Paysanat Musulman
Secteurs d'améliorations rurales
et Sociétés indigènes de prévoyance
On sait que l'agriculture constitue la base
de l'économie algérienne et que les 4/50 de la population
musulmane vivent du produit du sol dont ils occupent plus de 9 millions
d'hectares. On connaît aussi la faiblesse des rendements obtenus
par les fellahs, l'irrégularité de leur production, les
difficultés nées du régime foncier, l'état
retardataire des moyens d'exploitation et des méthodes de travail.
Dans ce pays où la population s'accroît chaque année
de 130.000 unités, on compte déjà 600.000 familles
d'agriculteurs qui, ne possédant plus suffisamment de terres, doivent
faire l'objet d'un recasement.
La rapidité de cet accroissement démographique nécessite
donc l'utilisation de toutes les parcelles disponibles et pose le problème
de l'augmentation du rendement des propriétés déjà
mises en valeur.
L'amélioration nécessaire de l'agriculture musulmane revêt
ainsi un double caractère technique et social.
Des expériences non négligeables ont été précédemment
réalisés. Il importe aujourd'hui d'en tirer les enseignements
utiles pour passer à une action d'ensemble, dans tous les domaines
de la production agricole et dans toutes les régions, en se conformant
à un plan qui doit être sérieusement étudié
et mis en application avec méthode, par un personnel conscient
de l'importance de sa tâche.
Recasement et augmentation de la production ne sauraient être obtenus
sans une sérieuse discipline de travail, sans la modernisation
des moyens de production, sans une éducation qui donne aux fellahs
la conscience du but à atteindre et des moyens employés
pour l'atteindre.
Enfin, la variété des formules, reflet de la variété
des cultures et des sols, comme aussi de la diversité des habitudes
sociales, est indispensable dans l'application de ce plan, qui doit embrasser
à la fois la grande exploitation collective, dotée d'un
outillage motorisé, et le groupement de petites exploitations familiales.
La Commission Supérieure des Réformes a émis l'avis
que ce plan d'action entrait dans les attributions des Sociétés
Indigènes de Prévoyance.
La S.I.P. présente, en effet, la souplesse et l'efficacité
nécessaire à l'exécution d'un plan, qui, devant s'adapter
à une réalité économique et humaine très
diverse, ne saurait s'accommoder de formules rigides et uniformes ; elle
embrasse d'ailleurs un grand nombre d'activités qui s'exercent
:
Par le crédit
|
Prêts à court terme
(prêts de campagne).
|
|
Prêts à moyen terme
(prêts d'équipement).
|
|
Prêts à long terme (prêts
d'amélioration foncière)
|
Par la coopération - dans
toutes les branches d'activités agricoles
|
Sections coopératives d'achats
et de stockage
|
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Sections coopératives de transformation
|
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Sections coopératives de matériel
|
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Sections coopératives de cultures
ou d'élevage.
|
Par une éducation des fellahs
|
Conseils, directives, apprentissage,
vulgarisation technique, etc...
|
Organisme d'évolution destiné
à disparaître une fois son but atteint, la S.I.P. doit conduire
ses adhérents aux formes normales du Crédit de la Coopération,
en spécialisant leurs activités agricoles et en les groupant
dans les communautés d'intérêts. Elle met à
leur disposition un cadre économique, des méthodes et des
moyens de production susceptibles d'augmenter le rendement de leurs terres.
Elle les fait ainsi progressivement accéder à cette conscience
collective, âme de la cité rurale.
LE SECTEUR D'AMÉLIORATION
RURALES
Il importe, pour atteindre ce but, de constituer
des groupements où les fellahs auront le sentiment de contribuer
à une uvre commune, à laquelle pourront d'ailleurs
participer des cultivateurs européens. Cet ensemble cohérent
sera le Secteur d'Améliorations Rurales
(S.A.R.) qui devra constituer, dans le cadre de la S.I.P , le milieu économique
et social où se fera l'instruction technique et psychologique de
l'agriculteur musulman. Il sera la pièce maîtresse de la
réalisation du plan.
Bien que dépendant juridiquement de la S.I.P., le S.A.R. aura une
vie économique propre. Cette particularité se manifestera
:
- en ce qui concerne l'organisation, par la constitution d'un Comité
de Gestion élu par les membres du S.A.R. et,
- en ce qui concerne le fonctionnement, par délégation à
l'agent technique de la S.I.P. de la responsabilité de la marche
du S.A.R.
I. - CONSTITUTION DES S.A.R.
Les circonscriptions territoriales des S.I.P. sont trop vastes et trop
diversifies pour que le S.A.R., conçu à l'échelle
de possibilités humaines, puisse en épouser les limites.
Le Président de la S.I.P. devra donc, avec l'aide de son Agent
technique et en accord avec les Chefs de Communes, conseillés par
les Commissions communales de paysanat, procéder à un découpage
théorique du territoire de la S.I.P. en petites régions
économiques, appelées à servir de cadres géographiques
aux Secteurs d'Améliorations Rurales.
Les circonstances actuelles ne permettant pas de faire " démarrer
" tous les S.A.R. en même temps, le Président choisira,
dans les mêmes conditions, la région où le premier
d'entre-eux sera organisé.
Il conviendra, pour ce choix, de tenir compte de tous les facteurs de
réussite : superficie, potentiel de production et vocation culturale
des terres, résultats des réalisations de paysanat déjà
entreprises et à incorporer, le cas échéant, dans
le S.A.R., degré actuel d'évolution économique et
sociale des agriculteurs intéressés, possibilités
ultérieures d'accession des membres du S.A.R. aux franchises municipales.
Mais en dehors même de ces facteurs, deux faits vont, pour l'immédiat,
déterminer l'emplacement du premier S.A.R. :
- l'existence de terres cultivables libres (communaux, domaniaux, propriétés
acquises par la S.I.P., etc...) ;
- le climat moral susceptible d'entraîner la participation volontaire
au S.A.R. de fellahs et de colons déjà détenteurs
de terres à titre de propriétaires, locataires ou usufruitiers.
A. - LES TERRES
LIBRES
a)
Domaniaux ou communaux
La circulaire n° 4680 (Réf. 3) du 5 septembre 1945, a prescrit
un recensement général des terrains domaniaux et communaux.
- Les premiers résultats font apparaître que ces terrains
sont en grande partie déjà exploités ou consacrés
aux parcours.
Il importe cependant d'examiner :
1° - Si chaque détenteur cultive lui-même la parcelle
qu'il occupe et l'utilise rationnellement ;
2° - Si la superficie qu'il détient n'est pas hors de proportion
avec les possibilités de travail de sa famille ( Pour
fixer les idées : 30 hectares en terres de céréales,
10 hectares en régions arboricoles, 5 hectares en zone irriguée,
constituent un plafond pour une famille moyenne.) ;
3° - Si l'ensemble du groupe domanial et communal considéré
peut suffire à la création d'un S.A.R. ou s'il faut y agréger
d'autres parcelles de terres ;
4° - S'il convient d'inclure ou de réserver des terrains de
parcours dans le périmètre du S.A.R.
Le recasement devant être effectué par la S.I.P., les domaniaux
seront mis à sa disposition dans les conditions prévues
par les articles 111 à 114 de l'Ordonnance du 13 avril 1943.
b)
Propriétés acquises par la S.I.P.
Communaux et domaniaux disponibles ne sauraient suffire. Il convient de
rechercher, dès à présent, toutes les terres qui
pourront être acquises par les S.I.P., soit sur leurs ressources
propres, soit à l'aide d'avances ou de subventions.
Les Présidents de S.I.P. signaleront, en temps utile, les propriétés
mises en vente dans leurs circonscriptions respectives et qui peuvent
convenir à une réalisation de paysanat ; ils prendront,
le cas échéant, au compte de la S.I.P., les options d'achat
nécessaires.
La S.I.P. ne pouvant posséder un immeuble que dans la mesure où
il est nécessaire à son fonctionnement, c'est-à-dire
utile à la réalisation des buts qui lui sont assignés,
toute acquisition de terres libres, effectuée par elle, ne sera
approuvée qu'avec la clause formelle qu'elles seront utilisées
aux fins précises de recasements et de réalisations de Paysanat.
Cette clause devra figurer dans toutes les décisions d'affectations
et dans tous les contrats passés entre les collectivités
publiques et la S.I.P. La Commission Communale de Paysanat pourra en contrôler
l'exécution.
c)
Modalités de recasement
La S.I.P., après avoir réservé, le cas échéant,
les surfaces propres à la réalisation du plan d'habitat
et à la construction des bâtiments d'utilité sociale
(maison commune, écoles, bureau de poste, dispensaire, atelier
de réparation d'outillage, etc...), constituera sur les terres
ainsi dégagées des lots familiaux de culture (
Le lot familial de culture, dont la superficie varie avec la vocation
culturale des sols, est, pratiquement, la surface susceptible d'être
efficacement mise en valeur par la communauté familiale à
l'exclusion de tout salarié.) qu'elle louera, pour le
compte du S.A.R., aux chefs de famille à recaser.
Ceux-ci s'engageront par contrat à remplir des obligations dont
le détail, variable suivant les régions, les cultures entreprises,
les méthodes appliquées, sera arrêté par l'Agent
technique.
B. - LA PARTICIPATION
VOLONTAIRE.
Alors qu'il paraît relativement simple d'agréger des terrains
en exploitation autour de terres redistribuées, plus délicate
est la constitution d'un S.A.R. dans un périmètre composé
exclusivement de propriétés privées.
Dans cette hypothèse, il ne peut en aucune façon être
usé de contrainte et l'adhésion au S.A.R. ne devra être
obtenue que par persuasion, en faisant apparaître aux intéressés
les avantages matériels résultant du groupement de leur
exploitations.
C'est également l'exemple de la gestion des exploitations conduites
dans les S.A.R. par les agriculteurs recasés qui permettra aux
cultivateurs d'apprécier l'efficacité des moyens culturaux
qu'on se propose de mettre à leur disposition.
Là consiste l'essentiel du rôle éducatif dévolu
à l'Agent technique, au Président de S.I.P., au Chef de
Commune, et à la Commission Communale du Paysanat. L'influence
personnelle de chacun et la confiance qu'ils inspirent aux populations
rurales faciliteront la création des S.A.R. dont l'emplacement
aura été choisi d'un commun accord.
On ne saurait d'ailleurs se dissimuler les difficultés de tous
ordres, matérielles et psychologiques, auxquelles se heurtera l'exécution
des projets. Il faut pourtant les vaincre
*****
II. - FONCTIONNEMENT
DES S.A.R.
A.
- LES DIFFÉRENTS CAS
Deux cas principaux peuvent se présenter :
1°
- Ainsi que nous l'avons rappelé, la S.I.P. qui doit conduire ses
adhérents aux formes normales du crédit et de la coopération,
met à leur disposition sur l'ensemble de sa circonscription territoriale,
les moyens de production appropriés, et leur enseigne les méthodes
de cultures susceptibles d'augmenter le rendement des terres.
A l'intérieur du périmètre choisi et pour intensifier
la production, c'est le S.A.R. qui va jouer ce rôle.
Son intervention se traduira essentiellement, auprès de ses membres,
par :
- l'application du plan de culture ;
- des prêts en argent et en nature ;
- la fourniture de plants et de produits nécessaires à l'agriculture
;
- l'utilisation d'un matériel moderne ;
- l'écoulement des récoltes, etc
Les opérations comptables du S.A.R. se retrouveront dans la comptabilité
de la S.I.P., retracées par l'Agent comptable dans chacune des
Sections intéressées.
Néanmoins le S.A.R. formant un tout économique, il sera
indispensable de pouvoir suivre sur place sa marche financière.
La centralisation comptable qui permettra de parvenir à ce but,
sera réalisée par la tenue sur place du fichier des membres,
dont les indications pourront être recoupées à l'aide
de la comptabilité de la S.I.P. Une section spéciale "
Matériel " pourra être créée, en cas de
besoin.
2
- Là où les agriculteurs décideront de mettre leurs
terres à la disposition du S.A.R. et à travailler personnellement
sur ces terres, là, également où des terrains libres
permettront d'envisager au profit des fellahs recasés une exploitation
collective, le S.A.R. prendra une physionomie particulière ; il
deviendra alors une sorte de domaine agricole, possédant son matériel,
son autonomie financière et sa comptabilité propre.
Les opérations du S.A.R. se retrouveront dans la comptabilité
de la S.I.P., retracées par l'Agent comptable dans une section
spéciale, la Section " Exploitation Agricole ".
Les Conseils d'Administration auront à délibérer
et à demander, le cas échéant, la création
de ces nouvelles sections. Leur règlement intérieur devra
être soumis à l'approbation du Gouverneur Général.
Ces deux cas principaux ne sont pas exclusifs de formules plus nuancées,
et, le plus souvent, les données du problème seront telles
qu'il faudra faire appel pour le résoudre aux deux formules à
la fois.
C'est ainsi que lorsqu'on aura groupé des propriétés
particulières d'adhérents volontaires, il pourra être
intéressant de constituer un noyau d'exploitation directe sur des
terres libres ou acquises (fermes - pépinières, etc), tandis
que si l'on prend comme point de départ la gestion collective,
il faudra s'efforcer, pour permettre une utilisation normale des moyens,
de compléter progressivement la superficie du S.A.R. par des propriétés
individuelles entourant la cellule initiale.
B. - LE CONTRAT
Qu'il s'agisse d'agriculteurs recasés ou de détenteurs avec
justes titres, l'adhésion au S.A.R. doit être constatée
par un contrat bilatéral.
Les clauses et conditions des conventions à passer entre la S.I.P.,
pour le compte du S.A.R., et les agriculteurs recasés, ont été
exposées ci-dessus.
Ces clauses et conditions se retrouveront dans les contrats à passer
entre la S.I.P. et les participants détenteurs de propriétés
privée, à l'exception évidemment de celle qui ont
trait aux modalités du recasement.
Dans ce dernier cas, c'est le Président du Comité de Gestion
du S.A.R. qui contracte avec le participant, par délégation
du Conseil d'Administration de la S.I.P.
Le contrat ne reçoit cependant pleine validité qu'après
approbation par ce Conseil.
A titre indicatif, les obligations essentielles peuvent se résumer
ainsi :
1°
- Pour le participant :
- Obligation de soumettre sa terre au plan de culture et aux façons
culturales imposées par le S.A.R.;
- Obligation d'effectuer sur sa terre le nombre de journées de
travail correspondant à une mise en valeur rationnelle des parcelles,
compte tenu de la nature des cultures pratiquées ;
- Obligation, en ce qui concerne la livraison des récoltes, de
se conformer aux directives du Comité de gestion du S.A.R. ;
- Obligation éventuelle de participer, soit en argent, soit en
journées de travail, aux travaux à réaliser dans
l'intérêt de tous les membres du S.A.R.
2°
- Pour le Conseil d'Administration :
- Obligation de mettre à la disposition de l'adhérent les
moyens culturaux nécessaires ;
- Obligation d'aider moralement l'adhérent et de lui enseigner,
par l'intermédiaire du personnel technique, les méthodes
de culture appropriées ;
- Obligation de faire bénéficier les participants des réalisations
économiques et sociales entreprises dans le périmètre
du S.A.R.
C. - LE COMITÉ
DE GESTION
Afin de compléter l'éducation économique des intéressés,
il importe, non seulement de les convaincre de la nécessité
de perfectionner leurs méthodes, en leur imposant, au moins au
début, une certaine discipline, mais encore de les associer, le
plus étroitement possible, à la gestion de leur S.A.R.
C'est la raison pour laquelle un Comité de gestion comprenant,
sous la présidence du président du Conseil de section intéressé,
quatre représentants élus, en leur sein, par les membres
du S.A.R., sera appelé à se prononcer sur le fonctionnement
du secteur. Mais les décisions de ce Comité devront être
soumises, par son Président, à l'approbation du Conseil
d'Administration de la S.I.P.
L'agent technique de la S.I.P., responsable de la marche du S.A.R., jouera,
auprès de ce Comité, le rôle de conseiller technique.
Ce Comité, agissant dans les conditions prévues ci-dessus,
aura notamment qualité pour :
- définir, dans les limites du plan de culture général
arrêté par les services techniques, les Cultures à
effectuer dans le S.A.R. ;
- déterminer, sur la proposition de l'agent technique ou du chef
de culture, la destination à donner à chaque parcelle et
le calendrier des travaux ;
- assurer l'entretien et la répartition du matériel commun
affecté au S.A.R. ou mis à sa disposition par la S.I.P.
;
- gérer, le cas échéant, la partie collective de
l'exploitation (ferme-pilote, pépinière, champs de démonstration,
etc...) ;
- prendre, dans la limite de ses attributions, toutes initiatives en vue
de réaliser l'amélioration du Secteur et faciliter l'évolution
économique et sociale de ses adhérent?.
D - LA COMMISSION
COMMUNALE DE PAYSANAT
Si la gestion des réalisations de paysanat sui le plan local est
intégralement confinée aux S.I.P. et aux organismes qui
en dépendent, il importe cependant de ne pas sous-estimer le rôle
que la commune est appelée à jouer en pareille matière.
Dés réception des instructions, chaque maire ou administrateur
constituera, sous sa présidence, une commission communale de paysanat,
rassemblant les personnalités locales musulmanes ou non musulmanes,
les plus compétentes en la matière.
Il semble que, sauf pour les communes très importantes, il suffirait
d'une dizaine de membres, susceptibles de s'intéresser aux uvres
de paysanat et d'apporter à l'étude des problèmes
à résoudre leur expérience, leurs connaissances techniques,
et même, le cas échéant, une participation active
(prêt de matériel, par exemple).
Cette commission ne fait double emploi ni avec le conseil d'administration
de la S.I.P., ni avec le comité de gestion du S.A.R.
Son rôle est, en effet, purement consultatif, mais revêt une
très réelle importance pour l'impulsion à donner
au départ et le contrôle ultérieur de l'utilisation
par les S.I.P. des terrains mis à leur disposition.
De fréquentes réunions éclaireront le chef de commune
et compléteront sa documentation sur les possibilités économiques
de son unité administrative. Elles lui permettront souvent d'adresser
à la S.I.P. des propositions circonstanciées sur les réalisations
à entreprendre. Elles faciliteront enfin une meilleure compréhension
entre les différents éléments de la population, en
instaurant, sur le plan économique, cette collaboration confiante
si souhaitable sur le plan social.
E. - LE FINANCEMENT
Pour pouvoir être progressivement généralisées
et étendues à toute l'Algérie, il importe que les
réalisations, entreprises au titre du paysanat, soient rentables.
Seuls, en conséquence, les frais de premier établissement
irrécupérables et les dépenses engagées pour
l'exécution des grands travaux d'utilité générale
seront couverts par des subventions du budget algérien.
Toutes les autres opérations devront être financées
sous forme d'avances à plus ou moins long terme, par la S.I.P.,
qui remplira ainsi sa mission d'organisme de crédits.
Les fonds à affecter au fonctionnement des S:A.R. entreront dans
le cadre des ressources que la S.I.P. peut se procurer selon sa capacité
juridique et dans les conditions réglementaires prévues.
Certains S.A.R. pourront cependant avoir à surmonter, au moment
de leur démarrage, de sérieuses difficultés financières.
Des subventions pourront être accordées, à titre exceptionnel,
sur demande motivée du Comité de gestion, approuvée
et présentée par le conseil d'administration de la S.I.P.
*****
III. - LA MISE AU
POINT DES PROJETS.
A.
Les chefs de communes devront :
- procéder au recensement, en vue d'une résiliation éventuelle
des baux, de tous les cultivateurs qui ont obtenu la location de lots
communaux ou domaniaux d'une superficie égale ou supérieure
à 30, 10 ou 5 hectares suivant la nature des cultures (voir précédemment).
- signaler au président de la S.I.P. intéressée les
propriétés particulières offertes à la vente
et susceptibles de convenir à des réalisations de paysanat
;
- constituer, dans leur unité administrative, la commission communale
du Paysanat dont le rôle a été ci-dessus défini
;
- procéder, avec l'aide de cette commission, à l'étude
du territoire de leur circonscription, afin de dresser l'inventaire de
ses possibilités et de ses ressources;
- établir, pour ces communes, en fonction de ces données,
un plan d'action qui sera adressé au président de la S.I.P.
dont relève cette unité administrative.
B. - Chaque Président
de S.I.P., avec l'aide de son agent technique et en accord avec
les chefs de communes, conseillés par les commissions communales
de paysanat, devra :
- procéder au découpage théorique de sa circonscription
en futurs Secteurs d'améliorations rurales ;
- choisir le premier S.A.R. ;
- en définir les principales zones et leur vocation naturelle (céréales,
arboriculture, élevage, etc...) ; - fixer, le cas échéant,
l'étendue de l'unité familiale de culture ;
- rechercher les nappes d'eau, les sources, etc..., susceptibles, après
quelques petits travaux rentables, de transformer et d'accroître
la production ;
- étudier, suivant leur vocation culturale et leur utilité
présente, la destination à donner aux terrains domaniaux
et communaux du périmètre (recasement, complément
de la dotation des fellahs ne disposant que de superficies insuffisantes,
terres de parcours, ferme-pilote, pépinière, bâtiments
administratifs, installations sociales, etc...).
C. - Le dossier,
ainsi complété, sera adressé, par la voie
hiérarchique, à la Direction des Réformes (Service
du Plan des Réformes), qui le soumettra au Comité permanent
du Paysanat, après étude par les Directions techniques intéressées.
Une copie de l'étude technique établie par l'agent technique
sera transmise à la Direction de l'Agriculture, sous le couvert
du Directeur départemental des Services agricoles.
Toutes les demandes de renseignements concernant l'application de cette
instruction pourront être adressées directement, soit par
les chefs de commune, soit par les présidents des S.I.P., au Service
du Plan des Réformes qui assurera la liaison entre les Directions
spécialisées et les organismes locaux du Paysanat.
CONTRAT TYPE DE RECASEMENT D'UN FELLAH CEREALICULTEUR
Entre les soussignés :
Monsieur A.... , président de la S.I.P. de X, bailleur, d'une part,
et Monsieur B........ cultivateur à Y...., preneur, d'autre part,
Il a été dit et convenu ce qui suit :
Monsieur A..... , loue à Monsieur B..... , un lot de terrain familial
de X hectares situé à Z (bien définir sa situation
et la nature des terres), aux charges et conditions suivantes que les
deux parties s'engagent à respecter.
I. - Obligations,
devoirs et droits du preneur.
Article 1er. - M. B..... , entre en jouissance de son lot le .......
Art. 2. - Pendant une période probatoire de 4 années, qui
se terminera le ..... Monsieur B...... , reste locataire à titre
précaire.
Art. 3. - Après ce temps d'épreuve, Monsieur B...... , selon
qu'il a donné ou non satisfaction, est maintenu ou définitivement
éliminé.
Art. 4. - En cas de maintien, un bail à vie est consenti à
Monsieur B..... , sauf résiliation du bailleur dans les conditions
stipulées à l'article 18 (1).
(1) Il faut noter que le bail à vie ne peut être consenti
pour les locations de terrains domaniaux.
L'article 114 de l'ordonnance du 13 avril 1943 prévoit, en effet,
que la durée des baux pour les terrains domaniaux ne pourront,
sauf renouvellement, excéder une durée de 18 ans.
Pour les communaux, la durée des baux consentis par la S.I.P. aux
cultivateurs recasés sera fonction de la durée du bail qu'elle
aura elle-même obtenu de la commune ou du douar, propriétaire
de ces terrains communaux.
Art. 5. - Le preneur peut toujours résilier son bail à compter
du 1er octobre de chaque année, à condition de prévenir
le bailleur par lettre recommandée avant le 1" avril de la
même année.
Art. 6. - Le droit au bail à vie, consenti au preneur, est purement
personnel ; ce droit est inaliénable et insaisissable.
Art. 7. - Le locataire s'engage à faire partie du Secteur d'améliorations
rurales. dans la circonscription duquel son lot de culture est situé.
Art. 8. -- Le preneur est tenu de payer un prix de location fixé
une fois pour toutes par le conseil d'administration de la S.I.P. sur
proposition du Comité de gestion du S.A.R. Ce loyer ne pourra dépasser,
par hectare loué, la valeur, au cours fixé, de 50 kg de
blé dur. Le montant du prix de la location sera exigible le 30
septembre de chaque année (1).
Art. 9. - Dans certaines circonstances spéciales (mauvaises récoltes,
sirocco, sauterelles, inondations) le conseil d'administration de la S.I.P.
pourra, sur proposition du comité de gestion du S.A.R., consentir
une diminution gracieuse, et parfois même, dans les cas très
graves, une exonération totale du prix de la location.
Art. 10. - Le preneur s'engage à se conformer strictement au plan
de culture prévu à l'article 19, à effectuer intégralement,
dans les délais impartis, et sous la surveillance du comité
de gestion du S.A.R., tous les travaux prescrits, à pratiquer les
labours profonds en coopération, à accepter toutes les directives
reçues de l'agent technique de la S.I.P. et du chef de culture,
à observer toutes les précautions ordinaires en matière
d'hygiène.
Art. 11. - Il s'engage à exploiter lui-même et avec l'aide
de la famille vivant sous son toit, le lot qui lui est attribué.
Il ne pourra, en aucun cas, installer sur ses terres des ouvriers étrangers
à sa famille directe.
Toute infraction à cette règle, toute sous-location, toute
association, quelle qu'en soit la forme, verbale ou écrite, sauf
celle prévue à l'article 16, sont interdites et entraînent,
sur proposition du Comité de gestion du S.A.R. et après
constatation par le président du conseil d'administration de la
S.I.P., la résiliation immédiate du bail et la déchéance
du preneur.
Une dérogation exceptionnelle et provisoire, dans la culture directe,
peut être accordée en cas de maladie grave et reconnue du
chef de famille et d'impossibilité pour les membres d'assurer la
mise en valeur du lot.
Art. 12. - Il s'engage à livrer à la S.I.P., par l'intermédiaire
du S.A.R., aux jours et lieux indiqués, la totalité de ses
récoltes, sauf les quantités nécessaires à
ses besoins, à ceux de sa famille, à ceux de son cheptel
qui seront fixés par catégories, par le conseil d'administration
de la S.I.P. sur proposition du comité de gestion du S.A.R.
Art. 13. - La S.I.P. assure l'écoulement de ces récoltes,
le locataire renonçant d'ores et déjà à tous
pouvoirs à cet égard.
Art. 14. - Il sera imputé, en premier lieu, sur le prix de vente
des récoltes, les impôts de toute nature dus par le locataire,
puis les autres charges lui incombant (prix de location prévu à
l'article 8, remboursement des avances et des prêts en nature ou
en argent, participation aux dépenses engagées par le S.A.R.
pour l'exécution de travaux entrepris dans l'intérêt
de ses membres, etc...).
Le surplus lui sera remis. Il bénéficiera, en outre, sans
aucune restriction, des produits secondaires, dont la libre disposition
lui aura été laissée conformément à
l'article 22.
Art. 15. - Le locataire ne pourra réclamer aucune diminution du
loyer ou indemnité quelconque pour cause de grêle, gelée,
sécheresse, ravages et tous cas fortuits qui détruiraient
tout ou partie de la récolte.
Seul le conseil d'administration de la S.I.P. sur la proposition du comité
de gestion du S.A.R. restera juge pour accorder gracieusement ces diminutions
ainsi qu'il a été stipulé à l'article 9.
(1) Pour la fixation du prix de location des domaniaux, il conviendra
de tenir compte des dispositions prévues à l'article 114
in fine de l'ordonnance du 13 Avril 1943, modifiant et complétant
la législation applicable, en Algérie, au domaine de l'État
et de l'Algérie et au domaine public national.
Art. 16. - En cas de décès du locataire, le bail est immédiatement
résilié de plein droit, sans aucun avis.
Une priorité pour la conclusion d'un nouveau bail est réservée
par le conseil d'administration de la S.I.P. :
a) à l'héritier mâle, s'il est fils unique et apte
à remplacer son père ;
b) en cas de pluralité de descendants masculins, à l'enfant
le plus qualifié désigné par le conseil d'administration
après avis motivé du comité de gestion du S.A.R.
;
c) à la veuve aidée par un proche parent, si les enfants
ne sont pas encore aptes à exploiter le lot ; c/) en cas de pluralité
de veuves, à la mère du plus grand nombre d'enfants.
Art. 17. - Le bénéficiaire du nouveau bail devra rembourser
à la succession le montant des sommes payées en remboursement
des divers prêts consentis par la S.I.P.
Art. 18. - En cas d'inexécution d'une seule des conditions des
présentes et un mois après une simple mise en demeure de
payer et d'exécuter restée sans effet, le présent
contrat sera résilié purement et simplement. Toutefois,
le conseil d'administration de la S.I.P. peut, sur proposition du Comité
de gestion du S.A.R., à titre tout à fait exceptionnel,
accorder de:, délais de grâce.
La résiliation, lorsqu'elle se produit, a lieu de plein droit avec
expulsion du preneur des biens loués. Au dit cas de résiliation,
le preneur sera tenu de délaisser à la S.I.P., sans pouvoir
obtenir d'elle aucune indemnité, toutes améliorations qu'il
aurait pu faire porter sur les biens présentement loués,
quelles qu'en soient la nature et l'importance. Si par la négligence
ou par la malveillance du preneur des dégâts ont été
causés aux terres ou aux plantations, il sera poursuivi judiciairement,
en paiement d'une indemnité à évaluer par expert.
II. - Obligations
et droits de la S.I.P.
Art. 19. - Le plan complet d'exploitation des terres (façons culturales,
avec choix de l'outillage, assolement, rotation des cultures, choix des
espèces et variétés, nettoyage et conservation des
grains, etc...), arrêté par le Comité de gestion du
S.A.R., lui est notifié en temps opportun par le chef de culture
qui en surveille l'application.
Art. 20. - La liste des productions secondaires établie par le
comité de gestion du S.A.R. et dont le locataire peut disposer
librement, lui est notifiée de la même façon.
Art. 21. - La S.I.P. peut, après avis du comité de gestion
du S.A.R., fournir, dans la mesure du possible, à chaque locataire,
sous forme d'avance à court terme, les semences, plants et prêts
de campagne nécessaires à la réalisation du plan
de culture visé à l'article 19.
Art. 22. - La S.I.P. peut, après avis du Comité de gestion
du S.A.R., consentir au preneur des prêts à moyen terme pour
l'achat de la totalité ou du complément de cheptel et du
matériel agricole nécessaire à l'exploitation de
son lot.
Pour assurer la garantie des remboursements de ces avances, les bénéficiaires
sont tenus de consentir au profit de la S.I.P., un warrant agricole sur
le matériel et le cheptel acquis grâce à ce prêt,
le tout jusqu'à concurrence des sommes avancées et pour
une durée qui ne saurait excéder celle prévue pour
le prêt avec obligation formelle pour le bénéficiaire
de renouveler annuellement le warrantage.
Art. 23. - Le remboursement des avances sera supporté par les retenues
opérées sur le produit de la récolte conformément
aux dispositions de l'article 14.
III. - Arbitrage en
cas de contestation.
Art. 24. - En tant que de besoin, les parties, d'un commun accord entre
elles, attribuent formellement, d'ores et déjà, à
M. le Juge de Paix du canton, compétence et juridiction pleine
et entière, à l'effet, sur simple ordonnance de référé,
de statuer sur toutes questions non prévues aux articles précédents.
EXTRAIT
de l'Ordonnance du 13 avril 1943 modifiant et complétant
la législation applicable, en Algérie, au domaine de l'État
et de l'Algérie et au Domaine Public National.
TITRE V. - Paysanat
indigène.
Art. 111. - Des expériences de paysanat indigène seront
réalisées en Algérie, par l'intermédiaire
des Sociétés indigènes de prévoyance et des
Centres professionnels ruraux, au moyen de terrains appartenant à
l'État ou à l'Algérie.
A l'exception de ceux dont le prix de vente doit être encaissé
au profit du budget de la Métropole et de ceux d'origine militaire
acquis en bloc par l'Algérie de l'État en 1934, qui doivent,
obligatoirement, être aliénés ou affectés contre
paiement de leur valeur réelle, ces terrains seront mis à
la disposition des organismes susvisés par voie de concession ou
d'affectation gratuites en vertu d'arrêtés pris par le Gouverneur
Général de l'Algérie.
Art. 112. - Les organismes susvisés devront obligatoirement assurer
et maintenir aux terrains la destination en vue de laquelle ils auront
été mis à leur disposition.
Dans le cas où l'expérience de Paysanat indigène
serait abandonnée de l'État ou de l'Algérie, par
arrêté du Gouverneur Général, et replacés
sous la gestion directe du Service des Domaines.
Art. 113. - Des arrêtés du Gouverneur Général
de l'Algérie détermineront, pour chaque nature d'expérience
à réaliser, les modalités d'exploitation des terrains
en question.
Art. 114. - Lorsque l'expérience conduira à confier à
des indigènes la jouissance privative de tout ou partie des terrains
affectés ou concédés, l'opération sera réalisée
par voie de location consentie par la Société indigène
de prévoyance ou le Centre professionnel rural concessionnaire
affectataire, à prix nominal, à charge par le locataire
de remplir les obligations qui lui seront imposées par son contrat
sous peine de résiliation immédiate et de plein droit du
bail, sans que le bailleur soit tenu au paiement d'aucune indemnité.
La durée du bail qui ne pourra, sauf renouvellement, excéder
18 ans, sera proportionnée au temps normal reconnu nécessaire
pour la réussite de l'expérience confiée au preneur.
Dans le cas où l'expérience serait de nature à mettre
les dépenses d'intérêt général à
la charge de la Société indigène de prévoyance
concessionnaire ou du Centre professionnel rural affectataire, ces organismes
auront, après en avoir obtenu l'autorisation de l'Administration,
la faculté de stipuler le paiement d'un loyer dans la limite stricte
du remboursement de ces dépenses et au prorata des superficies
amodiées.
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