*** 
        La qualité médiocre des photos de cette page est celle de 
        la revue. Nous sommes ici en 1923. Amélioration notable plus tard, 
        dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
        N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande
        TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.
         
        
         
 
        
        
        LA CULTURE DU COTON EN ALGÉRIE
        Depuis la guerre et surtout 
          depuis que le change subit les variations les plus inattendues, les 
          nations deviennent, chaque jour, davantage protectionnistes. C'est ainsi 
          que, lorsque les filateurs ont besoin de coton brut, ils sont obligés 
          de le payer, étant donné la dépréciation 
          de la monnaie française, aux producteurs égyptiens, indiens 
          ou américains, trois fois plus cher que la même quantité 
          ne revient à leurs concurrents anglais ou américains. 
          
          
          Comme cette obligation se retrouve à peu près dans toutes 
          les branches, chacun s'efforce actuellement de rechercher s'il ne serait 
          pas possible de trouver chez soi ce qui coûte si cher et ce qu'il 
          est souvent si difficile de se procurer chez les autres. Ainsi, le problème 
          du change serait rapidement résolu et l'équilibre reviendrait 
          rapidement entre les monnaies, tel qu'il était avant la grande 
          convulsion qui a secoué l'Europe - même le monde entier 
          - jusque dans ses fondements. Ainsi, sinon la solidité de nos 
          finances, au moins la solution de la vie chère serait définitivement 
          trouvée... 
          
          Déjà, il y a deux ans, M. Angoulvant, un des derniers 
          gouverneurs généraux de l'Afrique Occidentale française, 
          démontrait, dans un article vigoureux, que publia la revue Colonies 
          et Marine, que la France pourrait parfaitement, si elle le voulait, 
          s'organiser rapidement en vue de trouver, dans ses possessions, tout 
          le coton brut dont elle a besoin. Cet heureux résultat pourrait 
          être obtenu par l'exécution du projet de l'ingénieur 
          hydraulicien Bélines. Un ensemble de barrages et de canaux d'irrigation 
          permettrait sûrement - les experts agronomes en ont acquis l'absolue 
          certitude - de produire annuellement cent mille tonnes de coton d'une 
          qualité identique ou supérieure à celle du meilleur 
          coton d'Égypte. Le problème technique et agricole se trouvait 
          ainsi, dès l'abord, pratiquement résolu. Restait celui 
          de la main-d'uvre, cette partie de l'Afrique étant peu 
          peuplée. Mais les précédents : développement 
          de la culture de l'arachide sur la nouvelle voie ferrée Thiès-Kayes 
          et l'afflux rapide des indigènes, dans cette région auparavant 
          déserte, donnaient le droit de croire que les travailleurs ne 
          tarderaient pas à y venir nombreux. 
          Les besoins actuels de notre industrie cotonnière sont annuellement 
          de 300.000 tonnes. Ces travaux en auraient produit 100.000 et ce n'eût 
          été qu'une première tranche ; d'autres auraient 
          suivi à telle enseigne, qu'en quinze ans, avec une dépense 
          de 250 millions seulement, nos importations de coton brut eussent été 
          réduites dans de notables proportions. L'argumentation de M. 
          Angoulvant se heurta à une terrible objection. La France est 
          ruinée. Elle n'a plus d'argent ! Elle se trouve dans cette situation 
          paradoxale que, seule, une mise de fonds, pour des dépenses productives 
          peut la sauver d'une situation financière telle que quelques-uns 
          parlent de banqueroute. A ce moment, l'occupation de la Syrie-Cilicie 
          nous coûtait 750 millions par an, alors que le versement des 250 
          millions nécessaires pour l'irrigation des terres à coton 
          du Niger se répartirait sur quinze ans ! 
          
          Telle était la thèse que soutenait avec une ardeur persuasive 
          M. Augoulvant, et que M. Pierre Mille résuma excellemment dans 
          une série d'articles qui eurent un grand retentissement en France. 
          Cette thèse était juste ; l'aménagement des eaux 
          du Niger doit être faite et il ne serait pas difficile, dans le 
          fantastique budget actuel de la France, de trouver les annuités 
          indispensables à cette uvre éminemment patriotique. 
          
          
          M. Angoulvant ayant donné à entendre que ces 250 millions 
          pourraient à la rigueur être récupérés 
          par l'abandon de cette occupation de la Syrie-Cilicie, ruineuse et improductive, 
          M. Pierre Mille s'écriait : 
          - Il y a, dans l'argumentation de M. Angoulvant, quelque chose qui, 
          je l'avoue, me tracasse un peu. Les dépenses pour l'occupation 
          de la Syrie-Cilicie, dit-il, sont de 750 à 800 millions, et elles 
          sont improductives. Il devrait, - et alors apparaîtrait un problème 
          encore plus angoissant que celui des irrigations du Niger, - ajouter 
          ceci : 
          " Sur le quasi-milliard affecté à la Syrie-Cilicie, 
          la plus grande partie est affectée à la Cilicie, qui, 
          d'ailleurs, en vertu des traités, ne nous appartient pas. Nous 
          y sommes seulement pour protéger les Arméniens. Nous ne 
          demandons qu'à la quitter, c'est le vu exprès du 
          général Gouraud lui-même, et nous avons, depuis 
          plus d'un an, entamé, à ce sujet, avec les Turcs de Kémal, 
          des négociations qui doivent être actuellement assez près 
          d'aboutir. Voilà qui va bien, direz-vous. Il y a tout de même 
          un petit inconvénient : c'est que nous allons garder la Syrie, 
          qui de longtemps ne vaudra pas grand-chose, et lâcher la Cilicie 
          qui, avant la guerre, exportait 300.000 tonnes de coton : 300.000 tonnes, 
          c'est-à-dire exactement ce que consomment nos filateurs ! Et 
          les 300.000 tonnes de Cilicie sont, ou redeviendront toutes prêtes, 
          tandis que, sur le Niger, il faut irriguer, planter, attendre quinze 
          ans, trouver de la main-d'uvre. 
          
          Il est clair qu'il faut préparer la mise en valeur du Niger. 
          J'en demeure d'accord avec M. Angoulvant. Mais ne perdons pas de vue 
          les possibilités beaucoup plus immédiates de la Cilicie. 
          Elle n'est pas à nous, c'est entendu. Mais, tout de même, 
          nous l'occupons. Nous voulons nous en aller, et nous avons raison, c'est 
          entendu encore ; mais en négociant avec les Turcs cette évacuation, 
          n'oublions pas le coton de Cilicie, arrangeons-nous pour que ce soit 
          à Marseille qu'il arrive, et non pas à Liverpool. Cela 
          ne doit pas être impossible : les Turcs désirent que nous 
          quittions la Cilicie, mais ils ont besoin aussi, contre les ambitions 
          grecques, d'un appui que, d'ailleurs, nous sommes prêts à 
          ne pas leur marchander. " 
          
          Or, depuis l'époque à laquelle M. Pierre Mille écrivait 
          ces lignes, la Cilicie a été évacuée, et 
          il n'apparaît pas que les 300.000 tonnes de coton, dont il est 
          question dans son article, prennent plutôt la route de Marseille 
          que celle de Manchester ! Le budget est aussi obéré, le 
          projet de l'ingénieur Bélines semble abandonné, 
          mais nous avons toujours besoin de coton. 
          
          M. V. Davin, sous-directeur honoraire du Jardin Botanique de Marseille, 
          donnait récemment les intéressantes indications ci-après 
          sur la culture du cotonnier : 
          " Le coton nous est fourni par plusieurs espèces de cotonniers 
          ; les unes sont vivaces, c'est-à-dire qu'elles subsistent pendant 
          plusieurs années et, de ce fait, atteignent des dimensions assez 
          grandes, maintenues néanmoins par la taille et les pincements 
          ; de ce nombre est le cotonnier du Pérou ; les autres espèces 
          sont annuelles ; elles doivent être semées chaque année 
          ; dans cette section sont les cotonniers des Barbades, herbacée 
          et hirsute ; toutes ces espèces, et d'autres encore, ont donné, 
          par la culture, un nombre considérable de variétés, 
          adoptées aujourd'hui, selon leur valeur et leur mérite, 
          par les cultivateurs du monde entier. 
          
          Cette plante pousse rapidement, elle est fort agréable à 
          l'il ; son feuillage rappelle quelque peu celui de nos platanes 
          ou de nos vignes, avec des dimensions assez analogues ; ses fleurs sont 
          assez grandes, elles peuvent être jaunes, rouges ou blanches, 
          selon les espèces ou variétés, avec ou sans macule 
          dans le fond de la corolle ; à ces fleurs succèdent des 
          capsules vertes, de la grosseur moyenne d'une grosse noix ; elles sont 
          plus ou moins pointues vers leur extrémité ; à 
          leur maturité, elles s'entr'ouvrent par trois ou cinq valves, 
          et, dans chaque loge, se trouvent de cinq à dix graines, revêtues 
          de longs poils, qui constituent le coton. 
          Ce que réclame cette plante pour donner des résultats 
          intéressants réside dans les conditions suivantes : 
          
          Un sol léger, perméable, profond et riche en humus, exposé 
          à la grande lumière ; les terres d'alluvion, situées 
          sur les berges ou à l'embouchure des fleuves et des rivières, 
          réunissent, pour cette culture, des avantages considérables. 
          Le climat doit être tempéré, chaud ; la zone qui 
          parait la plus favorable est celle qui est située aux environs 
          du 34ème degré de latitude. La chute d'eau pendant la 
          période active de la végétation, qui a une durée 
          moyenne de cinq mois, doit être de 50 centimètres à 
          un mètre. Le voisinage de la mer est favorable à ces plantes 
          et aussi à la qualité du coton. Il faut encore qu'à 
          la maturité des gousses productrices corresponde une période 
          sèche et ensoleillée, éminemment favorable à 
          la dessication du produit récolté. " 
          
          A maintes reprises, des tentatives ont été faites pour 
          cultiver le coton en Algérie. 
          
          En 1853, le Gouvernement de la Métropole, comprenant le haut 
          intérêt que présentait l'extension rapide de la 
          culture du coton en Algérie, prit une série de mesures 
          pour encourager les colons. L'administration réservait la fourniture 
          des semences. 
          
          De différents rapports rédigés sur les cultures, 
          il paraît résulter que le coton algérien, dit Géorgie, 
          n'était pas bien fixe dans ses cultures, tout comme l'Égyptien 
          de nos jours. On constatait une grande inégalité dans 
          les pieds. On s'en prit naturellement au Gouvernement, l'accusant de 
          livrer des graines en mélange et c'était une façon 
          de reconnaître déjà le grand intérêt 
          d'une sélection qui assurerait la prédominance de certains 
          individus fertiles. 
          
          On considère généralement la guerre de Sécession 
          comme un événement ayant singulièrement favorisé 
          la culture du coton en Algérie, en raison des hauts prix pratiqués. 
          C'est une erreur en ce qui concerne l'Algérie. En raison des 
          hauts prix pratiqués, tous les cotons donnaient des bénéfices 
          considérables et l'excellent coton de Hardy, non seulement n'était 
          plus sélectionné, mais il était submergé 
          par des cotons inférieurs de toutes provenances. Avec des fluctuations 
          diverses, la culture du cotonnier a été poursuivie en 
          Algérie et, en mars 1917, M. le docteur Trabut, directeur du 
          Service botanique, pouvait publier une notice encourageante et d'un 
          optimisme qui n'a rien - les événements l'ont démontré 
          - d'excessif. 
          
          Nous en extrayons le suggestif passage que voici : " Après 
          douze années de culture du coton d'Égypte en Algérie, 
          on peut admettre que les rendements sont au moins aussi élevés 
          que dans les cultures égyptiennes bien soignées. Dans 
          les bonnes cultures, en Égypte, on obtient 24 quintaux de coton 
          brut, tandis que dans les terres peu fertiles, la récolte descend 
          à 6 quintaux ; le rendement moyen est de 12 à 13 quintaux. 
          Ce rendement moyen a presque toujours été dépassé 
          en Algérie dans les cultures de Bône, Philippeville et 
          de l'Oranie. M. Colin, à l'Union du Sig, a, depuis 1907, obtenu 
          un rendement jamais inférieur à 15 quintaux et atteignant 
          plusieurs fois 23 quintaux à l'hectare ; en 1910, sa récolte 
          de 88 quintaux a été vendue 13.000 francs. Il faut, dans 
          ce rendement, tenir compte des prix très élevés 
          en ce moment. La Coopérative cotonnière d'Orléansville 
          a eu, en 1917, des offres au prix de 600 francs les 100 kilos, coton 
          libre. Les cotons égyptiens récoltés en Algérie 
          ont conservé toute leur valeur ; les récoltes de parcelles, 
          dont la graine avait été sélectionnée, ont 
          été trouvées, à Manchester, supérieures 
          à la moyenne des égyptiens et ont étonné 
          les filateurs par la finesse et la régularité des fibres. 
          " 
          
          Un groupement cotonnier de la Seine-Inférieure, réunissant 
          en cartel 40 filatures, s'est formé pour tenter un nouvel essai 
          de culture du coton en Algérie. C'est l'Extrême-Sud constantinois 
          qui a été choisi pour siège de cette culture, par 
          ce cartel dénommé Compagnie cotonnière. Elle y 
          creuse des puits artésiens et dépense chaque mois, en 
          salaires, des sommes élevées pour la plus grande prospérité 
          de la région. 
          
          Les indigènes voient d'un fort bon il ces travaux qui sont, 
          pour eux, une source de bien-être et de profits. 
          M. Gabriel Lion, de Rouen, à l'obligeance de qui nous devons 
          les intéressantes photographies que nous publions, fonde sur 
          les cotons de Tolga les plus vives espérances. 
          
          Nous les partageons volontiers. 
          
          Ainsi se trouveraient réalisés les désirs de tous 
          les industriels français, de voir de plus en plus notre pays 
          puiser, dans ses colonies, les matières premières, pour 
          le plus grand essor de la Nation et la solution rapide de la crise de 
          la vie chère...