Alger
- l'Algérie
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Texte, illustrations
: Georges Bouchet
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188 Ko |
Bracewitz a bien travaillé : Hussein
a signé la capitulation, et l'armée française est
entrée à Alger le 5 juillet. Le Dey Hussein a donné
quelques conseils à de Bourmont sur la conduite à tenir
envers les 3 beys de province (Oran, Constantine et Médéa),
et a quitté Alger pour Naples, le 7 juillet, sur un navire français,
le Jeanne d'Arc, avec 110 personnes de son entourage. Remontons à El Biar avec les administrateurs français qui confisquèrent les villas et terrains abandonnés par les Turcs en fuite, ou avec de riches civils qui achetèrent ce qu'ils pouvaient . Très vite des ouvriers et des artisans ont suivi cette clientèle aisée et se sont établis sur cet axe majeur de circulation vers Staouéli et la côte, ou vers la Mitidja par Douéra. L'El Biar des Français est une création spontanée qui ne doit rien aux décisions des responsables politiques qui ont laissé faire, et presque rien à l'agriculture. Comme partout où il y avait des troupes c'est les cabarets et les charrois qui fournirent des emplois et des revenus aux audacieux Quelques dates Le territoire communal.
Le relief de la commune est pour l'essentiel un plateau en pente douce et à peine entaillé par la partie amont de l'oued Kniss qui se creuse ensuite dans la commune de Birmandreis. L'altitude est de l'ordre de 250m. Vers l'est il y a quelques belvédères offrant de jolies vues sur la baie d'Alger : l'un d'entre eux, le balcon de Saont Raphaël, fut aménagé dans les années 1930. Vers Châteauneuf et Ben Aknoun la route
est presque sans déclivité. Vers la Colonne Voirol, et au-delà
jusqu'à Birmandreis, le chemin Beaurepaire descend constamment. Le centre de l'ancien village devenu banlieue,
est au carrefour des avenues Clemenceau et Galliéni. C'est là
que se trouvaient l'église et la mairie. Un petit chemin ombragé
offrait un raccourci vers le lycée : on l'appelait, je ne sais
pourquoi, le "chemin romain". C’est sans doute en 1887 que cette banlieue fut atteinte par son premier tramway à vapeur, celui de la société TMS (Transports et Messageries du Sahel). Cette ligne fut bientôt prolongée jusqu’à Châteauneuf qui devint le terminus normal des lignes dites d’El Biar. Elle avait été construite à l’économie : voie unique sur la route ou sur l’un de ses bas-côtés, pente de 7,6% (c’est énorme), courbe de 15m (c’est très peu pour un tram) et rails légers. Bien sûr cette voie fut ensuite améliorée et électrifiée . Elle fut néanmoins supprimée en 1938 et remplacée par des trolleybus. Cet abandon du tramway fut la règle à Alger, à des dates diverses selon les lignes, pour être remplacé par des trolleybus sur les parcours accidentés et par des autobus ailleurs. .La desserte d’El Biar me permet de citer les trois sociétés algéroises de transport urbain : les TMS créés en 1887 et disparus en 1937, les CFRA (Chemins de fer sur toute d’Algérie) créés en 1892 et qui reprennent le réseau TMS en 1937, et les TA (Tramways Algériens) créés en 1896, mais qui n’ouvrent leur ligne de la Grande Poste à El Biar, par le boulevard Galliéni, qu’en 1930. Les CFRA et les TA ont été dans les années 1950 regroupés dans une Régie départementale qui fut transformée le 1/1/1959 en RSTA (Régie Syndicale des Transports Algérois). En 1962 le situation me paraît être la suivante : §
-El Biar-Châteauneuf
est le terminus de la ligne 5 partie
de la place du Gouvernement. §
El Biar est enfin un arrêt sur les lignes venues de la
Grande Poste et aboutissant à Dans les véhicules il y avait, comme ailleurs en France à l’époque, le chauffeur et le receveur- contrôleur. Ce dernier ne se contentait pas de vendre et de composter les billets ; dans les trolleybus il lui arrivait de descendre pour remettre en place la perche d’alimentation en électricité sur les fils de contact des caténaires, soit en cas de décrochage, soit pour changer de direction. Mais, à partir de 1956, sont apparus un nouvel équipement et un nouvel emploi. A la suite de grenades lancées dans un tramway depuis la rue à travers une fenêtre, il a été décidé de munir les vitres de grilles métalliques de protection. Et un soldat de la « territoriale »(voir) restait assis près de la porte d’entrée pour surveiller tous ceux qui montaient et pour faire ouvrir quelques bagages. Quelques bâtiments ou institutions notables. L’El-Biar des Français a accueilli très tôt des institutions charitables, religieuses ou scolaires. Et ce dernier rôle a été très accru après 1945. Pour ce qui concerne les établissements d’inspiration chrétienne,
je ne puis que les citer. Ils étaient situés au centre ou sur le chemin Beaurepaire. Par contre je connais mieux les établissements publics, tous situés entre Châteauneuf et Ben Aknoun. Les textes de l’époque les situent indifféremment à El Biar, Châeauneuf ou Ben Aknoun. ----Le lycée de garçons de Ben Aknoun Après avoir été caserne de cavalerie (1830-1844), orphelinat jésuite (1844-1881) puis petite école privée (1881-1886), cet ancien palais turc est racheté par l’Etat en 1886. En 1867-1868 il avait été utilisé par le Cardinal Lavigerie comme entrepôt pour les secoues réunis par l’église pour lutter contre les graves famines de ces années de sécheresse, de sauterelles et de choléra. A partir de 1871 la République se montra moins favorable aux Jésuites que Napoléon III et les difficultés de l’orphelinat et de l’école privée religieuse s’aggravèrent. Ce que l’Etat achète en 1886, c’est non seulement les bâtiments, très agrandis dans les années 1845-1855, mais aussi un domaine de 150ha. Les bâtiments sont alors aménagés pour servir d’annexe, avec internat de garçons, pour le grand lycée Bugeaud d’Alger. On disait alors le petit lycée car il dépendait de Bugeaud et n’avait pas de classe de Terminale. Les bâtiments sont alignés autour de quatre grandes cours, avec des arcades sur un côté. Ils ont deux ou trois niveaux ; en bas les classes, les cuisines et le réfectoire, en sous-sol les douches et aux étages les grands dortoirs et l’infirmerie. On pénètre dans ce lycée d’aspect un peu caserne par un porche monumental d’architecture musulmane. En 1942 le lycée est réquisitionné pour les soldats américains. Il ne rouvre qu’en 1945 avec, au réfectoire, des gamelles et des quarts en fer-blanc, plus ou moins cabossés, laissés par les Américains. Je puis affirmer ce détail ainsi que la nécessité d’apporter à l’Intendant des tickets de pain car le pain était encore rationné : j’y étais. A la fin des années 1950, on construit, dans le même domaine, un lycée Franco-musulman sur lequel je ne sais rien. ----L’ENIEB ou Ecole Normale d’Institutrices d’El Biar est située entre Châteauneuf et le lycée de Ben Aknoun. Elle reçoit sa première promotion en 1946 après le transfert dans la capitale, de l’Ecole Normale départementale ouverte en 1876 à Miliana. Les élèves-maîtresses, admises sur concours à la fin de la troisième, restaient 4 ans à l’école. Mais d’autres futures institutrices, déjà bachelières, n’y passaient qu’un an pour y acquérir une formation professionnelle. ----Le centre de formation professionnelle pour l’hôtellerie reçoit ses 18 premiers élèves à la rentrée 1950. Il était associé à un centre familial de vacances inauguré la même année sur le même terrain. ----Le CREPS ou Centre Régional d’Education Physique et Sportive est créé en 1957. Il délivrait les diplômes de Maître en EPS, première et seconde partie, qui permettaient de postuler pour un poste d’enseignant. On y restait deux ans. On y entrait avec le BEPC, après avoir été reçu à un concours d’admission comportant épreuves physiques et intellectuelles.
----La Cité Universitaire est située entre le CREPS et le domaine du lycée de Ben Aknoun. Elle a été construite à partir de 1950 sur un terrain de 7,5ha. Les services administratifs étaient installés dans un ancien palais mauresque, mais les pavillons des étudiants étaient neufs. C’était des pavillons à 3 niveaux comportant environ 60 chambres de 12 m² avec WC et salle d’eau. Ils étaient à priori réservés à des étudiants ; mais j’y ai rencontré en 1958 de jeunes professeurs récemment venus de métropole pour occuper, à Alger, leur premier poste d’enseignement. Supplément personnalisé. Je vais profiter de mon passé d’ancien élève de lycée de Ben Aknoun (1945-1951) pour informer les jeunes et moins jeunes anciens élèves de lycée, nés après 1958, de ce qu’avait été le cursus scolaire de leurs prédécesseurs. D’abord, pour entrer en sixième, il fallait avoir été admis à un examen écrit (pas d’oral) comportant 4 exercices réunis dans 2 épreuves passées dans la même matinée ; Français avec dictée et rédaction, mathématiques avec calculs et problème. Un zéro en dictée était éliminatoire.
Une fois dans les lieux on était astreint, chaque trimestre, à un devoir surveillé dans chaque discipline, un brin solennel. La note obtenue jouait un rôle capital. Elle servait à établir un classement dans chaque discipline. C’était la seule note figurant sur les bulletins scolaires communiqués aux parents, accompagnée du classement et du nombre d’élèves de la classe. Il valait mieux être 10è dans une classe de 42 élèves (c’était déjà chargé, mais j’ai connu pire à Bugeaud ; 50) que dans une classe de 12 ou 15 (souvent dans une option linguistique rare). Les autres notes de leçons orales ou de devoirs faits chez soi ou en étude, servaient à nuancer les appréciations du bulletin, mais pas du tout au calcul de la moyenne. C’est cette moyenne qui servait à répartir les élèves en 6 groupes que voici, classés par ordre de mérite décroissant Le nom des félicités, s’il y en avait, ce qui était rare, était affiché dans le hall d’entrée. Le passage dans la classe supérieure était décidé par le conseil de classe du troisième trimestre. Il n’était prévue aucune procédure d’appel. Au conseil de classe, que des professeurs et le Directeur (pas de proviseur à Ben Aknoun qui est une annexe de Bugeaud) ; ni élèves, ni parents d’élèves. Le conseil avait 3 options, autoriser le passage, imposer le redoublement ou imposer un examen de contrôle en septembre dans une ou deux disciplines. Cet examen, rarement raté, était un bon moyen pour obliger les faiblards à combler leurs lacunes ou à lutter contre l’oubli pendant les 3 mois pleins des vacances d’été. En troisième on pouvait présenter le BEPC, mais le succès n’était pas nécessaire pour passer en seconde. A la fin de la première il fallait réussir l’examen du baccalauréat première partie, écrit avec admissibilité, puis oral pour les seuls admissibles. Une session en juin, une autre en septembre pour les collés de juin : ceux qui avaient été collés à l’oral gardaient leur admissibilité pour septembre, mais pas pour l’année suivante. Ensuite il fallait descendre à Bugeaud pour préparer le baccalauréat deuxième partie, écrit avec admissibilité et oral. En cas de succès on était bachelier soit de Philosophie, soit de Sciences expérimentales, soit de Mathématiques élémentaires, selon les épreuves choisies. Mais cela ne donnait pas le droit d’entrer à l’université ; restait l’année suivante à réussir l’examen dit de propédeutique, examen écrit seulement avec 3 épreuves et deux sessions, juin et octobre. Cet examen créé en 1948, fut supprimé en 1966. L’étudiant qui entrait à l’université avait donc déjà réussi à 4 examens, sans compter l’inutile BEPC qui offrait une cinquième occasion de s’entraîner au travail de révision préalable et au stress de l’examen. Cette sélection avait du bon : il y avait très peu d’échecs en première année à l’université. A Ben Aknoun les langues vivantes
enseignées étaient l’anglais, l’allemand, l’arabe classique, l’arabe dialectal
et, je crois, l’espagnol sans en être sûr. On pouvait aussi apprendre
à jouer du violon, en payant, avec le professeur d’alto du Conservatoire
qui « montait » à Ben Aknoun pour 2 ou 3 élèves seulement. Je
suis heureux de saisir cette occasion de rendre hommage à ce musicien
de talent, pédagogue dévoué et efficace ; il s’appelait Emile Moëbs
et était alto solo à l’Opéra d’Alger. Par contre une fois entré dans la première cour, il était évident que les bâtiments étaient postérieurs à 1830.
Cette photo de 1950 n’est pas ici pour vous montrer mon portrait ; d’ailleurs j’ai trop changé pour être reconnaissable. Elle est là pour vous montrer l’architecture à très hautes fenêtres, presque jamais ouvertes, et surtout que dans ce lycée de garçons, il y avait quelques filles. Cette entorse à une règle stricte à l’époque, concernait uniquement des externes habitant près du lycée. Les cours étaient communs, sauf ceux de gymnastique.
Si vous pouvez compléter le tableau , n’hésitez pas à contacter B.Venis ! |