Alger, Algérie : documents algériens
Série économique
PAYSANAT*
Réformes agraires réalisées en 1945
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mise sur site le 16-12-2010
*Paysanat : dans les Documents algériens, mot écrit avec un "n"- dans le Petit Larousse, écrit avec 2 "n". J'ai laissé l'orthographe des documents.
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Document n° 10 de la série : Économique - Paru le 17 mai 1946 - Rubrique AGRICULTURE

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PAYSANAT
Réformes agraires réalisées en 1945

En Algérie, comme dans toute autre région de France, ou dans tout autre pays, les réformes politiques tendant à promouvoir l'avènement d'une démocratie auraient été insuffisantes, si elles n'avaient été accompagnées de réformes sociales, et économiques visant l'amélioration absolue et relative des conditions de vie des populations.

Les problèmes économiques sont en Algérie, dans une très large mesure, dominés par la situation démographique, caractérisée par un accroissement rapide de la population.

Cette population a passé :
          de 1.500.000 habitants en 1830,
          à 9.000.000 habitants en 1945.

Actuellement, l'accroissement annuel moyen est de 130.000 habitants.

Tenant compte de cette considération fondamentale et suivant la politique de l'ordonnance du 7 mars 1944, les réformes économiques réalisées ou projetées en 1945 par M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général de .l'Algérie, ont eu pour objectif d'assurer l'existence de cette population en lui fournissant du travail dans l'agriculture, dans l'industrie ou dans le commerce.

LES TERRES CULTIVABLES DE L'ALGERIE.

" Toute installation humaine, écrivait Bruhnes, est l'amalgame d'un peu d'humanité, d'un peu de sol et d'un peu d'eau " (Géographie humaine p. 73).

Beaucoup d'humanité, un peu de sol fertile et très peu d'eau, tel est l'amalgame constitué par l'Algérie du Nord grande comme 35 départements français, peuplée comme 18 et à peine riche comme 3.

Contrairement à l'idée simple qu'ont pu se faire des observateurs superficiels en circulant dans les riches banlieues des grandes villes, les plaines et les coteaux du Sahel et de La Mitidja où une végétation luxuriante offre le spectacle reposant de ses vignes, de ses bouquets d'orangers, des flots onduleux et de ses céréales, l'Algérie n'est pas un pays très riche. Les terres fertiles et bien irriguées ne représentent qu'une infime partie de sa superficie dont la quasi-totalité est constituée de montagnes à relief accentué et à érosion intense, de hauts-Plateaux secs à cultures extensives de faible rendement et de steppes qui servent de parcours à un élevage transhumant. L'Algérie est ce que veut bien la faire sa pluviométrie, capricieuse, instable, désordonnée. Considérée cependant, et à juste titre, comme un pays essentiellement agricole, l'Algérie pourra assurer du travail et un niveau minimum d'existence à une majorité de sa population grâce aux réformes agraires en voie de réalisation.

LA RÉPARTITION ACTUELLE DES TERRES CULTIVABLES.

L'Algérie compte 10.200.000 hectares de terres cultivables dont 7.500.000 appartiennent à des familles musulmanes.

Si 150.000 familles musulmanes possèdent de grands domaines ou des superficies suffisantes pour assurer leur subsistance, plusieurs centaines de milliers de familles ne disposent pas d'assez de terres. De plus, une demi-million de foyers environ n'ont pas de terre du tout et gagnent leur vie comme métayers, fermiers ou salariés agricoles. En fait, la répartition actuelle des terres a abouti à la création d'un immense prolétariat agricole dont les conditions de vie sont difficiles et précaires.

Afin de résorber ce prolétariat, trois solutions s'intégrant dans un vaste programme dont l'idée directrice est la constitution de centres de paysanat, ont été envisagées : améliorer les méthodes de cultures et partant le rendement des propriétés des petits fellahs, conquérir de nouvelles terres par l'irrigation, distribuer ces terres et celles récupérées par d'autres moyens aux paysans qui ne possèdent rien.

AMÉLIORATION DU RENDEMENT DES TERRES DES PETITS FELLAHS.

On a souvent mis en parallèle les chiffres de la production européenne et ceux de la production indigène et, comme en général il s'agit de moyennes, il est toujours difficile de faire une discrimination entre la valeur des terres des uns et des autres, et pourtant on ne peut sérieusement admettre que dans ce domaine il y ait en général une commune mesure. Il est indéniable que les terres des petits fellahs sont souvent de valeur inférieure et de mauvaise qualité, mais ce sont surtout les méthodes culturales archaïques qu'il emploie qui défavorisent l'indigène et font que le rendement de ses terres à l'hectare est incontestablement inférieur, à qualité égale du terrain, à celui de l'européen.
L'amélioration en faveur des indigènes ne sera possible que par l'éducation agricole des petits fellahs, et une organisation du travail qui tienne compte des traditions en les conciliant avec une modernisation du matériel.

L'indigène a pour lui son endurance, son peu de besoins, son adaptation merveilleuse aux conditions du climat et du milieu. Il tire parti de tout et vit à dix fois meilleur compte que l'Européen. Il lui manque en général trois choses : pauvre, les ressources qui lui permettent de réaliser les améliorations indispensables et d'attendre l'ère des résultats, isolé, un guide pour diriger ses efforts, nomade, le goût du travail régulier.
Parant à sa pauvreté, la réorganisation des Sociétés Indigènes de Prévoyance et du Crédit Agricole, prévue par M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général de l'Algérie, permettra de lui octroyer des crédits importants pour l'achat d'outillage, et les mesures envisagées seront vraiment efficaces car appliquées sur une grande échelle.

Pour le guider, des écoles d'agriculture, des fermes modèles, des centres de perfectionnement ont été créés et de nombreux ingénieurs agronomes formés par l'Institut de Maison-Carrée, lui dispensent des conseils judicieux pour la sélection des semences et du cheptel.

Aidé, conseillé, il s'intéressera à une terre qui lui appartient et ses instincts nomades feront place à l'attachement traditionnel du paysan à la terre qu'il féconde et qui le fait vivre.

CONQUÊTE DE NOUVELLES TERRES PAR L'IRRIGATION.

Depuis 1920, l'Algérie s'est engagée, en décidant la construction de grands barrages réservoirs, dans la politique vitale pour son avenir : l'amélioration du régime des eaux ( Voir " Documents Algériens " : Colonisation et Hydraulique. - Série Economique, N° 2.).

Le problème de l'eau est ici un problème essentiel. La surface des terres cultivables étant faible, il faut en tirer le maximum par l'irrigation qui, sous un soleil généreux, donne des résultats excellents. On peut espérer, étant donné l'importance des constructions entreprises ou projetées actuellement, que dans 20 ans l'Algérie pourra encore mettre en irrigation, par grands barrages, une centaine de mille hectares.

Afin de faciliter la réalisation du programme matériel et de tirer le meilleur bénéfice des terres ainsi récupérées, l'édification d'une législation dont l'idée mère est celle d'une nationalisation de l'Eau, richesse publique la plus précieuse de l'Algérie est actuellement à l'étude. Le prélèvement de terres sur les propriétés, à titre de récupération en nature d'une partie des plus-values données par les travaux d'État et l'installation de nouveaux agriculteurs, sont des corollaires du principe de cette nationalisation de l'Eau ; corollaires nécessaires pour permettre de tirer des travaux exécutés tout le profit dont ils sont susceptibles en matière économique et sociale.

L'irrigation par barrages devra, en beaucoup de points, être complétée ou suppléée par l'utilisation des ressources en eaux souterraines non négligeables, et qui seront amenées à la surface du sol par pompages. En admettant qu'il faille pour cela 500 kWh par hectare irrigué et par an, ce qui correspond
à une hauteur d'élévation moyenne de 20 mètres environ, la mise en valeur, qui paraît possible, de 200.000 hectares nécessiterait 100 millions de kW.h Ainsi se trouve posé en ce qui concerne l'agriculture, la question des installations de production et de transport de l'énergie électrique ( Voir " Documents Algériens " : Électrification de l'Algérie. - Série Économique, N° 3.).

ATTRIBUTION DES TERRES AUX FELLAHS.

Le plan de répartition de terre aux fellahs prévoit la création de secteurs d'améliorations rurales où les locataires à vie trouveront, grâce à l'action efficace de la S.I.P., moyens matériels, directives et conseils.

Où trouver les terres de recasement ? L'extension des terres à conquérir par l'irrigation demeurera très limitée (250.000 hectares environ en fin de programme) malgré l'importance des barrages et des installations de production et de transfert de force électrique, et il est indispensable d'envisager l'installation de milliers de familles de fellahs sur des terres acquises à titre onéreux ou résultant d'expropriations.

Un inventaire sommaire des terrains domaniaux et communaux ordonné par l'Administration avait été effectué dès 1944.

Une nouvelle enquête foncière prévue par décision de M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général, en date du 5 septembre 1945, est actuellement en cours, et l'examen des premiers renseignements adressés à la Direction des Réformes fait apparaître une augmentation importante des chiffres obtenus en 1944 qui faisaient alors état de 250.000 hectares disponibles.

On ne saurait cependant dissimuler que les communaux et domaniaux disponibles ne suffiront pas pour recaser l'ensemble des familles rurales actuellement sans terre, car une forte proportion des sols non occupés sont, de part leur nature physique, inutilisables ou propres seulement au maquis ou à la forêt. S'ils représentent. néanmoins un appoint qui sera précieux, il importe de l'augmenter par l'expropriation de certains grands domaines et par l'acquisition de terres volontairement vendues.

On a souvent songé au rachat des domaines concédés par le Second Empire à de grandes sociétés. La question mérite cependant examen et les modalités juridiques d'un projet d'ordonnance à ce sujet sont actuellement à l'étude.

Le transfert éventuel d'occupation se présente, dans la plupart des cas, sans portée pratique car les fellahs sont souvent déjà installés sur la terre et bénéficient de location à longue durée qui en font des exploitants du sol jouissant de garanties réelles, leur assurant une sécurité matérielle et sociale indéniable.

Actuellement, 4.000 indigènes exploitent en location une partie importante du domaine de 20.000 hectares concédée en 1853 à la Compagnie Genevoise, et 55.000 hectares sur les 70.000 constituant le domaine de la Compagnie Algérienne sont affermés à des Européens et surtout à des indigènes (environ 20.000), la Compagnie faisant valoir directement 5.000 hectares.

Malgré l'aspect actuel de la question, le Gouvernement Général a poursuivi ses démarches auprès de la Direction de la Compagnie Genevoise en Suisse, pour faire admettre dans ce domaine les principes de la politique suivie par le Gouvernement en matière de paysanat, et il y a lieu de reconnaître que l'état d'esprit compréhensif des dirigeants de cette compagnie permet d'indiquer que les projets de recasement officiel sur ces immeubles ont reçu un accueil favorable.

Afin d'augmenter le plus possible le nombre des lots de recasement destinés aux petits fellahs, le Gouvernement Général de l'Algérie prévoit en outre l'acquisition de terres volontairement vendues chaque fois que les conditions lui en paraîtront intéressantes.

ORGANISATION TECHNIQUE DU RECASEMENT. - ÉTUDE LOCALE.


L'action entreprise, pour être féconde, doit se fonder à la fois sur des études techniques et sur une connaissance attentive du milieu physique et humain. Conduite suivant un plan d'ensemble conçu pour répondre au double souci d'augmenter rapidement la production et d'utiliser toutes les ressources, elle tiendra compte de toutes les formules qui, dans la situation présente de l'économie rurale algérienne et de l'évolution des esprits méritent d'être prises en considération.

On ne saurait, en matière aussi délicate, se contenter d'une étude superficielle et d'une exécution uniforme. Aussi le travail de base et de recherche sur le plan local est-il effectué en grande partie par les personnes compétentes et notamment les fonctionnaires qui ont la responsabilité de la conduite d'une commune, de son évolution et de l'amélioration des conditions de vie de ses habitants.

LE SECTEUR D'AMÉLIORATIONS RURALES.

La conception d'un tel programme et son financement doivent embrasser l'ensemble de l'Algérie, y compris les Territoires du Sud.
La situation foncière en Algérie où les terres disponibles sont relativement peu nombreuses impose la distinction entre les opérations de recasement et l'action que l'on pourra mener auprès des fellahs propriétaires actuellement de leurs champs.

S'agissant de l'installation d'agriculteurs sans terre, il est possible, sans se heurter à des obstacles autres que ceux purement matériels, d'organiser des Centres où les familles seront installées, éduquées, guidées, conseillées et soumises à une indispensable discipline de travail portant sur le choix des cultures, l'emploi de l'outillage, l'utilisation des semences sélectionnées, le contrôle, la conservation et l'écoulement de la récolte.

Mais la création de ces Centres ne contribuerait que dans une très faible proportion à résoudre le problème, s'ils n'avaient pas valeur d'exemple et si dès leur constitution ils ne prenaient pas le caractère organique d'une cellule de base à laquelle viendraient s'agréger les exploitations environnantes. Ainsi seulement seront créés des secteurs d'améliorations rurales, lesquels, aux termes d'une évolution qui doit être aussi rapide que possible, couvriront la superficie cultivable de l'Algérie.

Ces créations et transformations ne sauraient se faire: d'autre part, sur un plan unique. Suivant la nature des terres, leur vocation culturale, la pluviométrie, les dispositions des habitants et bien d'autres facteurs, la physionomie des réalisations change.

Tantôt il convient de doter les fellahs d'un outillage amélioré, mais modeste, tantôt il est nécessaire de prévoir la constitution de stations de machines, une motorisation des cultures, tantôt enfin les divers modes d'équipement peuvent être concurremment employés suivant la nature des travaux.

Les dotations en matériel doivent être collectives et seules varient la nature de l'outillage et l'importance du groupe à la disposition duquel il sera mis : tantôt c'est un groupement de huit familles qui dispose de charrues et de cheptel de trait, tantôt un véritable kolkhoze reçoit des tracteurs et des machines à grande puissance.

LES DIFFÉRENTS GROUPES DU PAYSANAT.

Une conception générale du paysanat impose de distinguer entre les fellahs algériens, qu'ils soient à recaser ou à éduquer, des groupes bien définis.

Les céréaliculteurs établis occupent des terres qui permettent des récoltes satisfaisantes, recevant annuellement une tranche pluviométrique de 375 m/m au minimum et généralement situées à des altitudes qui échappent aux dangereuses gelées printanières. Pour les fellahs recasés, le principe d'une attribution de 10 hectares comportant l'assolement biennal avec jachère labourée, quelle que soit l'organisation envisagée pour l'exploitation, a été adoptée.

Le groupe de céréaliculteurs est de beaucoup le plus important, les céréales étant à la base de l'alimentation des populations algériennes.
Les oléiculteurs cultivent exclusivement l'olivier en terre sèche, et une importante fraction de ce groupe pourra s'établir dans la zone située au Nord du Chott El Hodna, où les plantations, étant donné les conditions du sol, pourront s'étendre sur plusieurs dizaines de milliers d'hectares.
Une large partie du maquis pourra certainement être convertie en vergers, où les arboriculteurs cultiveront en général des espèces fruitière; autres que l'olivier et, en particulier, les figuiers et les amandiers. La préparation des sols et les plantations seront effectuées suivant les courbes de niveau
par le " Service de restauration des sols ". Chaque famille de fellahs recevra en moyenne un lot de 3 hectares de vergers.

Choisis en principe parmi les fellahs les plus évolués et les plus habiles, car la technique du nivellement des sols et la pratique des irrigations exigent de sérieuses qualités, les cultivateurs de terrains irrigables entreprennent des cultures variées, choisies en tenant compte des besoins du moment et seront dotés d'une surface de 3 hectares environ *par famille.

Constitué d'abord par les pasteurs des Hauts-Plateaux, le groupe des pasteurs du Sud pourra se sédentariser si chaque famille se voit attribuer un périmètre de pâturages suffisamment riches pourvu d'eau et d'abris. La construction de petits barrages d'accumulation et l'établissement de conduites forcées permettront de créer des points d'eau aux emplacements désirés. La pratique des irrigations d'épandage assurera la culture d'espèces fourragères qui seront ensilées ou stockées en prévision des années de disette.

Un projet concernant les oasiens producteurs de dattes est actuellement à l'étude. Son application commencera prochainement par l'exécution d'un sondage dans la nappe artésienne de l'Albien aux environs de Zelfana, dans l'annexe de Ghardaïa.

ÉTABLISSEMENT DE PROJETS INTÉRESSANT LE PAYSANAT.

Abordant la base du problème, l'étude et la réalisation de projets de paysanat sont envisagées dans toutes les communes mixtes et dans de nombreuses communes de plein exercice.

Le chef de commune intéressé doit d'abord faire un examen précis de ses possibilités et fixer le groupe de paysans auxquels s'appliquera normalement son projet en tenant compte des divers facteurs qui règlent l'économie agricole locale : détermination de la " vocation " des sols par l'examen des cultures qui réussissent le mieux, climat, exposition des terrains, aptitudes ataviques et possibilité d'adaptation des fellahs. Il lui est souvent possible, et parfois nécessaire, de distinguer dans la même commune deux ou trois groupes différents de paysans.

Les données du problème, terrains, habitants, habitat, eau, voies de communications sérieusement étudiées, un avant-projet est préparé par les chefs de communes, avec l'aide technique des représentants des services intéressés. Il comporte l'indication de renseignements aussi détaillés que possible sur le problème à résoudre et la solution envisagée.

ÉTUDE TECHNIQUE DE CES PROJETS.

Ces projets sont adressés à la Direction des Réformes en vue d'une étude à effectuer dans le plus bref délai par les services techniques compétents du Gouvernement Général, et par le Conseiller du Paysanat à la Direction des Réformes. Après enquête conduite sur place, avis des personnalités agricoles de la région, des Fellahs intéressés, discussion avec les chefs de communes, une décision est prise quant à l'adoption ou au rejet provisoire ou définitif du projet présenté.

Les divers projets dont l'acceptation de principe est décidée, sont alors classés, à la place qui convient, dans une des tranches de réalisations prévues, pour être présentés en temps opportun à l'examen de la Commission du Paysanat.

LA COMMISSION DU PAYSANAT.

Les chefs de communes sont appelés à fournir une étude générale sur tous les facteurs de l'économie rurale intéressant leurs unités administratives et, par voie de conséquence, sur les moyens susceptibles d'être mis en œuvre pour améliorer le rendement des diverses branches de cette économie. va de soi que ce plan, et les propositions qu'il entraînera, gagneront à être soumis pour avis à une commission mixte comprenant les chefs de grands services intéressés et les représentants qualifiés de l'Agriculture algérienne.

C'est dans cette vue que l'arrêté du 10 novembre 1945 a créé auprès de la Commission supérieure des Réformes, une " Commission du Paysanat " qui est appelée à élaborer les programmes concernant l'agriculture et l'habitat rural, à juger de leur exécution et à en apprécier les résultats.

La première réunion de cette Commission a eu lieu le 21 janvier courant.

La Commission du Paysanat chargée d'inscrire et de coordonner dans un plan d'ensemble les différents projets établis par les chefs de communes, sanctionne également l'acceptation de ces projets et le choix du moment prévu pour leur exécution.

RÉALISATION DES PROJETS.

La réalisation des projets s'accomplit sur le plan local sous la direction générale des chefs de communes qui disposent, pour les seconder, d'un personnel technique spécialement chargé de la conduite pratique des différents travaux (agent technique des S.I.P. et chefs de culture qui exercent une surveillance soutenue sur l'activité agricole des fellahs, inspecteurs de culture plus particulièrement chargés du contrôle, agents des différentes directions intéressées).

Il importe, d'autre part, d'envisager la création dès le début des réalisations dans chaque commune, d'une Commission locale du Paysanat qui rassemblera des personnalités compétentes et représentatives de groupements coopératifs, des agriculteurs européens et musulmans et des délégués des fellahs.

La constitution de ces Commissions est indispensable, car la réalisation des projets n'aura son plein effet, au point de vue éducatif et économique, que par une entente étroite et cordiale entre tous les cultivateurs d'une même région.

Ces Commissions pourront comprendre, à côté des membres désignés par l'Administrateur dans les communes mixtes ou proposés par le Sous-préfet dans les communes de plein exercice, des membres élus par les djemaâs des centres municipaux ou des douars. Le développement des centres municipaux notamment permettra, dans bien des cas, de donner aux réalisations du paysanat un support administratif local.

Un secrétaire de la Commission locale du .Paysanat sera élu par les membres de cette Commission, laquelle aura pour rôle essentiel d'aider les chefs de la commune dans la réalisation des projets et, plus tard, dans leur extension sur le plus large espace possible.

En outre, les colons les plus avertis et les plus aisés auront à cœur de se tenir en liaison avec l'agent technique et le chef de culture et d'aider, le cas échéant, les fellahs miséreux à accomplir leurs travaux de saison.

BILAN AU 1er JANVIER 1946.

Grâce à des études anciennes effectuées sous l'impulsion du Service de l'Économie sociale indigène, créé en 1937, un premier ensemble des réalisations a pu être effectué (voir Annexe).

Les résultats sont encourageants et différentes formules ont été adoptées suivant les conditions locales : ici, équipement collectif, là, équipement individuel ; avances pour engrais aux uns, crédits à long terme pour l'arboriculture aux autres ; modernisation de la vie pastorale avec des géniteurs de choix, des abris rudimentaires et des points d'eau ; érection de villages, etc...

Le matériel agricole distribué en 1945 comprend au total une cinquantaine de charrues demi-lourdes ou légères et une centaine de herses canadiennes. L'achat d'un certain nombre de tracteurs est prévu pour 1946, tracteurs qui seront surtout utilisés pour les " préparés " chez les fellahs les plus déshérités.

ANNEXE

Le plan de répartition des terres et de l'équipement individuel et collectif des fellahs recasés s'établit ainsi qu'il suit à la date du ler mars 1946 :

I. -- CEREALICULTEURS

DÉPARTEMENT D'ORAN.

I. - Commune mixte d'Aïn-Témouchent. - Douar Berkèche :
Recasement sur 2.032 ha.

Implantation de 50 vergers familiaux (3.000 sujets).

Pas encore de charrues lourdes, peu de cheptel d'ailleurs très sous-alimenté. Les labours profonds seront, sur la plus importante surface possible, effectués au tracteur.

II. - Commune mixte de Sebdou. - Douar Ouled-Mimoun :

Amélioration de la culture des céréales dans les communaux sur la plus large surface possible.

En raison de l'état lamentable du cheptel, les labours préparatoires de printemps devront être effectués au tracteur.

III. - Commune de plein exercice de Berthelot. - Domaine Karsenty
:

Achat effectué en janvier 1946. Superficie : 2.150 hectares.

Les lotissements sont en cours et le choix des fellahs à recaser se poursuit activement.

1.000 hectares actuellement cultivables permettront l'installation rapide de 120 familles de céréaliculteurs.

Le reste de la propriété couvert de forêt et de 'terrains non défrichés pourra être aménagé et servir de terrain de parcours.

IV. - Communes mixtes de Renault, Zemmora, Clinchant : Les Hamadenas :

L'immense plaine de 25.000 hectares englobant ces trois communes mixtes nécessite, afin d'être exploitable, de gros travaux de drainages qui seront effectués par le Service de la Colonisation et de l'Hydraulique.

Expérience de Djerara (C.M. de Clinchant).

Entreprise sur 200 hectares en 1944, cette expérience de caractère purement technique a permis la création de 30 lots de 6 hectares coupés en trois parcelles pour pratiquer un assolement triennal. Les résultats très satisfaisants vont permettre, en octobre 1946, le recasement de 30 fellahs.

DÉPARTEMENT DE CONSTANTINE.

I. - Commune mixte des Rirha. - Douar Ouled Larbad :

Recasement ou consolidation de 100 familles de fellahs sur les 560 hectares de communaux des Ouled Larbaâ.

Un géomètre est sur les lieux qui procède à l'abornement des parcelles.

Les labours profonds exécutés avec le tracteur de la S.I.P. vont commencer incessamment.

II. - OLÉICULTEURS

DÉPARTEMENT D'ORAN.

I. - Commune mixte d'Aïn-Témouchent.- Douar Berkèche :

Plantation (en cours) d'une olivette de 24 hectares, avec cultures intercalaires d'amandiers.

DÉPARTEMENT DE CONSTANTINE.

I. - Commune mixte de M'Sila. - Douar Djorf :
Plantation (en cours) d'une olivette de 100 hectares par souchets.

III. - ARBORICULTEURS

DÉPARTEMENT D'ORAN.

I. - Commune mixte d'Aïn-Témouchent. - Douar Berkèche :
Plantation (en cours) d'un verger d'amandiers de 24 hectares.

IV. - CULTIVATEURS DE TERRAINS IRRIGUES

DÉPARTEMENT D'ALGER.

I. - Commune mixte du Chéliff. -- Douar Oued Ras :

Installation de 20 familles sur 36 hectares ; achat de cheptel et de matériel. Avance de céréales pour la nourriture des bêtes et des semailles. Établissement d'un plan de culture.

DÉPARTEMENT D'ORAN.
I. - Commune mixte de Marnia. - Douar Béni-Ouassine :

Lot communal n° 6 : 250 hectares.

Recasement de 20 familles sur 68 hectares. L'exploitation est en très bonne voie et assure largement l'existence des recasés grâce au prix de vente élevé des légumes dirigés sur les marchés de Marnia et d'Oujda.

182 hectares, non actuellement irrigables,' mais compris dans la zone d'irrigation du nouveau barrage, pourront, en attendant, être irrigué par pompage.

Équipement prévu : 3 pompes et 3 moteurs.

-Recasement possible : 60 familles.