrayante, il nous est possible de donner à nos lecteurs
un aperçu de la manière dont est fabriquée toute
une série de produits, auxquels le public tend de plus en plus
à accorder la préférence.
Il y a là mieux qu'une tentative industrielle isolée et
ordinaire, il y a une initiative d'industrialisation de l'agriculture
d'une grande portée et digne des plus complets encouragements.
Nous sommes heureux d'être parmi les premiers à la signaler.
Le caractère scientifique de la conduite de ces exploitations
apparaît dès que l'on commence la visite des diverses parcelles
que MM. Esclapez frères ont consacrées à des cultures
différentes et variées.
Dans cette immense plaine de la Mina inférieure, qu'avec une
ténacité remarquable ils arrachent à la salure
et au marécage, on constate chaque jour davantage l'excellence
des terres et leur prodigieuse fécondité.
Il semble qu'on n'insistera jamais assez sur l'importance que devrait
prendre, en Oranie, le drainage, dans les pacages exposés à
l'invasion saline des oueds en crue. On sait que des centaines de milliers
d'hectares - si l'on prend le département d'Oran dans son ensemble
- sont frappés de stérilité par suite de la forte
quantité de chlorures, principalement de sodium, dont les pluies
d'hiver lavant des roches salées imprègnent les couches
superficielles du sol. Reposant souvent sur des assises imperméables,
ces terrains ne sèchent que par évaporation, le sel demeurant
sur place : le drainage, au contraire, les lave, les débarrasse
du sel et en fait des jachères de premier ordre.
Il convient de proclamer hautement le mérite qu'ont MM. Esclapez
frères d'en être les promoteurs à Relizane et dans
la Mina inférieure.
On peut voir, aujourd'hui, des orangeries superbes, des olivettes en
plein rapport sur des pièces où, il y a dix ans à
peine, ne poussait que la soude, ce chiendent détestable des
étendues stériles.
Mais, en mettant les terres dans les meilleures conditions de fertilité
et de composition en vue d'une culture donnée, MM. Esclapez frères
ne se sont pas crus libérés de tout soin et de toute amélioration
des peuplements qu'ils créaient. Ils procèdent à
un nettoyage complet de leurs pépinières chaque fois qu'il
en est besoin. Jamais l'herbe n'envahit, chez eux, l'orangerie, l'olivette
ou le verger d'abricotiers ; ils estiment, à juste raison, que
les herbes parasites absorbent le meilleur des éléments
nutritifs de la terre.
C'est grâce à ces soins diligents et quotidiens que notre
rédacteur a pu voir des mandariniers de quatre ans pliant littéralement
sous le poids de fruits superbes et de tout jeunes oliviers nantis déjà
d'une quantité fort appréciable de baies.
A ce propos, il convient de noter l'acclimatement fort réussi
par MM. Esclapez frères d'une olive énorme, à chair
verte et savoureuse, la Sévillane, qui a fait récemment
son apparition et est, maintenant, consommée et réclamée
dans les milieux les plus délicats : les wagons-restaurants des
Grands Express européens la servent couramment et elle est très
vivement appréciée.
Aussi bien, ce souci constant du mieux-faire, cette préoccupation
de l'hygiène appliquée avec vigilance à leurs arbres
qu'ils considèrent et traitent, à juste titre, comme des
êtres infiniment délicats, nous les retrouvons dans l'asepsie
complète de tout ce qui touche aux produits que MM. Esclapez
frères livrent au public.
Il faut avoir assisté à ce blanchiment des mandarines
destinées à la fabrication des confitures, à cette
désinfection, par la vapeur, de tous les récipients, non
seulement de ceux appelés à recevoir définitivement
les produits, mais encore de ceux qui ne les contiennent qu'un instant,
pour se rendre compte de la minutie de MM. Esclapez frères en
pareille circonstance...
Nous sommes heureux aussi d'avoir acquis la preuve - nous nous en portons
volontiers garants - que les confitures Escla ne sont composées
que de deux éléments : de fruits algériens, sains,
triés, à point, et de sucre blanc, de beau sucre cristallisé
pur de toute souillure et de toute matière étrangère.
Leur goût exquis et leur parfum, du reste, ne l'attestent pas
moins éloquemment.
C'est sur cette assertion que nous clorons un aperçu des constatations
que notre envoyé a pu faire au cours de celte partie de son voyage,
à Relizane et sur lesquelles nous regrettons que le manque de
place ne nous permette pas d'insister davantage.
Ceci dit, nous souhaitons qu'au cours du voyage prochain d'étude
que M. le Gouverneur général va entreprendre en Oranie,
il s'arrête longuement à Relizane, qu'il se fasse exposer
minutieusement ce qui a été fait et ce qui pourrait être
fait encore en faveur d'une région que la nature a merveilleusement
dotée et qui, par des travaux de peu d'importance, est appelée
à prendre un développement fantastique. Nous n'exagérons
rien ; les industriels audacieux et clairvoyants à la fois, qui
nous ont. confié leurs espérances et exposé leurs
plans relatifs à l'aménagement de la Mina, ne sont ni
des utopistes, ni des songe-creux. Ils ont déjà accompli
des prodiges d'énergie et de ténacité : en quelques
années, le pays, désert de steppes incultes et stériles,
fournaise qui, de juin à octobre, haletait sous un vent de feu,
a vu son climat modifié, l'aspect de ses campagnes devenir riant
; le voyageur reconnaît à peine les abords de la ville,
que des plantations superbes, des métairies opulentes, des fermes
ombragées d'arbres luxuriants, ensevelissent lentement sous une
voûte frémissante de verdure...
Et çà et là, dans les campagnes, précisément
aux abords des lieux choisis par nos amis, pour l'édification
des barrages ou des canaux nécessaire à la résurrection
de cet immense jardin, des vestiges de réservoirs, d'aqueducs,
de citernes romains se dressent,' encourageant de leur muette présence,
les efforts de ceux qui travaillent à restaurer, dans sa splendeur
d'autrefois, la terre bénie qui fut le grenier de nos ancêtres
latins.