-l'homme qui va vers l'ouest
LE RETOUR
par Michel Venis (1918-2005)

J'ai trouvé, en débarrassant l'appartement, sur une disquette, ce qui semble être un brouillon de la suite à "Margueritte, mon village". Il explique pourquoi il s'est retrouvé rue Horace Vernet.
Je pense que le texte était destiné, lui aussi, à être édité.(À titre d'auteur?!?!)
Mon père n'a pu terminer, suite à son A.V.C et son déces.
Je décide de mettre tel quel ces lignes sur le site.


url de la page : http:/http://alger-roi.fr/Alger/homme_ouest/le_retour.htm

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Les dernières lignes de "Margueritte, mon village."

Voilà tout ce dont je me souviens de mon séjour à Margueritte.

Séjour qui se termina avec notre départ de Margueritte et notre retour à Alger et ensuite ……………..
MAIS CELA EST UNE AUTRE HISTOIRE………………..

FIN

Voici" l'autre histoire"...

PROLOGUE

A la suite de notre départ de Margueritte, commença une autre période de notre vie.

Après de longues réflexions, je me décide à l'écrire, pour rendre hommage à mes parents. Leur vie n'a pas été facile, je veux les remercier de tout ce qu'ils ont fait pour nous, malgré leur détresse, pour nous élever convenablement, dignement, correctement et avoir fait en sorte qu'il ne nous manque rien, ou le moins possible.

Pour mes frères et moi-même, rien à regretter, nous étions contents d'être enfin chez nous avec nos parents. Nous nous amusions, nous faisions la connaissance d'autres enfants de notre âge. Nous étions heureux, nous mangions à notre faim. Bien sûr, les repas étaient composés de plats consistants, beaucoup de légumes, peu de viande à cause du prix, mais cette pauvreté relative nous ne l'a ressentions pas. C'était celle qui existait autour de nous, bien sûr il y avait d'autres familles plus favorisées, mais puisque nous ne les fréquentions pas, nous ne voyions pas de différences et étions heureux comme cela.

Nous n'avons pas eu à souffrir de le faim, du froid, nous étions convenablement habillés. Je ne conserve que des bons souvenirs de ces nombreuses années.

Ce n'était sûrement pas le cas pour mes parents.

Papa, devait souvent penser à notre situation. Son état d'infériorité devait lui peser énormément. A cause de lui, devait-il penser, maintenant inactif, et son impossibilité à faire un travail rétribué, faisait qu'il ne pouvait, comme il l'avait certainement imaginé, subvenir à nos besoins.

Il était condamné à tout jamais à avoir besoin d'aide, mais il ne laissait rien paraître au contraire. Il aimait plaisanter, jouer avec nous. Mais souvent je le voyais soudainement plus sérieux, songeur, énervé.

Maman nous disait, cela va passer, ce sont ses jambes qui le font souffrir.

Nous disions toujours les jambes, bien qu'il n'avait plus que des cuisses

Quant à maman, elle a été formidable. Toujours chez les uns et les autres pour faire des ménages parfois très fatiguant, comme les lessives, entre autres, il n'y avait pas de machines à laver, il fallait laver à la main devant un baquet tout le linge y compris les draps et couvertures à longueur de journée.

Cela ne l'empêchait pas d'être gaie à la maison, de plaisanter avec nous.

Pourtant, eux-mêmes, n'avaient pas été favorisés par le destin.

Notre grand-père est décédé alors que papa avait 6 ans, il était le plus jeunes de 5 enfants, il était le seul garçon.

Maman a perdu sa mère alors qu'elle aussi avait 6 ans.

C'est à cause de cela que maman et papa ont dû commencer très jeunes à travailler et n'ont pu recevoir l'instruction nécessaire à l'école. (Note du site : ma grand-mère ne savait pas lire. Elle comptait à peine. Mais, croyez-moi, elle savait reconnaître les pièces, les billets, leur valeur!)

Le Retour


Depuis plusieurs jours, papa et maman nous parlaient d'un voyage à Alger. On ira revoir la famille. Vous vous souvenez de tante Marie, de la cousine Augusta, de tante Salvador, et bien on va aller leur dire bonjour et les embrasser.

Cela faisait plaisir à mes frères et à moi-même. Faire un voyage en autobus et de changer de paysage, voir des gens nouveaux, revoir la famille pendant quelques jours et revenir ensuite à Margueritte pour retourner à l'école.

Mais il me semblait que ce n'était pas pareil pour mes parents, ils paraissaient soucieux. Je m'étais aperçu qu'il y avait souvent des discussions entre l'oncle Victor et tante Rosine, peut-être, me suis-je dit, qu'ils ne sont pas contents que l'on s'absente. Qui va pouvoir faire les commissions, aller acheter le pain tous les matins, porter les consommations aux clients, leur rapporter la monnaie. Et puis ramasser les œufs dans le poulailler, maintenant je n'avais plus peur du coq !!

Toutes ces idées me trottaient dans ma tête, mais très vite elles faisaient place à la joie que j'avais de partir, de faire un voyage en autobus.

Et le grand jour arriva, depuis la veille, nous étions très excités, et le matin, bien habillés, on attendait l'autobus. Sauveur, Pierre et moi, nous sortions toutes les 2 minutes sur le trottoir en espérant être le premier à l'apercevoir, puis on entendit crier Sauveur: "le voilà, le voilà….

Et ce fut les embrassades, tonton et tata avaient les larmes aux yeux, pourquoi ? Puisque que l'on devait revenir ?

On avait averti le chauffeur de l'autobus lors de son dernier passage, de réserver nos 4 places, celui-ci avec l'aide de son commis, installa papa d'abord dans la voiture et mis les quelques affaires que nous emportions, sur le toit (on disait sur l'impériale) et nous voilà partis. Si nous, les enfants, nous étions très contents, nos parents au contraire étaient tristes. Nous ne savions pas pourquoi.

Bien plus tard, quant à mon tour j'ai été confronté à certains problèmes familiaux je me suis souvenu de ces instants et compris ce qu'avaient pu ressentir papa et maman dans ces moments, car la suite a été très dure pour eux et mon histoire le montrera.

Le trajet Margueritte Alger est long, plus de 100 Kilomètres, et sur des routes mal entretenues à cette époque. L'autobus ne roule pas vite et s'arrête souvent pour permettre à certains voyageurs arrivés à destination de descendre, et à d'autres de monter. Le chauffeur et autres voyageurs en profitent pour se désaltérer dans un débit de boisson.

Au bout de près de 3 heures, nous arrivons enfin à Alger. Nous sommes accueillis par l'oncle Pierre, le frère de papa. Il nous aide à descendre et porte papa à une voiture attelée d'un cheval et il nous amène chez lui à Bab-El-Oued.

Durant le parcours, l'oncle Pierre discute avec papa et maman, il demande des nouvelles de Margueritte, parle de notre séjour dans ce village. Maman pleure, papa essaie de la consoler, je suis étonné, pourquoi pleure-t-elle ?

Enfin nous arrivons, la voiture s'arrête dans une petite rue, la rue Dombasle devant une maison à un étage, nous descendons.

C'est une assez vielle maison, nous montons des escaliers en bois, on arrive sur une grande cour, beaucoup d'enfants qui jouaient nous entourent, et sont surpris de voir l'oncle Pierre porter une personne sur son dos, un monsieur qui n'a pas de jambes !! Vers la fin de cette cour, à droite, nous entrons dans un appartement, on assoit papa sur une chaise et on fait connaissance avec les personnes qui nous entourent.

Nous sommes chez la mère à papa, notre grand-mère donc, elle se prénomme Marie, je ne souvenais pas d'elle, une autre dame plus jeune, c'est ma tante Antoinette ( tiens, le même prénom que maman ), c'est l'épouse de l'oncle Pierre, et puis leur fille, Odette, qui doit avoir l'âge de mon frère Pierre. Encore deux même prénoms !! Oui l'oncle est le parrain de mon jeune frère, il était dans les habitudes de donner le même prénom au filleul.

On s'embrasse et commence les questions et les réponses, maman répète ce qu'elle a déjà dit pendant le trajet. Mes frères et moi sortons dans la cour avec la cousine Odette et nous faisons la connaissance des nombreux enfants qui s'étaient rassemblés devant la porte de l'appartement et qui nous attendaient, curieux et contents de trouver de nouveaux camarades de jeux.

Puis nous rentrons, je remarque que maman a encore les yeux rougis, on nous offre à boire de la limonade et on nous pose des tas de questions, si nous sommes contents d'être revenus à Alger, si on était bien à Margueritte, si on travaillait bien à l'école, les questions habituelles.

Grand-mère est belle, brune avec de grands cheveux très bruns, formant un chignon comme c'était seule façon de se coiffer pour une femme à cette époque. Le matin, avant qu'elle se coiffe, ses longs cheveux descendaient le long de son dos jusqu'à la taille. Elle était vêtue d'une blouse noire.

La tante Antoinette est bien plus jeune que maman, elle est belle, habillée d'une robe de couleurs claires. Elle aime rire, plaisanter.

Elle est très active, c'est elle qui s'occupe des travaux du ménage, cuisine, courses. Elle m'est sympathique.

L'oncle Pierre est plus jeune que papa, c'est le dernier fils de grand-mère. Il est absent dans la journée, il est employé chez un patron comme peintre. Quand il rentre le soir du travail, ses habits sentent la peinture. Je le trouve bien gentil, il aime aussi plaisanter, comme papa. C'est lui maintenant qui aide papa, qui le déplace quand il le faut.

On s'amuse beaucoup avec la cousine Odette, on est souvent dans la cour pour jouer avec les petits voisins. Parmi ces enfants, la plus âgée est Martoune, elle doit avoir 11 ou 12 ans, elle a une sœur plus jeune, c'est Martoune qui a la responsabilité de la dizaine de gosses. Elle organise les jeux, s'occupe des plus jeunes d'entre-nous.

L'appartement de grand-mère n'est pas grand, il est composé d'une grande pièce cuisine servant également de salle à manger, et de deux chambres assez grandes, le tout réuni par un petit couloir depuis la porte d'entrée.

Notre venue a un peu modifié l'installation des chambres. Dans la chambre de grand-mère a été ajouté sur le sol un matelas pour Pierre et Antoinette et le petit lit d'Odette. La deuxième chambre nous a été attribuée, le lit pour papa et maman, et un matelas sur le sol pour mes frères et moi.
Ce n'était pas très confortable pour les uns et les autres, mais comme ce ne devait être que provisoire (du moins je le pensais ) cela pouvait aller.

La cuisine était spacieuse, face à la porte, un plan de travail, on appelait cela le potager, recouvert de carreaux de terre cuite. Au milieu de ce potager deux grilles de fonte pour cuisiner, on y brûlait du charbon de bois pour la cuisson, sous les grilles on récupérait les cendres. La combustion de ce charbon produisait beaucoup de fumée, une hotte conduisait cette fumée à une cheminée extérieure.

Sur le coté droit de la cuisine, faisant angle avec le potager, une fenêtre donnait sur la cour. Sous la fenêtre une table de travail sur laquelle il y avait en permanence une grande bassine, dans cette bassine, deux fois par jour, un porteur d'eau y déversait des cruches d'eau, ces cruches de cuivre contenaient une grande quantité d'eau et cela devait être très lourd à porter ( à cette époque rares étaient les maisons où il y avait l'eau courante) mais ce porteur d'eau, un sénégalais, était grand et fort et apportait l'eau à tous les locataires de cette maison et sûrement les appartements des maisons voisines.

Il n'y avait pas d'eau courante dans les appartements et pas non plus de cabinets de toilette et de W.C. Cela ne me changeait pas de Margueritte où ces commodités n'existaient pas non plus. Une bassine faisait l'affaire pour la toilette courante, les WC se trouvaient sur la terrasse. Un simple trou de forme circulaire de 30 centimètres de diamètre environ, W.C. qu'on appelait à la turque " Les " utilisateurs " déversaient un seau d'eau après utilisation.

Le premier matin, je fus réveiller en sursaut par un fort sifflet venant de l'extérieur, je demandais ce que c'était, c'est le train me dit ma tante, il y a une gare un peu plus loin dans la rue. C'est la gare de Bab-El-Oued, et les trains passent souvent. J'ai vu par la suite qu'au bout de notre rue, la rue Dombasle, un mur nous séparait des voies de chemins de fer. En nous penchant à la fenêtre on voyait les voies ferrées et des wagons, des locomotives bruyantes jetant beaucoup de fumée noire.

Je n'avais pas encore vu de trains auparavant. A Margueritte il fallait une demi-heure pour aller en voiture à chevaux pour arriver à la gare, j'y suis allé avec le postier pour retirer du courrier pour les habitants, mais jamais je n'ai vu de train.

Un appareil m'a intrigué dès que je suis entré dans la chambre de grand-mère, sur une table, une sorte de petite caisse en bois vernis, de cette caisse part un grand cornet en métal, une espèce d'entonnoir très évasé. Je demande à maman ce que c'est, maman m'explique, cet appareil est un phonographe, un appareil qui permet de jouer de la musique, des chansons qui sont enregistrées sur des disques, c'est nouveau.. Grand-mère l'a mis en marche et j'ai entendu pour la première fois une chanson sortant de cette sorte d'appareil. Et cette chanson je l'ai par la suite entendue souvent, grand-mère n'avait que deux disques et ce chanteur c'était Caruso, un grand ténor italien célèbre.

Avec mes frères, nous jouions souvent dans la cour avec les enfants des autres appartements. Il y avait, je crois, 6 appartements autour de cette cour. Martoune habitait juste en face de chez nous. A notre gauche il y avait une famille arabe, très gentille. J'ai appris à jouer à des jeux que je ne connaissais pas encore

Les jours passaient, on accompagnait maman pour faire les courses habituelles, épicerie, boulangerie etc. Que de magasins, il y avait de tout, et beaucoup de monde dans les rues.

Dans la rue Dombasle il n'y avait un épicier arabe, on l'appelait le moutchou, tous les autres commerçants se trouvaient dans les grandes rues avoisinantes, rue Franklin, rue Rochambeau.

En face de notre maison, il y avait un grand terrain vague et là jouaient les enfants du quartier, on nous laissait quelquefois descendre jouer, mais maman nous surveillait de la fenêtre.

Un jour, j'ai entendu quelqu'un crier dans la rue, sous nos fenêtres, j'ai demandé ce que c'était, maman m'a expliqué que des marchands ambulants passaient dans les rues pour vendre certaines marchandises, celui que j'entendais était le marchand de sardines. Il marchait avec un plateau posé en équilibre sur sa tête, et criait " chand sardines " c'est ce que j'arrivais à comprendre.

Par la suite j'ai entendu et vu passer d'autres vendeurs qui comme lui criaient ce qu'ils vendaient. Il a fallu que j'arrive à comprendre ce qu'ils proposaient. Les uns criaient, les offs, les poyes, comprenez : les œufs, les poules. D'autres " chandabit " le marchand de vieux habits qui ramassait le vieux linge ou simplement des habits en échange. Il fallait discuter, marchander plus ou moins longtemps pour obtenir un échange favorable.

On entendait crier beaucoup d'autres marchands ambulants, le vitrier qui remplaçait les vitres cassées. Le marchand de crème glacée, qui poussait une voiturette, c'était un caisson de bois abrité par une petite toile . Ce caisson était en fait une glacière qui contenait 2 récipients entourés de glace, dans lesquels il y avait des crèmes glacées de différents arômes, vanille, fraise, pistache. , récipients fermés par des couvercles en forme de chapeau chinois. On avait le choix entre des petits ou grands cornets ou des gaufrettes rectangulaires formées de deux feuilles de biscuit qui entouraient une 2 à 3 centimètres de glace. C'était la friandise la plus réclamée par petits et grands par ces journées de chaleur. On attendait avec impatience le passage de cette voiturette annoncée par le son de la petite trompette du marchand, le prix était de 2 ou 5 sous selon la grosseur.

Passaient aussi les marchands de 4 saisons qui vendaient des légumes des fruits, les aiguiseurs de couteaux et ciseaux etc., tous avaient des cris différents ce qui permettaient de reconnaître le genre de commerce.

Si chacun allait et venait dans la maison, pour cuisiner, pour les différents travaux de ménage, papa lui, s'occupait et aidait comme il le pouvait. Il fallait le déplacer sur sa chaise, mais sa place était surtout près de la grande table de la cuisine-salle à manger. L'après-midi quand il y avait de l'ombre sur la cour ou le soir après dîner, on le transportait devant la porte dans la cour.

Les jours s'écoulaient et puis un certain jour de septembre, nos parents nous disent, cela va être la fin des vacances, il va falloir vous inscrire dans une école.

Mais pourquoi, avons-nous répondu, puisqu'on va retourner à Margueritte. Mais non, enfants, nous ne retournerons plus à Margueritte, nous avons décidé de rester à Alger.

Mais pourquoi, à Margueritte on était bien, on avait nos camarades à l'école, on pouvait jouer dehors, il n'y a pas de voitures comme ici .

Nous le savons les enfants, mais nous avons dû prendre cette décision, ce sera mieux pour nous tous, on sera chez nous et nous aurons notre appartement.

Mais qui va faire les commissions à tante Rosine, ils non pas d'enfants pour les aider.

C'est vrai, vous avez raison, mais ils ont tout prévu et c'est avec leur accord que nous sommes partis, ne vous inquiétez pas, à Alger nous avons besoin de vous, nous avons besoin de vivre avec vous, vous nous aiderez et ferez nos propres commissions. Vous comprenez notre situation ?

Nous avons bien sûr dit oui, mais cette nouvelle situation ne nous plaisait pas beaucoup, enfin nous verrons !

Le jour de la rentrée arrive, Sauveur est allé à l'école de garçons de la rue Franklin, la grande école. Maman m'a amené dans une école maternelle, rue Rochambeau, elle n'était pas loin de chez nous.

Voilà ton école, me dit maman.
Mais c'est très grand, plus grand qu'à Margueritte.
Oui, mais à Alger, il y a beaucoup plus d'élèves, c'est une grande ville.
Maman m'embrasse et me confie à des camarades plus âgés que je connaissais du quartier. Dans la cour, un monsieur me dit de me mettre en rang avec d'autres enfants de mon âge. Puis j'entre dans une grande salle, j'étais intimidé, l'instituteur me demande mon nom et mon âge et m'indique ma table.
Le temps me semblait long, j'étais impatient de sortir, à 11 heures, maman m'attendait dehors, je lui ai raconté comment cela s'était passé, j'y suis retourné à 1heure ½ plus confiant. Maman m'a accompagné encore pendant quelques jours puis j'y allais seul.

Un mois ou deux mois après, nos parents nous disent :
On va avoir notre appartement, pour nous tous seuls, on va pouvoir habiter chez nous dans un autre quartier.
- C'est loin d'ici ?
- Oui, bien plus loin.
- On pourra venir à l'école ?
- Ah! non il faudra aller dans une autre école plus près de notre nouvelle maison.

Ne pas retourner à Margueritte, vivre définitivement à Alger fût une décision importante qu'on dû prendre nos parents et qui va influencer la suite de notre vie.

Je pensais à ce moment que mes parents faisaient une erreur. Pourquoi ne pas retourner à Margueritte, on était si bien, on connaissait beaucoup de personnes qui étaient gentilles avec nous.
Les clients du café nous taquinaient mais nous aimaient bien. Nos camarades d'école vont nous manquer.
Non, vraiment c'est une erreur !!

Raisonner de cette façon, c'est naturel pour des enfants mais les parents ont parfois une terrible responsabilité quand ils doivent prendre des décisions importantes.
Ils doivent penser non pas au présent mais à l'avenir de leurs enfants.

Plus tard, au travers de conversations entre les membres de la famille, j'ai crû comprendre le pourquoi de ces décisions, le pourquoi de ce départ de Margueritte et bien plus tard encore, quant à mon tour, j'ai été exposé à des problèmes identiques, quand j'ai dû prendre des décisions semblables, (note du fils : je suppose, lors du départ d'Alger, en juin 1962.) j'ai alors pensé à mes parents, comme ils ont eut du courage étant donné leur situation précaire.

Je me suis alors remémoré leur vie difficile.

Depuis leur mariage ils ont eu énormément de problèmes. D'abord le décès, à l'âge d'un an, de leur premier enfant, puis plus tard les ennuis de santé de papa qui a dû subir 9 opérations avant d'avoir les 2 jambes amputées.

Simple manœuvre maçon avec un petit salaire, puis sans travail à cause de son infirmité, les lois sociales actuelles n'existaient pas, pas d'indemnité de chômage ni de maladie donc pas de revenus, maman, concierge, ne bénéficiait que du montant du loyer de l'appartement de fonction qu'elle occupait en contre-partie de l'entretien de l'immeuble.

Ce que papa a dû souffrir physiquement d'abord, et moralement à l'idée d'être une charge pour sa famille.

C'est alors tante Rosine, sœur plus âgée de papa, et son mari Victor, mon parrain, proposent à mes parents de venir chez eux à Margueritte, par affection fraternelle et parce qu'ils sont seuls ne pouvant avoir d'enfants. Une autre raison d'après moi, c'est que maman en échange, pourrait aider aux différents travaux de ménage et s'occuper des clients du café, quand mon oncle s'absente pour sa tournée de garde champêtre

Mes parents acceptent et décident donc de déménager.

Pour cela ils ont dû se séparer de ce qu'ils possédaient. Vendre ou donner meubles, linges et autres, ne gardant que les vêtements. C'est ainsi que nous sommes arrivés à Margueritte.

Nous avions 2 chambres relativement petites et dans la journée nous étions dans la grande salle du café qui était en fait notre salle à manger, ce que nous appelons aujourd'hui la salle séjour.

Papa, du fait de son infirmité, était placé sur une chaise près de la grande table, sur laquelle nous prenions nos repas matin et soir après le départ des derniers clients, cette place il devait la garder jusqu'au moment d'aller se coucher. Rares étaient les moments où nous étions seuls, donc plus d'intimité pour nous 4.

Il n'y avait plus ces relations normales entre parents et enfants, nous étions toujours entourés de personnes étrangères.

Là, était sûrement le vrai problème.

Nos parents devaient voir que nous leur échappions.

Il n'y avait plus ces moments d'intimité où parents et enfants peuvent discuter de choses et d'autres, manifester leur amour réciproque, s'amuser ensemble, se faire des câlins, les parents raconter des histoires. Enfin tout ce qui doit représenter la vie familiale.

NOUS N' ETIONS PAS CHEZ NOUS !!

De retour à Alger, logés chez grand-mère, nous ne pouvions rester longtemps. Mes parents comprenaient qu'ils gênaient. Ils ne pouvaient accepter d'être à la charge de l'oncle Pierre.

Il fallait donc trouver un appartement pour nous loger et c'est avec joie que mes parents ont apprit des Services Sociaux de la Mairie d'Alger qu'un logement nous avait été attribué à titre provisoire. La maison où l'on irait habiter, était destinée à être démolie pour cause d'élargissement de la rue. En attendant qu'elle le soit nous pourrons y loger.

Le déménagement se fit rapidement, d'autant plus que nous n'avions à emporter que ce que nous avions rapporté de Margueritte, nos vêtements, puisque mes parents avaient tout laissé au départ d 'Alger.
Grand-mère nous a donné un lit et un matelas pour papa, des couvertures une petite table et quelques objets et ustensiles indispensables.

Nous voilà partis dans une voiture à chevaux conduite par un voisin, nous traversons Alger, des rues, des quartiers que je ne connaissait pas, beaucoup de monde dans les rues, sur les trottoirs.

Le trajet me semblait bien long et fatiguant, le cheval n'allait pas vite et la voiture tressautait sur les pavés des rues, j'avais hâte de connaître cette maison, NOTRE MAISON, où nous allions être enfin chez nous.

Et nous nous arrêtons enfin, maman nous dit : c'est là, vous pouvez descendre.

L'oncle Pierre s'est occupé de papa et l'a porté dans l'appartement, il fallait monter un escalier notre appartement étant à l'étage. Avec mes frères nous attendions notre tour pour savoir enfin où nous allions vivre.

Nous grimpons cette vingtaine de marches aussi vite que nous le pouvions, nous entrons timidement, … que cela nous semblait grand….. , habitués à aller et venir dans un espace limité.

Nous avons traversé les pièces et passant par une porte-fenêtre nous sommes allés sur un large balcon de la longueur de la chambre. De l'autre coté de la rue, pas de maison, un grand terrain vague, la lumière et le soleil pénètrent dans la chambre. Nous courrons d'un bout à l'autre de l'appartement en nous demandant si tout cela était possible !!

En voyant maman et papa, l'un contre l'autre, sans mouvement, émus, je me disais comme ils doivent être heureux, pour eux mais surtout pour nous.

Je vais vous décrire notre appartement. Passée la porte d'entrée, un petit dégagement, en face une petite pièce, sans porte, la cuisine, et on passe directement dans une pièce plus grande, la salle à manger, pas de fenêtres sur l'extérieur, au fond séparée par une cloison avec la porte au centre, la chambre unique mais assez grande. Au coin gauche, la cheminée classique l'âtre avec l'encadrement en marbre.

Maman avait déjà installé les quelques meubles apportés les jours précédents, la petite table au milieu de la salle à manger, dans la chambre au fond à gauche le lit de mes parents.

La cuisine ressemblait à celle de chez grand-mère mais bien plus petite. Le long du mur face à la porte était le plan de travail recouvert de carrelages rouges (ce que nous appelions le potager) au centre, 2 grilles en fonte pour cuisiner avec du charbon de bois. Une petite fenêtre donnant sur la cour intérieure donnait la clarté nécessaire.
Une deuxième petite fenêtre, semblable à celle de la cuisine dans l'entrée éclairait la salle à manger.

Après le départ de l'oncle Pierre nous nous sommes retrouvés tous les 5 seuls et dans NOTRE appartement pour la première fois depuis le départ pour Margueritte !!

Pierre, Michel et Sauveur Venis
Pierre, Michel et Sauveur Venis
Photo prise, certainement, quand ils habitaient rue Horace Vernet. Le photographe est du coin!

Désormais seuls, maman et papa ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Papa ne pouvant s'occuper d'aucun travail rémunéré, maman devra trouver un emploi pour subvenir à nos besoins, ce devait être leur grande inquiétude à ce moment.

Avec mes frères, nous sommes descendus et avons fait le tour de la maison, tout nous étonnait, nous avons couru dans ce terrain vague tout en riant et criant, les voisins se sont sûrement aperçus qu'il y avait du nouveau !!

Pendant ce temps, maman rangeait les quelques affaires que nous avions apportées. Coté gauche de la salle à manger, il y avait 2 très petites pièces pouvant servir de débarras, il n'y avait pas de fenêtres et il faisait très noir à l'intérieur.

Puis il a fallu préparer le dîner, notre premier repas pour nous seuls. Ce qu'on a dû manger ? Sûrement une bonne soupe bien consistante et après être restés un grand moment sur le balcon, nous nous sommes couchés, il n'était pas tard et la petite lueur de la lampe à pétrole ne nous permettait pas de faire grand chose. Il faut dire que l'électricité n'était pas installée dans les appartements à cette époque et seules les bougies et la lampe à pétrole nous apportaient la lumière, faible mais indispensable et suffisante tout de même, nous y étions habitués.

Je vous ai dit que grand-mère nous avait donné un lit pour nos parents, alors maman a installé pour nous les couvertures à terre, dans le coin droit de la chambre et très heureux d'être chez nous, nous avons très bien dormi.

Il n'y avait pas d'électricité et pas d'eau non plus, un robinet de puisage se trouvait dans la cour et l'on s'y approvisionnait, de même, puisque les salles de bains étaient absentes, les W.C étaient également dans la cour.

Le lendemain, maman est allée dans le quartier, questionnant les gens qu'elle rencontrait, pour trouver un emploi de femme de ménage, ce qui n'était pas facile à obtenir.

Puis, nous avons fait la connaissance de notre proche voisin de palier, des personnes un peu plus âgées que nos parents. Monsieur Balési était agent de police et habitait là avec sa femme et sa sœur, des personnes très gentilles qui nous ont offert leurs services et leur aide en cas de besoin, c'était réconfortant pour nos parents.

Maintenant après avoir fait plusieurs fois le tour du propriétaire, je vais pouvoir vous décrire la maison avec plus de précision. Je vous ai dit qu'elle devait être démolie pour cause d'alignement ( pour cause de POS aujourd'hui) La maison était bâtie sur un terrain faisant angle avec la rue Bastide et elle empiétait sur la rue qui s'appelait depuis peu rue Horace Vernet. Pour élargir cette rue, les maisons précédant la nôtre avaient déjà été démolies d'où le terrain vague devant notre balcon.

Notre maison était constituée d'un étage sur rez-de-chaussée. L'entrée principale se trouvait rue Bastide. De la porte en bois, montait un escalier qui aboutissait au balcon de l'étage, entre notre appartement et celui du voisin Balési. Cette issue était très rarement utilisée, la clé restait sur la serrure, à l'intérieur, nous passions plutôt par la porte métallique rue Horace Vernet.

De cette porte, partait une allée empierrée qui menait à l'escalier qui desservait les deux appartements de l'étage. Sur la droite de cette allée, au rez-de-chaussée, deux appartements sous ceux de l'étage.

Au début de cette allée, à gauche, un jardin utilisé par l'occupant de l'appartement de droite. Faisant suite à ce jardin, un escalier, un escalier menait à une terrasse sur laquelle on pouvait étendre le linge. Sous l'escalier, les W.C., puis sous la terrasse, d'abord une grande pièce servant de buanderie puis une autre pièce utilisée par le deuxième locataire du rez-de-chaussée, comme poulailler. Cette pièce s'ouvrait sur un enclos grillagé où les poules se trouvaient pendant la journée.

Plus tard, j'ai cru retrouver notre maison en lisant " Les trois mousquetaires " Dans un chapitre, Alexandre Dumas donne la description en détail de l'appartement de d'Artagnan et de la maison qu'il habite. Cette maison il me semble que c'est la nôtre. Je vois passer d'Artagnan devant M. Bonacieux qui est devant sa porte, au rezzou e-chaussée sur l'allée qui mène à son appartement. Plus loin dans l'histoire, d'Artagnan au premier étage, creuse le parquet pour porter secours à Mme Bonacieux. En lisant ces chapitres il me semble que tout cela se passe dans notre maison, tellement les descriptions se ressemblent.

Les jours passèrent, nous réalisions peu à peu que nous étions chez nous et livrés à nous-mêmes. Maman devait à nouveau s'occuper du train-train journalier. Préparer les repas et composer les menus que nous désirions, depuis si longtemps que d'autres que mes parents décidaient des repas, des heures des repas. Je ne veux pas dire par là que nous mangions mal ou pas assez, non, nous n'avons pas eu à nous plaindre, au contraire, à Margueritte par exemple nous profitions des tournées de notre oncle Victor, le garde champêtre, et du gibier qu'il ramenait souvent, et suivant les saisons, lapins, lièvres, cailles, perdreaux, sanglier etc. etc. En plus du gibier, nous avions les produits de la basse-cour : poules, canards, de bons œufs frais que nous pouvions gober crus après avoir percer un petit trou à chaque coté, et les fruits et légumes que nous apportaient parfois des clients de leur propre jardin potager.

Des cerises, nous en avions chez nous, je vous ai parlé au début de ce livre, des cerisiers et des cerises qui m'avaient étonnés à notre arrivée à Margueritte. Nous avons aussi apprécié le raisin des nombreuses vignes du village, des oranges, des mandarines, des figues de figuier soit de barbarie etc.etc.

Non, non, nous n'avons pas eu à nous plaindre, nous avons toujours mangé à notre faim, comme chez grand-mère également. Mais maintenant la responsabilité entière revenait à nos parents, responsabilité un peu lourde pourtant car les revenus, étaient disons modestes et dépendraient des petits travaux que pourrait faire maman chez les particuliers du quartier.

Donc, aux menus, des choses consistantes, à petits prix : pommes de terre, pâtes et aussi les légumes de saison, nombreux en Algérie grâce au soleil et à la température clémente du climat.

Comme viande, surtout du mouton, relativement bon marché car élevé en pleine nature sur les hauts plateaux par les indigènes. Peu de viande de veau ou de bœuf qui provient de France, les pâturages sont inexistants en Algérie, d'où une viande plus chère que le mouton.

Avec la poitrine ou le collier de mouton, maman faisait de très bons ragoûts avec des pommes de terre. Dans les menus du poisson aussi surtout de la sardine, poisson en abondance sur les côtes algéroises et à prix raisonnable. Maman l'achetait aux vendeurs ambulants qui circulaient le matin, assez tôt, avant que le soleil ne chauffe trop.

Ces vendeurs ambulants, je vous l'ai déjà dit, annonçaient leur passage aux cris de " sardines, sardines " et on les entendait de très loin.

Maman s'occupait de la cuisine à des heures différentes, adaptées à celles passées chez les particuliers à faire le ménage, donc souvent de très bonne heure. Papa pouvait difficilement l'aider, assis sur sa chaise il ne pouvait se déplacer. Maman le portait d'une chaise à l'autre, ou alors avant son départ, maman l'asseyait près des fourneaux et papa surveillait la cuisson.

Papa devenait, petit à petit, un bon cuisinier, c'était sa seule occupation et cela aidait bien maman. Papa nous appelait quand il avait besoin de produit hors de sa portée.

Pour revenir aux menus, tous les soirs (sauf les jours d'été où il faisait trop chaud) le plat principal, et souvent unique, était la soupe. Une bonne soupe consistante aux légumes soit avec des vermicelles, soit avec des morceaux de pain que l'on faisait tremper. A propos de soupe, une petite anecdote. Du fait qu'il y avait de la soupe tous les soirs, tous les soirs elle était différente naturellement, c'était soupe à la tomate, à la pomme de terre aux légumes secs, haricots, lentilles, févettes(petites fèves séchées) petits pois cassés etc.

Ah, ces pois cassés !! Nous mangions de tout à la maison et nous n'avions pas la possibilité de choisir, il n'y avait pas différents menus. Or moi, quand j'ai eu à manger la soupe aux pois cassés pour la première fois, à peine gouttée, j'ai dit : je n'aime pas cette soupe ! Papa m'a regardé avec étonnement :
-Mais pourquoi, c'est bon, regarde tes frères, il l'aime eux.
-Je n'aime pas ce goût.
-Mais tu aimes pourtant la purée de pois cassés.
-Oui, mais la soupe n'a pas le même goût.

-Tu vas faire un effort, il faut t'habituer, manges-en quelques cuillères et tu verras, tu l'aimeras ensuite.
-Non papa, je ne peux pas.
-Je te demande d'essayer.
-Non.

Aie !! Il ne fallait pas refuser un ordre à mon père.

Notre père était très gentil, très affectueux mais sévère. Il nous voulait aimables, polis mais obéissants. Je le comprends mieux maintenant. Toujours sur sa chaise, il fallait qu'il se fasse obéir, sans sa sévérité, nous aurions pu être indisciplinés, nous le craignions tout en l'aimant beaucoup.

-Tu ne veux pas manger cette soupe, et bien il n'y a pas autre chose, nous allons garder ton assiette et on te l'a resservira demain,et avec plus d'appétit tu t'apercevras qu'elle est bonne.

En effet le lendemain, à midi, l'assiette de soupe était devant moi, j'ai essayé d'en manger, en vain ; le soir l'assiette était de nouveau devant moi. Je n'étais pas fier, mes frères, eux, mangeaient avec appétit, peut-être un peu goguenards, alors vexé, j'ai pris une cuillérée de soupe, puis une deuxième et finalement j'ai tout mangé.

Et bien, je dois l'avouer, la fois suivante, quand m'a servi une assiette de soupe aux pois cassés, je l'ai mangée facilement, et depuis j'aime beaucoup cette soupe et je regrette, à mon age, de ne pas en manger.

Les jours passaient, nous réalisions, avec le temps, que nous étions chez nous.

Maman nous amenait faire les quelques courses habituelles, pain, épicerie etc. Les commerçants n'étaient pas loin, une centaine de mètres environ. Sauveur et moi, allions seuls faire ces commissions, il y avait peu de circulation à cette époque, des voitures à chevaux et quelques automobiles, ce n'était pas dangereux

Sur le plan dessiné plus loin, j'ai situé notre maison et les rues avoisinantes

Les principaux commerçants étaient rue Jacquard, coté droit, à l'angle de la rue Jacquard et de la rue Broussais, le café tenu par les frères Molto. Angle de la rue Abbé Grégoire et rue Broussais, le haut de l'hôpital de Mustapha, le seul hôpital civil d'Alger, un autre hôpital, mais celui-là militaire, se trouvait à Bab-El-Oued.

Nous rencontrions quelques fois nos voisins Balési, mais peu souvent ceux du rez-de-chaussée. Seuls voisins bruyants, les locataires du poulailler, un peu trop matinaux à notre goût, nous en avions perdu l'habitude depuis Margueritte.

Nous nous enhardissions de plus en plus dans les rues du quartier, dans la rue Jacquard, en faisant les courses nous poussions plus loin, jusqu'au chemin Yusuf. De l'autre coté de la rue Horace Vernet, nous descendions le Chemin de l'Abbé Grégoire jusqu'à notre rue Bastide. A droite de cette rue, il y avait un groupe de maisons autour d'une petite cour. Beaucoup d'enfants s'amusaient, nous aurions voulu participer à leurs jeux, mais nous étions encore des inconnus pour eux et nous n'osions pas.

Puis, un escalier et plus loin notre maison.

En sortant rue Horace Vernet, coté droit, à quelques deux cents mètres, à droite, le Boulevard Beauprêtre qui rattrapait le Chemin de l'Abbé Grégoire qui nous permettait de retrouver la rue Bastide.

Quelques fois, en fin d'après-midi, nous descendions jouer sur le terrain vague en face, au bas de notre maison, là nos parents pouvaient nous surveiller.

Une dizaine de jours après notre arrivée, Monsieur Balési vient nous voir accompagné d'un monsieur et d'une dame.

Ils se présentent, ils représentent les habitants du quartier. Ils nous souhaitent la bienvenue, demandent d'où nous venions, questionnent sur papa, sur l'origine de son état, sur nous, nos âges, si nous allions à, l'école. Donnent des renseignements sur les environs, les commerçants etc.

Puis nous disent qu'en signe de bienvenue, les habitants du quartier se sont cotisés et ont collecté une petite somme qu'ils remettent à mes parents ''Pour vous permettre de vous procurer l'indispensable en attendant que Madame Venis trouve un emploi''. Voyant qu'il n'y avait que le lit, ils nous promettent un matelas est des couvertures en prévision de la saison d'hiver.

Inutile de vous dire l'émotion de maman et de papa qui ne s'attendaient pas à cette preuve de générosité de la part de personnes qu'ils ne connaissaient pas encore.

Le monsieur s'appelait Molto, c'était le propriétaire, avec un frère, du café rue Broussais. Nous avons appris par la suite que c'était lui, sur les renseignements donnés par notre voisin Monsieur Balési, qui avait décidé d'organiser cette collecte parmi ses clients.

Après leur départ, nos parents très émus par cette marque de gentillesse avaient les larmes aux yeux. Connaissant bien le caractère de papa, il a dû avoir beaucoup de peine et être gêné de son infirmité, cause de ces manifestations de générosité.

Monsieur Molto avait promis aussi de signaler notre cas aux services sociaux de la Mairie d'Alger.

Peu de temps après, mes parents ont reçus la visite d'agents de la Mairie, ils ont pris beaucoup de renseignements sur notre situation, ils ont rempli des imprimés et ils nous ont promis des secours.

.................................................Note du site: c'est tout! Pour la suite, pour que j'en sache plus, il faudra que je sois près d'eux.
Remarquez, j'en sais un peu plus. Mon père nous parlait assez souvent de cestemps difficiles. Ma grand-mère fut ensuite employée chez des gens....Qu'elle appelait" Monsieur, Madame."...
Mon grand-père décédé, ma grand-mère s'est remariée avec Antoine Ferrer. Ils furent métayers de ferme en ferme....