Alger, Algérie : documents algériens
Série économique
Secteur d'améliorations rurales *
Bilan au 1er Décembre 1947
mise sur site le 14-10-2011
* Document n° 39 de la série : Économique - Paru le 15 décembre 1947 - Rubrique PAYSANAT

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Annexe sous forme de PDF :

tableau des céréaliculteurs
tableau des arboriculteurs
tableau des cultures maraichère
tableau élevage
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Secteur d'améliorations rurales

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Carte des secteurs d'améliorations rurales
Carte des secteurs d'améliorations rurales
Bilan au 1er Décembre 1947

Les Documents Algériens ont déjà exposé le but ( Série Economique n° 10, du 17 mai 1946 - PAYSANAT - Réformes agraires réalisées en 1945.) et l'organisation générale (Série Economique n° 13, du le, juin 1946 - PAYSANAT - Secteurs d'améliorations rurales.) des Secteurs d'Améliorations rurales.

Deux de ces réalisations ont fait l'objet d'études complètes et détaillées (Série Economique n° 26, du 20 mai 1947 - PAYSANAT - Le S.A.R. de M'Rabtin-Djorf. Série Economique n° 36, du 25 octobre 1947 -Le S.A.R. de la vallée du Guir. ) et une mise au point des résultats d'ensemble au 1rr janvier 1946 a été publiée (- Secteurs d'améliorations rurales. ).

Huit secteurs fonctionnaient à cette époque : ils sont au nombre de 81 maintenant, avec les 19 créations nouvelles qui viennent d'être approuvées le 25 novembre 1947 par le Comité permanent du Paysanat.

Le bilan suggestif de ces deux dernières années permet d'affirmer la réussite de la reforme entreprise. Reforme capitale car elle vise à l'amélioration des conditions de vie d'une partie de la population jusqu'ici misérable.

Après une période de mise au point qui a d ailleurs été assez courte, une organisation très souple a été mise sur pied. Les différentes formules ont permis son adaptation à toutes les activités rurales (céréaliculture, arboriculture, élevage, cultures en terrains irrigués) et ceci quel que soit le régime de la propriété.

Certes, les difficultés rencontrées, matérielles et morales, sont nombreuses. Une réforme d'une telle portée ne s'accomplit pas sans heurts, étant données les conditions économiques générales actuelles et la méfiance bien connue de l'homme de la terre, pour tout ce qui semble porter atteinte à son individualité. Cependant, si la précarité des approvisionnements en matériel reste aussi sensible, il semble maintenant que les difficultés d'or dre moral soient aplanies. L'expérience de cette dernière année montre qu'après les réticences de la première heure, les populations rurales sont rapidement gagnées par les formules nouvelles, témoignent d'une entière confiance dans les projets qui leur sont exposés et se plient avec discipline aux directives qui leur sont données.

LES DIFFERENTS GROUPES DE SECTEURS D'AMELIORATIONS RURALES

Bien que le but recherché par les réformes agr aires entreprises depuis 1944 soit unique et vise à l'amélioration des conditions de vie de la paysannerie musulmane, les voies empruntées pour leur réalisation sont multiples. Il s'agit tantôt de recaser sur des terres récupérées (domaniales, communales, propriétés privées achetées) de petits fellahs ne possédant rien, tantôt d'éduquer et d'aider ceux qui, propriétaires et éleveurs n'obtiennent, du fait de leurs manières culturales archaïques ou de leurs méthodes d'élevage défectueueses, que des rendements dérisoires ou des produits dépréciés.
La conception générale du paysannat impose de distinguer entre les fellahs et pasteurs algériens qu'ils soient à éduquer ou à recaser des groupes bien définis : Céréaliculteurs, Eleveurs, Arboriculteurs, Maraîchers.

LES S.A.R. DES CEREALICULTEURS

Les S.A.R. des céréaliculteurs s'étendent et sont destinés à se développer dans boutes les régions de l'Algérie, reconnues propres à la culture du blé. Un secteur a été aussi créé dans les Territoires du Sud. Les propriétaires établis occupent des terres qui permettent des récoltes satisfaisantes recevant annuellement une tranche pluviométrique de 375 m/m. au minimum et généralement situées à des altitudes qui échappent aux dangereuses gelées printanières. Pour les fellahs recasés, le principe d'une attribution de 10 hectares comportant l'assolement biennal avec jachères labourées quelle que soit l'organisation envisagée pour l'exploitation, a été adoptée.

Ce groupe de paysanat de beaucoup le plus important, les céréales étant à la base de l'alimentation des populations algériennes, totalise une superficie de plus de 30t.000 hectares. Si l'on tient compte de ce que les terres cultivées en céréales de l'Algérie sont de l'ordre de 3.000:000 d'hectares, on comprendra la portée dune réforme qui doit dans des délais assez brefs améliorer les rendements du 1/10 des terres actuellement productrices.

     Nature juridique des terres
Les terres où ont été créés les S.A.R. sont de natures diverses. Terres domaniales ou communales récupérées, propriétés privées achetées par l'Administration sont en général la base des secteurs de recasement. Quant aux secteurs destinés à éduquer et aider les fellahs et colons déjà établis, ils sont constitués soit par des terres francisées, soit par des terres Melk ou Arch.

     Organisation des S:A.R. de céréaliculteurs
L'action entreprise a été basée k la fois sur des études techniques et sur une connaissance attentive du milieu physique et humain. Conduite selon un plan, d'ensemble conçu pour répondre au double souci d'augmenter rapidement la production et d'u Miser toutes les ressources, elle a tenu compte de toutes les formules qui, dans la situation présente de l'économie rurale algérienne et de l'évolution des esprits, méritent d'être prises en considération.

On ne pouvait, en une matière aussi délicate, se contenter d'une étude superficielle et d'une exécution uniforme. Aussi le travail de base et de re:,nerche sur le plan local est-il effectué en grande partie par des personnes compétentes et notammen t les fonctionnaires qui ont la responsabilité de la conduite d'une commune, de son évolution et de l'amélioration des conditions de vie de ses habitants.

Une fois constitué, le S.A.R. est placé sous le contrôle direct du Président de la S.I.P. sur le territoire de laquelle il a été créé. La direction technique est confiée à l'Agent technique de la S.I.P. dont dépend la commune et les comptes sont tenus à jour par l'Agent comptable de cette S.I.P. Les fonds nécessaires au démarrage et à la bonne marche du S.A.R. ont parfois été avancés en partie par les S.I.P. elles-mêmes ou par leur fond commun.
Le plus souvent, cependant, après délibération et décision du Comité du Paysanat du Gouvernement Général, les sommes jugées nécessaires sont prises, s'il s'agit de subventions, sur les fonds du Paysanat (qui s'inscrivent pour 400 millions de francs au budget de 1947), soit sur les disponibilités du Fonds commun des S I.P. s'il s'agit d'avances remboursables. Elles sont ensuite mises à la disposition des S.I.P. intéressées.

     Mise en chantier

Lorsqu'il s'agit de fellahs déjà propriétaires, le démarrage du Secteur dépend essentiellement de l'aide plus ou moins substantielle qui peut leur être apportée : c'est-à-dire préparation du sol au tracteur, prêts de semences, de petits équipements, etc...

Il convient, dans ce cas, de ramener dans le cycle de la production des terres qui en sont sorties et qui, en fin de compte, seraient venues dans un délai plus ou moins long agrandir le domaine d'un gros propriétaire terrien européen ou musulman.

Pour faire revivre ces terres, un matériel mécanique, acheté grâce aux avances consenties par les S.I.P. et aux subventions accordées sur les fonds du Paysanat, a été mis à la disposition des adhérents des S.A.R. de céréaliculteurs.

L'ensemble du matériel lourd possédé par cette catégorie de S.A.R. comprend :
- 21 tracteurs de modèles divers,
- 8 charrues à disques et 21 charrues lourdes,
- 3 déchaumeuses (14 disques),
- 2 charrues balance,
- 1 sous-soleuse,
et le matériel léger :
- 1.054 araires, 267 brabants,
-513 herses,
- 25 espicadoras,
- 14 déchaumeuses légères à traction animale.

Le cheptel de trait et de labour totalise : 1.645 (êtes.

     Les difficultés rencontrées

Les réalisations de ces trois dernières années ne représentent certes que le début d'une action beaucoup plus considérable. Les résultats en sont déjà appréciables, mais il serait vain de dissimuler les difficultés auxquelles se heurtent la plupart des S.A.R. L'acquisition de matériel, rendue particulièrement difficile en cette période de pénurie, se fait rarement au rythme voulu et les engins mécaniques existants fournissent souvent un nombre d'heures de travail élevé qui en accélère l'usure.

En de nombreux points, les emblavures doivent être effectuées sur des terrains non préparés et les rendements s'en ressentent.

Parfois la viabilité de la région ne permet qu'un accès difficile au S.A.R., d'où lenteur d'acheminement des matières premières et du matériel indispensable. Mais le fellah, qui a maintenant compris la part qui lui revient dans l'édification d'une oeuvre dont il est le premier à bénéficier, se transforme volontiers en cantonnier, construisant les voies d'accès au S.A.R. et les chemins intérieurs. C'est ainsi qu'aux Berkèches, la caillasse provenant du dépierrement des terres mises à la disposition des fellahs recasés a permis à ceux-ci de tracer et de construire de leurs propres mains toutes les voies internes du secteur.

Il faut espérer que des conditions économiques meilleures permettront la solution rapide des problèmes mat;:riels actuellement posés. Ce qui importait, dans les S A.R. qui fonctionnent actuellement, ce qui importe dans ceux qui démareront prochainement, c'est de gagner la confiance des intéressés. Il semble que le résultat ait été obtenu si l'on en juge par le ton des rapports des différents administrateurs présidents des S.I.P.

     Attitude morale des adhérents des S.A.R.

" Les fellahs montrent en général une entière confiance dans nos projets et se plient volontiers à ncs directives. " (S.A.R. d'Aïn-Bouchekif - Administrateur de Tiaret.)

" Les difficultés d'ordre moral ont été sérieuses au départ. A l'exception des trois premiers adhérents, un propriétaire musulman et deux colons européens, qui ont immédiatement compris l'intérêt du S.A R. et dont l'importance des propriétés (près de 300 hectares) assurait, dès le début, l'emploi d'un tracteur, la masse des fellahs n'était pas sans inquiétude sur notre action, croyant y voir une menace de création d'un périmètre de colonisation ou d'un danger d'expropriation ou d'un contrôle de leurs récoltes. Cependant, nos méthodes de travail, l'aide apportée aux premiers adhérents ne tardaient pas à convaincre la population de notre effort, purement désintéressé en sa faveur, et une nouvelle opinion favorable au S.A.R. s'édifiait rapidement. Les succès culturaux enregistrés à la récolte malgré la sécheresse ralliaient enfin définitivement les plus septiques et les plus méfiants. Les demandes de labours au tracteur affluent maintenant à la S.I P. de la part de fellahs non seulement des Touares, mais encore des régions éloignées. Actuellement, la situation morale du S.A.R. est parfaitement établie et aucune difficulté n'est plus à craindre à ce point de vue ".
(S.A.R. des Touares. - L'Administrateur principal de Cherchell.)

" Comme il s'agissait d'adhésions volontaires au S.A.R., les débuts ont été extrêmement difficiles, les petits fellahs n'ont pas compris tout de suite le sens de l'action entreprise en leur faveur. "

" A l'heure actuelle, les fellahs du S.A.R. qui ont pu ensemencer leurs terres dans d'excellentes conditions se déclarent tous très satisfaits de cette nouvelle formule. Ils se plient progressivement aux indications qui leur sont données, mais il y a encore beaucoup à faire pour obtenir d'eux une exécution ponctuelle des travaux qui leur incombent. "
(S A.R. du Sersou - L'Administrateur de la Commune Mixte du Sersou).

" Le succès enregistré à la fin de la campagne agricole 1947-1948 a été tel que plusieurs centaines de demandes d'adhésion au S.A.R. (nombre initial d'adhérent, 8) ont été reçues au cours de l'été 1947. Aussi l'administrateur a-t-il pu, à partir de ce moment, envisager l'avenir avec confiance et n'a-t-il pas hésité à élaborer un projet d'extension du S.A.R. des Ouled-Mimoun. "
(S.A.R. des Ouled-Mimoun - L'Administrateur principal de la Commune de Sebdou).

Ces extraits des différents rapports d'Administrateurs traduisent l'opinion générale des dirigeants des S.A R. de céréaliculteurs.

     Les résultats obtenus

Les résultats de la commercialisation des récoltes dans les S.A.R. fonctionnant actuellement sont déjà fort appréciables. L'amélioration essentielle réside dans le perfectionnement des techniques culturales. Labours profonds en période sèche, apports d'engrais judicieusement choisis, pratique de l'assolement. L'intérêt de cette dernière méthode est difficilement compris d'une façon générale par les fellahs. Seule, l'augmentation des rendements les conduit à entreprendre d'autres ensemencements que celui du blé. Ceci étant d'ailleurs facilement compréhensible en une période où les quantités récoltées suffisent à peine à subvenir aux besoins les plus immédiats.

Les rendements enregistrés pour la récolte 1946-1947 varient avec les régions mais marquent partout une augmentation sensible comparativement à ceux obtenus sur les terres de la région ne faisant pas partie du S.A.R.

- --- S.A R. des Ouled-Mimoun :
Blé dur : 8 q 40 au lieu de 4 q à l'hectare.
Orge : 12 q au lieu de 5 q à l'hectare.
Avoine : 10 q au lieu de 2 q à l'hectare.

- -- S.A.R. des Touares :
Blé dur : de 12 à 15 q pour les parcelles ensemencées avant le 15 novembre.
de 6 à 8 q pour les parcelles ensemencées après le 15 décembre.

Le rendement moyen était de 3 quintaux.

Certains S.A.R. cependant défavorisés par un démarrage plus tardif ou par des conditions atmosphériques défectueuses, ne donneront de résultats sensibles qu'au cours des prochaines campagnes.

Les rendements les plus bas ont été obtenus au :
---- S A.R. de Tamelahat :
          Blé dur, 3,5 q à l'hectare
          Blé tendre, 5 q à l'hectare,
et au S.A.R. d'Aïn-Bouchekif :
          Blé dur, 2,5 q à l'hectare (à cause d'une sécheresse excessive et de semailles tardives).

     Action sociale et morale

Des résultats exposés ci-dessus, il ressort que les fellahs sont dans l'ensemble parfaitement désireux de s'adapter à des méthodes de travail autres que celles qu'ils employaient depuis toujours. Ils comprennent profondément l'intérêt d'un bon labour, par exemple ou de l'emploi de semences de choix.
Mis en confiance et le premier pas est déjà fait dans cette voie, ils viennent naturellement aux méthodes de culture que le S.A.R.doit leur enseigner.
La question de l'habitat, pressante sur certains secteurs de recasement, est en voie de résolution. Fermes isolées ou villages sont construits dans la mesure du possible en tenant compte des ressources locales.

Ce problème capital, en ce qui concerne l'évolution des masses paysannes musulmanes, ne présente cependant actuellement qu'un caractère d'urgence relatif pour les petits propriétaires déjà établis et il ne s'agit pour eux que d'envisager d'utiles améliorations à des maisons trop souvent encore primitives et fragiles.

Augmenter les revenus et la production de cette couche de la population ; l'aider à améliorer une situation souvent précaire, tel est le but des Secteurs d'Améliorations Rurales. Mais la création de ces centres n'aurait contribué que dans une faible proportion à réaliser ce projet, s'ils n'avaient pas eu valeur d'exemple et si, dès leur constitution, ils n'avaient pas pris le caractère organique d'une cellule de base à laquelle sont destinées à venir s'agréger les exploitations environnantes, le résultat ayant déjà été atteint avec certaines d'entre elles.

LES S.A.R. DES MARAICHERS

La première expérience tentée en 1938. dans le secteur de la culture maraîchère, fut celle de I3eniOuassine (Commune mixte de Marnia). Considérablement agrandi depuis, ce secteur d'améliorations rurales a évolué vers l'arboriculture qui constitue maintenant l'objet principal de son activité.

Le seul secteur de maraîchers fonctionnant actuellement mérite une étude spéciale, étant donné sa réussite qu'il convient d'affermir et d'améliorer et qui est due en premier lieu à la compétence de son président, administrateur principal de la Commune mixte.

A Cheria (Commune mixte de Tébessa) un lot communal d'une superficie de 100 hectares qui, au début de 1946, était encore une pauvre terre de parcours recouverte de joncs, est aujourd'hui transformée en un magnifique jardin bordé sur sa partie nord par un superbe verger qui groupe plus de 2.000 arbres fruitiers. 150 chefs de famille (pasteurs ruinés par la présente crise ou bergers dépourvus d'embauche faute de troupeaux) participent. à l'exploitation de ce véritable domaine.

L'extension de centre s'avère possible sur 200 hectares, la composition chimique et physique de la couche végétale des terrains communaux et domaniaux limitrophes étant identique à la sienne et les nouveaux besoins de l'irrigation n'absorbant qu'une faible partie d'une nappe phréatique d'une rare abondance.

L'habitat a fait l'objet d'une étude minutieuse. Une maison type de paysan édifiée pour servir à l'étude du prototype choisi pour la cité de recasement (100 maisons) qui doit être bâtie à Chéria, ainsi que deux logements pour les maîtres ouvriers et deux logements pour les chefs de cultures ont été construits depuis 1946.

Afin de permettre l'écoulement des produits des jardins créés à des prix rénumérateurs, un local coopératif a été édifié qui permet leur stockage et leur vente.

La réussite de l'oeuvre entreprise permet de bien augurer de la mise en valeur de ce vaste bassin : Chéria, hier encore simple halte et lieu d'abreuvement des caravanes, est aujourd'hui un centre actif qui peut fort bien devenir le hardi prototype de la coopérative de production.

LES S.A.R. D'ARBORICULTURES

Cinq S.A.R. d'arboriculteurs couvrant une surface de 10.883 hectares et groupant 966 fellahs tionnent actuellement.

Arboriculture fruitière, viticulture, oléiculture, accessoirement cultures maraîchères, y sont quées à des degrés d'agancement divers. En effet, tandis que le S.A.R. de Beni-Ouassine donne des résultats notables depuis quelques années, que celui de Djorf ayant achevé des plantations viers sur 1.600 ha., entreprend la réalisation de satroisième tranche (1.603 ha.), celui de Chelafa mence à peine à constituer ses pépinières.

Le fonctionnement de cette catégorie de S.A.R. ressemble assez à celui des S. A. R. de céréaliculteurs. Les Documents Algériens ont d'ailleurs exposé en détail la situation de l'un de ces centres ( Voir Documents Algériens, Série Economique n° 26, du 20 mai 1947 - PAYSANAT - S.A.R. de M'Rabtin-Diorf.)

LES S.A.R. D'ELEVAGE

Présentant une importance aussi capitale que les S.A.R. de céréaliculteurs, les S.A.R. d'élevage sont destinés à améliorer la situation des petits éleveurs algériens qui se présente depuis 1945 d'une manière assez difficile. Etant donné les conditions géographiques et climatiques variables suivant la latitude, le problème a été envisagé de manière sensiblement différente selon qu'il s'agissait des territoires du Nord et des territoires du Sud.

Les 41 Secteurs actuellement créés sont tous situés dans les territoires du Nord, 21 fonctionnent depuis quelques mois, celui de Boghari depuis un an, 19 viennent d'être créés par décision du 25 novembre 1947 du Comité du Paysanat.

     Situation actuelle de l'élevage d'ovins

A la suite de plusieurs années de sécheresse, les troupeaux ovins ont subi des pertes considérables, atteignant et souvent même dépassant les 4/5 de l'effectif. La reconstitution ne se fait que très lentement, car les éleveurs, dépourvus de fonds, vendent à la boucherie, à des prix rémunérateurs, toutes les bêtes en état, y compris les femelles.

La laine est de qualité médiocre, les toisons presque toutes jarreuses. La pratique de la vaine pâture aboutit à un apprauvrissement constant de la flore utile des terrains de parcours et les bêtes sont abreuvées dans dos conditions défectueuses car les points d'eau font défaut en de nombreux points ou sont trop éloignés les uns des autres.

Le troupeau, toujours conduit de façon primitive, n'est pas défendu contre les maladies, notamment la gale, les vers intestinaux et la clavelée.
Enfin, la culture des plantes fourragères et le stockage des réserves nutritives est inconnu.

C'est pour remédier à ce déplorable état de choses que l'organisation des S.A.R. d'élevage a été mise sur pied.

     Les S. A. R.

Dans les territoires du Nord (et c'est le cas de tous les secteurs actuellement créés) les S. A. R., qui s'étendent sur 5.937.741 ha, sont des fractions des territoires des S.I.P., véritables petites régions couvrant au moins un douar, mais plus souvent deux ou trois et qui grouperont, à leur dernier stade évolutif, tous les éleveurs vivant sur leur périmètre.

L'organisation de ces centres vise à la reconstitution du troupeau ovin et à son amélioration en quantité et en qualité.

     Reconstitution du cheptel ovin

Afin de permettre aux petits éleveurs ruinés, en partie ou totalement, de reconstituer leur cheptel. des prêts de troupeau remboursables en cinq annuités leur ont été consentis. En principe, ces troupeaux ne doivent pas comprendre plus de 20 brebis et un bêlier pour les éleveurs qui n'ont plus une seule bête. Le prêt accordé est alors en moyenne de 75.000 francs. Pour les autres, il est avancé le complément entre ce qu'ils possèdent encore et l'effectif indiqué ci-dessus.

     Amélioration du troupeau en qualité

Elle est opérée en deux temps : introduction immédiate de géniteurs de choix, d'un type bien adapté, susceptibles d'améliorer la qualité et la quantité de la viande mais, plus particulièrement, la qualité de la laine, puis sélection dans la race, opération qui sera poursuivie durant de longues années par la castration des mauvais géniteurs et l'augmentation des primes attribuées annuellement par la commission pastorale aux éleveurs présentant des béliers de type recherché.

     Défense du troupeau contre les maladies

A l'intérieur du périmètre de chaque S.A.R. seront créés un ou plusieurs centres de traitement où tous les troupeaux (ceux prêtés aux éleveurs par la S.I.P. et ceux leur appartenant en propre) seront rassemblés et visités périodiquement par l'Inspecteur du Service de l'Elevage de la circonscription. Ce technicien effectuera ou contrôlera l'exécution des opérations de : clavélisation, balnéation, castration des mauvais géniteurs.

Un centre de traitement existe déjà à Chabounia, sur le S.A.R. de Boghari, qui a été organisé le premier. Ce centre fonctionne parfaitement : 4.000 moutons peuvent y être traités journellement contre la gale dans une piscine très bien conçue de neuf mètres de long sur un mètre de large. Il comprend, en outre, un parc de triage, deux parcs d'attente, deux parcs d'égouttage, un poste de vaccination, un logement pour le moniteur d'élevage, un puits et un abreuvoir,

     Extension des zones da parcours

Certains parcours, riches en herbe, sont peu fréquentés faute de point d'abreuvement. Ils seront rapidement vivifiés par la remise en état des points d'eau existants et par la création de points d'eau nouveaux.

Une liaison étroite établie avec les services de l'hydraulique et de la colonisation a déjà permis quelques résultats intéressants. Six points d'eau ont été remis en état sur l'étendue du seul S.A.R. de Boghari. La réussite et le développement des S.A.R. d'élevage reposent, en très grande partie, sur l'amélioration de l'alimentation en eau et un gros effort d'hydraulique est entrepris.

     Amélioration de la qualité des pâturages

La mise en défense, dans chaque S.A.R. pour une période de trois à cinq ans, de vastes zones de parcours soumises, jusqu'à présent, à la vaine pâture, est la première mesure envisagée pour l'amélioration des pâturages. Ces zones seront appelées par la suite à faire l'objet d'ensemencement d'espèces annuelles et vivace et de plentiations de jujubiers, cactus et accacias.

Certes, cette mesure soulèvera, au début, quelques difficultés du fait qu'elle entrave les habitudes consacrés par le droit d'usage avec parcours, reconnu depuis toujours, aux populations pastorales. Mais l'obstacle peut être surmonté par la persuasion et, surtout, par la création d'un climat de confiance semblable à celui qui règne à Boghari où il a été dé montré que l'aide apportée aux éleveurs n'a qu'un but : protéger et sauver tous les troupeaux.

     Cultures d'espèces fourragères et stockage de réserves nutritives

Partout où l'eau peut être utilisée, sous une forme économique pour l'irrigation, on entreprend de cultiver des espèces fourragères bien adaptées et susceptibles de donner un important rendement en sec. Dans ce but, la construction de barrages d'épandage de crues est activement étudiée.
Les fourrages obtenus sur place et séchés constitueront la base des stocks de réserve. Cependant, il est prévu, dès maintenant, le transport rapide d'aliments de haute valeur nutritive cultivés dans les périmètres irrigables du nord, vers les régions d'élevage, pour les années de sécheresse exception. nelles et de graves disettes.

     La mise en route des S.A.R.

Il est incontestable que le financement des secteurs d'élevage est autrement important que celui des autres secteurs. En l'état actuel des réalisations, 625.470.000 francs ont été accordés au titre de prêts de troupeaux ou de subventions pour travaux indispensables à la marche de ces S.A.R.

PERSPECTIVES D'AVENIR

On comprendra, en examinant ces chiffres, toute l'importance attachée par l'Administration algérienne, à la réussite d'une opération dont dépend, en grande partie, le relèvement économique ainsi que l'évolution sociale et morale d'une fraction particulièrement intéressante de la population rurale musulmane.

L'examen de la carte et des tableaux annexés suffit amplement pour permettre de comprendre l'effort entrepris, ces dernières années, dans le secteur du paysanat.

L'ère des expériences est largement dépassée maintenant, mais celle des projets n'est pas close : la création de centres actifs d'élevage dans le Sud et de centrales mécaniques de culture des champs a été récemment étudiée par le Comité permanent du paysanat en vue de réalisations prochaines. La création d'un réseau serré de Secteurs d'améliorations rurales est une réalité réconfortante qui permet tous les espoirs en ce qui concerne les destinées immédiates et lointaines de l'agriculture algérienne.

Au terme d'une évolution qui doit être aussi rapide que possible, les Secteurs d'améliorations rurales, véritables germes de cristallisation, grouperont les terres environnantes et couvriront la superficie productrice de l'Algérie. Certains même, grâce aux travaux actuellement en projet et dont une partie est en cours, apporteront la prospérité dans des régions réputées jusqu'ici stériles. Le S A.R. n'est pas seulement un organisme d'amélioration de la production, mais sa constitution doit correspondre, dans certains cas, à la création de nouvelles richesses, si nécessaires à une population dont le niveau de vie général est encore bas et qui s'accroit sans cesse.

Enfin, le S.A.R. est destiné, souvent, à être le support économique de réalisations sociales et administratives et le berceau de nouvelles unités communales. Le Comité de gestion du S.A.R. peut devenir la préfiguration de futurs conseils municipaux, la pratique de la coopération et l'habitude de l'effort commun devant donner naissance à cette conscience collective qui est l'âme de la cité rurale.

Annexe sous forme de PDF :

tableaux des céréaliculteurs
tableau des arboriculteurs
tableau des cultures maraichère
tableau élevage
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