Armand Assus
Assus est de ceux qui nous redonnent la féerie du quotidien
comme si nous le voyions pour la première fois ".(Max-Pol
Fouchet)
par Marion Vidal-Bué
Armand Jacques Assus, né le 4 avril
1892 à Alger,
rue Suffren dans le quartier de Bab-el-Oued, reçoit
au berceau tous les atoutspour réussir une carrière artistique.
Il est le fils de Salomon Assus (1850-1919), peintre et surtout dessinateur
satirique connu de tous pour ses portraits-charges de personnalités,
publiés aussi bien dans la Dépêche Algérienne
que dans le journal satirique Le Turco ou dans le Charivari Oranais, et
pour ses savoureuses caricatures de " types algériens ",
largement diffusées sous forme de cartes
postales restées fameuses ( Voir
Salomon Assus, Illustrateur humoristique de l'Algérie, par André
Assus et Jean-Pierre Badia, éd. Jacques Gandini, Nice, 1999.).
Avant-dernier de sept enfants qui collaboraient en famille dans
l'atelier pour dessiner et colorier les créations du père,
Armand se montra le plus doué dans le maniement du crayon et du
pinceau, alors que son frère aîné Maurice avait hérité
des dons humoristiques ( Maurice Assus
(1879-1955) fut également peintre, mais vit sa carrière
entravée par des circonstances douloureuses, la guerre et la perte
de sa femme et de sa fille en particulier.).
Carte humoristique. (Coll.
Bernard Venis)
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Ainsi formé dès son plus jeune
âge sous la direction paternelle, Armand est admis à douze
ans à l'école des Beaux-Arts d'Alger dont le directeur,
le
Armand Assus, " Autoportrait ".
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peintre Hippolyte Dubois, ancien élève
du grand Ingres, professait un enseignement d'un académisme rigoureux.
Ce fervent défenseur de la pureté du dessin contribua à
doter l'adolescent d'un métier des plus solides, tout en lui insufflant
le désir de se situer dans la grande tradition de la peinture française.
À partir de 1907, Léon Cauvy succède à Dubois
à la direction de l'école, et encourage ses élèves
à exprimer leur personnalité avec beaucoup plus d'audace,
ce qui convient fort bien au peintre en formation, impatient de laisser
libre cours à ses goûts de coloriste. Quelques leçons
avec Georges Rochegrosse, maître unanimement apprécié
à Alger, lui permettent en outre de se livrer à d'autres
expérimentations picturales.
Titulaire d'une bourse de la Ville d'Alger en 1908, Armand Assus quitte
sa ville et sa famille pour continuer ses études à Paris,
et s'inscrit à l'École nationale des Beaux-Arts, dans l'atelier
de Cormon. Avec son condisciple et ami, le hardi Louis-Robert Antral,
il loge d'abord à Montmartre, rue des Martyrs. Il partage ensuite
un atelier à Montparnasse avec son ami oranais Maurice Adrey, qui
lui sert de complice pour évoquer les souvenirs d'enfance, et tous
deux retrouvent d'autres jeunes artistes venus d'Algérie, tels
Louis Fernez et Alfred Dabat, natif de Blida, qui entreprend une belle
carrière parisienne et donne chez lui des soirées où
Isadora Duncan vint paraît-il danser.
La fréquentation assidue des musées lui dicte ses premières
admirations pour une poignée de grands maîtres: Chardin,
dont on ressent l'emprise dans les natures mortes si précieusement
équilibrées qu'il produira toute sa vie, Vélasquez
et les frères Le Nain qui influencèrent ses portraits naturalistes
de personnages algériens, mais aussi Delacroix dont la fougue créatrice
fut une référence absolue pour tous les peintres de l'Afrique
du Nord, Corot pour la douceur de ses paysages et, plus tard, Cézanne
pour sa remise en cause de la construction de la toile. Dans la génération
précédant la sienne, Matisse, son aîné de plus
de vingt ans, l'enthousiasme par sa révélation de la couleur
pure, qu'il apprécie aussi chez Bonnard.
Totalement conquis par la capitale, Assus allait réussir à
s'y faire une place malgré toutes les difficultés, et devait
y travailler durant près de vingt ans, alternant les séjours
prolongés au pays natal avec les voyages de découverte et
de culture à l'étranger.
Le premier grand tableau qu'il présente à Paris en 1914
au Salon des Peintres orientalistes français, est néanmoins
inspiré par ses racines, c'est un portrait de " Vieille Juive
d'Alger", sujet totalement exotique pour le public parisien, mais
que l'état acquiert derechef et envoie par la suite à la
Légation de France à Anvers. Le jeune peintre expose aussi
au Salon des Artistes français à partir de 1913, obtient
des distinctions, mais se tournera ensuite vers les Salons de tendances
modernes, le Salon d'automne (dont il deviendra membre du jury), et le
Salon des Tuileries dès sa création en 1923. Dans sa ville
natale, il participe ponctuellement aux Salons des Artistes algériens
et orientalistes.
La Première Guerre mondiale interrompt son travail, mais sitôt
l'armistice signé, il puise à nouveau l'inspiration dans
sa communauté d'origine, présentant des portraits de "
fuie algériens " où, sous l'austérité
des personnages soulignée par une palette très sobre, perce
l'émotion ressentie devant ces gardiens d'une tradition millénaire
en voie de disparition.
En 1919, alors qu'il est de retour à Paris, Assus est encouragé
par Cormon, son ancien maître aux Beaux-Arts, à se présenter
aux épreuves du Prix de Rome de peinture. Il réussit brillamment
les premières épreuves éliminatoires, entre en loge
avec dix condisciples parmi lesquels il est le plus jeune, et en ressort
couronné d'un second Grand Prix de Rome. Le sujet imposé
par le jury est un thème éternel, " Jeunesse et Vieillesse
", qu'il choisit de traiter de manière très peu habituelle
dans ce concours. Jouant avec la lumière, il représente
un groupe de jeunes gens très contemporains, qui dansent vêtus
de couleurs claires dans un paysage nimbé de soleil, tandis qu'un
couple de vieux paysans placés au premier plan dans la pénombre
d'un contre- jour symbolique, les contemple. Le redoutable critique du
Temps, ThiébaultSisson, félicita dans sa chronique le candidat
qui avait eu le courage de faire preuve de beaucoup plus d'originalité
que ses camarades ( Cité par
Edmond Gojon dans L'Afrique du Nord Illustrée, 1er novembre 1920.).
De son côté, le critique de la revue algéroise Notre
Rive ( Notre Rive, Alger, avril 1927,
" Armand Assus ", par M. Michel) jugea que ce parti
pris de modernité, ainsi que les liens qu'il s'était créé
dans les milieux proches de l'avant-garde, avaient choqué les académiques,
privant Assus d'un premier Prix mérité.
En effet, par l'intermédiaire de son ami Benjamin-Constant, petit-neveu
de l'auteur d'Adolphe, il avait été présenté
à Jacques Copeau, à Léon-Paul Fargue, puis à
André Gide en personne. Celui-ci apprécia fort sa peinture
et montra en 1919 quelques-unes de ses oeuvres à Mme Druet, directrice
de la grande galerie du même nom à Paris, qui l'exposa bientôt
parmi ses protégés. Gide l'introduisit également
auprès du peintre néo-impressionniste belge Théo
Van Rysselberghe, de précieux conseil.
Le Kairouan( Coll.J.C.)
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Une amitié solide, fondée sur
de multiples affinités, allait le lier à partir de 1925
avec Albert Marquet. À Paris, Assus qui partageait avec son aîné
tant admiré le goût de peindre la Seine et ses quais, put
jouir du privilège de fréquenter son atelier de la rue Dauphine,
où il rencontrait avec profit Camoin et Manguin, autres glorieux
représentants des beaux jours du fauvisme. Plus tard, il fut reçu
dans l'atelier de La Frette. Une autre passion réunissait les deux
artistes, celle de l'Afrique du Nord, où Marquet séjournait
régulièrement depuis son mariage avec une Algéroise
en 1923. À Alger, tous deux eurent souvent l'occasion de peindre
côte à côte sur le motif, devant le port ou dans les
rues de la ville. Ainsi, dans les deux capitales, nombreux furent les
paysages peints par Assus avec le même esprit de simplification,
de calme et de clarté que ceux de Marquet.
Lorsque l'on prend connaissance de ses tableaux dans les catalogues des
expositions auxquelles il a participé, ou dans les publications
qui lui ont été consacrées, l'on constate qu'Armand
Assus a partagé sa production picturale en plusieurs volets bien
distincts. Toute une partie de son uvre est celle d'un peintre parisien
en phase avec les tendances de son époque, parfaitement à
l'aise dans le paysage comme dans la nature morte ou les scènes
de vie quotidienne, qui expose dans les Salons comme dans des galeries
renommées, Georges Petit ou Drouant, entre autres. Après
les rues de Paris de sa jeunesse estudiantine, il peint la banlieue mélancolique
qui entoure le pavillon de Montrouge occupé dans sa maturité,
ou bien les sites admirés au cours de ses voyages, à Cannes
où il expose à plusieurs reprises, et à l'étranger,
car il a aimé changer d'horizon pour nourrir son art et a visité
l'Espagne, l'Italie, la Hollande, le Maroc à plusieurs reprises.
L'autre partie, et non la moindre, fait de lui l'un des artistes les plus
complets de l'École d'Alger. Qu'il peigne les vues les plus typiques
de la ville, " Un Coin de Bab-elOued ", " Le square Bresson
", " La rue du Chêne ", " La place du Gouvernement
", " Une rue de la Basse Casbah ", " Le Kairouan "
ou " L'Amirauté ", " Le bal Padovani ", "
Les tirailleurs sénégalais " ou " La rue des Zouaves
", il demeure dans la droite ligne de la meilleure peinture française,
y imprimant la même mesure, la même justesse, la même
sérénité qu'à ses paysages européens.
C'est la poésie de la simplicité qui l'intéresse,
il adopte des formats petits ou moyens, des cadrages resserrés,
et s'il aime les tonalités fraîches, il n'hésite pas,
même pour ses paysages algérois, à employer les gris
pour décrire la fine lumière d'une journée couverte.
À Constantine, à Bougie, à Bou-Saâda, il reste
dans le même registre subtil.
Mais il livre encore plus de lui- même et de son individualité
profonde dans les tableaux qu'il consacre à la communauté
juive algérienne, lui conférant en quelque sorte par son
talent ses lettres de noblesse. En lui décernant en 1925 le Grand
Prix artistique de l'Algérie pour l'imposante toile intitulée
" Famille juive " ou " La famille Attali ", le jury
récompensait fort judicieusement la mise en lumière d'une
facette importante de la réalité algérienne. Cette
représentation d'une famille juive de Constantine en costume traditionnel
dans son intérieur d'une totale sobriété, les parents
et la jeune fille debout, la grand-mère assise, chaque visage bien
caractérisé dans la raideur de la pose, imposait sans effet
superflu une puissante densité humaine.
Il choisit d'ailleurs d'exposer des oeuvres de la même veine à
Paris, au Salon des Tuileries : une " Famille juive algérienne
" en 1926, et des " juives algériennes " en 1927.
Il faut ajouter à ce registre spécifiquement algérien
toutes ses scènes de vie arabe composées sans la moindre
concession au tape-à-l'oeil orientaliste, les natures mortes pleines
de poésie que lui ont inspiré des accessoires comme le narguilé,
les poteries kabyles ou les instruments de la musique arabo-andabouse,
et encore, ses magnifiques bouquets et ses compositions dédiées
aux fruits du soleil. À l'occasion de l'Exposition coloniale internationale
de Paris en 1931, il est justement chargé de réaliser un
diorama pour le Palais de l'Algérie, sur le thème de "
La récolte des dattes dans une palmeraie
du Sud algérien " ( Les
meilleurs peintres natifs du pays ou Abd-el-Tif participèrent à
la décoration de ce Palais de l'Algérie: Léon Cauvy,
Marius de Buzon, Émile Aubry, Émile Gaudissard, Fernand
Antoni, Eugène Comeau, Louis Riou, Jacques Simon, Étienne
et Jean Bouchaud, Paul-Elie Dubois, Maurice Bouviolle, Jean-Désiré
Bascoulès).
Une commande du Gouvernement général de l'Algérie
en 1934 le fixe à Alger pour plusieurs années, et lui permet
d'y vivre toute la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit de la décoration
du
Foyer Civique, l'un des bâtiments les plus considérables
d'Afrique du Nord, édifié sur l'ancien Champ-de-Manoeuvres
de Mustapha par l'architecte Léon Claro à partir de 1933,
et achevé en 1935. Destiné à devenir un grand centre
culturel avec auditorium de mille places, à accueillir un conservatoire
de musique et la bibliothèque municipale, il aurait dû abriter
en outre l'école des Beaux-Arts. Toutefois, la guerre en décida
autrement.
Assus est chargé de réaliser un ensemble des plus importants,
huit grandes fresques sur le thème de la danse en Algérie,
qui devaient constituer une sorte de frise en haut des murs d'une salle
rectangulaire: quatre décorations de 8 m sur 2 m, " La Noce
juive" ou " Danse en famille ", " La Danse dans les
champs " ou " La Mauna ", " Le Ballet " (à
l'Opéra), " Le Dancing" (aux Bains Matarèse),
et quatre autres de 6 m sur 2 m, " Danse du Sud algérien "
(les Ouled Nain " Danse Nègre ", " La Ronde des
enfants ", " Danse villageoise " (un bal public dans la
banlieue d'Alger). Choisissant l'antique procédé de la peinture
à la cire pour exécuter ces peintures qui couvraient une
superficie de 112 m2, il y travaille durant cinq ans, installé
dans le grand atelier des décors de l'Opéra d'Alger. Malheureusement,
les événements n'ont pas permis que le cycle décoratif
monumental du Foyer Civique réalisé par Assus et d'autres
excellents artistes, nous soit conservé. Seules sont demeurées
dans sa famille quelques maquettes de ses grandes compositions ( Les
autres artistes qui collaborèrent à la décoration
du Foyer Civique étaient Louis Ferrez, Marius de Buzon, Léon
Carré, Maurice Adrey, Émile Claro pour les peintures, Paul
Belmondo et Georges Béguet pour les sculptures. Les peintures,
qui avaient été accrochées provisoirement en 1942,
furent mises à l'abri dans les caves lors des bombardements d'Alger.
À la Libération, le Foyer Civique ayant perdu sa destination
première, certaines fresques furent exposées à l'Hôtel
de Ville, qui subit un attentat à la fin de la guerre d'Algérie.
L'actuel catalogue du musée des Beaux-Arts d'Alger édité
en 1998 indique que les peintures du Foyer Civique étaient en dépôt
au musée en 1952, mais on ignore ce qu'il est advenu de toutes
ces oeuvres.).
À cette époque, Armand Assus habite square Bresson, au dernier
étage d'un immeuble où il dispose d'un vaste atelier et
d'une immense terrasse d'où il contemple la ville presque entière.
Sans en bouger, il peut y repérer tous ses motifs préférés,
la Casbah étagée au-dessus de lui, les rues animées
de la ville basse, le théâtre et le square à ses pieds,
la gare maritime et le port, un peu plus loin au-devant.
Deux fois par semaine, il y reçoit des élèves, dans
le cadre " d'une sorte de cours collectif de peinture et de dessin
", et ce, jusqu'à son départ définitif d'Alger
à l'indépendance. Il y accueille aussi beaucoup d'amis peintres,
sculpteurs, écrivains ou musiciens, qui apprécient l'affabilité,
la pondération et la culture de cette personnalité placée
tout naturellement au coeur de la vie intellectuelle très riche
qui fermente alors à Alger.
La librairie-galerie ouverte
place Bugeaud par Benjamin-Constant est l'un des lieux de rencontre
des intellectuels algérois. Assus y expose à partir de 1929,
il y fait la connaissance d'Albert Camus, qui deviendra l'un de ses familiers
et utilisera à l'occasion l'atelier du peintre pour les répétitions
de sa troupe du théâtre de l'Équipe. Il se lie également
avec René Janon et Max-Pol Fouchet et retrouvera ces auteurs, avec
d'autres comme Emmanuel Roblès, chez l'éditeur Edmond Charlot,
qui expose aussi les artistes modernes dans sa librairie " Les Vraies
Richesses ", et anime successivement les galeries d'art Rivages et
ComteTinchant. Sans jamais accepter de se lier par un contrat exclusif
avec un marchand, préférant recevoir ses amateurs dans son
atelier, Assus organise chaque armée une ou deux expositions particulières
dans d'autres galeries prestigieuses, L'Art de France, Les Ateliers du
Minaret, la galerie Pasteur, la galerie Colin, ou Le Nombre d'Or.
Durant les années de guerre passées à Alger, il fréquente
beaucoup Marquet, tous deux ont tout loisir de dessiner côte à
côte, devant la gare maritime par exemple. Mais chacun a besoin
de s'échapper de la ville, et tandis que Marquet acquiert une campagne
sur les hauteurs de Beaufraisier, Assus profite des joies de la mer et
du Sahel à Aïn-Taya ou dans la maison qu'il a acquise tout
près de Sidi-Ferruch, le " cabanon " de Palm Beach. Les
petites toiles qu'il y peint captent des moments de bonheur tranquille
en famille, le farniente sur la plage ou dans la demi-pénombre
de la maison abritée du soleil, les promenades parmi les dunes
de sable, dans la forêt de pins, ou en bicyclette dans les rues
du village. Il reste un peintre de l'intimité, qui prend son épouse
et ses proches pour modèles, qui choisit parmi ses objets familiers
ou dans le panier du marché pour composer ses natures mortes raffinées.
Ainsi que l'écrivait Jean Brune en 1952, son oeuvre se ressent
comme " silencieuse, apaisée, recueillie "( Jean
Brune, " Dix peintres d'Alger e, Le Magazine de l'Afrique du Nord,
n° 24, février 1952, p. 24-25.).
Mais il est aussi un patriote, qui aide la résistance locale à
la veille du débarquement américain à Alger, et qui
participe à l'exposition " Peinture française "
organisée par le CNL à Londres en 1944. Un homme de convictions,
qui prend part la même année à l'exposition de la
galerie Pasteur à Alger, au profit des Républicains espagnols
réfugiés, en compagnie de Marquet, Bouviolle, et bien d'autres
peintres généreux.
L'année 1954 est particulièrement bien remplie: il expose
à la He Biennale de Menton, à Toulon avec l'Association
des Amis du Musée de la Marine, puis au Salon de la Marine à
Paris, avant de partir pour un séjour d'études de trois
mois en Hollande, grâce à une bourse du gouvernement des
Pays-Bas. Dans ce pays de calme, il se sent heureux de peindre les paysages
harmonieux baignés de lumières tendres, si bien accordées
à sa nature, et ne se lasse pas d'analyser l'art des maîtres
du passé. Le musée Boymans de Rotterdam lui achète
une vue de Paris, " L'Église Saint-Germain l'Auxerrois ".
L'ambassade de France à La Haye accueille également une
toile.
"
Le Telemly", extrait de Les peintres de l'autre rive, - Musée
de la Castre - Cannes.
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Jusqu'à l'indépendance, il alterne expositions et déplacements,
participant à plusieurs manifestations officielles mettant en valeur
les peintres de l'École d'Alger à l'étranger, entretenant
des relations suivies avec le musée des Beaux- Arts, où
Jean Alazard lui demande de restaurer des tableaux contemporains. Nommé
membre du Comité de patronage de la villa Abd-el-Tif en 1949, il
est fait chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en 1956, devient
membre du jury pour l'attribution des bourses de Lourmarin en 1961. Il
exécute aussi des commandes publiques : pour le hall de l'école
d'enseignement professionnel de Bougie en 1955 ( Il
réalise deux décorations sur le thème de " la
production de la force électromotrice ": " Construction
d'un barrage " et " Déchargement de la houille dans le
port d'Alger ".) et pour le lycée de jeunes filles
de
Kouba en 1959 ( Deux fresques
sur le thème des arts, "La Musique " et " La Peinture".).
Installé à Nice après 1962, Armand Assus réside
ensuite à Cannes, puis à Antibes, où ses dernières
années sont assombries par la maladie, une paralysie progressive
qui l'empêche de peindre à partir de 1973. La galerie Vendôme,
rue de la Paix à Paris, lui consacre une belle exposition avec
catalogue en mars- avril 1966. Il connaît la satisfaction d'une
rétrospective au Château-Musée de Cagnes en 1970,
avant de s'éteindre à Antibes, le 28 juin 1977.
Avec celles d'une petite douzaine d'artistes, quatre de ses uvres
sont présentées à Lourmarin, dans le cadre de l'exposition
" Les peintres amis d'Albert Camus ", organisée par Les
Rencontres méditerranéennes en 1994.
Un bon nombre d'oeuvres d'Armand Assus avaient été acquises
par le Musée national des Beaux-Arts d'Alger, et figurent toujours
dans les collections actuelles : " Port d'Alger ", " Square
Bresson ", " Rue du Chêne ", " Le Narguilé
", " Jeune Mauresque assise ", " Portrait de Benaboura
", " La cuisine ", " Le couloir ", " Delft
", " Port de Rotterdam ", " Cuzieu ", "
Rue de l'Echaudé à Paris ", " Plage de Juan-les-Pins
au crépuscule ". Le musée. Demaeght à Oran possédait
trois peintures. Le Musée d'Art et d'Histoire de Narbonne conserve
une grande toile, " Les Fiançailles ".
Max-Pol Fouchet a très bien résumé son art, en rendant
compte d'une exposition du peintre en 1937: " Armand Assus, comme
à l'accoutumée, nous séduit par la plus exquise sensibilité
Une toile d'Assus est un ravissement pour l'intelligence et l'émotion.
Elle déborde de quotidienne poésie.[...] L'habitude, cette
transition de la vie, nous fait passer insensibles devant les étonnantes
merveilles du coutumier et du continu. Qu'on nous les révèle,
voilà ce qui me paraît l'essentiel de la mission de l'artiste
en général, et du peintre en particulier. Assus est de ceux
qui nous redonnent la féerie du quotidien comme si nous le voyions
pour la première fois "(Max-Pol
Fouchet, Beaux-Arts, 16 juin 1937.)
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