-

les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Quelques Monuments -suite 3
--
Hôtel du Premier Président (Première Mairie)
-
Le Théâtre
sur site le 15-3-2009

26 ko
retour
 
En cliquant sur les mots ou groupes de mots en rouge, soulignés en rouge, vous accédez à la page correspondante.

Hôtel du Premier Président
(Première Mairie

Ce fut dans l'une des plus élégantes maisons de la ville, au n° 38 de la rue Socgemah (actuellement n° 9) que fut installée la Mairie en 1830.

Cette maison en une partie de laquelle logeait le Sous-Directeur de l'Intérieur, fut par décision ministérielle du 14 novembre 1838, attribuée en totalité au Procureur Général. C'est aujourd'hui la résidence du premier magistrat de la Cour d'Alger. Cet immeuble était dénommé au moment de la Conquête : Hôtel Bacri ( Nom de la famille dont s'est associé le souvenir à celui de la Conquête.). Une ruelle voûtée s'ouvrant sur la gauche du porche d'entrée et débouchant sur le passage Mantout, portait le nom de : passage Bacri. (Voir à Rues, impasse Bacri).

Un acte ancien fait connaître que cette maison était située "au-dessus de la chapelle de Sidi-Ahmed-ben-Abd-Allah", saint personnage inhumé dans la rue Socgemah en 1458.

Au début de l'occupation, et avant que l'État n'en eût pris possession, l'immeuble avait été loué pour 25 ans au prix annuel de 1.000 boudjous, à un sieur Gantois. Ce dernier en réclama la restitution en 1835. Mais il fut débouté de ses prétentions.

L'État qui après expropriation, l'avait acquise pour 80.000 francs, du prince Omar et de la princesse N'fiça, enfants d'Hussein, se déclara légitime et permanent propriétaire de cette demeure. Celle-ci appartenait antérieurement. à la princesse Khedaouedj-el-Aamïa (l'aveugle), fille du Dey Hassan. Une légende dit que cette princesse qui était d'une rare beauté, perdit subitement la vue tandis qu'elle se contemplait en un miroir. De là, le surnom qui lui fut donné. Son prénom "Khedaouedj" signifie : Petit Géranium.

L'un des salons de la jolie résidence du Procureur général a été enrichi sous le Maréchal Pélissier, d'exquises broderies murales, oeuvre du sculpteur Latour.

Ce palais est vraiment remarquable. Sont d'un réel intérêt son vestibule, ses escaliers, ses couloirs, ses galeries, ses salles revêtues à profusion de Delft, de faïences siciliennes, sa cour à colonnade de marbre et à lanternes turques. Mais son grand attrait s'exerce surtout en ce grand salon, tout de dentelle, oû le plâtre fouillé présente un délicieux décor de fleurs, d'entrelacs, de stalactites qui s'entremêlent harmonieusement au long des murailles, aux creux des voussures, dans le cadre des claustras aux vitraux polychromes.

Là, descendit en 1832, le baron Pichon, Intendant civil de la Régence. En 1833, y fut organisée la première exposition agricole d'Alger.

En ce cadre furent données par la municipalité, de magnifiques fêtes où parurent les princes d'Orléans. Après 1839 d'autres fêtes suivirent, qu'offrirent les Chefs de la Justice. Le roi Louis II de Bavière, grand amateur de choses d'art, l'Empereur Napoléon III vinrent en cette résidence.

La Mairie fut en 1839, transférée rue Porte-Neuve au n° 120, en 1850 rue du Vieux-Palais, en 1883, boulevard de la République.

Elle sera prochainement boulevard Carnot. De juillet à décembre 1830, elle avait été au Consulat de France, rue Jean-Bart (actuel Hôtel du Général d'Artillerie). Sous les Turcs, elle était en la rue (disparue) de la Couronne (voir à Rues).

Magistrats municipaux :

Nous ferons remarquer que les premiers maires d'Alger n'exercèrent que les fonctions d'officiers d'Etat Civil. Les fonctions de maire et celles de préfet furent en réalité exercées par l'Intendant Civil.

L'Intendant Bresson dérogea à cette coutume en faveur de son ami, M. Cottin; mais ce ne fut que le 8 juillet 1847, que le maire fut conféré de toutes les prérogatives dérivant de son titre.

Avant la Conquête, le maire d'Alger avait nom : Scheik-el-Bled.

Ce fonctionnaire avait entre autres attributions, celle de lever une contribution hebdomadaire sur les boutiques et sur les corps de métiers. Il avait en outre, à fournir par voie de réquisition, les mulets et les chevaux de transport nécessaires aux troupes turques envoyées au dehors, et de défrayer pendant leur séjour à Alger, les envoyés de l'intérieur. Sa résidence était sur un point où passe l'actuelle rue de la Lyre inférieure, sa villa, à Birkadem (Djenan Scheik-el-Bled).

Il administrait la ville avec le conseil des Amins.

A la tête des municipalités d'Alger furent : MM. Bruguière, sous-intendant militaire, 1830 (8 juillet). - Cadet de Vaux, 1830 (9 septembre). - Cottin, 1832. - Girot (adjoint), 1835. - Clément, 1837. - Baron Hubert, 1841. - Comte de Vesins, 1844. - Lechesne, 1848. - De Guiroye (intendant), 1854. - Sarlande, 1859. - Wuillermoz, 1871. - Blasselle, 1874. - Mongellas, 1877. - Feuillet, 1878. - Guillemin, 1880. - Voinot, 1899. - Max Régis, 1901. - Altairac, 1902. - Savignon, 1909. - De Galland, 1911. - Raffi, 1922. - Brunel, 1929. - Rozis, 1935.

Plusieurs communes de la banlieue d'Alger firent dans les premiers temps, partie de la cité. Comme plus importante agglomération figura Mustapha dont, dès 1835, fut décidé le premier détachement. Le baron de la Vallée y exerça les fonctions de maire. Rattaché en 1848, Mustapha fut alors administré par des adjoints spéciaux, lesquels furent MM. Augier, Lieutaud, le baron de Forges et Bru.

La première mairie de ce quartier suburbain eut pour cadre la tour de l'ancien puits à roue, bordant la route de Mustapha-Supérieur, près du Palais d'Été, et qui servit plus tard d'église. Ce château hydraulique qui irriguait auprès, une propriété du Dey Hussein, avait été en 1830, occupée par le Télégraphe Aérien.

Cette tour fut démolie en 1914. Détail.curieux, l'ancien bénitier de marbre, ainsi que nous avons pu le constater, servit jusqu'à la démolition, d'auge à boire à de la volaille élevée là.

Détaché à nouveau en 1871, Mustapha eut comme maires, MM. Barberet, Vaissière, Bru, Ariès-Dufour, Bru, Kling, Francoz, Caren, Kling, Pradalle, Chaze, Marès.

En 1904, Mustapha fut définitivement rattaché à Alger.

Le Théâtre
voir aussi les pages "Opéra"par Arnaudiés

Alger eut de bonne heure son théâtre. On connaît cette pensée d'Outre-Manche : l'Anglais, dans une colonie, débute par un chemin de fer, l'Espagnol, par une église, le Français, par un théâtre.

Aussi, trois mois après la prise d'Alger, le général Clauzel décidait-il la création en El-Djezaïr, d'une salle de spectacle où devaient être joués des opéras et représentés des ballets.

Le premier théâtre fut ouvert dans la rue des Consuls. Un sieur Mirecourt en était le directeur, auquel succéda, le 1er septembre 1833, Mme Dacosta qui récréa la toute nouvelle société algéroise : "de comédies et d'opéras variés".

Le prix des places de parterre était de 1 franc, celui des "parquets" de 2 frs 50. Une loge de quatre places se payait 15 francs pour une soirée ou 1.000 francs pour toute la saison.

Alger possédait en même temps un "Cirque Olympique", situé sur l'esplanade Bab-el-Oued, que dirigeait un sieur Desormes.

Les exercices de voltige et d'équitation n'étaient pas cependant les seules attractions qu'on y trouvât. On allait y voir jouer aussi La Bataille des Pyramides, La Jarretière de la Mariée, Hariadan Barberousse, car cet établissement possédait aussi une scène.

La subvention allouée par l'État au théâtre d'Alger était à cette époque bien modeste : 3.000 francs. Elle passa en 1834, à 12.000, puis fut ramenée à 6.000 en 1835.

Ce théâtre, que le "Moniteur Algérien" du 21 juillet 1832 proclamait nécessaire ici, "comme moyen de propagande civilisatrice", fut critiqué sévèrement et jugé nuisible par le député Desjobert, "parce qu'il révélait aux indigènes l'odieuse nudité de Robert Macaire". Or, les indigènes ne fréquentaient pas notre salle de spectacles!

De la rue des Consuls, le théâtre fut en 1837, transféré dans la rue de l'Intendance, en un immeuble qu'occupèrent plus tard des frères de la Doctrine Chrétienne, lesquels firent la classe parmi des fresques païennes où triomphaient des amours.

Les Algérois des temps de Damrémont, de Valée, de Bugeaud, de Changarnier, de Randon, vinrent là voir jouer à la lumière de quinquets fumeux, maintes pièces en vogue des Boulevards et entendre des opéras dont l'exécution était le plus souvent confiée à une troupe italienne ( En octobre 1847 y fut joué : Le "Théâtre d'Alger", pièce de Reyer et de Désiré de Léglise).

Pendant vingt années, fonctionnaires, artisans, commerçants, colons, officiers venus entre deux campagnes goûter le charme de la ville, généraux, maréchaux, princes royaux même, trouvèrent dans ce petit théâtre des distractions d'autant plus appréciées que l'exil en ce pays barbaresque devenait parfois bien pénible...

Mais le chiffre sans cesse croissant des spectateurs rendit nécessaire la création d'une salle plus grande. Le théâtre de la rue de l'Etat-Major (ainsi avait-on pris l'habitude de le dénommer), fut alors remanié, agrandi et embelli par l'architecte Robinot-Bertrand avec la collaboration des Condamnés du Colonel Marengo.

Une élégante façade fut dressée rue du Soudan, en arrière du Palais d'Hiver. Les portes du nouvel établissement furent ouvertes le 15 septembre 1850.

Chose digne de remarque, le critique théâtral de l'époque constatant que tous les acteurs avaient été reçus, déclara que le fait n'avait rien d'extraordinaire, étant donnée "la rare indulgence du public algérois". Combien avec le temps, devait changer le caractère de ce public que redoutèrent tant les artistes venus ici plus tard, affronter sa rigueur nouvelle.

La ville possédait encore un théâtre dit "des Variétés", dans la primitive rue Bosa, voisine de la galerie Duchassaing, puis auprès, le café chantant "de la Perle" rue d'Isly, la "Salle Gambini", et aussi deux théâtres espagnols situés, l'un rue du Scorpion, l'autre; rue de la Fonderie, théâtres dont les anciens journaux ont fait d'intéressantes descriptions.

Enfin, le grand théâtre fut construit. Ce théâtre qu'on avait dès 1830, rêvé de créer sur la place du Gouvernement, fut élevé hors des portes d'Azoun, sur la nouvelle place Bresson. On l'édifia dans le thalweg du ravin du Centaure, sur l'emplacement d'une roche dont le dérasement coûta 25.000 francs.

Sa superficie fut de 1.430 mètres carrés. Il revint à 1.100.000 francs. La somme de 820.000 francs avait été au préalable, fournie par les entrepreneurs Sarlande et Cie, qui reçurent en compensation de la part de l'État, des terrains bordant la place du Gouvernement et d'autres, situés pareillement à l'intérieur de la ville.

Commencé en mai 1850, l'édifice fut terminé et aménagé en septembre 1853. Son constructeur fut Sarlin, ses architectes : Chasseriau et Ponsard. Contribua à l'oeuvre, Guiauchain, dont le fils fit sur les quais, la Douane, à Mustapha, les tribunes du Champ de Manoeuvre, etc...

La façade, conçue dans le style Renaissance, s'orna de quatre statues symboliques et présenta à sa partie supérieure une aigle aux ailes éployées. Les matériaux de cette façade furent la pierre d'Arles, celle de Valence et le marbre. L'intérieur, pourpre, blanc et or, s'agrémenta de peintures dues à l'artiste Cambon. La coupole, azurée et fleurie, reçut un lustre à triple guirlande de feux d'un magnifique effet.

La scène s'offrit avec une superficie de 231 mètres carrés. Le nombre des places qui, au début, était de 1 119, fut grâce â une emprise opérée sur le péristyle et moyennant une dépense de 147.900 francs, porté en 1860, à 1.380. Des transformations nouvelles permirent en 1871, d'élever ce nombre à 1.534.

Quelques jours avant l'ouverture, on procéda, sous le contrôle des autorités et avec le concours de 1.000 soldats et de 500 civils, aux épreuves de solidité qui furent des plus satisfaisantes.

On reprocha toutefois au nouveau théâtre, d'avoir une salle trop en hauteur, une scène insuffisamment étendue et trop basse, et une tapisserie trop rouge à l'intérieur des loges.

L'inauguration eut lieu le 29 septembre 1853 en présençe du Maréchal Randon, du Préfet Lautour-Mezeray et du Maire de Guiroye.

L'affluence fut si grande que l'on dut refuser l'entrée à plus de 300 personnes.

On joua en cette soirée : Alger en 1830 et 1853, et une pièce lyrique dont le livret était de M. Descous, ancien officier de l'Empire, et la musique du baron Bron, chef de Cabinet du Préfet.

Le Ministre de la Guerre que la chose regardait alors, mit à la tête de ce théâtre, Mme Veuve Curet avec le titre de "directrice privilégiée". Les frères Van Ghèle furent chargés de la conduite de l'orchestre.

En avril 1864, en l'honneur d'Alexandre Dumas, présent, fut jouée La Dame aux Camélias.

Le 9 mars 1855, le premier concert classique fut donné dans le foyer avec MM. Salvador Daniel, Roy, Van Ghèle, Luce.

Le 10 mai 1865, l'Empereur Napoléon III, lors de son second voyage à Alger, assista dans la loge du Maréchal de Mac-Mahon, à la représentation de Rigoletto. La salle en cette occasion, avait été admirablement décorée et illuminée.

En 1866, le souverain offrit à la ville, un tableau de Couverchell (élève d'Horace Vernet), toile de dix mètres de longueur, représentant la capture du chérif Mohammed ben Abd-Allah, près de Ouargla. Ce tableau orna le foyer. Relégué quelque temps, sous les combles de l'ancien Musée, il fut dans la suite remis au jour.

Le 19 mars 1882, un terrible incendie détruisit ce théâtre. Seuls les murs extérieurs demeurèrent debout. La bibliothèque, évaluée à 200.000 francs, disparut dans les flammes. Un théâtre provisoire fut élevé sur le bastion Waïsse.

Peu après, le monument fut réédifié suivant de plus vastes proportions, par l'architecte Oudot. Une placette située en arrière de l'ancien monument, que décorait une fontaine coulant d'un rocher, dont le bloc se dressait en une cavité ménagée dans le mur de soutènement du marché de la Lyre, fut occupée par une salle des Fêtes, de style hispano-mauresque, qui fit suite à la scène. Le rocher et le cul-de-four de la fontaine furent conservés quelque temps à l'intérieur du théâtre. A leur place se trouve aujourd'hui une porte donnant accès dans les sous-sols de l'escalier de la Lyre, où est remisée une partie des décors.

Le nouveau monument occupa une surface de 1.991 mètres carrés dont 695 réservés à la scène. Le nombre des places fut de 2.095. La dépense de la reconstruction s'éleva à 1.150.000 francs.

La façade présenta comme l'ancienne une décoration de style Renaissance. Elle fut parée de mosaïques et de marbres polychromes. Les statues de 1853 y figurèrent à. nouveau. L'inauguration eut lieu en décembre 1883.

En 1887, le théâtre qui avait été successivement "impérial" et "national", devint "municipal". A ce moment l'État, en raison de ses charges grandissantes, s'était trouvé dans l'obligation de se désintéresser de cet établissement artistique ainsi que de bien d'autres d'ailleurs. La subvention de 30.000 francs dont il le faisait alors bénéficier, lui fut de ce fait supprimée. La ville dut pourvoir seule à son entretien.

Le budget consacré par la commune passa successivement de 30.000 francs à 60.000 et à 80.000 francs.

Mais cette somme devait être bientôt dépassée; elle était avant la guerre de cent mille francs. C'est d'un régime différent que relève maintenant ce théâtre.

En 1912, un autre théâtre, l'Alhambra, fut élevé, rue d'Isly. Ce dernier à son tour, devint la proie du feu en 1935.