-L'homme qui va vers l'ouest
...ou Margueritte, mon village
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-------Le petit Michel avait maintenant près de 2 ans, quand Antoinette lui annonça qu'il allait avoir une petite sœur ou un petit frère. Un nouvel espoir d'avoir enfin une fille. Mais le plaisir de cette prochaine naissance fut tempéré par suite de l'état de santé de Michel, l'apparition de nouvelles blessures aux pieds. Il dut s'arrêter de travailler pour bénéficier de soins. Malgré ces soins donnés au dispensaire par les religieuses, les plaies continuaient à s'envenimer, et il fallut entrer Michel à l'hôpital de Mustapha. Les docteurs conclurent à une sorte de gangrène due à l'infection des engelures par le ciment, ce qu'on appelait alors, " la maladie du ciment ", assez fréquente. Et on dut procéder à l'amputation d'un pied.

-------Mais malheureusement Michel ne pouvait plus continuer à travailler, d'autant plus qu'il continuait à avoir mal. Cela n'arrangeait pas la situation matérielle du ménage. Antoinette reprit le travail à l'usine tandis que Michel s'occupait des enfants et de la cuisine. Heureusement, il avait un bon tempérament, un très bon moral, du moins il voulait le faire croire.

-------Août 1920, la naissance encore d'un garçon !!! On lui donna le prénom de Pierre, celui du frère à Michel. Mais peu après, par suite d'aggravations, nouvelle hospitalisation pour d'autres opérations.

-------Antoinette profitait des jours de visite permise à l'hôpital de Mustapha, le seul hôpital civil d'Alger, pour rester avec son mari, c'est-à-dire les après-midi de trois jours par semaine. Elle faisait ce long trajet à pied. Les infirmières la connaissaient bien et ne lui posaient plus de questions quand elle arrivait. La famille faisait le maximum pour aider Antoinette. Sauveur et Michel était le plus souvent chez leur parrain, le petit Pierre était surveillé par l'une ou l'autre des sœurs de la maman ou par des amis et voisins de l'immeuble.

-------Papa est très souvent à l'hôpital, maman très préoccupée par cette situation, se fait beaucoup de soucis pour lui. Il faut aussi qu'elle s'occupe de nous trois qui avons 1 an, 3 ans et 5 ans environ.

-------Donc je vais essayer de vous raconter tous les souvenirs qui me reviennent.
-------Sauveur et moi étions très souvent chez nos parrains respectifs, c'est-à-dire chez la tante Marie pour Sauveur, chez la tante Rosine pour moi. Pierre plutôt chez la tante Manuelle, la sœur de maman ou chez la grand-mère Venis.

-------Un après midi, maman nous a emmenés à l'hôpital voir papa, c'est la seule chose dont je me souvienne de papa. C'est peut-être parce que j'ai été très impressionné par tout ce que j'ai vu, qui était inconnu pour moi. Passée la grande porte de l'hôpital, plusieurs avenues et grands bâtiments bas et longs. Nous nous sommes dirigés vers l'un de ces bâtiments, la salle Dupuytren, je me souviens très bien de ce nom, je l'entendais dans les conversations à la maison, ainsi que du nom du chirurgien, le docteur Duboucher.

-------Quelques escaliers à monter et je pénétrais dans une salle immense, dans cette grande salle longue et large, une quarantaine de lits de chaque côté. Tout était métallique et peint en blanc, lits, chaises très lourdes, tables de chevet. Les lits séparés d'un peu plus d'un mètre l'un de l'autre.

-------Nombreuses religieuses de St Vincent de Paul avec leur grande cornette blanche et leur robe bleu foncé, c'était à cette époque les infirmières des hôpitaux. Presque à chaque lit, les parents des malades. Nous avons traversé la grande salle, presque au bout, papa couché, figure pâle, pas rasé. On lui avait coupé une jambe, peut-être la veille. Il était fatigué mais plaisantait, ce qui me rassurait. Je me souviens qu'il nous a dit, qu'après son réveil, au retour de la salle d'opérations, il avait voulu se gratter la jambe qui le chatouillait, et s'est aperçu qu'il ne l'avait plus. Les opérations étaient très douloureuses, les plaies longues à se cicatriser. On était à quatre ou cinq ans de la fin de la guerre, et on opérait encore des blessés.

-------Puis vint une deuxième période de notre vie.

-------Mon parrain Victor Gardiola avait acheté un café hôtel dans un village de l'intérieur du département d'Alger. Dans ce village, il sollicita le poste de garde champêtre. Ce qu'on lui accorda étant donné ses faits militaires pendant la guerre 14/18 dans l'artillerie, et ses nombreuses médailles et citations. Mais ces fonctions étaient incompatibles avec celui de la tenue d'un café, alors il a offert à mes parents de venir à Margueritte, c'était le nom du village, et de s'occuper du café. En fait ce n'était qu'un prête-nom pour que Victor puisse avoir ce poste de garde -champêtre.

-------Mes parents étaient dans une très mauvaise passe. Papa avait les jambes coupées : la droite au-dessous du genou, la gauche bien au-dessus. Maman allait chez les particuliers pour laver le linge ou faire le ménage.

-------Ils acceptèrent avec plaisir cette offre. Ils donnèrent ou vendirent ce qu'ils possédaient, meubles et autres, selon les recommandations de Victor et Rosine.

-------Et nous voila partis d'Alger par un autobus qui faisait la ligne régulière d'Alger- Oran.


ET CE FUT LE GRAND DEPART VERS L'OUEST! ! !!!

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