-------De lire les
récits de certains de nos compatriotes qui décrivent avec
tant de talent leur vie et leur quartier, l'envie me prend de VOUS livrer
en quelques lignes mes souvenirs de trente années de vie au chemin
des Glycines à ALGER. dans le quartier Mustapha supérieur.
------Notre
maison,construite par mon grand-père en 19 30 comportait deux appartements.
: l'un occupé par mes parents, l'autre par le grand-père.
------J'y
suis né 19 3 1. Les souvenirs de ma toute petite enfance sont minces
et n'ont pas d'intérêt, mais dès l'âge de la
maternelle, j'ai traîné mes culottes à l'école
Ste-Geneviève près de l'hôtel St-Georges.
-------Je
me souviens que je passais devant le marchand de journaux. M. DIAZ. tout
en bas dit chemin et pour mes petites jambes, les 400 m à monter
du chemin des Glycines, étaient souvent pénibles car la
pente était assez raide.
-------Puis
vint la plus grande école et mes parents m'inscrivirent à
l 'externat de NOTRE-DAME D'AFRIQUE au boulevard St-Saens. (voir
ce lieu et photos de classes) Je me souviens qu'un de mes camarades
de classe était le fils de l'Amiral DARLAN et que, celui-ci demeurant
pas très loin de chez nous, son chauffeur passait me prendre en
allant porter le fils de l'amiral.
------Je me
souviens de ce temps passé et merveilleux où, tous les soirs
et tous les matins, le préposé aux " becs de gaz "
passait allumer et éteindre avec sa longue perche, l'éclairage
public qui fonctionnait à l'époque au gaz de ville.
-------Je
me souviens du marchand de légumes MOHAMED qui passait soit avec
son âne bâté ou attelé à une petite charrette,
le marchand de vêtements qui criait " Marchand d'z'habi...a
" ou le plombier ambulant cherchant du boulot en criant " Et
voilà le ferblantier-plombier " .
------Puis
la guerre de 39 est arrivée, mon père officier fut mobilisé
mais grâce à son poste dans le civil fut mobilisé
sur place, ayant en charge, en sa qualité d'ingénieur en
chef, tous les service techniques du port d'ALGER. Lorsque les bombardements
d'ALGER survinrent, mon père faisait partie de la Défense
passive et j'étais fou de joie lorsqu'il m'amenait avec lui au
travers des rues de notre quartier pendant les alertes, pour vérifier
qu'aucune lumière ne filtre au travers des fenêtres pour
que les avions ennemis n'aient point derepère. C'est que notre
quartier était stratégique. rassemblant un grand nombre
d'autorités , tant civiles que militaires au chemin des Glycines
et au chemin Beaurepaire juste au-dessus.
------Je me
souviens de cette bombe tombée au Parc de Galland (voir
ce lieu), qui traumatisa le perroquet qui lorsqu'on voulail
le faire Parler ne savait plus que dire " Boum ». «,
Boum »!
------Les
commerçants n'étaient pas très prés dela maison
et le quartier des Glycines en était totalement dépourvu.
II nous fallait aller chercher notre pain au Télemly (voir)"
chez FUSTER ". Ce n'était pas la porte à côté
et combien de fois, même enfant, ai-je fait cette coursc passant
par les escaliers Tartas, devant le palais d'été, le haut
du parc de Galland, pour arriver chez FUSTER qui faisait l'angle avec
le chemin Edith Cavell.
------Ma mère
fréquentait le marché MEISSONNIER et je me souviens que
pendant les restrictions elle avait déniché un épicier
Mozabite qui avait pour les bons clients du beurre de zébu qui
faisait notre régal sur nos tartines le matin. Il nous est même
arrivé, le café manquant, de griller des noyaux de dattes
dans le grilloir à café et de les moudre ensuite pour faire
un ersatz de café.
------Mon
père, ayant vendu sa voiture pour éviter de se la faire
réquisitionner, allait à pied de la maison à son
bureau, sur les quais à la hauteur de la rampe Poirel, mais pour
revenir, entre la côte des chasseurs, le chemin de Gascogne et le
chemin des Glycines, ce n'était que côtes et il arrivait
souvent épuisé.
------Puis
ce fut le temps du débarquement et des américains, et nous,
les enfants, avions nos combines pour nous approvisionner en bonbons,
chewing-gum et autres bonnes choses introuvables en magasin. J'avais deux
sources principales d'approvisionnements. L'une à la clinique des
Orangers ( voir
les photos) dont je traversais les jardins pour me rendre à
la grande Ecole St-Joseph au chemin Beaurepaire, et l'autre, après
des camions qui approvisionnaient la clinique des Glycines, mitoyenne
de notre maison. Le bon pain blanc, quelques boîtes de conserves
et autres bonnes choses qui faisaient notre régal.
------Les
années passèrent, l'adolescence était là et
nous étions heureux tous en famille dans cette maison que j'ai
encore aujourd'hui dans les tripes, me remémorant les jeux que
nous faisions au jardin transformé en 24 h du Mans avec mon cyclorameur
ou la voiture à pédales, heureux dans ce quartier avec les
amis.
--Souvent,
il m'arrive encore de monter en pensée ce chemin des Glycines,
passant successivement devant les deux villas de la famille GERMAIN, puis
devant la belle villa YASMINA, ayant sur ma gauche les murs d'enceinte
de la propriété des Soeurs de la Doctrine Chrétienne,
revoyant ce petit portail de bois, en haut de trois marches, donnant dans
cette propriété. Puis passant devant la villa de notre autre
voisin M. GUSTAVINO, nous arrivions chez nous. Oui ce chemin montait dur,
mon père avec sa Peugeot 201 le montait en première et on
entendait crier le moteur bien avant qu'il n'arrive puisque ma mère
avait souvent le temps de descendre lui ouvrir le portail.
------Les
lampadaires électriques ont remplacé les becs de gaz mais
le chemin des Glycines est resté ce qu'il était, un quartier
calme, fait essentiellement de villas où l'on se connaissait presque
tous, quelques-uns d'entre nous faisions partie de la chorale de la paroisse
Ste-Marie. Puis le quartier se vida progressivement, les maisons se fermèrent,
un dernier regard, des larmes, c'était fini pour toujours, même
le chemin des Glycines n'existe plus aujourd'hui... il a été
débaptisé.
------Mon
mariage fut béni par mon oncle qui était curé de
TIPAZA (voir)
, nos deux enfants sont nés et ont vécu dans notre maison
jusqu'en 1962 où, par la grâce d'un certain général
félon, nous dûmes quitter notre pays, notre maison, nos souvenirs,
en un mot tout ce qui faisait ce que nous étions. Mes parents reposent
à ST-EUGENE depuis 1958 et j'ai fait graver " in memoriam
" leurs noms sur la porte de mon caveau " métropolitain
" .
------Je passe
à peu près sous silence les huit dernières années
de notre ALGÉRIE FRANÇAISE, notre quartier fut relativement
préservé des attentats, bombes et autres tueurs, encore
que sous mes yeux fut abattu un automobiliste qui passait alors que je
sortais ma voiture du garage. Je fus le premier à alerter un toubib
à la clinique voisine pour lui porter secours, mais hélas
je crois bien qu'il était déjà trop tard.
------De par
mon métier, j'ai pris certes beaucoup de risques puisque de 1958
à 1962, je n'ai cessé de rouler, quatre fois par an, entre
ALGER, CONSTANTINE, PHILIPPEVILLE, BONE, BATNA, etc. J'ai souvent croisé
des carcasses de voitures encore fumantes sur le bord de la route, mais
il faut croire que j'ai un ange gardien particulièrement efficace.
------Pour
terminer, je remercie Pierre SASSO d'avoir accepté de représenter
l'Amicale sur la HAUTE-GARONNE, cela facilitera beaucoup contacts et rencontres
car comme l'écrivait un de nos compatriotes, les témoins
disparaissent un à un, mais il faut que la mémoire demeure.
------Amitié
à tous
Robert GOUPILLE
" Rosairy "
33, rte de Cammas - Cidex 5286
31180 Castelmaurou
« Aux Échos d'Alger,
n°74 de septembre 2001.»
-----AEA
de deptembre 2005 : « Mon article écrit précédemment
sur le chemin des Glycines m'a valu entre autres,
------ un
appel téléphonique du Fils de mon ancien coiffeur LANTIN,
un petit fils LANTIN habite à MONTRABE pas très loin de
chez moi.
-----une
lettre d'un Écossais, Monsieur Andrew Bradford Kincardineestate&btinternet.com,
lequel écrit actuellement un livre sur la guerre de 39/45 au cours
de laquelle son père est arrivé à Alger en décembre
1940. Hospitalisé à la clinique des Glycines pour une jaunisse.
Cet homme recherche des photos (époque 40) et spécialement
de la clinique des Glycines, du Yacht club et de l'Hotel Royal. »
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