Hôtel du
Premier Président
(Première Mairie
Ce fut dans l'une des plus élégantes
maisons de la ville, au n° 38 de la rue Socgemah (actuellement n°
9) que fut installée la Mairie en 1830.
Cette maison en une partie de laquelle logeait le Sous-Directeur de l'Intérieur,
fut par décision ministérielle du 14 novembre 1838, attribuée
en totalité au Procureur Général. C'est aujourd'hui
la résidence du premier magistrat de la Cour d'Alger. Cet immeuble
était dénommé au moment de la Conquête : Hôtel
Bacri ( Nom de la famille dont s'est
associé le souvenir à celui de la Conquête.).
Une ruelle voûtée s'ouvrant sur la gauche du porche d'entrée
et débouchant sur le passage Mantout, portait le nom de : passage
Bacri. (Voir à
Rues, impasse Bacri).
Un acte ancien fait connaître que cette maison était située
"au-dessus de la chapelle de Sidi-Ahmed-ben-Abd-Allah",
saint personnage inhumé dans la
rue Socgemah en 1458.
Au début de l'occupation, et avant que l'État n'en eût
pris possession, l'immeuble avait été loué pour 25
ans au prix annuel de 1.000 boudjous, à un sieur Gantois. Ce dernier
en réclama la restitution en 1835. Mais il fut débouté
de ses prétentions.
L'État qui après expropriation, l'avait acquise pour 80.000
francs, du prince Omar et de la princesse N'fiça, enfants d'Hussein,
se déclara légitime et permanent propriétaire de
cette demeure. Celle-ci appartenait antérieurement. à la
princesse Khedaouedj-el-Aamïa (l'aveugle), fille du Dey Hassan. Une
légende dit que cette princesse qui était d'une rare beauté,
perdit subitement la vue tandis qu'elle se contemplait en un miroir. De
là, le surnom qui lui fut donné. Son prénom "Khedaouedj"
signifie : Petit Géranium.
L'un des salons de la jolie résidence du Procureur général
a été enrichi sous le Maréchal Pélissier,
d'exquises broderies murales, oeuvre du sculpteur Latour.
Ce palais est vraiment remarquable. Sont d'un réel intérêt
son vestibule, ses escaliers, ses couloirs, ses galeries, ses salles revêtues
à profusion de Delft, de faïences siciliennes, sa cour à
colonnade de marbre et à lanternes turques. Mais son grand attrait
s'exerce surtout en ce grand salon, tout de dentelle, oû le plâtre
fouillé présente un délicieux décor de fleurs,
d'entrelacs, de stalactites qui s'entremêlent harmonieusement au
long des murailles, aux creux des voussures, dans le cadre des claustras
aux vitraux polychromes.
Là, descendit en 1832, le baron Pichon, Intendant civil de la Régence.
En 1833, y fut organisée la première exposition agricole
d'Alger.
En ce cadre furent données par la municipalité,
de magnifiques fêtes où parurent les princes d'Orléans.
Après 1839 d'autres fêtes suivirent, qu'offrirent les Chefs
de la Justice. Le roi Louis II de Bavière, grand amateur de choses
d'art, l'Empereur Napoléon III vinrent en cette résidence.
La Mairie fut en 1839, transférée rue Porte-Neuve au n°
120, en 1850 rue du Vieux-Palais, en 1883, boulevard
de la République.
Elle sera prochainement boulevard
Carnot. De juillet à décembre 1830, elle avait
été au Consulat de France, rue Jean-Bart (actuel Hôtel
du Général d'Artillerie). Sous les Turcs, elle était
en la rue (disparue) de la Couronne (voir à Rues).
Magistrats municipaux
:
Nous ferons remarquer que les premiers maires
d'Alger n'exercèrent que les fonctions d'officiers d'Etat Civil.
Les fonctions de maire et celles de préfet furent en réalité
exercées par l'Intendant Civil.
L'Intendant Bresson dérogea à cette coutume en faveur de
son ami, M. Cottin; mais ce ne fut que le 8 juillet 1847, que le maire
fut conféré de toutes les prérogatives dérivant
de son titre.
Avant la Conquête, le maire
d'Alger avait nom : Scheik-el-Bled.
Ce fonctionnaire avait entre autres attributions, celle de lever une contribution
hebdomadaire sur les boutiques et sur les corps de métiers. Il
avait en outre, à fournir par voie de réquisition, les mulets
et les chevaux de transport nécessaires aux troupes turques envoyées
au dehors, et de défrayer pendant leur séjour à Alger,
les envoyés de l'intérieur. Sa résidence était
sur un point où passe l'actuelle rue de la Lyre inférieure,
sa villa, à
Birkadem (Djenan Scheik-el-Bled).
Il administrait la ville avec le conseil des Amins.
A la tête des municipalités d'Alger furent : MM. Bruguière,
sous-intendant militaire, 1830 (8 juillet). - Cadet de Vaux, 1830 (9 septembre).
- Cottin, 1832. - Girot (adjoint), 1835. - Clément, 1837. - Baron
Hubert, 1841. - Comte de Vesins, 1844. - Lechesne, 1848. - De Guiroye
(intendant), 1854. - Sarlande, 1859. - Wuillermoz, 1871. - Blasselle,
1874. - Mongellas, 1877. - Feuillet, 1878. - Guillemin, 1880. - Voinot,
1899. - Max Régis, 1901. - Altairac, 1902. - Savignon, 1909. -
De Galland, 1911. - Raffi, 1922. - Brunel, 1929. - Rozis, 1935.
Plusieurs communes de la banlieue d'Alger firent dans les premiers temps,
partie de la cité. Comme plus importante agglomération figura
Mustapha dont, dès 1835, fut décidé
le premier détachement. Le baron de la Vallée y exerça
les fonctions de maire. Rattaché en 1848, Mustapha fut alors administré
par des adjoints spéciaux, lesquels furent MM. Augier, Lieutaud,
le baron de Forges et Bru.
La première mairie de ce quartier suburbain eut pour cadre la tour
de l'ancien puits à roue, bordant la route de Mustapha-Supérieur,
près du Palais d'Été, et qui servit plus tard d'église.
Ce château hydraulique qui irriguait auprès, une propriété
du Dey Hussein, avait été en 1830, occupée par le
Télégraphe Aérien.
Cette tour fut démolie en 1914. Détail.curieux, l'ancien
bénitier de marbre, ainsi que nous avons pu le constater, servit
jusqu'à la démolition, d'auge à boire à de
la volaille élevée là.
Détaché à nouveau en 1871, Mustapha eut comme maires,
MM. Barberet, Vaissière, Bru, Ariès-Dufour, Bru, Kling,
Francoz, Caren, Kling, Pradalle, Chaze, Marès.
En 1904, Mustapha fut définitivement rattaché à Alger.
Le Théâtre
voir aussi les pages "Opéra"par
Arnaudiés
Alger eut de bonne heure son théâtre.
On connaît cette pensée d'Outre-Manche : l'Anglais, dans
une colonie, débute par un chemin de fer, l'Espagnol, par une église,
le Français, par un théâtre.
Aussi, trois mois après la prise d'Alger, le général
Clauzel décidait-il la création en El-Djezaïr, d'une
salle de spectacle où devaient être joués des opéras
et représentés des ballets.
Le premier théâtre fut ouvert dans
la rue des Consuls. Un sieur Mirecourt en était le directeur,
auquel succéda, le 1er septembre 1833, Mme Dacosta qui récréa
la toute nouvelle société algéroise : "de
comédies et d'opéras variés".
Le prix des places de parterre était de 1 franc, celui des "parquets"
de 2 frs 50. Une loge de quatre places se payait 15 francs pour une soirée
ou 1.000 francs pour toute la saison.
Alger possédait en même temps un "Cirque Olympique",
situé sur l'esplanade Bab-el-Oued, que dirigeait un sieur Desormes.
Les exercices de voltige et d'équitation n'étaient pas cependant
les seules attractions qu'on y trouvât. On allait y voir jouer aussi
La Bataille des Pyramides, La Jarretière de la Mariée, Hariadan
Barberousse, car cet établissement possédait aussi une scène.
La subvention allouée par l'État au théâtre
d'Alger était à cette époque bien modeste : 3.000
francs. Elle passa en 1834, à 12.000, puis fut ramenée à
6.000 en 1835.
Ce théâtre, que le "Moniteur Algérien"
du 21 juillet 1832 proclamait nécessaire ici, "comme moyen
de propagande civilisatrice", fut critiqué sévèrement
et jugé nuisible par le député Desjobert, "parce
qu'il révélait aux indigènes l'odieuse nudité
de Robert Macaire". Or, les indigènes ne fréquentaient
pas notre salle de spectacles!
De la rue des Consuls, le théâtre fut en 1837, transféré
dans la rue de l'Intendance, en un immeuble qu'occupèrent plus
tard des frères de la Doctrine Chrétienne, lesquels firent
la classe parmi des fresques païennes où triomphaient des
amours.
Les Algérois des temps de Damrémont, de Valée, de
Bugeaud, de Changarnier, de Randon, vinrent là voir jouer à
la lumière de quinquets fumeux, maintes pièces en vogue
des Boulevards et entendre des opéras dont l'exécution était
le plus souvent confiée à une troupe italienne ( En
octobre 1847 y fut joué : Le "Théâtre d'Alger",
pièce de Reyer et de Désiré de Léglise).
Pendant vingt années, fonctionnaires, artisans, commerçants,
colons, officiers venus entre deux campagnes goûter le charme de
la ville, généraux, maréchaux, princes royaux même,
trouvèrent dans ce petit théâtre des distractions
d'autant plus appréciées que l'exil en ce pays barbaresque
devenait parfois bien pénible...
Mais le chiffre sans cesse croissant des spectateurs rendit nécessaire
la création d'une salle plus grande. Le théâtre de
la rue de l'Etat-Major (ainsi avait-on pris l'habitude de le dénommer),
fut alors remanié, agrandi et embelli par l'architecte Robinot-Bertrand
avec la collaboration des Condamnés du Colonel Marengo.
Une élégante façade fut dressée rue du Soudan,
en arrière du Palais d'Hiver. Les portes du nouvel établissement
furent ouvertes le 15 septembre 1850.
Chose digne de remarque, le critique théâtral de l'époque
constatant que tous les acteurs avaient été reçus,
déclara que le fait n'avait rien d'extraordinaire, étant
donnée "la rare indulgence du public algérois".
Combien avec le temps, devait changer le caractère de ce public
que redoutèrent tant les artistes venus ici plus tard, affronter
sa rigueur nouvelle.
La ville possédait encore un théâtre dit "des
Variétés", dans la primitive rue Bosa, voisine
de la galerie Duchassaing, puis auprès, le café chantant
"de la Perle" rue
d'Isly, la "Salle Gambini", et aussi deux
théâtres espagnols situés, l'un rue du Scorpion, l'autre;
rue de la Fonderie, théâtres dont les anciens journaux ont
fait d'intéressantes descriptions.
Enfin, le grand théâtre fut construit. Ce théâtre
qu'on avait dès 1830, rêvé de créer sur la
place du Gouvernement, fut élevé hors des portes d'Azoun,
sur la nouvelle place Bresson. On l'édifia dans le thalweg du ravin
du Centaure, sur l'emplacement d'une roche dont le dérasement coûta
25.000 francs.
Sa superficie fut de 1.430 mètres carrés. Il revint à
1.100.000 francs. La somme de 820.000 francs avait été au
préalable, fournie par les entrepreneurs Sarlande et Cie, qui reçurent
en compensation de la part de l'État, des terrains bordant la place
du Gouvernement et d'autres, situés pareillement à l'intérieur
de la ville.
Commencé en mai 1850, l'édifice fut terminé et aménagé
en septembre 1853. Son constructeur fut Sarlin, ses architectes : Chasseriau
et Ponsard. Contribua à l'oeuvre, Guiauchain, dont le fils fit
sur les quais, la Douane, à Mustapha, les tribunes du Champ de
Manoeuvre, etc...
La façade, conçue dans le style Renaissance, s'orna de quatre
statues symboliques et présenta à sa partie supérieure
une aigle aux ailes éployées. Les matériaux de cette
façade furent la pierre d'Arles, celle de Valence et le marbre.
L'intérieur, pourpre, blanc et or, s'agrémenta de peintures
dues à l'artiste Cambon. La coupole, azurée et fleurie,
reçut un lustre à triple guirlande de feux d'un magnifique
effet.
La scène s'offrit avec une superficie de 231 mètres carrés.
Le nombre des places qui, au début, était de 1 119, fut
grâce â une emprise opérée sur le péristyle
et moyennant une dépense de 147.900 francs, porté en 1860,
à 1.380. Des transformations nouvelles permirent en 1871, d'élever
ce nombre à 1.534.
Quelques jours avant l'ouverture, on procéda, sous le contrôle
des autorités et avec le concours de 1.000 soldats et de 500 civils,
aux épreuves de solidité qui furent des plus satisfaisantes.
On reprocha toutefois au nouveau théâtre, d'avoir une salle
trop en hauteur, une scène insuffisamment étendue et trop
basse, et une tapisserie trop rouge à l'intérieur des loges.
L'inauguration eut lieu le 29 septembre 1853 en présençe
du Maréchal Randon, du Préfet Lautour-Mezeray et du Maire
de Guiroye.
L'affluence fut si grande que l'on dut refuser l'entrée à
plus de 300 personnes.
On joua en cette soirée : Alger en 1830 et 1853, et une pièce
lyrique dont le livret était de M. Descous, ancien officier de
l'Empire, et la musique du baron Bron, chef de Cabinet du Préfet.
Le Ministre de la Guerre que la chose regardait alors, mit à la
tête de ce théâtre, Mme Veuve Curet avec le titre de
"directrice privilégiée". Les
frères Van Ghèle furent chargés de la
conduite de l'orchestre.
En avril 1864, en l'honneur d'Alexandre Dumas, présent, fut jouée
La Dame aux Camélias.
Le 9 mars 1855, le premier concert classique fut donné dans le
foyer avec MM. Salvador Daniel, Roy, Van Ghèle, Luce.
Le 10 mai 1865, l'Empereur Napoléon III, lors de son second voyage
à Alger, assista dans la loge du Maréchal de Mac-Mahon,
à la représentation de Rigoletto. La salle en cette occasion,
avait été admirablement décorée et illuminée.
En 1866, le souverain offrit à la ville, un tableau de Couverchell
(élève d'Horace Vernet), toile de dix mètres de longueur,
représentant la capture du chérif Mohammed ben Abd-Allah,
près de Ouargla. Ce tableau orna le foyer. Relégué
quelque temps, sous les combles de l'ancien Musée, il fut dans
la suite remis au jour.
Le 19 mars 1882, un terrible incendie détruisit ce théâtre.
Seuls les murs extérieurs demeurèrent debout. La bibliothèque,
évaluée à 200.000 francs, disparut dans les flammes.
Un théâtre provisoire fut élevé sur le bastion
Waïsse.
Peu après, le monument fut réédifié suivant
de plus vastes proportions, par l'architecte Oudot. Une placette située
en arrière de l'ancien monument, que décorait une fontaine
coulant d'un rocher, dont le bloc se dressait en une cavité ménagée
dans le mur de soutènement du marché de la Lyre, fut occupée
par une salle des Fêtes, de style hispano-mauresque, qui fit suite
à la scène. Le rocher et le cul-de-four de la fontaine furent
conservés quelque temps à l'intérieur du théâtre.
A leur place se trouve aujourd'hui une porte donnant accès dans
les sous-sols de l'escalier de la Lyre, où est remisée une
partie des décors.
Le nouveau monument occupa une surface de 1.991 mètres
carrés dont 695 réservés à la scène.
Le nombre des places fut de 2.095. La dépense de la reconstruction
s'éleva à 1.150.000 francs.
La façade présenta comme l'ancienne une décoration
de style Renaissance. Elle fut parée de mosaïques et de marbres
polychromes. Les statues de 1853 y figurèrent à. nouveau.
L'inauguration eut lieu en décembre 1883.
En 1887, le théâtre qui avait été successivement
"impérial" et "national", devint "municipal".
A ce moment l'État, en raison de ses charges grandissantes, s'était
trouvé dans l'obligation de se désintéresser de cet
établissement artistique ainsi que de bien d'autres d'ailleurs.
La subvention de 30.000 francs dont il le faisait alors bénéficier,
lui fut de ce fait supprimée. La ville dut pourvoir seule à
son entretien.
Le budget consacré par la commune passa successivement de 30.000
francs à 60.000 et à 80.000 francs.
Mais cette somme devait être bientôt dépassée;
elle était avant la guerre de cent mille francs. C'est d'un régime
différent que relève maintenant ce théâtre.
En 1912, un autre théâtre,
l'Alhambra, fut élevé, rue d'Isly. Ce dernier
à son tour, devint la proie du feu en 1935.
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