PAYSANAT
Réformes agraires réalisées
en 1945
En Algérie, comme dans toute autre région
de France, ou dans tout autre pays, les réformes politiques tendant
à promouvoir l'avènement d'une démocratie auraient
été insuffisantes, si elles n'avaient été
accompagnées de réformes sociales, et économiques
visant l'amélioration absolue et relative des conditions de vie
des populations.
Les problèmes économiques sont en Algérie, dans une
très large mesure, dominés par la situation démographique,
caractérisée par un accroissement rapide de la population.
Cette population a passé :
de 1.500.000
habitants en 1830,
à 9.000.000
habitants en 1945.
Actuellement, l'accroissement annuel moyen est de 130.000 habitants.
Tenant compte de cette considération fondamentale et suivant la
politique de l'ordonnance du 7 mars 1944, les réformes économiques
réalisées ou projetées en 1945 par M. Yves Chataigneau,
Gouverneur Général de .l'Algérie, ont eu pour objectif
d'assurer l'existence de cette population en lui fournissant du travail
dans l'agriculture, dans l'industrie ou dans le commerce.
LES TERRES CULTIVABLES DE L'ALGERIE.
" Toute installation humaine, écrivait Bruhnes, est l'amalgame
d'un peu d'humanité, d'un peu de sol et d'un peu d'eau "
(Géographie humaine p. 73).
Beaucoup d'humanité, un peu de sol fertile et très peu d'eau,
tel est l'amalgame constitué par l'Algérie du Nord grande
comme 35 départements français, peuplée comme 18
et à peine riche comme 3.
Contrairement à l'idée simple qu'ont pu se faire des observateurs
superficiels en circulant dans les riches banlieues des grandes villes,
les plaines et les coteaux du Sahel et de La Mitidja où une végétation
luxuriante offre le spectacle reposant de ses vignes, de ses bouquets
d'orangers, des flots onduleux et de ses céréales, l'Algérie
n'est pas un pays très riche. Les terres fertiles et bien irriguées
ne représentent qu'une infime partie de sa superficie dont la quasi-totalité
est constituée de montagnes à relief accentué et
à érosion intense, de hauts-Plateaux secs à cultures
extensives de faible rendement et de steppes qui servent de parcours à
un élevage transhumant. L'Algérie est ce que veut bien la
faire sa pluviométrie, capricieuse, instable, désordonnée.
Considérée cependant, et à juste titre, comme un
pays essentiellement agricole, l'Algérie pourra assurer du travail
et un niveau minimum d'existence à une majorité de sa population
grâce aux réformes agraires en voie de réalisation.
LA RÉPARTITION ACTUELLE DES TERRES CULTIVABLES.
L'Algérie compte 10.200.000 hectares de terres cultivables dont
7.500.000 appartiennent à des familles musulmanes.
Si 150.000 familles musulmanes possèdent de grands domaines ou
des superficies suffisantes pour assurer leur subsistance, plusieurs centaines
de milliers de familles ne disposent pas d'assez de terres. De plus, une
demi-million de foyers environ n'ont pas de terre du tout et gagnent leur
vie comme métayers, fermiers ou salariés agricoles. En fait,
la répartition actuelle des terres a abouti à la création
d'un immense prolétariat agricole dont les conditions de vie sont
difficiles et précaires.
Afin de résorber ce prolétariat, trois solutions
s'intégrant dans un vaste programme dont l'idée directrice
est la constitution de centres de paysanat, ont été envisagées
: améliorer les méthodes de cultures et partant le rendement
des propriétés des petits fellahs, conquérir de nouvelles
terres par l'irrigation, distribuer ces terres et celles récupérées
par d'autres moyens aux paysans qui ne possèdent rien.
AMÉLIORATION DU RENDEMENT DES TERRES DES
PETITS FELLAHS.
On a souvent mis en parallèle les chiffres de la production européenne
et ceux de la production indigène et, comme en général
il s'agit de moyennes, il est toujours difficile de faire une discrimination
entre la valeur des terres des uns et des autres, et pourtant on ne peut
sérieusement admettre que dans ce domaine il y ait en général
une commune mesure. Il est indéniable que les terres des petits
fellahs sont souvent de valeur inférieure et de mauvaise qualité,
mais ce sont surtout les méthodes culturales archaïques qu'il
emploie qui défavorisent l'indigène et font que le rendement
de ses terres à l'hectare est incontestablement inférieur,
à qualité égale du terrain, à celui de l'européen.
L'amélioration en faveur des indigènes ne sera possible
que par l'éducation agricole des petits fellahs, et une organisation
du travail qui tienne compte des traditions en les conciliant avec une
modernisation du matériel.
L'indigène a pour lui son endurance, son peu de besoins, son adaptation
merveilleuse aux conditions du climat et du milieu. Il tire parti de tout
et vit à dix fois meilleur compte que l'Européen. Il lui
manque en général trois choses : pauvre, les ressources
qui lui permettent de réaliser les améliorations indispensables
et d'attendre l'ère des résultats, isolé, un guide
pour diriger ses efforts, nomade, le goût du travail régulier.
Parant à sa pauvreté, la réorganisation des Sociétés
Indigènes de Prévoyance et du Crédit Agricole, prévue
par M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général de l'Algérie,
permettra de lui octroyer des crédits importants pour l'achat d'outillage,
et les mesures envisagées seront vraiment efficaces car appliquées
sur une grande échelle.
Pour le guider, des écoles d'agriculture, des fermes modèles,
des centres de perfectionnement ont été créés
et de nombreux ingénieurs agronomes formés par l'Institut
de Maison-Carrée, lui dispensent des conseils judicieux pour la
sélection des semences et du cheptel.
Aidé, conseillé, il s'intéressera à une terre
qui lui appartient et ses instincts nomades feront place à l'attachement
traditionnel du paysan à la terre qu'il féconde et qui le
fait vivre.
CONQUÊTE DE NOUVELLES TERRES PAR L'IRRIGATION.
Depuis 1920, l'Algérie s'est engagée, en décidant
la construction de grands barrages réservoirs, dans la politique
vitale pour son avenir : l'amélioration du régime des eaux
( Voir " Documents Algériens
" : Colonisation et Hydraulique. - Série Economique, N°
2.).
Le problème de l'eau est ici un problème essentiel. La surface
des terres cultivables étant faible, il faut en tirer le maximum
par l'irrigation qui, sous un soleil généreux, donne des
résultats excellents. On peut espérer, étant donné
l'importance des constructions entreprises ou projetées actuellement,
que dans 20 ans l'Algérie pourra encore mettre en irrigation, par
grands barrages, une centaine de mille hectares.
Afin de faciliter la réalisation du programme matériel et
de tirer le meilleur bénéfice des terres ainsi récupérées,
l'édification d'une législation dont l'idée mère
est celle d'une nationalisation de l'Eau, richesse publique la plus précieuse
de l'Algérie est actuellement à l'étude. Le prélèvement
de terres sur les propriétés, à titre de récupération
en nature d'une partie des plus-values données par les travaux
d'État et l'installation de nouveaux agriculteurs, sont des corollaires
du principe de cette nationalisation de l'Eau ; corollaires nécessaires
pour permettre de tirer des travaux exécutés tout le profit
dont ils sont susceptibles en matière économique et sociale.
L'irrigation par barrages devra, en beaucoup de points, être complétée
ou suppléée par l'utilisation des ressources en eaux souterraines
non négligeables, et qui seront amenées à la surface
du sol par pompages. En admettant qu'il faille pour cela 500 kWh par hectare
irrigué et par an, ce qui correspond à
une hauteur d'élévation moyenne de 20 mètres environ,
la mise en valeur, qui paraît possible, de 200.000 hectares nécessiterait
100 millions de kW.h Ainsi se trouve posé en ce qui concerne l'agriculture,
la question des installations de production et de transport de l'énergie
électrique ( Voir " Documents
Algériens " : Électrification de l'Algérie.
- Série Économique, N° 3.).
ATTRIBUTION DES TERRES AUX FELLAHS.
Le plan de répartition de terre aux fellahs prévoit la création
de secteurs d'améliorations rurales où les locataires à
vie trouveront, grâce à l'action efficace de la S.I.P., moyens
matériels, directives et conseils.
Où trouver les terres de recasement ? L'extension des terres à
conquérir par l'irrigation demeurera très limitée
(250.000 hectares environ en fin de programme) malgré l'importance
des barrages et des installations de production et de transfert de force
électrique, et il est indispensable d'envisager l'installation
de milliers de familles de fellahs sur des terres acquises à titre
onéreux ou résultant d'expropriations.
Un inventaire sommaire des terrains domaniaux et communaux ordonné
par l'Administration avait été effectué dès
1944.
Une nouvelle enquête foncière prévue par décision
de M. Yves Chataigneau, Gouverneur Général, en date du 5
septembre 1945, est actuellement en cours, et l'examen des premiers renseignements
adressés à la Direction des Réformes fait apparaître
une augmentation importante des chiffres obtenus en 1944 qui faisaient
alors état de 250.000 hectares disponibles.
On ne saurait cependant dissimuler que les communaux et domaniaux disponibles
ne suffiront pas pour recaser l'ensemble des familles rurales actuellement
sans terre, car une forte proportion des sols non occupés sont,
de part leur nature physique, inutilisables ou propres seulement au maquis
ou à la forêt. S'ils représentent. néanmoins
un appoint qui sera précieux, il importe de l'augmenter par l'expropriation
de certains grands domaines et par l'acquisition de terres volontairement
vendues.
On a souvent songé au rachat des domaines concédés
par le Second Empire à de grandes sociétés. La question
mérite cependant examen et les modalités juridiques d'un
projet d'ordonnance à ce sujet sont actuellement à l'étude.
Le transfert éventuel d'occupation se présente, dans la
plupart des cas, sans portée pratique car les fellahs sont souvent
déjà installés sur la terre et bénéficient
de location à longue durée qui en font des exploitants du
sol jouissant de garanties réelles, leur assurant une sécurité
matérielle et sociale indéniable.
Actuellement, 4.000 indigènes exploitent en location une partie
importante du domaine de 20.000 hectares concédée en 1853
à la Compagnie Genevoise, et 55.000 hectares sur les 70.000 constituant
le domaine de la Compagnie Algérienne sont affermés à
des Européens et surtout à des indigènes (environ
20.000), la Compagnie faisant valoir directement 5.000 hectares.
Malgré l'aspect actuel de la question, le Gouvernement Général
a poursuivi ses démarches auprès de la Direction de la Compagnie
Genevoise en Suisse, pour faire admettre dans ce domaine les principes
de la politique suivie par le Gouvernement en matière de paysanat,
et il y a lieu de reconnaître que l'état d'esprit compréhensif
des dirigeants de cette compagnie permet d'indiquer que les projets de
recasement officiel sur ces immeubles ont reçu un accueil favorable.
Afin d'augmenter le plus possible le nombre des lots de recasement destinés
aux petits fellahs, le Gouvernement Général de l'Algérie
prévoit en outre l'acquisition de terres volontairement vendues
chaque fois que les conditions lui en paraîtront intéressantes.
ORGANISATION TECHNIQUE DU RECASEMENT. - ÉTUDE LOCALE.
L'action entreprise, pour être féconde, doit se fonder à
la fois sur des études techniques et sur une connaissance attentive
du milieu physique et humain. Conduite suivant un plan d'ensemble conçu
pour répondre au double souci d'augmenter rapidement la production
et d'utiliser toutes les ressources, elle tiendra compte de toutes les
formules qui, dans la situation présente de l'économie rurale
algérienne et de l'évolution des esprits méritent
d'être prises en considération.
On ne saurait, en matière aussi délicate, se contenter d'une
étude superficielle et d'une exécution uniforme. Aussi le
travail de base et de recherche sur le plan local est-il effectué
en grande partie par les personnes compétentes et notamment les
fonctionnaires qui ont la responsabilité de la conduite d'une commune,
de son évolution et de l'amélioration des conditions de
vie de ses habitants.
LE SECTEUR D'AMÉLIORATIONS RURALES.
La conception d'un tel programme et son financement doivent embrasser
l'ensemble de l'Algérie, y compris les Territoires du Sud.
La situation foncière en Algérie où les terres disponibles
sont relativement peu nombreuses impose la distinction entre les opérations
de recasement et l'action que l'on pourra mener auprès des fellahs
propriétaires actuellement de leurs champs.
S'agissant de l'installation d'agriculteurs sans terre, il est possible,
sans se heurter à des obstacles autres que ceux purement matériels,
d'organiser des Centres où les familles seront installées,
éduquées, guidées, conseillées et soumises
à une indispensable discipline de travail portant sur le choix
des cultures, l'emploi de l'outillage, l'utilisation des semences sélectionnées,
le contrôle, la conservation et l'écoulement de la récolte.
Mais la création de ces Centres ne contribuerait que dans une très
faible proportion à résoudre le problème, s'ils n'avaient
pas valeur d'exemple et si dès leur constitution ils ne prenaient
pas le caractère organique d'une cellule de base à laquelle
viendraient s'agréger les exploitations environnantes. Ainsi seulement
seront créés des secteurs d'améliorations rurales,
lesquels, aux termes d'une évolution qui doit être aussi
rapide que possible, couvriront la superficie cultivable de l'Algérie.
Ces créations et transformations ne sauraient se faire: d'autre
part, sur un plan unique. Suivant la nature des terres, leur vocation
culturale, la pluviométrie, les dispositions des habitants et bien
d'autres facteurs, la physionomie des réalisations change.
Tantôt il convient de doter les fellahs d'un outillage amélioré,
mais modeste, tantôt il est nécessaire de prévoir
la constitution de stations de machines, une motorisation des cultures,
tantôt enfin les divers modes d'équipement peuvent être
concurremment employés suivant la nature des travaux.
Les dotations en matériel doivent être collectives et seules
varient la nature de l'outillage et l'importance du groupe à la
disposition duquel il sera mis : tantôt c'est un groupement de huit
familles qui dispose de charrues et de cheptel de trait, tantôt
un véritable kolkhoze reçoit des tracteurs et des machines
à grande puissance.
LES DIFFÉRENTS GROUPES DU PAYSANAT.
Une conception générale du paysanat impose de distinguer
entre les fellahs algériens, qu'ils soient à recaser ou
à éduquer, des groupes bien définis.
Les céréaliculteurs établis occupent des terres qui
permettent des récoltes satisfaisantes, recevant annuellement une
tranche pluviométrique de 375 m/m au minimum et généralement
situées à des altitudes qui échappent aux dangereuses
gelées printanières. Pour les fellahs recasés, le
principe d'une attribution de 10 hectares comportant l'assolement biennal
avec jachère labourée, quelle que soit l'organisation envisagée
pour l'exploitation, a été adoptée.
Le groupe de céréaliculteurs est de beaucoup le plus important,
les céréales étant à la base de l'alimentation
des populations algériennes.
Les oléiculteurs cultivent exclusivement l'olivier en terre sèche,
et une importante fraction de ce groupe pourra s'établir dans la
zone située au Nord du Chott El Hodna, où les plantations,
étant donné les conditions du sol, pourront s'étendre
sur plusieurs dizaines de milliers d'hectares.
Une large partie du maquis pourra certainement être convertie en
vergers, où les arboriculteurs cultiveront en général
des espèces fruitière; autres que l'olivier et, en particulier,
les figuiers et les amandiers. La préparation des sols et les plantations
seront effectuées suivant les courbes de niveau par
le " Service de restauration des sols ". Chaque famille
de fellahs recevra en moyenne un lot de 3 hectares de vergers.
Choisis en principe parmi les fellahs les plus évolués et
les plus habiles, car la technique du nivellement des sols et la pratique
des irrigations exigent de sérieuses qualités, les cultivateurs
de terrains irrigables entreprennent des cultures variées, choisies
en tenant compte des besoins du moment et seront dotés d'une surface
de 3 hectares environ *par famille.
Constitué d'abord par les pasteurs des Hauts-Plateaux, le groupe
des pasteurs du Sud pourra se sédentariser si chaque famille se
voit attribuer un périmètre de pâturages suffisamment
riches pourvu d'eau et d'abris. La construction de petits barrages d'accumulation
et l'établissement de conduites forcées permettront de créer
des points d'eau aux emplacements désirés. La pratique des
irrigations d'épandage assurera la culture d'espèces fourragères
qui seront ensilées ou stockées en prévision des
années de disette.
Un projet concernant les oasiens producteurs de dattes est actuellement
à l'étude. Son application commencera prochainement par
l'exécution d'un sondage dans la nappe artésienne de l'Albien
aux environs de Zelfana, dans l'annexe de Ghardaïa.
ÉTABLISSEMENT DE PROJETS INTÉRESSANT
LE PAYSANAT.
Abordant la base du problème, l'étude et la réalisation
de projets de paysanat sont envisagées dans toutes les communes
mixtes et dans de nombreuses communes de plein exercice.
Le chef de commune intéressé doit d'abord faire un examen
précis de ses possibilités et fixer le groupe de paysans
auxquels s'appliquera normalement son projet en tenant compte des divers
facteurs qui règlent l'économie agricole locale : détermination
de la " vocation " des sols par l'examen des cultures qui réussissent
le mieux, climat, exposition des terrains, aptitudes ataviques et possibilité
d'adaptation des fellahs. Il lui est souvent possible, et parfois nécessaire,
de distinguer dans la même commune deux ou trois groupes différents
de paysans.
Les données du problème, terrains, habitants, habitat, eau,
voies de communications sérieusement étudiées, un
avant-projet est préparé par les chefs de communes, avec
l'aide technique des représentants des services intéressés.
Il comporte l'indication de renseignements aussi détaillés
que possible sur le problème à résoudre et la solution
envisagée.
ÉTUDE TECHNIQUE DE CES PROJETS.
Ces projets sont adressés à la Direction des Réformes
en vue d'une étude à effectuer dans le plus bref délai
par les services techniques compétents du Gouvernement Général,
et par le Conseiller du Paysanat à la Direction des Réformes.
Après enquête conduite sur place, avis des personnalités
agricoles de la région, des Fellahs intéressés, discussion
avec les chefs de communes, une décision est prise quant à
l'adoption ou au rejet provisoire ou définitif du projet présenté.
Les divers projets dont l'acceptation de principe est décidée,
sont alors classés, à la place qui convient, dans une des
tranches de réalisations prévues, pour être présentés
en temps opportun à l'examen de la Commission du Paysanat.
LA COMMISSION DU PAYSANAT.
Les chefs de communes sont appelés à fournir une étude
générale sur tous les facteurs de l'économie rurale
intéressant leurs unités administratives et, par voie de
conséquence, sur les moyens susceptibles d'être mis en uvre
pour améliorer le rendement des diverses branches de cette économie.
va de soi que ce plan, et les propositions qu'il entraînera, gagneront
à être soumis pour avis à une commission mixte comprenant
les chefs de grands services intéressés et les représentants
qualifiés de l'Agriculture algérienne.
C'est dans cette vue que l'arrêté du 10 novembre 1945 a créé
auprès de la Commission supérieure des Réformes,
une " Commission du Paysanat " qui est appelée à
élaborer les programmes concernant l'agriculture et l'habitat rural,
à juger de leur exécution et à en apprécier
les résultats.
La première réunion de cette Commission a eu lieu le 21
janvier courant.
La Commission du Paysanat chargée d'inscrire et de coordonner dans
un plan d'ensemble les différents projets établis par les
chefs de communes, sanctionne également l'acceptation de ces projets
et le choix du moment prévu pour leur exécution.
RÉALISATION DES PROJETS.
La réalisation des projets s'accomplit sur le plan local sous la
direction générale des chefs de communes qui disposent,
pour les seconder, d'un personnel technique spécialement chargé
de la conduite pratique des différents travaux (agent technique
des S.I.P. et chefs de culture qui exercent une surveillance soutenue
sur l'activité agricole des fellahs, inspecteurs de culture plus
particulièrement chargés du contrôle, agents des différentes
directions intéressées).
Il importe, d'autre part, d'envisager la création dès le
début des réalisations dans chaque commune, d'une Commission
locale du Paysanat qui rassemblera des personnalités compétentes
et représentatives de groupements coopératifs, des agriculteurs
européens et musulmans et des délégués des
fellahs.
La constitution de ces Commissions est indispensable, car la réalisation
des projets n'aura son plein effet, au point de vue éducatif et
économique, que par une entente étroite et cordiale entre
tous les cultivateurs d'une même région.
Ces Commissions pourront comprendre, à côté des membres
désignés par l'Administrateur dans les communes mixtes ou
proposés par le Sous-préfet dans les communes de plein exercice,
des membres élus par les djemaâs des centres municipaux ou
des douars. Le développement des centres municipaux notamment permettra,
dans bien des cas, de donner aux réalisations du paysanat un support
administratif local.
Un secrétaire de la Commission locale du .Paysanat sera élu
par les membres de cette Commission, laquelle aura pour rôle essentiel
d'aider les chefs de la commune dans la réalisation des projets
et, plus tard, dans leur extension sur le plus large espace possible.
En outre, les colons les plus avertis et les plus aisés auront
à cur de se tenir en liaison avec l'agent technique et le
chef de culture et d'aider, le cas échéant, les fellahs
miséreux à accomplir leurs travaux de saison.
BILAN AU 1er JANVIER 1946.
Grâce à des études anciennes effectuées sous
l'impulsion du Service de l'Économie sociale indigène, créé
en 1937, un premier ensemble des réalisations a pu être effectué
(voir Annexe).
Les résultats sont encourageants et différentes formules
ont été adoptées suivant les conditions locales :
ici, équipement collectif, là, équipement individuel
; avances pour engrais aux uns, crédits à long terme pour
l'arboriculture aux autres ; modernisation de la vie pastorale avec des
géniteurs de choix, des abris rudimentaires et des points d'eau
; érection de villages, etc...
Le matériel agricole distribué en 1945 comprend au total
une cinquantaine de charrues demi-lourdes ou légères et
une centaine de herses canadiennes. L'achat d'un certain nombre de tracteurs
est prévu pour 1946, tracteurs qui seront surtout utilisés
pour les " préparés " chez les fellahs les plus
déshérités.
ANNEXE
Le plan de répartition des terres
et de l'équipement individuel et collectif des fellahs recasés
s'établit ainsi qu'il suit à la date du ler mars 1946 :
I. -- CEREALICULTEURS
DÉPARTEMENT D'ORAN.
I. - Commune mixte d'Aïn-Témouchent.
- Douar Berkèche :
Recasement sur 2.032 ha.
Implantation de 50 vergers familiaux (3.000 sujets).
Pas encore de charrues lourdes, peu de cheptel d'ailleurs très
sous-alimenté. Les labours profonds seront, sur la plus importante
surface possible, effectués au tracteur.
II. - Commune mixte de Sebdou. - Douar Ouled-Mimoun
:
Amélioration de la culture des céréales dans les
communaux sur la plus large surface possible.
En raison de l'état lamentable du cheptel, les labours préparatoires
de printemps devront être effectués au tracteur.
III. - Commune de plein exercice de Berthelot. -
Domaine Karsenty :
Achat effectué en janvier 1946. Superficie : 2.150 hectares.
Les lotissements sont en cours et le choix des fellahs à recaser
se poursuit activement.
1.000 hectares actuellement cultivables permettront l'installation rapide
de 120 familles de céréaliculteurs.
Le reste de la propriété couvert de forêt et de 'terrains
non défrichés pourra être aménagé et
servir de terrain de parcours.
IV. - Communes mixtes de Renault, Zemmora, Clinchant
: Les Hamadenas :
L'immense plaine de 25.000 hectares englobant ces trois communes mixtes
nécessite, afin d'être exploitable, de gros travaux de drainages
qui seront effectués par le Service de la Colonisation et de l'Hydraulique.
Expérience de Djerara (C.M. de Clinchant).
Entreprise sur 200 hectares en 1944, cette expérience de caractère
purement technique a permis la création de 30 lots de 6 hectares
coupés en trois parcelles pour pratiquer un assolement triennal.
Les résultats très satisfaisants vont permettre, en octobre
1946, le recasement de 30 fellahs.
DÉPARTEMENT DE
CONSTANTINE.
I. - Commune mixte
des Rirha. - Douar Ouled Larbad :
Recasement ou consolidation de 100 familles de fellahs sur les 560 hectares
de communaux des Ouled Larbaâ.
Un géomètre est sur les lieux qui procède à
l'abornement des parcelles.
Les labours profonds exécutés avec le tracteur de la S.I.P.
vont commencer incessamment.
II. - OLÉICULTEURS
DÉPARTEMENT
D'ORAN.
I. - Commune mixte d'Aïn-Témouchent.- Douar Berkèche
:
Plantation (en cours) d'une olivette de 24 hectares, avec cultures intercalaires
d'amandiers.
DÉPARTEMENT DE CONSTANTINE.
I. - Commune mixte de M'Sila. - Douar Djorf :
Plantation (en cours) d'une olivette de 100 hectares par souchets.
III. - ARBORICULTEURS
DÉPARTEMENT
D'ORAN.
I. - Commune mixte d'Aïn-Témouchent.
- Douar Berkèche :
Plantation (en cours) d'un verger d'amandiers de 24 hectares.
IV. - CULTIVATEURS DE
TERRAINS IRRIGUES
DÉPARTEMENT
D'ALGER.
I. - Commune mixte du Chéliff. -- Douar
Oued Ras :
Installation de 20 familles sur 36 hectares ; achat de cheptel et de matériel.
Avance de céréales pour la nourriture des bêtes et
des semailles. Établissement d'un plan de culture.
DÉPARTEMENT D'ORAN.
I. - Commune mixte de Marnia. - Douar Béni-Ouassine
:
Lot communal n° 6 : 250 hectares.
Recasement de 20 familles sur 68 hectares. L'exploitation est en très
bonne voie et assure largement l'existence des recasés grâce
au prix de vente élevé des légumes dirigés
sur les marchés de Marnia et d'Oujda.
182 hectares, non actuellement irrigables,' mais compris dans la zone
d'irrigation du nouveau barrage, pourront, en attendant, être irrigué
par pompage.
Équipement prévu : 3 pompes et 3 moteurs.
-Recasement possible : 60 familles.
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