L'Amirauté d'Alger
Origine du port d'Alger, les fortifications, les forts du nord et de l'est
par Edouard NOCCHI
suite à ce texte : les ouvrages du centre
sur site le 26-10-2004

-------------textes extraits de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information. - n°34, juin 1986 avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste".
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îlots du port d'Alger

Origines du port d'Alger
Ce texte est extrait du Bulletin de la société de géographie de l'Afrique du Nord, 4- trimestre 1907

---------Les côtes de l'Afrique du Nord présentent peu d'abris naturels.
---------En Algérie les vents d'ouest sont les vents les plus fréquents. Presque toutes les tempêtes sont des tempêtes d'ouest tournant vers le nord-ouest et le nord en soulevant une très grosse mer.
---------Entre le golfe de Bougie et celui d'Arzew, la baie d'Alger est le seul endroit où l'on puisse trouver une protection relative, contre les vents du nord-ouest, à l'abri du massif de la Bouzaréah qui domine la partie ouest de la baie.
---------Malheureusement, le promontoire de la Bouzaréah, très arrondi, ne présente qu'une protection insuffisante contre la mer. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Les écueils de la Pointe-Pescade et de la pointe des Consuls ne peuvent empêcher les lames de contourner le promontoire et de pénétrer largement dans la baie d'Alger.
---------Ce n'est qu'un peu plus au sud, après la pointe d'El-Kettani, que quatre îlots entourés d'écueils constituaient autrefois une amorce d'abri naturel, offrant aux petits bâtiments de l'époque une protection, bien précaire d'ailleurs.
---------C'est à cette particularité que le port d'Alger doit son origine.
---------La situation privilégiée de ce point de la côte semble avoir attiré l'attention des Phéniciens qui, au IXe siècle avant notre ère, s'y installèrent en même temps qu'à Carthage. Certains poèmes grecs font même remonter l'origine d'Alger à l'époque légendaire des expéditions d'Hercule. Vingt de ses compagnons, après des aventures diverses, auraient décidé de se fixer en face de ces îlots, d'y bâtir un village auquel ils donneront le nom d'Icosium du mot grec eikosi qui signifie vingt.
---------Ce qu'il y a de certain, c'est que des inscriptions romaines confirment le nom d'Icosium, colonie faisant pendant à l'établissement maritime de " Rusgunium " situé au sud-est de la baie d'Alger, sur la presqu'île de Matifou.
---------Plus tard, les Arabes donnèrent à Icosium le nom d'El-Djezaïr (les îles), nom qui s'est transformé par la suite en Alger par corruption euphonique.
---------C'est sur ces îlots, base de départ de la jetée nord et de la construction du port que s'est édifiée l'Amirauté d'Alger, qui a fait le bonheur de nombreux peintres puis de photographes, bien plus nombreux encore.

Le port d'Alger avant l'occupation turque

---------Nous n'avons commencé à recueillir quelques renseignements sur la vie maritime d'Alger qu'à partir de la fin du Xe siècle.http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis . El-Djezaïr des Beni Mezrana exportait, nous dit-on, à cette époque, du miel, du beurre et des figues.
---------Dès le Xllle siècle, Alger servait de repaire à la piraterie barbaresque et, en l'an 1300 l'on y achetait des esclaves. Au commencement du XVIe siècle, l'activité maritime de l'Espagne était particulièrement développée. Les premiers bâtiments, chargés de richesses, étaient l'objet de convoitises et bien souvent l'attaque des pirates se produisait avant l'arrivée de ces vaisseaux dans les ports de la côte sud de l'Espagne.
---------C'est cette raison qui a déterminé ce pays à intervenir en 1505. Le cardinal de Ximenés s'emparait de Mers El-Kébir et d'Oran. En 1510, le comte Pedro Navarro s'emparait de Bougie. Le 31 janvier de cette même année une députation des notables d'Alger, venue par mer, à Bougie, signait avec Pedro Navarro un traité qui reconnaissait l'indépendance et l'autonomie de la ville d'El-Djezaïr et déclarait celle-ci vassale de l'Espagne (il faut préciser ici que depuis cinquante ans, la ville d'Alger avait répudié la souveraineté des rois de Tlemcen).
---------En même temps, les barbaresques concédaient au roi d'Espagne l'îlot de Stofila, la principale des petites îles, pour y construire un fort et y avoir une garnison. (Ilot A du schéma 1.)
Aussitôt Pedro construisit la forteresse qui prit le nom de " Penon " de l'Algel et y installa une garnison de 200 hommes (penon est un augmentatif du mot espagnol qui signifie " rocher").
---------La citadelle espagnole se composait de deux ouvrages qui menaçaient la ville et tenaient ses habitants en respect. Le " Penon " était entouré par la mer à l'ouest et ailleurs par des canaux qui le séparaient des îlots voisins. Le plus grand de ces îlots" D", situé au sud, paraît avoir reçu quelques constructions espagnoles. Pendant dix-neuf ans, les Espagnols occuperont le " Penon " dans des conditions difficiles, par suite de l'incurie du gouvernement espagnol et de l'hostilité des habitants de la ville. Souvent, on y manquait de vivres, et même de poudre et il fallut faire venir des Baléares l'eau douce nécessaire à la garnison.
---------Les barbaresques, qui avaient d'abord bien accueilli les Espagnols, ne tardèrent pas à s'irriter de la présence des chrétiens. Ils refusèrent des vivres aux habitants de la forteresse et les empêchèrent de prendre de l'eau aux fontaines de la ville.
---------En 1516, le roi Ferdinand étant mort, les maîtres d'Alger espérèrent se soustraire à la domination des Espagnols à la faveur des troubles que devait créer le règlement de sa succession. Ils appelèrent à leur secours le corsaire Aroudj qui était déjà célèbre par ses exploits contre les chrétiens.
---------Aroudj s'empressa de répondre à l'appel des habitants d'El-Djezaïr.http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis . Il attaqua la forteresse mais à cause de la faiblesse de son artillerie, il ne parvint pas à ses fins et abandonna son entreprise.
---------Au mois de mai 1529, Kheir-ed-Din, qui avait remplacé son frère Aroudj comme souverain d'Alger (le pacha qui avait fait appel à eux pour chasser les Espagnols avait comme il se doit, été exécuté) trouva le moment propice pour se débarrasser de la garnison espagnole dont l'existence était à la fois pour lui une humiliation et une gêne.
---------La garnison était placée sous le commandement d'un vieux capitaine, Don Martin de Vargas, qui avait en vain demandé à l'Espagne des secours et des munitions qui ne lui parvinrent pas à temps.
---------Kheir-ed-Din envoya un officier au gouverneur pour le sommer de se rendre et lui offrir une capitulation honorable. Il le menaçait, en même temps, de passer la garnison au fil de l'épée s'il s'obstinait à vouloir se défendre. La réponse de Don Martin de Vargas fut : qu'" il était espagnol et que les menaces d'un petit vice-roi n'étaient point capables de lui faire trahir son devoir, et qu'il serait ravi d'être attaqué pour donner la preuve de ses sentiments".
---------Kheir-ed-Din fit canonner la forteresse jour et nuit. Au bout de quelques jours la garnison se trouva dans l'impossibilité de répondre à l'attaque, ses munitions étant épuisées. Et, le 27 mai, au point du jour, ayant réussi à pratiquer une brèche, les Turcs donnèrent l'assaut. La résistance fut héroïque et l'ennemi ne put entrer dans la place qu'après une journée de lutte désespérée. Tous les hommes survivants de la garnison étaient blessés. Le gouverneur, tout ensanglanté, l'épée à la main, soutint la lutte jusqu'au bout. Finalement il tomba vivant aux mains de ses vainqueurs ainsi que l'alcade des tours, 90 soldats et 25 femmes et enfants.
---------Les prisonniers furent distribués comme esclaves entre les raïs et les soldats. De Vargas, d'abord traité avec distinction par le corsaire, ayant refusé de renoncer à sa patrie et à sa religion, fut condamné à la bastonnade et mourut sous les coups.
---------Parmi les femmes captives, deux furent épousées par leur maître. L'une devint la belle-mère de Ramdam-Pacha, qui fut gouverneur d'Alger et l'autre fut la belle-mère du roi de Fez et Marrakech, Abd-El-Meleck Abou Merouan.

Le port d'Alger pendant la domination turque

---------Aussitôt maître du Penon, Kheir-ed-Din fit démolir l'enceinte crénelée du fort et les bâtiments. Il ne conserva qu'un bastion servant de batterie du côté du large et une tour sur laquelle il installa un fanal.
---------Au-dessus de la porte d'entrée de cette tour on voyait encore, au début du siècle, un écusson de pierre sur lequel paraissaient avoir été sculptées, puis grattées, les armes d'Espagne.
---------Les débris de cette démolition furent employés à relier entre eux les petits écueils (F schéma 1) qui formaient une ligne presque droite entre l'îlot du fort et la côte. Ce fut l'origine du môle qui a conservé le nom de Kheir-ed-Din. Ce travail fut achevé avec des pierres tirées des ruines romaines de Rusgunium (Matifou) ainsi que des carrières voisines. En même temps, une partie des canaux qui entouraient les îlots fut comblée. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .L'ensemble du groupe rocheux devint une presqu'île. Ces travaux, auxquels furent employés tous les esclaves chrétiens, durèrent trois ans.
---------La date du 27 mai 1529 marque l'un des tournants de l'histoire de cette côte. Elle fut le point de départ de l'ère d'El-Djezaïr. A partir de ce moment, les corsaires musulmans possédant un port sûr et bien défendu contre les puissances chrétiennes firent de la course une vaste entreprise politique et commerciale. Ils purent impunément ravager les îles et les côtes de la Méditerranée, capturer les navires jusque dans l'Océan et tenir tête aux flottes les plus puissantes des nations chrétiennes.
---------En 1532 Kheir-ed-Din avait fait construire un mur sur le terre-plein temps, empêchaient la circulation sur le môle et causaient des avaries aux bâtiments qui y étaient amarrés.
---------Les successeurs du vainqueur du Penon complétèrent son œuvre par l'exécution de travaux de défense militaire et de défense contre la mer.
---------Hassan, successeur immédiat de Kheir-ed-Din, établit sur les îles les premières batteries. Celles-ci furent simplement posées sur le sol sans aucun abri qui les recouvrit. Pour célébrer l'achèvement des fortifications du port, en 1542, un vénitien fondit une grosse pièce d'artillerie, à laquelle on donna le nom de Baba-Merzoug (père fortuné) et qui devint tristement célèbre, bien plus tard sous le nom de " La Consulaire ". Nous en reparlerons plus loin.
---------Vers 1560, Salah Raïs suréleva la jetée et construisit une chaussée maçonnée qu'il défendit au nord contre la mer par un enrochement. En 1573, le pacha Arab Ahmei fit enceindre l'îlot d'un parapet. Puis il fit construire deux tours, l'une pour recevoir un fanal, l'autre servant de casernement à la garde chargée de surveiller le port et les navires au mouillage.
---------Le port restant ouvert au sud on fit une défense en enrochements sur les roches et le banc sableux qui prolongeaient les îles au sud-ouest. Ce fut le grand môle (emplacement E du schéma 1). À la fin du XVIIIe siècle des roches (G) partant de terre et faisant face au grand môle furent réunies par des blocs de pierre et formèrent la base du môle sur lequel sera édifiée la Santé maritime. Ces travaux furent achevés au commencement du XIXe siècle. À l'extrémité de cet ouvrage était fixée la lourde chaîne, supportée par des bouées, qui la nuit fermait le port.
---------Le port turc avait ainsi la forme d'un croissant ouvert au sud dont les deux cornes étaient représentées par le grand môle à l'est et la Santé à l'ouest. C'est la partie du port d'Alger que l'on appellera par la suite la " Darse de l'Amirauté".
---------L'îlot (C) situé au nord de la tour du phare resta isolé jusqu'au règne de Hussein-Pacha, dernier dey d'Alger, qui fit combler le canal le séparant du Penon. Pour la construction des grands navires les Turcs transformèrent en chantier la plage de l'îlot sud (D). Il correspond à la cale de halage construite par les Français.
---------L'alimentation en eau douce était faite par un réservoir vers lequel on avait détourné, avant 1700, les eaux d'une source située au-delà du Fort l'Empereur (probablement Bir-Traria).
---------Des magasins existaient sur l'îlot dès le commencement du XVIIIe siècle. Ils servaient à abriter le matériel d'armement des vaisseaux et le produit des prises.
---------Les dernières constructions élevées sur le môle Kheir-ed-Din, du côté de la mer, furent achevées au commencement du XIXe siècle ainsi qu'en témoigne une inscription turque placée contre le mur d'un local qui servit longtemps de chapelle à l'Amirauté.
---------Nous reproduisons cette inscription, ci-après, comme nous reproduisons toutes celles trouvées sur ces lieux chargés d'histoire. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Leur traduction 'en est due, sauf erreur, au docteur Gabriel Colin, professeur d'arabe et de turc de l'Algérie (Paris, 1901).
---------Les inscriptions étant classées, dans cet ouvrage, d'après leur date et portant un numéro d'ordre, nous rappellerons pour chacune d'elles ce numéro afin de permettre aux éventuels chercheurs de se référer au texte original et aux commentaires.
---------L'inscription de l'ancienne chapelle de l'Amirauté porte le no 136 du corpus. Traduction : " Par l'ordre éminent du maître, du seigneur El Hadj Aly Pacha et grâce à sa haute sollicitude, les sept magasins ont été achevés. Qu'il soit à l'abri de l'infortune de ce monde perfide, et, en un mot, qu'on ne se souvienne de lui que pour le bénir. Il s'est proposé la conservation des approvisionnements de la flotte de la Guerre Sainte. Qu'il soit délivré à jamais, dans les deux mondes, de l'affliction que cause l'épouvante. Que ses ennemis malveillants, en ce monde périssable, soient toujours abattus. Dans les questions d'équité, sa parole, son zèle, ses efforts tiennent toujours le premier rang. Que la pensée de celui qui est la justice même soit réjouie par les délices du Paradis. Puisse-t-il être agréé par la Vérité et obtenir un rang élevé. Année de l'Hégire 1229. " (1813-1814 de l'ère chrétienne).
---------C'est sous le règne d'Hussein-Pacha qu'a été terminé ce qui devint dans la résidence du commandant de la marine, le "grand salon". Une inscription turque placée au-dessus de la voûte ouvrant sur la rampe qui suit la jetée Kheir-ed-Din relate la construction de cet édifice (no 160 du corpus). Traduction : " Le gouverneur, sultan d'Alger, a fait cette construction. Hussein-Pacha, mine de miséricorde, a donné ses soins à cet édifice. Dieu désire sans cesse la Guerre Sainte de ses intentions pures comme la perle. Que la vérité rende son étendard toujours victorieux. Il a donné à ce bâtiment des bases quadrangulaires, avec des arceaux reliés les uns aux autres. Désirant qu'elle reste comme un monument, cet homme généreux a établi une construction dont les fenêtres sont opposées à la mer, dont le dôme s'élève au faîte du ciel. C'est la demeure des amiraux, champions de la Guerre Sainte et conquérante. Un modèle nouveau ayant été créé on édifie ce pavillon que la langue ne saurait décrire et dont le plan est une œuvre d'art au-dessus de toutes les louanges. Énonce sa date. Quelle belle chose Dieu a voulue. La vérité a rendu parfait son achèvement. Année 1241. " (1826 de l'ère chrétienne.)

Les fortifications du port d'Alger en 1830

---------Au moment de la prise d'Alger par les Français, en 1830, le port était défendu du côté de la mer par huit forts qui formaient une ligne de batteries continue, depuis l'extrémité nord de l'îlot jusqu'à la pointe du grand môle, au sud. Les batteries étaient superposées sur deux et trois étages, la "Consulaire" était isolée entre deux batteries, à l'angle du grand môle et de l'îlot sud (schéma 1).
---------La tour du phare appelée par les indigènes " Bordj-el-Fenar", comptait quatre étages de feux et un total de soixante et une embrasures. Mais son armement ordinaire n'était que de 55 pièces dont une quarantaine de fort calibre. Cette tour renfermait une citerne d'une capacité de 750 000 litres au-dessus de laquelle se trouvait une vaste salle, quartier général des canonniers turcs.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Les fortifications du port, vues du large, avec leur haute muraille baignée par la mer, crénelée au sommet, et les gueules de nombreuses pièces d'artillerie apparaissant aux embrasures, présentaient un aspect terrifiant. Au total, la défense comprenait 293 pièces, presque toutes du plus gros calibre, dont la moitié, à peu près, était en casemates. Ce qui constituait, pour l'époque, un armement considérable.
---------Bien que n'ayant que trois hectares de superficie, le port, ainsi puissamment défendu, a pu abriter jusqu'à 40 navires. Sa passe était fermée chaque soir, par une chaîne et deux bateaux veillaient au dehors.

Les forts du nord et de l'est

o Fort " Ras Amar ei Kedim "
---------À l'extrémité nord de l'îlot s'élevait la batterie appelée " Bordj-RasAmar-et-Kedim " (fort du cap d'Amar l'Ancien) qui avait 25 canons de 18, 7 mortiers de gros calibre et 28 embrasures. Il y avait en outre 25 embrasures basses armées de 25 grosses pièces. Au sud de ce fort, un parapet de 42 mètres abritait une triple rangée de mortiers.

o Fort " Ras Amar et Djedid "
---------Cette partie des fortifications resta isolée, formant une véritable île jusqu'au moment où Hussein-Pacha, comme il a été dit plus haut, y fit établir une batterie qui reliait les mortiers de " Ras et Kedim " à la tour du phare et qui prit le nom de " Ras Amar et Djedid " (fort du cap Amar le Neuf). Elle était armée de 34 pièces sur deux étages, inférieur casematé.
---------Au nord et au sud la défense se continuait par le " Bordj et Djedid " le Fort-Neuf, équipé de 21 pièces. Il avait été construit sous le règne de Mohamed Ben-Osman-Pacha, au XVIIle siècle.
---------Une inscription turque, autrefois au-dessus de l'entrée du fort, fait mention de sa construction. La traduction qui en a été faite par le Dr Gabriel Colin (et qui porte le no 96 du corpus) est la suivante : " A la louange de celui dans l'empire de qui rien ne survient qu'il n'ait voulu et prédestiné. La construction du fort a été achevée selon les ordres et dispositions de Mohamed-Pacha. Que sa pieuse mémoire dure tant que le soleil et la lune tourneront devant leur zodiaque. Les fondations en ont été bien cimentées et le bâtiment bien crépi, rendu agréable à Dieu et solide. O bonheur, en raison de son utilité générale, il l'a institué comme un monument. Que la miséricorde de la Vérité mette en évidence un zèle digne d'éloges et une œuvre méritoire; que le Seigneur de la Bonne Nouvelle intercède en sa faveur au jour du jugement dernier. Que sa boisson soit un vin (?) scellé et son eau l'onde pure. Son défenseur, son protecteur dit : c'est le Dieu très grand. Que ses ennemis irréligieux, semblables à la poussière de la terre soient vaincus et anéantis, puisque, grâce à sa liberté ont été installés des canons qui ne mangent pas du miel. Dis Dieu garde la date du fort illustre. Année 1187." (1773 et 1774 de l'ère chrétienne.)

o Batterie "Mâbin "

---------Faisant suite à ce fort, Hussein-Pacha fit construire la " Batterie Mabin ". http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Il existe deux inscriptions turques relatives à cette batterie. L'une se trouve sur un pilier placé sous la voûte assez éloignée de la batterie et séparée d'elle par le fort Djedid (sans qu'on ait pu expliquer sa présence en ce lieu). Cette inscription porte le no 155 du corpus. Traduction : " Je me mets auprès de Dieu, à l'abri de Satan le lapidé. Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux, en lui est l'assistance. Dans la voie de Dieu, en vue de la Guerre Sainte, il a inauguré une construction dans la partie médiale, il a donné une muraille, le Mâbin, redoutable comme un lion, que Dieu bénisse son constructeur, les stratagèmes qu'il projette promettent la prospérité. Que la Vérité fasse triompher son drapeau, il a tiré
vengeance des infidèles. Nous demandons à Dieu la protection qui fait la force de l'Islam. Sa victoire reste au faible qui marche à la Guerre Sainte avec la miséricorde de Dieu. O mon Maître, pardonne aussi pour cela à un humble serviteur. Dieu enclin à l'assistance est entré dans la meilleure partie de sa date. O mon Dieu, la meilleure des protections, fais-nous triompher de la troupe des infidèles. O mon Dieu, par ta victoire évidente, fais-nous triompher de la troupe des infidèles. Et Dieu t'apportera une aide puissante. Ce que Dieu a voulu arrive. Année 1239 de l'Hégire. "
---------Cette inscription ne mentionne pas le nom d'Hussein mais cette lacune est comblée par la seconde inscription qui complète la première et se trouvait placée au-dessus de la porte d'entrée d'un magasin donnant accès à la mosquée. Cette seconde inscription (no 157 du corpus) se composait de deux parties : l'une formant marge autour de l'autre formant corps.
---------Traduction de la marge : " Quelle belle chose Dieu a voulu. Le bordj Mâbin a pris bel aspect. O clément, O miséricordieux, je me mets auprès de Dieu qui entend tout et sait tout, à l'abri de Satan le maudit, le lapidé. C'est en Dieu qu'est l'assistance, c'est Lui qui est le meilleur protecteur. Au nom de Dieu Clément, le Miséricordieux. II n'y a de victoire que grâce à Dieu, le Puissant, le Sage; et Dieu t'apportera une aide puissante. En l'année de l'Hégire 1239. "
---------Traduction du corps : " En un jour béni, son constructeur a posé ses fondements. Grâces soient rendues. Le Maître a produit l'achèvement de sa prospérité. Après avoir appliqué ses efforts à le terminer, HusseinPacha a prononcé son nom avec joie " Bordj Mâbin ". Ce vizir, mine de générosité, en manifestant sa bienveillante bonté, a augmenté les appuis du peuple musulman. Le fort, tel un dragon à sept têtes, répand le feu de tous côtés. Le pacha a garni ses murailles de canons qui ne mangent pas de miel. Il veut le salut, c'est chose faite. Quant à ses ennemis irréligieux, qu'ils augmentent l'abondance de leurs lamentations et de leurs cris de détresse. O mon Dieu, fais cette grâce que la dignité de Hussein-Pacha s'accroisse et que, sous peu, il prenne de force à ses ennemis, ce qu'il désire. Année 1239. " (Soit années 1823 et 1824 de l'ère chrétienne.)
---------En franchissant une belle porte, on descendait dans une voûte qui correspondait à l'un des étages de feu de cette batterie Mâbin qui a servi, en 1942 et 1943, d'abri contre les bombardements aériens au personnel de l'Amirauté. La batterie Mâbin dominait, en arrière, le Bordj Es-Sardin.

o Fort Es-Sardin
---------La ligne de défense se continuait par le " Bordj Es-Sardin ", construit au XVIlle siècle, armé de 32 pièces sur deux étages dont l'inférieur était casematé. C'est à l'étage supérieur que les Français avaient placé les pièces de 47 pour rendre le salut.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Une inscription turque, qui surmontait la porte d'entrée du fort (elle portait le no 38 du corpus) comprenait deux parties : l'une relative à la construction du fort, la seconde concernant sa restauration, un siècle plus tard.
---------Traduction de la première inscription : " O sultan Mohamed Kan Razy, par la Haute Justice, une batterie a été ajoutée à la fortification d'Alger. Celui qui a continué sa construction est Ahmed-Pacha. L'armée victorieuse l'a entreprise avec zèle et courage. Elle a été heureusement achevée et il a été prononcé pour elle une date. Frappe des coups qui atteignent leur but, belle batterie. Par les soins de l'humble Ibrahim ben Moussa, l'an 1077.- (1666 et 1667 de l'ère chrétienne.)
---------Traduction de la seconde inscription : " Celui qui a restauré cette batterie pour dompter l'ennemi est le victorieux Mohamed-Pacha-benOsman, l'homme heureux et brave. Elle sera devant l'ennemi un bâtiment solide comme la barrière d'Alexandre. Que le Dieu créateur lui donne une large récompense lors de la résurrection. Quand elle eut été achevée, avec l'aide de Dieu, on lui donna une date. Son feu fait périr le mécréant comme les flammes ardentes. Année 1190. " (1776-1777 de l'ère chrétienne.)
---------La table de marbre sur laquelle était gravée cette inscription présentait de chaque côté, sculptée en relief, une mosquée à minaret et deux ifs ; chacun de ses arbres porte à son sommet un oiseau faisant face à celui de l'arbre opposé. Il faut voir dans cette représentation l'oiseau que le mythe persan a désigné sous le nom de " Chêb avis" et qui, perché sur un arbre, est censé répéter continuellement : " Yâ haqq, yâ haqq (O vérité, O Vérité). " Au-dessus de l'inscription, on voit également, sculptés en relief, deux poissons se faisant face et deux navires à voile. Enfin, dominant le tout, un lion debout tient une sphère entre les pattes antérieures. C'est à cause de la présence des poissons au-dessus de l'inscription que l'on a donné à ce bordj le nom de " Bordj-Es-Sardin ".
---------Nous devons signaler, pour être complet, un certain nombre d'inscriptions de provenances diverses qui se trouvaient placées sur les murs des magasins, près de la plate-forme du Penon.
---------Traduction de l'une d'elles, qui porte le no 43 du corpus : " A la gloire du défenseur du fort, a été achevée cette citadelle de la Guerre Sainte, excellente et élevée, sous le règne du prince le plus fortuné, orgueil des rois éminents, Ahmed, au commencement du mois de joumâdâ et tâniya de cent après le huit, avant lesquels mille ans se sont écoulés depuis l'émigration du Prophète, le meilleur des envoyés. Année 1108. " (16961697 de l'ère chrétienne.) On a pu déterminer l'édifice d'où provenait cette inscription. C'est après 1845, après l'explosion de la poudrière qu'elle avait été placée là.
---------On voyait encore sur les murs du magasin de l'est, de nombreuses inscriptions arabes provenant des tombes de Bab-El-Oued, des tables funéraires hébraïques et des inscriptions turques, d'origine indéterminée mentionnant l'aménagement ou la restauration des chambres de janissaires.
---------Enfin, nous devons mentionner une inscription espagnole portant la date de 1777, provenant très probablement d'un des forts d'Oran. Elle aurait été placée là après la seconde prise de cette ville par les Algériens en 1792.

Edouard NOCCHI.
(A suivre.)