-------" Nous allons habiter dans un
café ", m'avait dit maman.
-------J'ai vu des
cafés à Alger, il y avait beaucoup de gens, beaucoup de
bruits. Ici personne. Je suis entré tenant maman par la main, Sauveur
lui, était déjà dedans, Pierre était avec
la tante Rosine.
-------J'ai couru
à une fenêtre, et du balcon j'ai vu la cour et le jardin.
Dans ce jardin pas de fleurs comme je l'avais pensé mais des arbres.
Sur l'un des boules, beaucoup de boules vertes, petites comme des billes,
on m'a dit que c'était un cerisier.
" Tu as déjà mangé des cerises, me dit maman.
Tu te souviens ? On enlevait les noyaux avant de te les donner, pour que
tu ne les avales pas.
-Oui, mais elles étaient rouges, celles que je mangeais.
-Mais celles-là ne sont pas encore mûres, elles vont mûrir
bientôt. "
-------Et puis les
poules qui allaient et venaient en liberté.
" Dis maman, il y a des poules dans le jardin, elles vont se sauver?
-Non, ici elles sont en liberté, elles vont ou elles le veulent.
Elles n'iront pas loin, elles ne s'écartent pas trop du poulailler.
-Qu'est-ce que c'est un poulailler?
-C'est leur maison, là où elles peuvent dormir la nuit et
où elles vont faire leurs oeufs. "
Puis je suis allé dans une chambre.Par la fenêtre on voyait
des arbres, des maisons des routes des champs. On voyait très loin.
-------Mis en confiance,
je retourne devant le café et ce qui a retenu mon attention, c'est
la montagne, face au café, une grande masse grise, très
haute, immense pour moi qui n'en avais jamais vu d'aussi près J'étais
fasciné.
-------J'étais
émerveillé par tout ce que je voyais, et je pense que mes
frères et que même maman et papa l'étaient aussi.
-------Pendant plusieurs
jours, mon oncle et ma tante nous présentaient aux clients, aux
voisins. Maman et papa étaient un peu gênés de voir
tant de monde. Surtout par les gens qui le questionnaient, et à
qui il fallait qu'il explique pourquoi il n'avait plus de jambes.
-------J'entendais,
sans les retenir, les noms des personnes à qui nous étions
présentés. Ils avaient l'air bien sympathiques.
-------Puis j'ai
appris à connaître les quelques commerçants du village.
Ils se trouvaient tous dans la deuxième partie du village, après
l'école, le long de la route nationale. Le boulanger était
sur le côté haut de la route tout au bout, à la fin
du village.
-------Au café
peu de monde jusqu'à l'heure de l'apéritif vers midi, des
clients qui venait boire et discuter. Après leur départ
on se mettait à table. Vers 18 heures la plupart de ceux qui étaient
venus le matin, revenaient à nouveau, certains faisaient des parties
de cartes, cela se terminait parfois tard.
-------Et tous les
jours c'était à peu prés le même programme,
sauf le dimanche. Le dimanche il y avait beaucoup plus de monde. Le matin
après la messe on voyait des personnes que l'on ne voyait pas en
semaine, ceux qui habitaient en dehors du village, parfois assez loin.
Les gens portaient leurs habits du dimanche et non pas leurs vêtements
de travail.
-------Dans l'après-midi
du dimanche, vers 5 heures, des clients avec femme et enfants venaient
s'asseoir autour des tables : soit à l'intérieur, soit s'il
faisait beau et pas trop chaud à l'extérieur, sur la terrasse.
-------Il n'y avait
à ce moment qu'un seul café à Margueritte, celui
de mon parrain, d'où l'affluence.
-------Peu à.
peu, j'ai appris à connaître les clients et à retenir
leur nom et prénom, car presque tous s'appelaient par leur prénom.
Le voisin et bon client René Restykelli, un grand avec la figure
un peu rougeaude bronzée par le soleil, et un grand nez, il manquait
rarement l'apéritif. Il y avait Emile Anastaze, lui il était
plus petit, un peu trapu, il aimait plaisanter mais n'aimait pas trop
les contradictions. Il y avait Georges Baroni et
Georges Bigorre et d'autres qui venaient moins souvent
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