Le chemin des Glycines, la Redoute
par Robert GOUPILLE, avec son aimable autorisation.
sur site le 10/08/2002...+ le 8-10-2005

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-------De lire les récits de certains de nos compatriotes qui décrivent avec tant de talent leur vie et leur quartier, l'envie me prend de VOUS livrer en quelques lignes mes souvenirs de trente années de vie au chemin des Glycines à ALGER. dans le quartier Mustapha supérieur.
------Notre maison,construite par mon grand-père en 19 30 comportait deux appartements. : l'un occupé par mes parents, l'autre par le grand-père.
------J'y suis né 19 3 1. Les souvenirs de ma toute petite enfance sont minces et n'ont pas d'intérêt, mais dès l'âge de la maternelle, j'ai traîné mes culottes à l'école Ste-Geneviève près de l'hôtel St-Georges.
-------Je me souviens que je passais devant le marchand de journaux. M. DIAZ. tout en bas dit chemin et pour mes petites jambes, les 400 m à monter du chemin des Glycines, étaient souvent pénibles car la pente était assez raide.
-------Puis vint la plus grande école et mes parents m'inscrivirent à l 'externat de NOTRE-DAME D'AFRIQUE au boulevard St-Saens. (voir ce lieu et photos de classes) Je me souviens qu'un de mes camarades de classe était le fils de l'Amiral DARLAN et que, celui-ci demeurant pas très loin de chez nous, son chauffeur passait me prendre en allant porter le fils de l'amiral.
------Je me souviens de ce temps passé et merveilleux où, tous les soirs et tous les matins, le préposé aux " becs de gaz " passait allumer et éteindre avec sa longue perche, l'éclairage public qui fonctionnait à l'époque au gaz de ville.
-------Je me souviens du marchand de légumes MOHAMED qui passait soit avec son âne bâté ou attelé à une petite charrette, le marchand de vêtements qui criait " Marchand d'z'habi...a " ou le plombier ambulant cherchant du boulot en criant " Et voilà le ferblantier-plombier " .
------Puis la guerre de 39 est arrivée, mon père officier fut mobilisé mais grâce à son poste dans le civil fut mobilisé sur place, ayant en charge, en sa qualité d'ingénieur en chef, tous les service techniques du port d'ALGER. Lorsque les bombardements d'ALGER survinrent, mon père faisait partie de la Défense passive et j'étais fou de joie lorsqu'il m'amenait avec lui au travers des rues de notre quartier pendant les alertes, pour vérifier qu'aucune lumière ne filtre au travers des fenêtres pour que les avions ennemis n'aient point derepère. C'est que notre quartier était stratégique. rassemblant un grand nombre d'autorités , tant civiles que militaires au chemin des Glycines et au chemin Beaurepaire juste au-dessus.
------Je me souviens de cette bombe tombée au Parc de Galland (voir ce lieu), qui traumatisa le perroquet qui lorsqu'on voulail le faire Parler ne savait plus que dire " Boum ». «, Boum »!
------Les commerçants n'étaient pas très prés dela maison et le quartier des Glycines en était totalement dépourvu. II nous fallait aller chercher notre pain au Télemly (voir)" chez FUSTER ". Ce n'était pas la porte à côté et combien de fois, même enfant, ai-je fait cette coursc passant par les escaliers Tartas, devant le palais d'été, le haut du parc de Galland, pour arriver chez FUSTER qui faisait l'angle avec le chemin Edith Cavell.
------Ma mère fréquentait le marché MEISSONNIER et je me souviens que pendant les restrictions elle avait déniché un épicier Mozabite qui avait pour les bons clients du beurre de zébu qui faisait notre régal sur nos tartines le matin. Il nous est même arrivé, le café manquant, de griller des noyaux de dattes dans le grilloir à café et de les moudre ensuite pour faire un ersatz de café.
------Mon père, ayant vendu sa voiture pour éviter de se la faire réquisitionner, allait à pied de la maison à son bureau, sur les quais à la hauteur de la rampe Poirel, mais pour revenir, entre la côte des chasseurs, le chemin de Gascogne et le chemin des Glycines, ce n'était que côtes et il arrivait souvent épuisé.
------Puis ce fut le temps du débarquement et des américains, et nous, les enfants, avions nos combines pour nous approvisionner en bonbons, chewing-gum et autres bonnes choses introuvables en magasin. J'avais deux sources principales d'approvisionnements. L'une à la clinique des Orangers ( voir les photos) dont je traversais les jardins pour me rendre à la grande Ecole St-Joseph au chemin Beaurepaire, et l'autre, après des camions qui approvisionnaient la clinique des Glycines, mitoyenne de notre maison. Le bon pain blanc, quelques boîtes de conserves et autres bonnes choses qui faisaient notre régal.

------Les années passèrent, l'adolescence était là et nous étions heureux tous en famille dans cette maison que j'ai encore aujourd'hui dans les tripes, me remémorant les jeux que nous faisions au jardin transformé en 24 h du Mans avec mon cyclorameur ou la voiture à pédales, heureux dans ce quartier avec les amis.

--Souvent, il m'arrive encore de monter en pensée ce chemin des Glycines, passant successivement devant les deux villas de la famille GERMAIN, puis devant la belle villa YASMINA, ayant sur ma gauche les murs d'enceinte de la propriété des Soeurs de la Doctrine Chrétienne, revoyant ce petit portail de bois, en haut de trois marches, donnant dans cette propriété. Puis passant devant la villa de notre autre voisin M. GUSTAVINO, nous arrivions chez nous. Oui ce chemin montait dur, mon père avec sa Peugeot 201 le montait en première et on entendait crier le moteur bien avant qu'il n'arrive puisque ma mère avait souvent le temps de descendre lui ouvrir le portail.
------Les lampadaires électriques ont remplacé les becs de gaz mais le chemin des Glycines est resté ce qu'il était, un quartier calme, fait essentiellement de villas où l'on se connaissait presque tous, quelques-uns d'entre nous faisions partie de la chorale de la paroisse Ste-Marie. Puis le quartier se vida progressivement, les maisons se fermèrent, un dernier regard, des larmes, c'était fini pour toujours, même le chemin des Glycines n'existe plus aujourd'hui... il a été débaptisé.
------Mon mariage fut béni par mon oncle qui était curé de TIPAZA (voir) , nos deux enfants sont nés et ont vécu dans notre maison jusqu'en 1962 où, par la grâce d'un certain général félon, nous dûmes quitter notre pays, notre maison, nos souvenirs, en un mot tout ce qui faisait ce que nous étions. Mes parents reposent à ST-EUGENE depuis 1958 et j'ai fait graver " in memoriam " leurs noms sur la porte de mon caveau " métropolitain " .
------Je passe à peu près sous silence les huit dernières années de notre ALGÉRIE FRANÇAISE, notre quartier fut relativement préservé des attentats, bombes et autres tueurs, encore que sous mes yeux fut abattu un automobiliste qui passait alors que je sortais ma voiture du garage. Je fus le premier à alerter un toubib à la clinique voisine pour lui porter secours, mais hélas je crois bien qu'il était déjà trop tard.
------De par mon métier, j'ai pris certes beaucoup de risques puisque de 1958 à 1962, je n'ai cessé de rouler, quatre fois par an, entre ALGER, CONSTANTINE, PHILIPPEVILLE, BONE, BATNA, etc. J'ai souvent croisé des carcasses de voitures encore fumantes sur le bord de la route, mais il faut croire que j'ai un ange gardien particulièrement efficace.
------Pour terminer, je remercie Pierre SASSO d'avoir accepté de représenter l'Amicale sur la HAUTE-GARONNE, cela facilitera beaucoup contacts et rencontres car comme l'écrivait un de nos compatriotes, les témoins disparaissent un à un, mais il faut que la mémoire demeure.
------Amitié à tous

Robert GOUPILLE
" Rosairy "
33, rte de Cammas - Cidex 5286
31180 Castelmaurou

« Aux Échos d'Alger, n°74 de septembre 2001.»

-----AEA de deptembre 2005 : « Mon article écrit précédemment sur le chemin des Glycines m'a valu entre autres,
------ un appel téléphonique du Fils de mon ancien coiffeur LANTIN, un petit fils LANTIN habite à MONTRABE pas très loin de chez moi.
-----une lettre d'un Écossais, Monsieur Andrew Bradford Kincardineestate&btinternet.com, lequel écrit actuellement un livre sur la guerre de 39/45 au cours de laquelle son père est arrivé à Alger en décembre 1940. Hospitalisé à la clinique des Glycines pour une jaunisse. Cet homme recherche des photos (époque 40) et spécialement de la clinique des Glycines, du Yacht club et de l'Hotel Royal. »