CÉLÉBRATION
DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
1930, voilà cent ans que l'Algérie fait
partie intégrante de la France.
Cent ans, exactement le 13 juin 1830 que, sur la plage de Sidi-Ferruch
nos troupes ont donné à notre pays, l'un des plus beaux
fleurons de notre empire colonial.
Rappel des faits
Ce jour là, plus de cent bâtiments de la marine nationale
et quatre cents navires de commerce ont accosté sur les côtes
de Sidi-Ferruch.
Les troupes du général Berthezène ont réduit
au silence les armes turques et arabes.
C'est le maréchal de camp Poret de Morvan qui, à la tête
de ses soldats foula le premier le sol algérien. Il fallut plusieurs
jours pour que notre victoire fut complète, et ce n'est que dans
les premiers jours de juillet que le général de Bourmont
dicte un acte de reddition et le fait signer par le Bey d'Alger.
Le 5 juillet 1830 les troupes françaises entrent dans Alger.
Mise en place des préparatifs
du centenaire.
Le gouvernement français décide qu'il fallait dignement
commémorer le centenaire de notre présence en Algérie.
En 1929 un comité de propagande est créé pour mettre
en place tous les préparatifs nécessaires, tant sur le plan
financier, historique et d'information.
Parfois mal informés sur l'oeuvre de la France en Algérie,
les métropolitains se devaient de connaître cette partie
de notre histoire et honorer ces milliers d'hommes et de femmes qui ont
tout donné à cette terre.
Combien de soldats ont remplacé leurs fusils par la pioche et la
charrue pour défricher, planter, bâtir, mourant parfois d'épuisement
et de maladies.
Des crédits furent votés. La presse informe le public par
de larges échos, comme dans la belle revue mensuelle " L'Illustration
".
Douze numéros des " Cahiers
du Centenaire de l'Algérie " ont été
édités et largement diffusés aussi bien en Algérie
qu'en Métropole, notamment dans les écoles pour être
mis à la disposition des enseignants et des élèves.
Simultanément une grande exposition a été organisée
à Paris, au Petit Palais, des documents, archives et tableaux relatant
toute l'épopée algérienne, et visitée par
de nombreux Parisiens.
Les grands
peintres de l'Algérie, tels Delacroix, Fromentin, Horace
Vernet et d'autres firent sensation !
Le voyage du Président Gaston Doumergue.
En ce début de mai 1930 de nombreux touristes embarquent au port
de Marseille sur les courriers d'Alger ou sur " L'El-Goléa
" à Port-Vendres.
Le 3 mai, le Président de la République, accompagné
de plusieurs ministres et du Maréchal Franchet d'Espérey
embarque sur le croiseur Duquesne à Toulon (Cent
ans auparavant, le 3 mai 1830, c'est le duc d'Angoulême, représentant
le R Charles X qui vint saluer le corps expéditionnaire à
Toulon.)
En ce matin du 4 mai il régnait à Alger une grande effervescence.
L'arrivée du Président Doumergue en rade d'Alger était
un moment inoubliable. Pour l'accueillir une grande partie des forces
navales est déployée sur deux lignes : En tête, le
bâtiment amiral " Provence ", commandé par le Vice-Amiral
Durand-Viel, puis des croiseurs, torpilleurs, en tout quatre-vingts navires.
Ensuite se profilant à l'horizon, une division comprenant le "
Duquesne " (bateau présidentiel) suivi par le " Colbert
" et le " Suffren ".
Sur le quai, une foule immense, toutes communautés confondues,
acclame l'arrivée des autorités.
Une escorte d'honneur, formée par un escadron de spahis a revêtu
pour l'occasion leurs anciens uniformes : pantalons bleu-ciel, tunique
et manteau rouge.
Dès son arrivée, le Président Doumergue rend hommage
aux morts de la grande guerre en se rendant au Monument situé au
Bd Laferrière.
En fin de matinée, direction le Palais d'Eté
où il est reçu par les autorités civiles et militaires.
Après un repas pris en compagnie du Gouverneur général
il se rend à l'Hippodrome
du Caroubier où une foule immense l'attendait.
C'est alors le défilé tant attendu. Jamais un défilé
ne fut aussi grandiose que celui-ci ! Digne d'une production hollywoodienne.
La nouba et la musique de la Légion Etrangère ont accompagné
ce spectacle.
En première partie on pouvait applaudir des détachements
de Tirailleurs, puis caracolant sur leurs montures, les goumiers, les
gendarmes ainsi que les méharistes.
La seconde partie du défilé se voulait une reconstitution
de la légendaire armée d'Afrique de 1830.
Tout y était ! Les grenadiers, les voltigeurs, les chasseurs avec
leurs shakos, les marins de l'amiral Duperré, les gendarmes et
leurs bicornes et les zouaves.
C'est le Colonel Doury qui fut chargé de régler ce défilé.
Il était 19 heures lorsque le Président Doumergue rejoint
l'hôtel de ville, invité par Mr Brunel, maire d'Alger.
Cette journée du 4 mai se termine au Palais d'été
par un éblouissant feu d'artifice qui illumine toute la ville.
Le lendemain 5 mai, il visite Boufarik,
la Mitidja et ses vignobles, les cultures de tabac.
Mr Froger, maire de Boufarik le reçut en grande pompe.
La visite se poursuivit à Sidi-Ferruch, une halte nécessaire
pour visiter le monument commémorant le débarquement du
14 mai 1830.
Visite également à
Kouba, puis retour à Alger.
Pendant dix jours le Président visite d'autres villes, ne ménageant
pas sa fatigue, dormant parfois dans les trains.
Le 7 mai il est à Constantine,
accueil triomphant des habitants et du député-maire, Mr.
Morinaud.
Le cortège traverse la ville pour se rendre place Nemours où
est érigé le monument des combattants.
C'est ensuite la visite du monument aux Morts qui se dresse au sommet
du plateau de Sidi-M'Cid. Un immense piédestal face à l'infini
!
Le 8 mai, toujours par chemin de fer, il rejoint Bône ; il y est
reçu par le député Mr. Gaston Thomson. C'est toujours
le même accueil chaleureux.
En fin de journée il embarque sur le Duquesne. Plein cap sur Alger.
Le 10 mai il assiste à Alger à une grande parade navale,
apothéose des fêtes du Centenaire !
Le Président et sa suite embarquent sur le Duquesne qui appareille
et vient mouiller à quelques mètres au Nord-Est du port.
De là, la délégation présidentielle
assiste à un spectacle d'une beauté rarement atteinte. Les
bâtiments forment trois colonnes :
La lère colonne est composée de trois cuirassés,
le " Provence ", le " Bretagne " et le " Paris
", ainsi que du porte-avion " Béarn ".
En 2ème colonne, le " Jaguar " et des torpilleurs et
enfin divers autres navires guerre.
Chaque unité se présente à la hauteur du " Duquesne
", salue le pavillon présidentiel et disparaît Cap-Nord.
Dans les airs évoluent des avions de plusieurs escadrilles.
Visite à Oran
Enfin et pour clore les fêtes du Centenaire, c'est l'Oranie qui
vient saluer le Président de la République.
Partant d'Alger, par chemin de fer il visite plusieurs villes, Blida,
Orléansville, Perrégaux et enfin Oran.
Venant des bourgades avoisinantes, plus de cent mille oranais accueillent
Gaston Doumergue.
Le 13 mai réception à la mairie par Mr. Molle, maire d'Oran,
visite de la ville, du po Santa-Cruz et de l'hôpital militaire.
Il se rend ensuite à l'exposition que la ville d'Oran a organisée
pour fêter le centenaire.
Pour cette occasion Mers-el-Kébir
avait rassemblé dans le port une partie de la flotte
méditerranéenne.
Voilà ce périple terminé ! Le 14 mai il rejoint le
palais de l'Elysée, la mémoire remplie de souvenirs et le
coeur réchauffé par tant de chaleur humaine reçue
tout au long de ces quelques jours passés en Algérie.
Fier de l'oeuvre réalisée par la France ces 100 premières
années, peut-être pensait-il qu'un jour, dans 100 ans un
de ses successeurs fêterait aussi dignement... 2030
Mais ceci est une autre histoire.
Jacques VIDAL
Crédit documentaire.
-L'illustration, n°4551, mai 1930.
-Le livre d'Or du Centenaire
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