
Les 31 mai, 1er et 2 juin prochains
FORT DE L'EAU
fêtera le centenaire de sa création
Le gouverneur général présidera les manifestations
auxquelles assisteront les alcades et de nombreux visiteurs des Baléares
Lorsque les soldats de
1830 poussèrent une reconnaissance sur le littoral est algérois,
ce qui allait devenir Fort-de-l'Eau se présentait à leurs
yeux sous l'aspect d'une vaste étendue sèche et désertique.
Parsemée de cailloux, allant jusqu'à la mer toute proche.
Seul un fort barbaresque construit sur un piton rocheux des bords de
la Méditerranée et connu par les indigènes sous
le nom de Bordj-el-Khifane, rompait la monotonie de ce paysage désolé.
C'était un de ces fortins construits par les Turcs au 16°
siècle pour se défendre d'une tentative de débarquement
comme ils en avaient d'ailleurs subi avec Charles Quint.
Mais les soldats ne se souciaient guere de l'histoire. Sur cette terre
aride ils cherchaient plutôt une source pour s'abreuver. Ce fut
le puits, situé à l'intérieur du fort, qui allait
fournir l'eau recherchée. Ils baptisèrent alors le fortin
" Le fort de l'eau ". Ce nom devait rester et allait devenir
le nom de la future localité.
L'armée d'Afrique comprenait de brillants capitaines, des hommes
aux vues réalistes, décidés à asseoir leur
conquête sur une uvre fertile et colonisatrice. Et les administrateurs
civils qui, à l'époque, suivaient les armées, étaient
eux aussi gens qui comprenaient parfaitement l'uvre féconde
que la France devait effectuer en Algérie.
Parmi ces Français, trop souvent méconnus, il y en avait
un qui venait de faire ses preuves a Dély-Ibrahim,
où il avait fondé le pxemler village français sur
la terre
d'Afrique : le baron de Viaiar, qui devait encore s'illustrer par la
création de nombreux centres de colonisation.
La création de Fort-de-l'Eau
Le baron de Vialar qui
employait dans sa propriété des maraîchers venus
des îles Baléares et plus particulièrement de Minorque,
eut l'idée en- 1849 d'en installer quelques-uns à Fort-de-l'Eau.
On sourit à cette proposition insensée. Le baron de Vialar
passa pour un utopiste. Comment pourrait-on faire vivre sur un sol aussi
ingrat et aride des hommes qui n'auraient même pas la répartition
des terres que l'on donnait habituellement aux colons désireux
de s'implanter. Les discussions furent vives entre l'administration
et le baron de Vialar. Celui-ci finalement, eut gain de cause.
Bientôt 50 familles, venant de Mimorque, Majorque et d'Ibiza,
s'installèrent autour du fort sur les 500 hectares qui leur avaient
été alloués.
Chacune reçut 6 hectares de terre ainsi qu'un petit lot urbain.
Alors commença pour ces hommes rudes à la tâche,
travailleurs infatigables. sobres et acharnés à leur besogne,
un travail de titan qui allait faire de cette région une des
Plus belles et des plus productives de l'Algérois.
Les champs furent débarrassée de leurs cailloux, les rochers
récalcitrants sautèrent sous les charges d'explosifs,
de la terre et du terreau furent apportés, des puits furent forés
et bientôt les premières récoltes maraîchères
apparurent. Un miracle venait d'être accompli.
Et Fort-de-l'Eau, connu sous le nom de commune de la Rasauta, prit de
l'extension au point d'englober un moment Maison-Carrée.
Les années passent ;; le 2 Juin 1881, par décret, la commune
est érigée en plein exercice et prend officiellement le
nom de Fort-de-l'Eau.
Fort-de-|'Eau en 1952
Depuis la localité
n'a fait que croître et embellir. Les 50 familles du début
se sont transformées en 5.000 habitants européens dont
plus de 3.000 perpétuent le nom de leurs ancêtres, les
" Mahonais ", comme on les appelle plaisamment, et dont ils
ne rougissent pas, car ils furent de ceux qui ne doutèrent pas
et qui firent de cette terre désertique un magnifique jardin
potager aux mille richesses.
Le monument aux morts de Fort-de-l'Eau porte gravé sur ses flancs
le nom de ses fils qui ont donné leur vie pour la France et ils
sont nombreux les Camps, les Piris, les
Pons, les Torres et les Ferrer inscrits sur la dalle sacrée.
Et on ne saurait oublier la mémoire de François Pons,
lui aussi descendant de ces premiers " Mahonais ", qui fut
de 1924 à 1942 un de ces maires dont s'enorgueillit une ville
; dont les réalisations hardies et heureuses contribuèrent
à. la prospérité de la cité et qu'une population
en larmes accompagna a sa dernière demeure il y a trois mois
à peine.
Les fêtes du centenaire
Le souvenir des ancêtres
venus des Baléares, qui créèrent la localité,
est resté trop vivace au cur des Aquafortains pour qu'ils
songent à fêter le centenaire sans y faire participer ceux
des leurs qui sont restés dans leurs îles. Aussi le comité
d'organisation que préside Me Moulis, maire, y a-t-il invité
les sept alcades de Minorque - ce sont les
maires de localités de l'île - qui seront accompagnés
des alcades de Palma de Majorque et d'Ibiza. Cette délégation
sera conduite par M. J. Victory, alcade de Mahon. Bien entendu, ils
ne seront pas les seuls Mahonais qui participeront aux fêtes du
centenaire. En effet, dès qu'elles furent connues aux Baléares,
elles suscitèrent un enthousiasme extraordinaire. Nos confrères
majorqualns et minorquains en parlèrent longuement et bientôt
plus de 400 inscriptions de gens désirant se rendre à
Fort-de-l'Eau. furent reçues dans les mairies. Mais se posa alors
le grave problème du transport. La compagnie maritime "
Transmediteraneo ", qui devait mettre un bateau spécial
à la disposition des voyageurs, se récusa en raison du
congrès eucharistique qui a lieu à la même époque
à Barcelone. Les compagnies françaises de navigation ne
purent, elles non plus, souscrire aux demandes de bateau. C'est donc
quelques Minorquais seulement qui effectueront le voyage par avion,
à. moins que d'ici là, la compagnie Air-Algérie,
qui actuellement étudie la question, ait pu mettre sur pied une
rotation d'avions.
Tout cela n'empêchera pas Fort-de-l'Eau de commémorer les
fêtes du centenaire de sa création avec un faste particulier.
Les réjouissances se poursuivront pendant trois
jours, les 31 mai, 1er et 2 juin et seront placées sous la présidence
de M. le gouverneur général Léonard et de M. le
préfet Trémeaud qui, le 31 mai, se rendront à Fort-de-l'Eau
en visite officielle. Entourés de toutes les hautes personnalités
civiles et militaires et par les invités des Baléares.
auxquels se joindront vraisemblablement M. Edme de Fréminville,
consul général de France aux Baléares, et M. Manuel
Galan y Pacheco de Padilla, consul général d'Espagne à
Alger, ils assisteront le soir à un grand banquet pour lequel
on peut, d'ores et déjà., se faire inscrire à la
mairie.
Auparavant, le stade municipal, entièrement rénové,
modernisé, aura été le théâtre d'un
grand match de football qui mettra aux prises une entente aquafortaine
et le Club Deportivo Minorqua.
A côté de ces manifestations officielles, les réjouissances
populaires seront menées de front, puisque, le soir du 31 mai,
un grand bal réunira toute la jeunesse, agrémenté
par un spectacle de danses rythmiques présenté par les
enfants des écoles.
Dimanche 1er juin, les boulistes disputeront un concours, avant que
la compagnie de sapeurs-pompiers placée sous le commandement
du lieutenant Piris, reçoive son drapeau et participer ensuite
avec les sections de Maison-Carrée,
de l'Arba,
Hussein-Dey et Maison-Blanche
à des démonstrations de lutte contre l'incendie.
L'après-midi, une grande bataille de fleurs, la première
que connaîtra Fort-de-l'Eau, se déroulera sutour de la
place de la République.
Déjà, on en parle partout dans la région. A Rouïba,
Aïn-Taya. Cap-Matlfou, comme à Fort-de-l'Eau,
des projets sont ébauchés et on murmure que des idées
sensationnelles seront réalisées à rendre jaloux
les corsos fleuris de Boufarik, de Blida ou d'Affreville, pourtant de
renommée fameuse. Bien entendu, tout cela se terminera par un
nouveau bal et le lendemain, lundi 2 juin, le programme de la journée
comprendra un concours d'élégance automobile qui réunira,
sur la vaste avenue de France, les plus élégantes carrosseries
et les derniers modèles de la production automobile présentés
par de belles et charmantes conductrices.
Ainsi se termineront ces fêtes du centenaire de Fort-de-l'Eau.
Elles auront permis aux visiteurs de mieux connaître ce miracle
du travail et de la colonisation.
Quant au vieux maraîcher aquafortain, au visage bruni, il contemplera
avec fierté ses champs, uvre de ses ancêtres. avenir
de la région, et dans les derniers échos de la fête,
le souvenir des morts viendra. rejoindre la joie des vivants.