Alger, Algérie : documents algériens
Série culturelle :
Camille Saint-Saëns algérien
n°42 - 20 décembre 1949

..........cet illustre musicien qui, dans l'histoire de l'art français du XIXè siècle, tient une place éminente, a, de par sa propre dilection, lié une partie de sa vie et de son oeuvre à l'Algérie où, avec un bonheur publiquement exprimé, il revint séjourner longtemps et de nombreuses fois, où il est mort enfin, y laissant un souvenir profond, des amis, des admirateurs qui tirent encore honneur et ressentent quelque fierté de l'avoir connu dans l'intimité.
mise sur site le 29-01-2005
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-----------Tout a été dit, semble-t-il, sur Camille Saint-Saëns, sur l'homme et sur le compositeur, avec d'ailleurs plus ou moins d'exactitude.

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Cependant, ce haut dignitaire de la Légion d'Honneur, docteur h.c. de l'Université de Cambridge, ce Membre de l'Institut, cet illustre musicien qui, dans l'histoire de l'art français du XIXè siècle, tient une place éminente, a, de par sa propre dilection, lié une partie de sa vie et de son œuvreà l'Algérie où, avec un bonheur publiquement exprimé, il revint séjourner longtemps et de nombreuses fois, où il est mort enfin, y laissant un souvenir profond, des amis, des admirateurs qui tirent encore honneur et ressentent quelque fierté de l'avoir connu dans l'intimité.

-----------Ces notes sommaires sont destinées à commémorer les passages de Saint-Saëns sur le sol algérien et à souligner les fortes impressions marquées par ce pays dans le cœur du compositeur. " Ma douce Algérie. disait-il, quelle volupté que celle de respirer le parfum de ses orangers ! "

-----------C'est à 38 ans seulement et pour raison de santé, en Octobre 1873, que Saint-Saëns fit la connaissance de l'Algérie. Fatigué par la vie trépidante de Paris, par ses services aux orgues de la Madeleine et de Versailles, par les multiples concerts qu'il avait donnés dans une France renaissante, par la création de la Société Nationale, la composition du Rouet d'Omphale, de La Princesse Jaune, du Concerto en La, du Psaume XVIII, par le premier jet de Samson, il se laissa envoyer vers Alger par son médecin. Il a reconnu lui-même que ce premier voyage avait été son salut. Il s'installa pour deux mois au delà de Saint-Eugène, à la Pointe-Pescade, dans une Villa Mauresque où il se livra au repos total. Il allait péniblement s'asseoir au jardin, près de la vasque où de l'eau bruissait et il savourait les caresses du soleil Une lettre de lui à cette époque contient ces vers
Nul ne vient en ce lieu ; pas de voix ennemies qui troublent le silence et son hymne divin...

-----------Bientôt réconforté par ce doux climat, ce calme de la campagne algéroise, si paisible alors, il peut se remettre au travail et compose le troisième acte de Samson et Dalila.

-----------C'est le moment où il entendit, dans quelque café maure, l'un des thèmes de la "Touchiat Zidane ", musique andalouse qu'il reprit, pour lui donner grande allure dans la fameuse Bacchanale.

-----------Samson achevé, il retourna vers les luttes parisiennes conservant en soi la mémoire de ce rivage ensoleillé qui le hantera désormais pendant près d'un demi-siècle.

-----------En Mars 1883, aussitôt après les premières représentations d'Henri VIII, dont la préparation avait été pour l'auteur un long calvaire, le docteur Paul Reclus, inquiet des progrès d'un début de phtisie diagnostiqué depuis quelques mois, ordonna avec autorité le repos complet. C'était l'occasion qu'attendait le Maître : " Alger, décide-t-il, Saint-Eugène et la Pointe-Pescade ! "

-----------Il y revint, s'y plongea comme la première fois dans le calme absolu. Mais rappelé brusquement à Paris au bout d'un mois à peine, il dut rentrer, tomba malade et si gravement que sa vie fut en danger.

-----------Cette idée qu'Alger était, son havre salutaire s'était ancrée en lui. Dès qu'il le put, c'est-à-dire, après quatre ans et demi de nouvelles luttes, au début de Novembre 1887, Saint-Saëns arriva à la villa de Saint-Eugène, portant dans ses bagages le livret d'une nouvelle pièce que Louis Gallet lui avait remis à son départ. La musique d'Ascanio, dont le premier titre était Benvenuto, fut commencée le 17 Novembre 1887, à la Pointe-Pescade ; les premières scènes étaient achevées le 14 Décembre. Le compositeur ferme son dossier mais le laisse avec sa malle, tandis qu'il rentre en France pour les fêtes de Noël et du Nouvel An. Le 15 Janvier 1888, il est de retour et retrouve ses feuillets de papier rayé.
Fin Janvier, il s'installe sur les hauteurs du " Village d'isly " à Mustapha, dans la Villa Sintés et i1 travaille chaque jour, de longues heures durant, à son Opéra, repoussant toutes relations mondaines.

-----------Le soir, il passe les Portes d'Isly (la Grande Poste actuelle), va vers la ville, souvent dans la Casbah pour écouter de la musique arabe. En février, le deuxième acte d'Ascanio est fait. Saint-Saëns quitte Alger en juin, un peu gêné par l'été commençant.

-----------Il termine sa pièce à Paris, le 22 Septembre. Le 18 Décembre, il assiste, le cœur désolé, à la mort de sa mère, qui est pour lui un coup terrible Il fuit la Capitale le 31 Décembre, trouve pour puiser son deuil la douceur de la Côte d'Azur. Mais c'est plus au Sud que l'appelle son rêve : le 9 mars 1889, il reprend le bateau pour Alger.

-----------Ce quatrième séjour dure deux mois, dans l'oubli et l'inactivité, tout en siestes au soleil, en reprise journalière de forces pour les combats à venir, qui seront durs.

-----------Au printemps 1891, le grand voyageur se fixe au Caire, le temps d'écrire sa fantaisie pour piano sur des motifs orientaux, Africa, oeuvre" qu'il traînait dans sa tète déclare-t-il, depuis des années ". Sans doute depuis les soirs d'Alger du printemps 88.

-----------Rentrant en Italie aux premiers jours de mai, il a une violente crise de foie et gagne, par Tunis, son refuge habituel contre la maladie, Alger, où il demeure jusqu'à son rétablissement, à la mi-juin 1891.

-----------Saint-Saëns passe en France l'été et l'automne, toujours surmené, toujours sur la brèche pour défendre sa musique et celle de ses amis. Mais aux premiers froids, il revient pour la sixième fois à son cher Alger. Novembre 91 le voit de nouveau emménager à la Pointe-Pescade. Là il reprend son papier à musique, négligé depuis longtemps et transforme entièrement ses Mélodies Persanes de 1870, pour en faire La Nuit Persane, oeuvre nouvelle que l'on devait chanter aux Concerts du Chatelet, le 1er février 1892.

-----------Là lui parviennent, frappant contraste avec le calme de sa retraite algérienne les rumeurs que son œuvre provoque en Europe, les succès de Samson, partout sauf à Paris, les déboires d'Ascanio, les intrigues de coulisses à l'Opéra où les absents ont toujours tort.

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Là, enfin il proclame très haut que si Samson n'est pas joué à Paris dans l'année même lui, l'auteur,se fixe définitivement à Alger et ne remettra plus les pieds en France.

-----------Pour se distraire il écrit, en prose non en musique une petite comédie "La Crampe des Ecrivains "qu'il destine à ses amis algérois et dont la première a lieu, précisément, le 1er Mars 1892, au "Théâtre Municipal " d'Alger avec, pour interprètes, Mmes Sarloveze, Perrin-Theuler et Ferenoux et M. Coulanger.

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C'est sans doute à cette époque que le musicien s'amusa à peindre un tableau dont il fit don à la Société des Beaux-Arts d'Alger, qui le conserve encore précieusement : "Clair de lune sur la baie d'Alger vue de la falaise Saint-Raphaël (El-Biarj, avec une énorme signature, un " Saint-Saëns " qui entre dans le paysage comme son cœur s' était fixé.

-----------Au cours de cet hiver 1892, le Maître visita souvent la vieille et sympathique Société des Beaux Arts, honorant de sa présence les " petits concerts " du lundi. M. Paul Samary, président de la Société l'informa de l'intention du Conseil d'Administration de le nommer Président d'honneur. Saint-Saëns accepta. Le 5 Avril 1892 il fut élu par acclamations et vint, le 8 Avril au banquet offert en son honneur, puis au concert où il joua dans la Salle de l a Rue du Marché (actuellement des Généraux-Morris) pleine à craquer.

-----------En Mars, il avait commencé son " 2è Trio pour piano, violon et violoncelle, en Mi mineur", qu'il alla terminer à Genève en fin Juin, chassé de nouveau de la terre africaine par les chaleurs.

-----------Avant de quitter l'Algérie, il avait eu le chagrin d'apprendre la mort de son ami intime, Ernest Guiraud, qui laissait, inachevée, une Brunehilda, partition que Saint-Saéns allait achever, à Alger encore, dans l'hiver 1892-93 et qui fut publiée avec le titre de Frédégonde et sous leurs deux noms.

-----------Dans ce septième hiver algérois, le compositeur qui était revenu sur nos rivages sitôt après le triomphe de Samson et Dalila à Paris (23 Novembre 92, en présence du Président Carnot et du Grand Duc Wladimir de Russie) écrivit Phryné, délicieux caprice en deux actes, qui était terminé fin février 1893 et pour la représentation duquel l'auteur rentra à Paris (24 Mai 1893).

-----------Il faut arriver à janvier 1905 pour que Saint-Saéns. qui a vécu en France ou à l'Étranger, dans d'innombrables chambres d'hôtel, songe de nouveau à Alger.

-----------Il avait dit adieu au théâtre avec Hélène (Opéra Comique. 18 Janvier i1905,) et ne désirait plus que retrouver sa chère ville blanche sur la mer bleue.
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A peine réinstallé, il reçoit de Monaco une lettre du Prince qui, en termes flatteurs et avec des sentiments d'amitié et d'admiration lui demande une pièce nouvelle pour le Théâtre de Monte-Carlo.

-----------Comment refuser une invitation si courtoise ? Correspondant avec son nouveau librettiste Augé de Lassus, le musicien a vite fait de choisir un sujet . L'Ancêtre, dont l'action se passera eu Corse.
-----------C'est à Alger qu'en sont écrites les premières pages, puis à Biskra où Saint-Saëns, souffrant du dur hiver du début 1905 ira continuer à travailler sous les palmiers et en compagnie de trois gazelles qui sont devenues ses amies. A Biskra sera encore composée la 2" Sonate pour violoncelle et piano. Puis le compositeur quitte Biskra pour Blida et ensuite pour Hammam-Righa où on lui avait conseillé d'aller prendre les eaux.

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En Avril 1905, il part d'Alger pour la Corse dont il voudrait connaître l'atmosphère avant de terminer l'Ancêtre.

-----------De l'Algérie, il sera absent pendant plus de cinq ans. Ce n'est qu'en Novembre 1910, harassé par la composition de Déjanire, par les répétitions de Proserpine, à Aix-les-Bains, de l'Ancêtre à l'Opéra Comique, par des tournées de concerts en Allemagne et en Suisse, qu'il vient se soigner aux thermes d'Hammam-Righa. Après quoi, il surveille, à Alger, les représentations successives de cinq de ses ouvrages montés au Théâtre Municipal : Samson, Henry VIII, Phryné, l'Ancêtre et Javotte. Quelle ville a jamais comblé ainsi un artiste ? C'est plein de gratitude pour son pays adoptif qu'il repart, en Mars 1913, se hâtant vers Monte-Carlo où va avoir lieu la première de Délimite.

-----------On retrouve Saint-Saëns à Alger en Décembre 1913, dans un bref séjour avant de partir pour l'Égypte, où il arrive le dernier jour de l'année et demeure jusqu'au 11 Février 1914.

-----------La première guerre mondiale éclate. Durant ces hivers qu'il est obligé de passer à Paris, il regrette son soleil d'Alger, sa côte d'émeraude saint-eugénoise, ses collines verdoyantes du Tell milianais.

-----------Le 15 Décembre 1918, il reprend, enfin le chemin de l'Algérie, de ses bains d'Hammam-Righa où il va se soigner pendant tout janvier 19 et recouvrer une énergie depuis longtemps perdue.

-----------Fixé de nouveau à Alger, au pied des cyprès de Mustapha, jusqu'en Avril, il composa une importante fantaisie célébrant la victoire des Alliés, " Cyprès et Lauriers " avec orgue et orchestre (première audition à Ostende, en juillet).

-----------Les frimas de Décembre 19 dans la Métropole le ramènent à Alger où des familles amies, les de Galland, Simian, Warnier. Laquière, le pianiste Vicente Llorca, l'attendent et le reçoivent à bras et coeurs ouverts.

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Laissons parler Jean Bonnerot, Secrétaire et exécuteur testamentaire du Maître, l'un de ceux qui l'ont le mieux connu et ont le plus fidèlement servi sa mémoire ( J. Bonnerot, C. Saint-Saëns, sa vie et son oeuvre, Paris, A. Durand et Fils, 4, Place de la Madeleine, (Toutes les ceuvres de Saint-Saëns se trouvent chez le même éditeur.)
«En Algérie, sentant ses doigts en excellent état et voulant offrir à ses hôtes le délicat lihommage d'une audition choisie, il joue, à la Salle des Beaux-Arts, le 16 Janvier 1920, un Impromptu de Chopin. un Adagio de Beethoven, Tourbillons et Les Cyclopes de Rameau, son Caprice sur les airs de ballet de l'Alceste de Glück, Cyprès et Lauriers, nouvellement arrangé à deux pianos, et des fragments de sa Suite Algérienne. Il fait la surprise, pendant l'entracte, de prononcer une petite conférence sur La Fontaine et d'en réciter deux fables : " Le Savetier et le Financier, et La Chèvre, le Mouton et le Cochon. Le succès est tel qu'il redonne le même programme le 20 Janvier. Puis. avant de partir pour Oran, où le 9 Février a lieu un nouveau concert, il dédie à Charles de Galland une Élégie pour violon et piano, composé à l'intention du professeur L Philip, Six Fugues pour le piano et cisèle avec joie une Odelette pour flûte. A peine prend-il le temps de se soigner quelques jours à Hammam-Righa et le voici revenu à Alger pour donner son dernier concert, le 23 Mars, et s'embarquer le 5 Avril. "

-----------L'hiver suivant, à son temps habituel de Novembre, Saint-Saëns a hâte de retrouver en Algérie ce soleil devenu indispensable à sa santé. Il se remet, dans l'épanouissement de sa joie, à composer
"sous les palmiers ", comme il l'assure en plaisantant : ce sont d es Poésies de Ronsard, depuis longtemps choisies qu'il met en musique amoureusement, puis une Marche pour les Etudiants d'Alger, avec choeurs, enfin les esquisses de trois grandes Sonates pour le hautbois, la clarinette et le basson.

-----------Il donne des concerts avec le violoniste Jean della Casa Noceti (Alger, Salle des Beaux-Arts, 17 et 21 Mars 1921; puis Oran et Tunis en Avril). Il avait donné ceux de l'hiver précédent avec le pianiste V.Llorca.

-----------Le 14 Avril, il est reparti pour Paris.

-----------Il ne reviendra plus en son Alger que pour y mourir. Las et profondément touché par la maladie. il arrivait le 4 Décembre 1921 et prenait une chambre à l'hôtel de l'Oasis, Boulevard de la République, face au port et à la baie qu'il ne se lassait pas d'admirer. Tout de suite il se remit au travail, à l'orchestration de sa Romance en Si pour violon et piano, puis l'orchestration de laValse nonchalante que la danseuse Napierkowska (alors en Algérie pour le film l'Atlantide, première version, dont elle était l'Antinéa) lui avait demandée.

-----------Le vendredi 16 Décembre avait été pour Saint-Saëns une journée calme et heureuse, à peine troublée par un léger rhume. Il avait travaillé, lu comme à l'ordinaire et même, dit son secrétaire, chanté quelques airs de Verdi.

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Après le repas du soir il rentra, prononça un mot aimable pour les musiciens de l'orchestre qui jouait dans les salons de l'Oasis, s'adressant en particulier à M. Desbrosses et à M. Demanche. ( M. Demanche et M. Néri font actuellement partie de l'Orchestre symphonique de Radio-Algérie.) violoniste, qu'il connaissait et estimait et il entreprit dans sa chambre une partie de dominos qu'il gagna, fort satisfait. Il prit encore quelques secondes pour dessiner, sur le papier à marquer les points, une fine fleurette, puis s'en fut au lit.

-----------Son excellent intendant, Jean Lorendeau, ne le voyant pas s'endormir comme d'habitude, vint lui demander s'il désirait une tisane et se fit renvoyer avec un sourire.

-----------Quelques minutes après, attiré par un léger râle venant de la chambre du Maître, jean Lorendeau se précipita à son chevet, vit aussitôt que l'état était grave et appela à l'aide. On manda un médecin.

-----------" C'est fini, Jean... " murmura l'illustre vieillard, et il rendit l'âme. Il était un peu plus de dix heures du soir.

-----------La nouvelle se propagea aussitôt, dans l'hôtel puis parmi les amis du Maître, alertés par téléphone. Les musiciens de l'Orchestre Démanche veillèrent la nuit entière, garde d'honneur auprès du corps sur lequel une main pieuse avait posé un large crucifix.

-----------Le lendemain, la consternation était générale clans Alger en deuil. Les funérailles furent imposantes, digne prélude aux obsèques nationales célébrées à Paris. La bière, sous un monceau de fleurs fut portée à la Cathédrale entre les alignements de soldats présentant les arme.

-----------Dans la nef. Mgr. Leynaud, Archevêque d'Alger, officia. Tous les musiciens de la ville s'étaient unis en un dernier hommage au grand homme devant qui ils avaient si souvent joué. La Marche Héroïque fut exécutée par l'orchestre, puis le Cygne par le violoncelliste Robert Néri , enfin la Marche Funèbre de Beethoven suivit l'absoute.

-----------Une foule immense et recueillie salua le cortège entre la Cathédrale et le quai du port. L'Association des Etudiants, drapeau en tête, suivait le corbillard, après les proches amis et les autorités. A l'embarcadère de la Cie Générale Transatlantique. M. Steeg, Gouverneur Général de l'Algérie. prononça tin émouvant discours.

-----------Puis le navire, sur lequel une chapelle ardente avait été dressée, largua ses amarres et s'en fut vers le nord, laissant après lui, dans le ciel algérien, de la fumée...


-----------Il est curieux de constater que œuvre la plus spécifiquement algérienne de Saint-Saëns, sa Suite Algérienne op. 6o, avec la Rêverie du Soir à Blida et la Rapsodie mauresque, a été composée, en 1880. bien loin de notre rive, sur les bords de la brumeuse Mer du _Nord, à Boulogne-sur-Mer. Le musicien trouvait lors avec Paul Viardot, autre grand artiste qui fut un des premiers, avec Charles de Bériot à déchiffrer la célèbre Rêverie et qui devait, lui aussi, venir achever sa carrière et sa vie à Alger.
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-----------Cette création de la Suite Algérienne, au loin et après le premier séjour de Saint-Saëns en Algérie,montre à quel point notre pays, son ambiance, sa musique avaient pu frapper le compositeur et combien dès son premier éloignement d'Alger, celui-ci était touché en son âme par un amour qui ne devait pIus jamais faillir.

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Alger le lui a rendu,

-----------Le 29 décembre à l'occasion du centenaire de la naissance de Saint-Saëns, une plaque de marbre commémorative a été solennellement inaugurée au mur du jardin de la villa de Saint-Eugène où l'artiste avait médité, lors de ses premières retraites algériennes (villa qui a maintenant fait place à la nouvelle église Saint-Christophe de la paroisse Pointe-Pescade)

-----------Déjà en 1927, sur proposition de M. Celly, adjoint à M. Raffi, maire d'Alger, l'ancien boulevard Bon Accueil (le notre jeunesse avait pris le nom de Camille-Saint-Saëns. Ce boulevard, l'un des plus beaux et le plus long d'Alger, sillonné aujourd'hui de voitures luxueuses et bordé de palmiers, mène sur les hauteurs de Mustapha Supérieur d'où l'on découvre un admirable paysage.

Combien d'Algérois qui, de près ou de loin ont approché Saint-Saëns, combien de jeunes gens ont appris à estimer son oeuvre. entendent encore, du haut de cette avenue chanter en eux les premières mesures " molto allegro 9/8 et pianissimo " des violoncelles sur le trémolo d'un assourdi de la timbale, du prélude.... En vue d'Alger.

Raoul de GALLAND et Léo-Louis BARBÈS,
des " Amis de la Musique d'Alger.