-L'homme qui va vers l'ouest
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-----Et c'est le départ. On ne s'ennuie pas en chemin, chacun y va de son histoire, de ses dernières sorties, de ses espoirs pour la tournée. Parvenu au lieu prévu, chacun part de son coté, espérant qu'il sera le meilleur. -----Des coups de feu signalent que l'un ou l'autre des copains a abattu quelque chose, et suivant le nombre de coups on estime que le gibier est important ou non. On se retrouve à l'heure convenue, vers les huit ou neuf heures. et à l'endroit prévu, toujours sous des arbres, bien à l'ombre, pour ce fameux casse-croûte. -----On étale le gibier tué et chacun explique sa chasse, ses réussites, les anecdotes, Puis sur la nappe, on étale tout ce qui va être englouti, pendant les discussions et les projets pour la deuxième mi-temps. Les chiens ne sont pas oubliés, ils ont à boire et à manger. La chasse reprend et vers 11 heures on rentre. -----A l'arrivée au café, ils sont accueillis par les chiens restés à la maison qui sentent le gibier et qui semblent questionner ceux qui ont eu le bonheur de partir. -----Alors autour de la grande table on étale toutes les prises avec des tas d'explications sur les péripéties du matin. L'anisette et l'eau fraîche remplissent les verres, puis on se sépare en attendant la prochaine sortie. J'étais bien à Margueritte. Je me sentais plus libre, j'avais beaucoup plus d'espace pour m'amuser, courir, je voyais les gens différents de ceux d'Alger. Il y avait tellement de choses à voir. -----Le premier printemps m'a fait connaître les hirondelles, il y en avait à Alger mais moins qu'ici, c'est-à-dire que j'y faisais plus attention à Margueritte. -----J'ai été surpris un matin de voir tant d'oiseaux volant autour de la maison dans le ciel bleu, alors qu'il n'y en avait pas la veille. Et puis les voilà qui s'installent dans des nids accrochés sous les avancées des toits, dans les angles des murs. Je n'avais pas remarqué auparavant ces nids, je les avais peut-être vus mais sans imaginer que cela pouvait avoir été fait par des oiseaux. -----Comme j'aimais entendre ces gazouillis si particuliers, ces roucoulades. J'admirais les vols rapides avec des volte-face fréquents. On dit que les hirondelles retrouvent chaque année leur propre nid, mais puisque, à part les nids détruits par les intempéries de l'hiver, il s'en construisait d'autres chaque année, cela signifiait que beaucoup d'anciens locataires avaient péris entre temps soit par vieillesse soit de fatigue au cours de leur long voyage, et cela me peinait. -----Je restais longtemps, assis sur la marche de l'entrée du café, à suivre leurs va-et-vient continuels, construire leur nid à même les murs, m'étonnant de voir avec quelle facilité. Ces nids faits avec de la terre, juste une petite ouverture en haut pour leur passage. Puis c'était la naissance des petits que j'entendais piailler, et plus tard je voyais leur petite tête apparaître dans l'ouverture quand les parents approchaient pour leur donner à. manger. C'était passionnant. -----Il y avait d'autres oiseaux que j'aimais regarder. -----Je vous ai dit qu'en face de chez nous il y avait une montagne, le Zaccar. On ne pouvait pas ne pas le voir, il était devant nous, bouchant l'horizon. On distinguait bien les anfractuosités ou par endroits des aigles avaient leur aire. J'admirais leur vol bien différent de celui des hirondelles. Après quelques battements d'ailes ils planaient lentement, ils faisaient des cercles et se rapprochaient parfois du village. Ces cercles devenaient de plus en plus concentriques, je ne les voyais plus pendant un moment, passant derrière un renflement de terrain et les grands cèdres ou des sapins, puis je les voyais de nouveau, et ce vol plané se terminait parfois par un piqué, sûrement pour attraper dans leurs serres un petit animal. -----Quand un aigle passait au-dessus de chez nous, on entendait d'abord les coqs puis les poules caqueter d'une certaine façon, la tête tournée vers le maraudeur, pour essayer de connaître ses intentions et se mettre à. l'abri le cas échéant, mais je n'ai jamais vu un aigle capturer une volaille. -----A part le vol des aigles je regardais souvent cette montagne de couleur variable selon la lumière du soleil qui faisait ressortir les ombres sur les parois, et je m'imaginais me promenant sous les arbres, sentant le parfum des arbres, cueillant des fleurs ou regardant courir les lapins. En hiver la neige recouvrait plus ou moins ces pentes exposées au sud, l'antre versant au nord était sûrement plus enneigé. |