BEN-AKNOUN
Centre familial

Des vacances en famille dans les bois aux portes d'Alger

extrait de "Alger-revue",revue municipale, automne 1961- collection B.Venis

vue aerienne du centre
Vue aérienne
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mise sur site le 9-9-2007

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L'ATMOSPHÈRE à la fois trépidante et étouffante d'Alger se prête mal, semble-t-il, à l'existence
d'un " Eden" saturé d'oxygène et de joies campagnardes, dans la cité même, à deux pas de la chaleur, du bruit et des embouteillages.

Surprenante gageure, qui nous vaut une belle surprise lorsque nous découvrons, à vingt minutes de la Grande Poste, le Centre Familial de Ben Aknoun, oeuvre maîtresse de la Caisse Interprofessionnelle des Allocations Familiales du Commerce de la Région d'Alger (Inter A.F. Alger). Son historique révèle une longue gestation. Nous saurons ainsi que les premières réalisations du Centre Familial retardées par les aléas du dernier grand conflit, prirent seulement forme en 1946, bien que l'idée en datât de 1942; il fallut encore attendre le 20 janvier 1950, pour voir apparaître les dix premiers appartements implantés dans la zone réservée au village et qui furent durant l'été mis à la disposition des familles. Au cours de cet été de pré-inauguration, 33 familles groupant 257 personnes : 68 parents et 189 enfants, les occupèrent successivement. Puis dans la mesure où le permettait l'achèvement des travaux en cours, ce furent en 1951, 96 familles réunissant 578 personnes dont 384 enfants. Enfin, en 1952 les organisateurs du Centre purent faire étalage de toutes les possibilités normales de réception.

Ainsi il avait fallu dix années pour parvenir pleinement au but hautement social que s'étaient fixé, dans la tourmente de la fin de guerre, les promoteurs, fondateurs et membres du Conseil d'administration de la C.I.C.A.F. D.A. Au premier rang de ceux-ci se distinguèrent MM. Jacques Chevallier, (dernier maire d'Alger), Mustapha Tamzali, Edouard Fermaud, Jean Meley, ainsi qu'Alexandre Chaulet, directeur de la Caisse.

Un coin de campagne dans Alger.

Faisant partie d'Alger, depuis 1959, inscrit dans le 7è arrondissement (El-Biar, Climat-de-France, Dély-Ibrahim) au Sud-Ouest du centre-ville, distant d'environ 7 km, le Centre familial étale ses 20 ha sur les premières hauteurs du Sahel algérois.

A 250 mètres du niveau de la mer, il bénéficie, en comparaison des températures caniculaires relevées dans les basses zones urbaines d'Alger, d'un climat exceptionnellement frais et sec. Cause heureuse due aussi en grande part à la bonne orientation du site, à la nature luxuriante et aux ombrages de quelque 8 ha de bois constitués par des pins et des eucalyptus aux arômes puissants.

L'accès et la liaison avec les autres parties de la ville sont faciles : il suffit d'emprunter la route en direction de Dély-Ibrahim et de dépasser le centre de Ben-Aknoun. Hier encore en marge du développement des périphéries résidentielles malgré ses grandes écoles et sa cité universitaire, cette localité est atteinte aujourd'hui, à son tour, par la fièvre d'édification des grands ensembles de l'habitat et de l'industrie. Facilement repérable, le Centre a une longue façade sur la route de Dély-Ibrahim. Sitôt entré le visiteur a devant lui le ravissement d'un mamelon verdoyant, planté d'arbustes, de tonnelles fleuries où s'insère, dans une heureuse disposition, le pavillon d'accueil. Gravissant l'un de ces petits
chemins au tracé irréprochable, on découvre, un peu plus haut, le bloc-restaurant et sa large baie vitrée, dévoreuse de lumière.

Accueilli par le directeur Jacques Despins et les deux principaux collaborateurs, l'économe Roland Bevilacqua et le secrétaire général Alexandre Bugnet nous ferons bien vite l'expérience de leur hospitalité.

" Ici, nous dit M. Jacques Despins, nous avons conçu une formule qui offre à chacun le cadre et les plaisirs de son choix, sans compromettre l'autonomie familiale, si difficile à réaliser en période de travail."Et cette définition, cette doctrine, à tout instant et partout nous sera confirmée par de nombreux exemples.

Nous commençons par le "village" base essentielle, pour la cellule familiale où suivant le moment, on peut assister dans les allées et les ruelles, au flux et au reflux de ses habitants.

Voici, sur une pente nord du domaine, zone de fraîcheur, une succession de pavillons bordés d'arbustes, dispersés harmonieusement, ceinturés de plates-bandes, comprenant une centaine d'appartements.

L'architecte Lathuillière a su exécuter une oeuvre attrayante d'une composition analogue à celles des petites cités anglaises de banlieue.

A chaque famille son appartement.

Voisinage sans promiscuité, tel est, par le principe adopté, le but. Chaque appartement est conçu pour recevoir commodément un groupe familial allant jusqu'à dix personnes, ce qui est assez fréquent parmi les salariés algériens.

A peine franchi le seuil d'un de ces appartements, on se trouve dans une salle de séjour. On y remarque un mobilier abondant et complet : table, chaises, chaises longues, chaise d'enfant, petite table pour chauffe-biberon et bouillies et deux couchettes superposées. Elément décoratif supplémentaire une cheminée est prévue pour l'hiver, le bois étant fourni. Centre de distribution de l'appartement: on trouve d'un côté de cette salle deux cabines pour quatre lits, tandis qu'à l'opposé c'est la chambre des parents où en plus de la literie normale et la disposition d'un grand placard-penderie, on peut installer un lit d'enfant de trois à quatre ans et un berceau. A côté de cette chambre, toujours par l'accès salle de séjour, le bloc hygiène équipé d'un ensemble lavabo et douche à eau froide et chaude, un w: c. et éventuellement une baignoire pour jeunes enfants.

La surface habitable totale, remarquable, étant de 52 m2.

Le processus de l'occupation des lieux est des plus brefs. A son arrivée, la famille après des formalités extrêmement simplifiées, car auparavant le service social se sera enquis du nombre et de l'âge des enfants, est rapidement dirigée à l'appartement désigné où auront été mis par le service d'accueil la literie et la lingerie ainsi qu'un nécessaire d'entretien ménager correspondant.

Les organisateurs, n'ont rien laissé au hasard et le moindre détail a été minutieusement étudié dans le but de satisfaire chaque particularité des exigences familiales.

Dans cet esprit, on a réparti dans le village, en tenant compte des distances, des buanderies avec séchoirs et coins de repassage, pourvues d'installations individuelles.

Pour les mêmes raisons en plus de l'indispensable infirmerie, les vacanciers ont à leur disposition un bazar, une bibliothèque où chacun suivant son âge et ses goûts peut se procurer la lecture et le quotidien de son choix. De même a été construite une vaste salle de réunion pour les assemblées de parents, les conférences et les séances de cinéma, l'hiver.

La vaste salle de la restauration, avec a latte façade. ici s
La vaste salle de la restauration, avec sa large façade. ici sans verrière, de plain-pied avec la nature.Chaque famille occupe une table et reçoit les services des élèves de l'école de formation hôtelière.

Les distractions.
Parcourant le domaine, nous irons de découverte en découverte en suivant les sentiers, les chemins et les petites routes, tout ceci parfaitement entretenu, jalonné la nuit par un éclairage au sol horizontal ; ici, les terrains de football, de basket et de volley ainsi qu'un plateau d'éducation physique. Plus loin pour les tout petits confiés à des jardinières d'enfants, aménagé dans une clairière, un parc de jeux comportant manèges, balançoires, toboggan, et jusqu'à la " roulette " d'entraînement au saut des parachutistes. Dans un coin boisé, accoté à un versant, voici le royaume des parents. Pour tout le monde c'est " Robinson ", ainsi dénommé parce qu'on y a recréé en quelque sorte, avec minutie, une " guinguette ", avec sa piste de danse en béton, à l'ombre des grands ormeaux, encerclée de tables et de bancs sans oublier le petit bar tenu par un jeune étudiant musulman, où, si l'on ne vous sert pas de " petits vins blancs " vous aurez par contre une assez grande diversité de boissons rafraîchissantes, non alcoolisées, à des prix modiques.

On s'y rassemble chaque fois qu'il n'y a pas de séance de cinéma ou de veillée dans le cinéma-théâtre de plein air aménagé à quelques pas de là.

La plus grande animation y règne alors : à l'intention des danseurs, un électrophone impartial distille, selon les goûts de la génération, " rocks", cha-cha-chas ", valses ou tangos.

D'autres " pétanquent " dans un coin, sous les lampes, étouffant, dans le bruit des boules de fer carambolées, le martèlement léger des balles de ping-pong échangées un peu plus loin par les plus dispos. Enfin, ceux qui n'aiment ni la danse, ni les boules, ni le ping-pong, iront " taper la carte " au-tour des tables de jeux du club des parents.

Plaisirs de la matinée voici le coin des parents qui loin de leurs tracassiers rejetons, "tapent la carte"
Plaisirs de la matinée voici le coin des parents qui loin de leurs tracassiers rejetons, "tapent la carte"

Voilà l'essentiel de ce qu'on a su concevoir, et inscrire parfaitement dans le paysage.

Mais cette promenade nous amène bientôt dans la partie du domaine réservée aux grands enfants. Sous la conduite de moniteurs et de monitrices, dont le chef est un directeur d'école du bled, garçons et filles retrouvent l'ambiance et les loisirs propres aux colonies de vacances.

En résumé, dans l'esprit des dirigeants, tout est mis en oeuvre pour que les membres d'une famille puissent à la fois vivre entre eux et se disperser aussi, à leur gré, dans les groupes distincts de l'échelle des âges, qui disposent de domaines séparés.

Autre témoignage, bien significatif de la sollicitude qui est l'un des traits dominants des hôtes : on a réparti judicieusement de nombreuses fontaines distribuant une eau constamment réfrigérée par des blocs de glace.

L'appoint précieux de l'Ecole Hôtelière.

Mais, incontestablement, la plus magistrale réalisation, c'est la création de l'Ecole de Formation professionnelle hôtelière en symbiose avec le Centre Familial (').

Comme nombre d'idées originales elle est le fruit du hasard, ayant germé à la suite d'une rencontre fortuite, au Centre, des dirigeants de la Fédération Algérienne et Saharienne de l'Indus-trie Hôtelière (FASIH) venus exposer leurs doléances à M. Jacques Chevallier.

Les dirigeants de la Fédération cherchaient alors comment fonder une école en vue de former un personnel qualifié, si nécessaire en Algérie, tant pour le service cuisine que celui de salle. Tandis que les responsables du Centre Familial avaient, eux, à résoudre le problème de la meilleure alimentation aux prix les plus modiques.

Au Centre Familial, on avait su voir grand ; les cuisines étaient suffisamment vastes, parfaitement installées en matériel et pourvues en outre d'une pâtisserie. Il fallait aussi compter avec les locaux annexes qu'on transforma facilement, par la suite en salles de cours, dortoirs et appartements pour les moniteurs.

L'accord fut aisé : il ménageait à chaque partie contractante la résolution la meilleure à leurs difficultés. Aux dirigeants de la F. A. S. I. H. l'héberge-ment et l'instruction de leurs élèves sans frais. Au Centre Familial en échange le Centre de Formation offrait gratuitement ses services pour l'entière restauration des vacanciers.

Si les avantages financiers qui en résultent sont des plus intéressants pour chacun des contractants, il n'est pas douteux que la répercussion la plus sensible est celle qu'en retirent les commensaux du Centre Familial:

Menus de la meilleure restauration, mets recherchés préparés sous la direction de moniteurs-cuisiniers ou pâtissiers, régime spécial pour les jeunes enfants, service remarquable assuré par les élèves sous la surveillance et les conseils d'un moniteur chevronné : soit, autant de motifs de satisfaction pour tous et de fierté pour les promoteurs.

Aussi tous les visiteurs s'accordent-ils à applaudir cette expérience unique et à reconnaître la valeur d'un exemple, même pour les Etablissements métropolitains similaires.

Eté comme hiver : ouvert.

Une des multiples impressions favorables que perçoit le visiteur, c'est la dilution dans le domaine des 700 personnes journellement enregistrées en période d'été (ler juin au 30 septembre).

Pendant ces quatre mois, on admet seulement les allocataires et aussi dans la mesure des disponibilités des salariés provenant d'autres Caisses.Pour tous, les conditions générales sont les suivantes : obligation du chef de famille d'être en congé payé, de résider de 15 jours à 3 semaines avec sa famille (la composition de celle-ci devant être d'au moins trois enfants bénéficiaires d'allocations familiales, ou bien de 2 enfants de moins de 5 ans - l'attente d'un troisième enfant étant aussi une condition suffisante).


Pendant les autres mois de l'année (octobre à fin mai) l'admission est très large. Elle est étendue à toutes les familles en congé payé, quel que soit le nombre des enfants. Elle est aussi possible pour une personne ayant besoin de repos et de calme, à condition qu'elle soit accompagnée. La durée de séjour est alors de 8 jours seulement, avec possibilité de prolongation dans la mesure des capacités d'hébergement.

Dans le but d'élever leur oeuvre sociale au niveau national les dirigeants, ont en outre engagé des pourparlers avec l'Union Nationale des Caisses d'Allocations Familiales et autres organismes sociaux similaires métropolitains. Ces pourparlers ont pour but d'inclure des salariés métropolitains en saison d'hiver, favorable au tourisme en Algérie.

Pour ce qui est des projets?...

A la question posée sur l'éventualité d'une augmentation des capacités d'accueil au Centre, le directeur Jacques Despins, unanimement approuvé par les autres responsables répond ceci: " A première vue, il semble que nous ayons la surface et peut-être les moyens d'augmenter la capacité du Centre. Cependant, expérience faite, nous nous y refusons. Pourquoi? Parce qu'en premier lieu l'effectif constitué par une centaine de familles nous semble être un maximum (aucune maison familiale de vacances ne l'atteint en France) si l'on veut conserver à ces familles une ambiance de vacances, faite de tranquillité et de liberté. En outre parce qu'à l'échelle de cet important effectif, nous avons réalisé
progressivement un ensemble d'installations et de services qui à l'usage s'avèrent assez harmonieusement équilibrés et que cet équilibre qui con-courre à créer l'atmosphère de vacances paisibles au Centre serait rompu par l'augmentation du nombre des familles reçues à la fois.»

Si la Caisse des Allocations avait à développer sa formule de vacances familiales elle pourrait le faire dans une autre région, car nous recevons des vacanciers de toutes les villes d'Algérie.

Toutefois, nous avons en projet, déjà en cours d'exécution, l'établissement d'un grand camping sur un terrain mitoyen avec toutes les commodités inhérentes au confort des jeunes ménages. De même envisageons-nous un centre de plein air ou Centre aéré pour les enfants de nos collaborateurs.

Deux interviews convaincantes.

Mais la véritable conclusion nous l'avons demandée à deux chefs de famille :

Le premier, nous le rencontrons sur les dix heures parmi ses amis, au terme d'une partie de boules. C'est M. Mohamed Sari, chauffeur-mécanicien aux Etablissements Tamzali. " J'ai 8 enfants dit-il, mais deux sont en colonie de vacances en Métropole. Toutefois, suivant leur désir, ils viendront ici terminer avec moi le séjour. C'est dire la satisfaction de ma femme, qui peut se reposer ici, et de moi-même mais aussi celle de tous mes enfants. Du reste c'est la troisième année que nous venons. Pour cette année, je n'ai eu à débourser que 510 NF et encore parce que l'un de mes fils, âgé de 20 ans, sapeur-pompier salarié de la Ville d'Alger, paye plein tarif ".

Dans le village, devant leur appartement, nous faisons la connaissance du second chef de famille: M. Dugard, employé à l'Hôtel de Ville. Autour de lui et de son épouse, leurs 6 enfants dont les âges s'échelonnent de 14 ans à 4 mois.
C'est l'un des anciens, il en est à son 7' congé au Centre.
" Etant allocataire - nous dit-il - bénéficient en outre des avantages de l'aide aux vacances pour mes enfants, ma note de séjour, cette fois-ci, s'élève seulement à 410 NF.
" En plus des avantages unanimement reconnus, pour ma femme et moi, c'est spécialement la tranquillité sous tous ses aspects qui nous incite chaque fois à revenir. En ce qui me concerne particulièrement, j'ai la joie de pouvoir passer mon congé avec tous mes enfants, donc de les mieux connaître. .

Ces appréciations sincères suffisent à justifier l'avis hautement qualifié de Mlle P. Tournier, présidente de l'Association Nationale des Assistantes Sociales : " Ben -Aknoun réalise vraiment l'idéal du Service social: per-mettre à chaque famille de vivre dans un cadre harmonieux, de retrouver le sens du foyer, de l'intimité et en même temps de participer à une vie collective bien conçue ».

A. G. REBAUD.

Sous les eucalyptus, occupations de l'après-midi. Pris en charge par des monitrices certains
Sous les eucalyptus, occupations de l'après-midi. Pris en charge par des monitrices certains enfants s'adonnent au tissage du rafia, tandis qu'un groupe écoute les explications du moniteur-chef sur les intéressantes façons d'utiliser les bouts de laine.