Origines du port
d'Alger
Ce texte est extrait du Bulletin
de la société de géographie de l'Afrique du Nord,
4- trimestre 1907
---------Les
côtes de l'Afrique du Nord présentent peu d'abris naturels.
---------En
Algérie les vents d'ouest sont les vents les plus fréquents.
Presque toutes les tempêtes sont des tempêtes d'ouest tournant
vers le nord-ouest et le nord en soulevant une très grosse mer.
---------Entre
le golfe de Bougie et celui d'Arzew, la baie d'Alger est le seul endroit
où l'on puisse trouver une protection relative, contre les vents
du nord-ouest, à l'abri du massif de la Bouzaréah qui domine
la partie ouest de la baie.
---------Malheureusement,
le promontoire de la Bouzaréah,
très arrondi, ne présente qu'une protection insuffisante
contre la mer. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Les écueils
de la
Pointe-Pescade et de la pointe des Consuls ne peuvent empêcher
les lames de contourner le promontoire et de pénétrer largement
dans la baie d'Alger.
---------Ce
n'est qu'un peu plus au sud, après la pointe d'El-Kettani,
que quatre îlots entourés d'écueils constituaient
autrefois une amorce d'abri naturel, offrant aux petits bâtiments
de l'époque une protection, bien précaire d'ailleurs.
---------C'est
à cette particularité que le port d'Alger doit son origine.
---------La
situation privilégiée de ce point de la côte semble
avoir attiré l'attention des Phéniciens qui, au IXe siècle
avant notre ère, s'y installèrent en même temps qu'à
Carthage. Certains poèmes grecs font même remonter l'origine
d'Alger à l'époque légendaire des expéditions
d'Hercule. Vingt de ses compagnons, après des aventures diverses,
auraient décidé de se fixer en face de ces îlots,
d'y bâtir un village auquel ils donneront le nom d'Icosium du mot
grec eikosi qui signifie vingt.
---------Ce
qu'il y a de certain, c'est que des inscriptions romaines confirment le
nom d'Icosium, colonie faisant pendant à l'établissement
maritime de " Rusgunium " situé au sud-est de la baie
d'Alger, sur la presqu'île de
Matifou.
---------Plus
tard, les Arabes donnèrent à Icosium le nom d'El-Djezaïr
(les îles), nom qui s'est transformé par la suite en Alger
par corruption euphonique.
---------C'est
sur ces îlots, base de départ de la jetée nord et
de la construction du port que s'est édifiée l'Amirauté
d'Alger, qui a fait le bonheur de nombreux peintres puis de photographes,
bien plus nombreux encore.
Le port d'Alger avant
l'occupation turque
---------Nous
n'avons commencé à recueillir quelques renseignements sur
la vie maritime d'Alger qu'à partir de la fin du Xe siècle.http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
. El-Djezaïr des Beni Mezrana exportait, nous dit-on, à cette
époque, du miel, du beurre et des figues.
---------Dès
le Xllle siècle, Alger servait de repaire à la piraterie
barbaresque et, en l'an 1300 l'on y achetait des esclaves. Au commencement
du XVIe siècle, l'activité maritime de l'Espagne était
particulièrement développée. Les premiers bâtiments,
chargés de richesses, étaient l'objet de convoitises et
bien souvent l'attaque des pirates se produisait avant l'arrivée
de ces vaisseaux dans les ports de la côte sud de l'Espagne.
---------C'est
cette raison qui a déterminé ce pays à intervenir
en 1505. Le cardinal de Ximenés s'emparait de Mers El-Kébir
et d'Oran. En 1510, le comte Pedro Navarro s'emparait de Bougie. Le 31
janvier de cette même année une députation des notables
d'Alger, venue par mer, à Bougie, signait avec Pedro Navarro un
traité qui reconnaissait l'indépendance et l'autonomie de
la ville d'El-Djezaïr et déclarait celle-ci vassale de l'Espagne
(il faut préciser ici que depuis cinquante ans, la ville d'Alger
avait répudié la souveraineté des rois de Tlemcen).
---------En
même temps, les barbaresques concédaient au roi d'Espagne
l'îlot de Stofila, la principale des petites îles, pour y
construire un fort et y avoir une garnison. (Ilot
A du schéma 1.)
Aussitôt Pedro construisit la forteresse qui prit le nom de "
Penon " de l'Algel et y installa une garnison de 200 hommes (penon
est un augmentatif du mot espagnol qui signifie " rocher").
---------La
citadelle espagnole se composait de deux ouvrages qui menaçaient
la ville et tenaient ses habitants en respect. Le " Penon
" était entouré par la mer à l'ouest et ailleurs
par des canaux qui le séparaient des îlots voisins. Le plus
grand de ces îlots"
D", situé au sud, paraît avoir reçu
quelques constructions espagnoles. Pendant dix-neuf ans, les Espagnols
occuperont le " Penon " dans des conditions difficiles, par
suite de l'incurie du gouvernement espagnol et de l'hostilité des
habitants de la ville. Souvent, on y manquait de vivres, et même
de poudre et il fallut faire venir des Baléares l'eau douce nécessaire
à la garnison.
---------Les
barbaresques, qui avaient d'abord bien accueilli les Espagnols, ne tardèrent
pas à s'irriter de la présence des chrétiens. Ils
refusèrent des vivres aux habitants de la forteresse et les empêchèrent
de prendre de l'eau aux fontaines de la ville.
---------En
1516, le roi Ferdinand étant mort, les maîtres d'Alger espérèrent
se soustraire à la domination des Espagnols à la faveur
des troubles que devait créer le règlement de sa succession.
Ils appelèrent à leur secours le corsaire Aroudj qui était
déjà célèbre par ses exploits contre les chrétiens.
---------Aroudj
s'empressa de répondre à l'appel des habitants d'El-Djezaïr.http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
. Il attaqua la forteresse mais à cause de la faiblesse de son
artillerie, il ne parvint pas à ses fins et abandonna son entreprise.
---------Au
mois de mai 1529, Kheir-ed-Din, qui avait remplacé son frère
Aroudj comme souverain d'Alger (le pacha qui avait fait appel à
eux pour chasser les Espagnols avait comme il se doit, été
exécuté) trouva le moment propice pour se débarrasser
de la garnison espagnole dont l'existence était à la fois
pour lui une humiliation et une gêne.
---------La
garnison était placée sous le commandement d'un vieux capitaine,
Don Martin de Vargas, qui avait en vain demandé à l'Espagne
des secours et des munitions qui ne lui parvinrent pas à temps.
---------Kheir-ed-Din
envoya un officier au gouverneur pour le sommer de se rendre et lui offrir
une capitulation honorable. Il le menaçait, en même temps,
de passer la garnison au fil de l'épée s'il s'obstinait
à vouloir se défendre. La réponse de Don Martin de
Vargas fut : qu'" il était espagnol
et que les menaces d'un petit vice-roi n'étaient point capables
de lui faire trahir son devoir, et qu'il serait ravi d'être attaqué
pour donner la preuve de ses sentiments".
---------Kheir-ed-Din
fit canonner la forteresse jour et nuit. Au bout de quelques jours la
garnison se trouva dans l'impossibilité de répondre à
l'attaque, ses munitions étant épuisées. Et, le 27
mai, au point du jour, ayant réussi à pratiquer une brèche,
les Turcs donnèrent l'assaut. La résistance fut héroïque
et l'ennemi ne put entrer dans la place qu'après une journée
de lutte désespérée. Tous les hommes survivants de
la garnison étaient blessés. Le gouverneur, tout ensanglanté,
l'épée à la main, soutint la lutte jusqu'au bout.
Finalement il tomba vivant aux mains de ses vainqueurs ainsi que l'alcade
des tours, 90 soldats et 25 femmes et enfants.
---------Les
prisonniers furent distribués comme esclaves entre les raïs
et les soldats. De Vargas, d'abord traité avec distinction par
le corsaire, ayant refusé de renoncer à sa patrie et à
sa religion, fut condamné à la bastonnade et mourut sous
les coups.
---------Parmi
les femmes captives, deux furent épousées par leur maître.
L'une devint la belle-mère de Ramdam-Pacha, qui fut gouverneur
d'Alger et l'autre fut la belle-mère du roi de Fez et Marrakech,
Abd-El-Meleck Abou Merouan.
Le port d'Alger pendant
la domination turque
---------Aussitôt
maître du Penon, Kheir-ed-Din fit démolir l'enceinte crénelée
du fort et les bâtiments. Il ne conserva qu'un bastion servant de
batterie du côté du large et une tour sur laquelle il installa
un fanal.
---------Au-dessus
de la porte d'entrée de cette tour on voyait encore, au début
du siècle, un écusson de pierre sur lequel paraissaient
avoir été sculptées, puis grattées, les armes
d'Espagne.
---------Les
débris de cette démolition furent employés à
relier entre eux les petits écueils (F
schéma 1) qui formaient une ligne presque droite entre
l'îlot du fort et la côte. Ce fut l'origine du môle
qui a conservé le nom de Kheir-ed-Din. Ce travail fut achevé
avec des pierres tirées des ruines romaines de Rusgunium (Matifou)
ainsi que des carrières voisines. En même temps, une partie
des canaux qui entouraient les îlots fut comblée. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis
.L'ensemble du groupe rocheux devint une presqu'île. Ces travaux,
auxquels furent employés tous les esclaves chrétiens, durèrent
trois ans.
---------La
date du 27 mai 1529 marque l'un des tournants de l'histoire de cette côte.
Elle fut le point de départ de l'ère d'El-Djezaïr.
A partir de ce moment, les corsaires musulmans possédant un port
sûr et bien défendu contre les puissances chrétiennes
firent de la course une vaste entreprise politique et commerciale. Ils
purent impunément ravager les îles et les côtes de
la Méditerranée, capturer les navires jusque dans l'Océan
et tenir tête aux flottes les plus puissantes des nations chrétiennes.
---------En
1532 Kheir-ed-Din avait fait construire un mur sur le terre-plein temps,
empêchaient la circulation sur le môle et causaient des avaries
aux bâtiments qui y étaient amarrés.
---------Les
successeurs du vainqueur du Penon complétèrent son uvre
par l'exécution de travaux de défense militaire et de défense
contre la mer.
---------Hassan,
successeur immédiat de Kheir-ed-Din, établit sur les îles
les premières batteries. Celles-ci furent simplement posées
sur le sol sans aucun abri qui les recouvrit. Pour célébrer
l'achèvement des fortifications du port, en 1542, un vénitien
fondit une grosse pièce d'artillerie, à laquelle on donna
le nom de Baba-Merzoug (père fortuné) et qui devint tristement
célèbre, bien plus tard sous le nom de " La
Consulaire ". Nous en reparlerons plus loin.
---------Vers
1560, Salah Raïs suréleva la jetée et construisit une
chaussée maçonnée qu'il défendit au nord contre
la mer par un enrochement. En 1573, le pacha Arab Ahmei fit enceindre
l'îlot d'un parapet. Puis il fit construire deux tours, l'une pour
recevoir un fanal, l'autre servant de casernement à la garde chargée
de surveiller le port et les navires au mouillage.
---------Le
port restant ouvert au sud on fit une défense en enrochements sur
les roches et le banc sableux qui prolongeaient les îles au sud-ouest.
Ce fut le grand môle (emplacement
E du schéma 1). À la fin du XVIIIe siècle
des roches (G)
partant de terre et faisant face au grand môle furent réunies
par des blocs de pierre et formèrent la base du môle sur
lequel sera édifiée la Santé maritime. Ces travaux
furent achevés au commencement du XIXe siècle. À
l'extrémité de cet ouvrage était fixée la
lourde chaîne, supportée par des bouées, qui la nuit
fermait le port.
---------Le
port turc avait ainsi la forme d'un croissant ouvert au sud dont les deux
cornes étaient représentées par le grand môle
à l'est et la Santé à l'ouest. C'est la partie du
port d'Alger que l'on appellera par la suite la " Darse
de l'Amirauté".
---------L'îlot
(C) situé
au nord de la tour du phare resta isolé jusqu'au règne de
Hussein-Pacha, dernier dey d'Alger, qui fit combler le canal le séparant
du Penon. Pour la construction des grands navires les Turcs transformèrent
en chantier la plage de l'îlot sud (D).
Il correspond à la cale de halage construite par les Français.
---------L'alimentation
en eau douce était faite par un réservoir vers lequel on
avait détourné, avant 1700, les eaux d'une source située
au-delà du Fort l'Empereur (probablement Bir-Traria).
---------Des
magasins existaient sur l'îlot dès le commencement du XVIIIe
siècle. Ils servaient à abriter le matériel d'armement
des vaisseaux et le produit des prises.
---------Les
dernières constructions élevées sur le môle
Kheir-ed-Din, du côté de la mer, furent achevées au
commencement du XIXe siècle ainsi qu'en témoigne une inscription
turque placée contre le mur d'un local qui servit longtemps de
chapelle à l'Amirauté.
---------Nous
reproduisons cette inscription, ci-après, comme nous reproduisons
toutes celles trouvées sur ces lieux chargés d'histoire.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Leur traduction 'en est due, sauf
erreur, au docteur Gabriel Colin, professeur d'arabe et de turc de l'Algérie
(Paris, 1901).
---------Les
inscriptions étant classées, dans cet ouvrage, d'après
leur date et portant un numéro d'ordre, nous rappellerons pour
chacune d'elles ce numéro afin de permettre aux éventuels
chercheurs de se référer au texte original et aux commentaires.
---------L'inscription
de l'ancienne chapelle de l'Amirauté porte le no 136 du corpus.
Traduction : " Par l'ordre éminent
du maître, du seigneur El Hadj Aly Pacha et grâce à
sa haute sollicitude, les sept magasins ont été achevés.
Qu'il soit à l'abri de l'infortune de ce monde perfide, et, en
un mot, qu'on ne se souvienne de lui que pour le bénir. Il s'est
proposé la conservation des approvisionnements de la flotte de
la Guerre Sainte. Qu'il soit délivré à jamais, dans
les deux mondes, de l'affliction que cause l'épouvante. Que ses
ennemis malveillants, en ce monde périssable, soient toujours abattus.
Dans les questions d'équité, sa parole, son zèle,
ses efforts tiennent toujours le premier rang. Que la pensée de
celui qui est la justice même soit réjouie par les délices
du Paradis. Puisse-t-il être agréé par la Vérité
et obtenir un rang élevé. Année de l'Hégire
1229. " (1813-1814 de l'ère chrétienne).
---------C'est
sous le règne d'Hussein-Pacha qu'a été terminé
ce qui devint dans la résidence du commandant de la marine, le
"grand salon". Une inscription turque placée au-dessus
de la voûte ouvrant sur la rampe qui suit la jetée Kheir-ed-Din
relate la construction de cet édifice (no 160 du corpus). Traduction
: " Le gouverneur, sultan d'Alger, a fait
cette construction. Hussein-Pacha, mine de miséricorde, a donné
ses soins à cet édifice. Dieu désire sans cesse la
Guerre Sainte de ses intentions pures comme la perle. Que la vérité
rende son étendard toujours victorieux. Il a donné à
ce bâtiment des bases quadrangulaires, avec des arceaux reliés
les uns aux autres. Désirant qu'elle reste comme un monument, cet
homme généreux a établi une construction dont les
fenêtres sont opposées à la mer, dont le dôme
s'élève au faîte du ciel. C'est la demeure des amiraux,
champions de la Guerre Sainte et conquérante. Un modèle
nouveau ayant été créé on édifie ce
pavillon que la langue ne saurait décrire et dont le plan est une
uvre d'art au-dessus de toutes les louanges. Énonce sa date.
Quelle belle chose Dieu a voulue. La vérité a rendu parfait
son achèvement. Année 1241.
" (1826 de l'ère chrétienne.)
Les fortifications du
port d'Alger en 1830
---------Au
moment de la prise d'Alger par les Français, en 1830, le port était
défendu du côté de la mer par huit forts qui formaient
une ligne de batteries continue, depuis l'extrémité nord
de l'îlot jusqu'à la pointe du grand môle, au sud.
Les batteries étaient superposées sur deux et trois étages,
la "Consulaire" était isolée entre deux batteries,
à l'angle du grand môle et de l'îlot sud (schéma
1).
---------La
tour du phare appelée par les indigènes " Bordj-el-Fenar",
comptait quatre étages de feux et un total de soixante et une embrasures.
Mais son armement ordinaire n'était que de 55 pièces dont
une quarantaine de fort calibre. Cette tour renfermait une citerne d'une
capacité de 750 000 litres au-dessus de laquelle se trouvait une
vaste salle, quartier général des canonniers turcs.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Les fortifications du port, vues
du large, avec leur haute muraille baignée par la mer, crénelée
au sommet, et les gueules de nombreuses pièces d'artillerie apparaissant
aux embrasures, présentaient un aspect terrifiant. Au total, la
défense comprenait 293 pièces, presque toutes du plus gros
calibre, dont la moitié, à peu près, était
en casemates. Ce qui constituait, pour l'époque, un armement considérable.
---------Bien
que n'ayant que trois hectares de superficie, le port, ainsi puissamment
défendu, a pu abriter jusqu'à 40 navires. Sa passe était
fermée chaque soir, par une chaîne et deux bateaux veillaient
au dehors.
Les forts du nord et
de l'est
o Fort " Ras
Amar ei Kedim "
---------À
l'extrémité nord de l'îlot s'élevait la batterie
appelée " Bordj-RasAmar-et-Kedim " (fort du cap d'Amar
l'Ancien) qui avait 25 canons de 18, 7 mortiers de gros calibre et 28
embrasures. Il y avait en outre 25 embrasures basses armées de
25 grosses pièces. Au sud de ce fort, un parapet de 42 mètres
abritait une triple rangée de mortiers.
o Fort " Ras Amar et Djedid "
---------Cette
partie des fortifications resta isolée, formant une véritable
île jusqu'au moment où Hussein-Pacha, comme il a été
dit plus haut, y fit établir une batterie qui reliait les mortiers
de " Ras et Kedim " à la tour du phare et qui prit le
nom de " Ras Amar et Djedid " (fort du cap Amar le Neuf). Elle
était armée de 34 pièces sur deux étages,
inférieur casematé.
---------Au
nord et au sud la défense se continuait par le " Bordj et
Djedid " le Fort-Neuf, équipé de 21 pièces.
Il avait été construit sous le règne de Mohamed Ben-Osman-Pacha,
au XVIIle siècle.
---------Une
inscription turque, autrefois au-dessus de l'entrée du fort, fait
mention de sa construction. La traduction qui en a été faite
par le Dr Gabriel Colin (et qui porte le no 96 du corpus) est la suivante
: " A la louange de celui dans l'empire
de qui rien ne survient qu'il n'ait voulu et prédestiné.
La construction du fort a été achevée selon les ordres
et dispositions de Mohamed-Pacha. Que sa pieuse mémoire dure tant
que le soleil et la lune tourneront devant leur zodiaque. Les fondations
en ont été bien cimentées et le bâtiment bien
crépi, rendu agréable à Dieu et solide. O bonheur,
en raison de son utilité générale, il l'a institué
comme un monument. Que la miséricorde de la Vérité
mette en évidence un zèle digne d'éloges et une uvre
méritoire; que le Seigneur de la Bonne Nouvelle intercède
en sa faveur au jour du jugement dernier. Que sa boisson soit un vin (?)
scellé et son eau l'onde pure. Son défenseur, son protecteur
dit : c'est le Dieu très grand. Que ses ennemis irréligieux,
semblables à la poussière de la terre soient vaincus et
anéantis, puisque, grâce à sa liberté ont été
installés des canons qui ne mangent pas du miel. Dis Dieu garde
la date du fort illustre. Année 1187." (1773 et
1774 de l'ère chrétienne.)
o Batterie "Mâbin "
---------Faisant
suite à ce fort, Hussein-Pacha fit construire la " Batterie
Mabin ". http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Il existe deux inscriptions
turques relatives à cette batterie. L'une se trouve sur un pilier
placé sous la voûte assez éloignée de la batterie
et séparée d'elle par le fort Djedid (sans qu'on ait pu
expliquer sa présence en ce lieu). Cette inscription porte le no
155 du corpus. Traduction : " Je me mets
auprès de Dieu, à l'abri de Satan le lapidé. Au nom
de Dieu, le Clément, le Miséricordieux, en lui est l'assistance.
Dans la voie de Dieu, en vue de la Guerre Sainte, il a inauguré
une construction dans la partie médiale, il a donné une
muraille, le Mâbin, redoutable comme un lion, que Dieu bénisse
son constructeur, les stratagèmes qu'il projette promettent la
prospérité. Que la Vérité fasse triompher
son drapeau, il a tiré
vengeance des infidèles.
Nous demandons à Dieu la protection qui fait la force de l'Islam.
Sa victoire reste au faible qui marche à la Guerre Sainte avec
la miséricorde de Dieu. O mon Maître, pardonne aussi pour
cela à un humble serviteur. Dieu enclin à l'assistance est
entré dans la meilleure partie de sa date. O mon Dieu, la meilleure
des protections, fais-nous triompher de la troupe des infidèles.
O mon Dieu, par ta victoire évidente, fais-nous triompher de la
troupe des infidèles. Et Dieu t'apportera une aide puissante. Ce
que Dieu a voulu arrive. Année 1239 de l'Hégire. "
---------Cette
inscription ne mentionne pas le nom d'Hussein mais cette lacune est comblée
par la seconde inscription qui complète la première et se
trouvait placée au-dessus de la porte d'entrée d'un magasin
donnant accès à la mosquée. Cette seconde inscription
(no 157 du corpus) se composait de deux parties : l'une formant marge
autour de l'autre formant corps.
---------Traduction
de la marge : " Quelle belle chose Dieu
a voulu. Le bordj Mâbin a pris bel aspect. O clément, O miséricordieux,
je me mets auprès de Dieu qui entend tout et sait tout, à
l'abri de Satan le maudit, le lapidé. C'est en Dieu qu'est l'assistance,
c'est Lui qui est le meilleur protecteur. Au nom de Dieu Clément,
le Miséricordieux. II n'y a de victoire que grâce à
Dieu, le Puissant, le Sage; et Dieu t'apportera une aide puissante. En
l'année de l'Hégire 1239. "
---------Traduction
du corps : " En un jour béni, son
constructeur a posé ses fondements. Grâces soient rendues.
Le Maître a produit l'achèvement de sa prospérité.
Après avoir appliqué ses efforts à le terminer, HusseinPacha
a prononcé son nom avec joie " Bordj Mâbin ". Ce
vizir, mine de générosité, en manifestant sa bienveillante
bonté, a augmenté les appuis du peuple musulman. Le fort,
tel un dragon à sept têtes, répand le feu de tous
côtés. Le pacha a garni ses murailles de canons qui ne mangent
pas de miel. Il veut le salut, c'est chose faite. Quant à ses ennemis
irréligieux, qu'ils augmentent l'abondance de leurs lamentations
et de leurs cris de détresse. O mon Dieu, fais cette grâce
que la dignité de Hussein-Pacha s'accroisse et que, sous peu, il
prenne de force à ses ennemis, ce qu'il désire. Année
1239. " (Soit années 1823 et 1824 de l'ère
chrétienne.)
---------En
franchissant une belle porte, on descendait dans une voûte qui correspondait
à l'un des étages de feu de cette batterie Mâbin qui
a servi, en 1942 et 1943, d'abri contre les bombardements aériens
au personnel de l'Amirauté. La batterie Mâbin dominait, en
arrière, le Bordj Es-Sardin.
o Fort Es-Sardin
---------La
ligne de défense se continuait par le " Bordj Es-Sardin ",
construit au XVIlle siècle, armé de 32 pièces sur
deux étages dont l'inférieur était casematé.
C'est à l'étage supérieur que les Français
avaient placé les pièces de 47 pour rendre le salut.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Une inscription turque, qui surmontait
la porte d'entrée du fort (elle portait le no 38 du corpus) comprenait
deux parties : l'une relative à la construction du fort, la seconde
concernant sa restauration, un siècle plus tard.
---------Traduction
de la première inscription : " O
sultan Mohamed Kan Razy, par la Haute Justice, une batterie a été
ajoutée à la fortification d'Alger. Celui qui a continué
sa construction est Ahmed-Pacha. L'armée victorieuse l'a entreprise
avec zèle et courage. Elle a été heureusement achevée
et il a été prononcé pour elle une date. Frappe des
coups qui atteignent leur but, belle batterie. Par les soins de l'humble
Ibrahim ben Moussa, l'an 1077.- (1666 et 1667 de l'ère
chrétienne.)
---------Traduction
de la seconde inscription : " Celui qui
a restauré cette batterie pour dompter l'ennemi est le victorieux
Mohamed-Pacha-benOsman, l'homme heureux et brave. Elle sera devant l'ennemi
un bâtiment solide comme la barrière d'Alexandre. Que le
Dieu créateur lui donne une large récompense lors de la
résurrection. Quand elle eut été achevée,
avec l'aide de Dieu, on lui donna une date. Son feu fait périr
le mécréant comme les flammes ardentes. Année 1190.
" (1776-1777 de l'ère chrétienne.)
---------La
table de marbre sur laquelle était gravée cette inscription
présentait de chaque côté, sculptée en relief,
une mosquée à minaret et deux ifs ; chacun de ses arbres
porte à son sommet un oiseau faisant face à celui de l'arbre
opposé. Il faut voir dans cette représentation l'oiseau
que le mythe persan a désigné sous le nom de " Chêb
avis" et qui, perché sur un arbre, est censé répéter
continuellement : " Yâ haqq, yâ
haqq (O vérité, O Vérité). "
Au-dessus de l'inscription, on voit également, sculptés
en relief, deux poissons se faisant face et deux navires à voile.
Enfin, dominant le tout, un lion debout tient une sphère entre
les pattes antérieures. C'est à cause de la présence
des poissons au-dessus de l'inscription que l'on a donné à
ce bordj le nom de " Bordj-Es-Sardin ".
---------Nous
devons signaler, pour être complet, un certain nombre d'inscriptions
de provenances diverses qui se trouvaient placées sur les murs
des magasins, près de la plate-forme du Penon.
---------Traduction
de l'une d'elles, qui porte le no 43 du corpus : " A
la gloire du défenseur du fort, a été achevée
cette citadelle de la Guerre Sainte, excellente et élevée,
sous le règne du prince le plus fortuné, orgueil des rois
éminents, Ahmed, au commencement du mois de joumâdâ
et tâniya de cent après le huit, avant lesquels mille ans
se sont écoulés depuis l'émigration du Prophète,
le meilleur des envoyés. Année 1108. " (16961697
de l'ère chrétienne.) On a pu déterminer l'édifice
d'où provenait cette inscription. C'est après 1845, après
l'explosion de la poudrière qu'elle avait été placée
là.
---------On
voyait encore sur les murs du magasin de l'est, de nombreuses inscriptions
arabes provenant des tombes de Bab-El-Oued, des tables funéraires
hébraïques et des inscriptions turques, d'origine indéterminée
mentionnant l'aménagement ou la restauration des chambres de janissaires.
---------Enfin,
nous devons mentionner une inscription espagnole portant la date de 1777,
provenant très probablement d'un des forts d'Oran. Elle aurait
été placée là après la seconde prise
de cette ville par les Algériens en 1792.
Edouard NOCCHI.
(A
suivre.)
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